Lleyton n'arrêtait pas de faire des bulles avec sa petite bouche. Cela me faisait rire, et me rendait extrêmement nostalgique surtout. Ella me fit savoir que les rendez-vous chez le pédiatre étaient parfois pesantes pour elle. Il y avait pas mal d'inconvénients à être une jeune maman, surtout pour la première fois, mais c'était un cadeau formidable de la vie d'un autre côté. « Profites-en tu sais, c'est la plus belle période, et puis, ça passe tellement vite. Regarde Carlie va avoir onze ans, j'ai rien vu passer... » dis-je en soupirant. C'est vrai qu'elle allait déjà presque rentrer dans la période de l'adolescence, j'aurais tellement voulu partager les moments où elle n'était encore qu'un bébé avec Felix. En attendant, je n'arrêtais pas de regarder Lleyton, c'était un magnifique bébé, et j'étais certaine que, plus vieux, il charmerait beaucoup de demoiselles. « Comme tu es beau, ah tu vas en briser des cœurs toi plus tard, je le sens.. Un vrai don juan ! » Il me tendit d'ailleurs un de ses plus beaux sourires en échappant un petit rire, à croquer. Carlie aussi était une jolie petite fille, nous l'avions plutôt bien réussie, avec ses beaux cheveux blonds et ses yeux gris. Ella me fit savoir que Lleyton ne faisait pas encore ses nuits. « Comment ça ? Qu'est-ce qu'elle dit maman ? Tu ne fais pas tes nuits ?! » continuais-je en m'adressant à lui. Je lui fis les gros yeux mais apparemment cela n'avait pas l'air de l'impressionner tant que ça puisqu'il continuait de me faire ses mimiques adorables. Oui, la période 'jeune maman' me manquait beaucoup, et 'parler à un bébé' en faisait partie.

« Tu veux peut-être essayer de le faire dormir ? J'ai encore le lit de bébé de Carlie si tu veux. » dis-je en désignant les escaliers qui menaient aux chambres de la main. Si Lleyton ne parvenait pas à faire ses nuits chez lui, je doutais qu'il dorme ici, dans un endroit qu'il ne connaissait pas, mais bon, on ne sait jamais. Pourquoi j'avais gardé ce lit ? Sûrement parce que j'avais une tendance à trop m'attacher aux choses, aux objets, et puis, ce lit, Carlie y avait passé toutes ses nuits étant bébé alors, j'y tenais particulièrement. Et puis, peut-être qu'un jour, il me resservirait pour un deuxième, qui sait ? Enfin, je venais à peine de retrouver Felix, cela faisait quelques jours que nous étions ensemble, il n'habitait même pas ici, donc j'allais devoir attendre pour espérer avoir un deuxième enfant.

Carlie sauta de joie quand Ella lui proposa des kinder bueno, puis, évidemment, elle se précipita sur la poussette du petit Lleyton pour y dénicher les fameux gâteaux. Quelle gourmande ! Elle venait à peine de lécher le restant de pâte dans le saladier qu'elle demandait encore du sucre. J'ouvris de grands yeux hébétés en apercevant ses moustaches autour de sa bouche. « Carlie ! Qu'est-ce que c'est que ça ? Viens voir par là... » Elle savait qu'elle avait fait une bêtise, et, avant de prendre les kinder bueno, elle se dirigea vers moi tête baissée. Lorsqu'elle fut face à moi je lui redressa doucement le menton avec ma main pour constater l'ampleur des dégâts. Je me mis à rire un peu, Carlie ressemblait énormément à son papa sur ce point. « J'en étais sure ! File te débarbouiller, tu n'as pas honte ? Même Lleyton est plus propre que toi quand il mange. » Aussitôt le petit se mit à gazouiller en souriant dans les bras de sa maman, comme s'il avait compris qu'on parlait de lui. Je me mis à sourire, et Carlie s'exécuta en allant se nettoyer le visage.

J'avais tellement de choses à raconter à Ella. Je ne l'avais pas encore mise au courant du fait que j'avais enfin retrouvé le papa de ma fille et surtout, que nous étions ensemble depuis seulement quelques jours. J'avais hâte de lui raconter tout ça, et d'observer sa réaction. Et puis, je ne savais pas non plus comment se passait sa vie avec son copain. Je lui proposa de nous installer sur le canapé histoire de pouvoir papoter tranquillement entre filles. Elle n'avait que dix-huit ans, mais je m'en fichais, au contraire, j'adorais être avec elle. J'avais l'impression de redevenir jeune. Non pas que j'étais arriérée, mais avec le travail, ma nouvelle vie de famille, ma maison... j'aimais bien prendre un peu de temps pour moi et oublier un instant tous ces tracas de femme de trente ans. « J'ai des cupcakes dans le four, ils devraient pas tarder à être prêts. Tu veux boire quelque chose ? » lui demandais-je en retirant mon tablier. Carlie s'était mise à côté de son ancienne baby-sitter préférée, kinder bueno en pleine bouche, et lui fit savoir tant bien que mal combien elle était heureuse de la voir.

Don juan oui, mais je comptais bien sur Ella pour veiller à ce que Lleyton respecte les filles. Je lui souris. Enfin, elle avait bien le temps de se tracasser pour ça ! Pour l'instant il fallait surtout qu'elle veille à ce que ses couches soient propres et son biberon plein, pour le reste elle verrait plus tard. Ella garda donc son fils dans ses bras puisqu'il serait bien sur incapable de dormir ici. Je la vis l'embrasser sur le crâne, et je n'avais pas pu m'empêcher de sourire, attendrie. J'adorais voir une mère avec son enfant, c'était pourtant mon quotidien mais je ne me lassais jamais de cette image. Il n'y avait rien de plus beau selon moi. Je me dirigeais dans la cuisine tout en lui demandant si elle désirait que je lui offre quelque chose à boire.« Oh bah oui tu penses ! » échappais-je de la cuisine. Du jus de fruit ? Une maman a toujours des choses sucrées en réserve, sinon ce n'est pas une vraie maman. J'étais étonnée de cette question, Ella ne me connaissait visiblement pas assez depuis le temps ! Évidemment que j'en avais, c'était comme demander à une bonne sœur si elle avait une bible, enfin bref. Je sortis alors une bouteille du frigo et des verres tout en surveillant mes gâteaux qui ne devraient plus tarder à être cuits maintenant. En attendant, une odeur délicieuse s'était répandue dans la maison. Ella me demanda de me dépêcher de revenir dans le salon avec elle pour qu'on l'on puisse enfin papoter sur nos vies respectives bien mouvementées. « J'arrive ! » Assez vite, je la rejoignis avec un plateau que je posais sur la table basse.

Une fois assise sur le canapé à ses côtés, je ne pouvais plus me retenir longtemps de lui raconter que ma vie venait de prendre un tournant important. J'étais tellement heureuse. J'affichais déjà un sourire immense rien qu'en y pensant. « Bon, alors, il faut que je te raconte. » Mon dieu, j'avais l'impression de me retrouver dans la cour du lycée avec une copine en prononçant cette phrase 'introductive'. De toute façon, en ce moment j'avais l'impression d'être une adolescente folle amoureuse, je ne touchais plus terre. Même à la maternité, j'étais ailleurs et dieu merci cela n'avait pas de conséquence sur la qualité de mon travail, du moins je m'efforçais que cela n'en ai pas. « Figure toi que … le papa est de retour. » déclarais-je tandis que j'ouvrais la bouteille de jus de fruit en lançant un regard plein de mystère à Ella. Je regardais ma fille entre temps qui affichait un sourire jusqu'aux oreilles. « Oui ! On a retrouvé papa ! » s'exclama t-elle entre deux bouchées de kinder bueno. Je souris assez largement, la situation me faisait rire. Ah, qu'elle était heureuse d'avoir enfin son papa. J'avais envie de faire comprendre à Ella avec des mots amusants que je n'avais pas fait que de le retrouver mais j'avais peur que cela choque Carlie. « Il a même embrassé maman ! » Voilà, comme ça c'est fait et on en parle plus. Comment résumer une demie heure de conversation en deux secondes. Vive le suspens insoutenable. Ma fille se mit alors à rire. Je la regardais en fronçant les sourcils et soupirant pour lui faire comprendre qu'il fallait qu'elle se taise pour laisser plus de suspens, et surtout parce que je comptais bien lui dire moi-même, mais c'était trop tard. Ah ces gosses ! « Enfin voilà quoi. » concluais-je en haussant les épaules avec un petit sourire timide qui en disait long. Ouais, j'avais enfin trouvé l'amour quoi, et en prime c'était le papa de ma fille que je n'avais pas revu depuis dix ans, alors que demande le peuple ? Je n'osais pas trop en dire davantage en présence de Carlie, mais de toute façon, je pense que les deux filles avaient compris. Je les servais ensuite toutes les deux. « Je te le présenterais si tu veux. Tu vas l'adorer. » Du moins, je l'espérais, parce que Felix était vraiment une personne formidable, et comment ne pas s'entendre avec lui ? Je pouvais dire la même chose pour Ella d'ailleurs.

Ella avait vraiment l'air heureuse pour moi, mes parents l'étaient, les parents de Felix aussi … bref, c'était que du bonheur ! Un peu trop peut-être, en tout cas je le savourais tant qu'il était là, j'en avais tellement bavé ces dernières années ! Il y eu un petit blanc pendant lequel j'en avais profité pour regarder le petit Lleyton attraper les cheveux blonds de sa maman, puis je sortis de ma rêverie pour me rendre compte qu'Ella paraissait, malgré ses sourires, tracassée par quelque chose. Je le sentais, oui, même dans ma bulle toute rose. Son mal être était palpable. Ella, je la connaissais si bien depuis le temps, presque comme si je l'avais faite. Quelque part, ça me faisait un entraînement pour quand Carlie atteindrait la période tant redoutée de l'adolescence. Je me voyais déjà avec Felix chercher de la drogue, des cigarettes ou des préservatifs en douce dans ses poches ... quelle horreur ! Malheureusement pour nous elle allait bien assez vite trouver d'autres occupations plus intéressantes que celle de manger des kinder bueno.

C'est à ce moment que je réalisa alors que la visite d'Ella n'était peut-être pas si anodine que ça. Elle avait sûrement besoin d'aide. Je m'en voulais de ne pas m'en être aperçue plus tôt. Je rompis enfin le silence, tentant d'en savoir plus. « Ella … J'ai l'impression que ça ne va pas très fort. Je me trompe ? » Elle ne répondit rien, et je la vis baisser doucement les yeux. Je compris alors très vite que mon impression avait été bonne. Mon dieu, je venais de lui déballer ma vie de princesse avec un sourire jusqu'aux oreilles mais je ne m'étais pas doutée une seule seconde qu'elle pouvait aller très mal de son côté. Mon sourire angélique disparut et mon visage adopta un air plus grave, inquiet même. Qu'avait t-il bien pu se passer ? Un tas de questions se bousculaient dans ma tête. « C'est Mattia c'est ça ? » j'avais eu envie d'introduire 'encore' dans cette question, mais je m'étais abstenue. Apparemment, j'avais visé juste. Ella m'adressa un petit 'oui' de la tête. En prononçant ce prénom, j'avais eu le sentiment d'avoir réveillé son angoisse, le fond du problème qui allait certainement nous occuper une bonne partie de l'après-midi. Elle savait qu'elle pouvait tout me raconter, elle m'en avait déjà tellement dit sur sa vie et son quotidien auparavant. Je savais qu'elle avait des problèmes avec son petit-ami. En même temps, c'est pas facile tous les jours d'être parents à seulement dix-huit ans. A ce moment là, je m'attendais à tout. Je pouvais tout entendre, mais avant, je voulais m'assurer d'être seule à seule avec Ella pour pouvoir lui parler librement. Je me tournais vers ma fille pour l'embrasser sur le front. « Chérie, je crois que tu as des devoirs à faire non ? Je te rappelle pour les cupcakes. » lui dis-je tout en caressant ses longs cheveux, espérant qu'elle comprenne qu'on entamait là une discussion de femmes trop sérieuse à laquelle elle n'était plus conviée. Loin d'être bête, et encore moins aveugle, la petite se rendait bien compte elle aussi que notre Ella n'était pas au top de sa forme. En s'en allant, Carlie déposa un baiser sur la joue de son ancienne baby-sitter. Je remarquais que ma fille avait un peu pris en maturité ces derniers jours, peut-être était-ce le fait d'avoir retrouvé son papa, mais avant, elle aurait ronchonné et demandé le pourquoi du comment elle était renvoyée dans sa chambre, ce qu'elle ne fit pas cette fois-ci. Elle n'était de toute évidence pas encore assez mature pour pouvoir participer à notre conversation.

Mes sourcils se froncèrent. Je n'en revenais pas que tout s'était effondré pour Mattia, lui qui rêvait d'une brillante carrière dans le tennis. J'affichais un air stupéfait, la main plaquée sur ma bouche, et je l'étais vraiment, jamais je n'aurais pu imaginer qu'il se retrouve dans une telle situation. Je l'avais écoutée avec attention, hochant la tête quand elle me rappela que le tennis comptait énormément pour lui. « Mon dieu... J'en reviens pas. Mais ça a du être terrible pour lui. T'aurais dû m'appeler. » Comment avait-elle pu gérer ça ? C'est à ce moment précis que je réalisa qu'il fallait que j'enfile mon costume de 'super deuxième maman d'Ella'. Je n'étais pas psy et je n'avais pas non plus une baguette magique pour réparer la rotule de Mattia, mais je me devais de lui donner quelques précieux conseils d'amie pour l'éclairer. Son petit-ami était à plaindre, c'est sûr, tous ces efforts pour en arriver là, c'était plus que rageant. Je ne savais pas trop par quoi commencer, j'étais tellement sous le choc. « Bon, déjà, c'est normal qu'il soit perturbé, après je pense que chacun a sa façon de réagir par rapport à ça. » Chaque être humain est différent et il existe sûrement autant d'êtres que de manières de réagir face à ce genre d'évènement. Tout ce qu'Ella pouvait faire, c'était lui accorder du temps qui s'avérerait sûrement plus réparateur que des reproches. Je connaissais Ella, je savais qu'elle n'était pas le genre de fille à faire des reproches, mais plutôt à se faire culpabiliser pour un rien. « Ensuite, peut-être que tu devrais lui laisser un peu de temps... Je sais que c'est dur, t'y es pour rien dans tout ça, mais il t'aime. Il t'aime j'en suis sûre, et il a sûrement besoin de prendre ses distances avec toi pour gérer ça tout seul. » Et Ella, elle ferait quoi en attendant ? Elle devrait attendre. Oui, attendre que monsieur soit enfin en mesure d'assumer son rôle de père et de petit-ami. La pauvre. Je la plaignais, je les plaignais tous les deux en fait, mais surtout Ella. Elle ne méritait pas un tel traitement. Je ne pouvais pas trop être objective puisque j'étais beaucoup plus proche d'elle que de Mattia, mais quand elle m'avoua qu'il sortait jouer au coureur de jupons, à l'alcoolique bref à l'irresponsable pendant qu'elle restait seule à attendre son retour, je ne ressentais tout à coup plus tellement de compassion pour lui.

« J'espère juste qu'il va s'en remettre rapidement, parce qu'il a un gosse et une fabuleuse petite amie quand même, et ça, ça vaut bien plus qu'une belle carrière de tennisman. Il a intérêt de s'en rendre compte, et vite. T'as bien mis ton rêve de côté pour ta famille toi. » Mon agacement se faisait sentir tout à coup, particulièrement quand j'avais prononcé la dernière phrase. J'avais même été plutôt sévère, mais au moins j'exprimais clairement mon opinion. Je voulais faire comprendre à Ella qu'elle n'avait absolument pas à culpabiliser, et qu'elle ne devait pas non plus trop plaindre son petit-ami. Ce n'était pas mon habitude d'être si dure, mais j'en voulais à Mattia. J'étais énervée par rapport à son comportement. Il faisait horriblement souffrir Ella, surtout au point qu'elle vienne me rendre visite. Certes, il vivait une situation difficilement acceptable, mais acceptable tout de même, avec du temps. Je trouvais cela un peu égoïste de sa part que d'ignorer sa petite amie et les pleurs de son enfant, tout ça parce que son rêve s'était brisé. Était-ce aussi une raison pour aller coucher avec n'importe qui ? Bon, pour coucher avec n'importe qui, je n'étais pas très bien placée pour donner des leçons, mais à l'époque, je n'avais pas un petit-ami, et encore moins un bébé qui m'attendait chez moi. Après tout Ella aussi avait mis entre parenthèses sa carrière de nageuse pour privilégier Lleyton, et je n'avais pas pu m'empêcher de le lui rappeler. Il pourrait toujours rebondir sur autre chose, arbitre ou même coach, ce n'était pas non plus la fin du monde. Mais encore une fois, il n'avait que dix-huit ans, à cet âge normalement, on a pas un bébé qui attend dans sa chambre et qui demande à ce qu'on s'occupe de lui, qui demande l'amour de son père, tout simplement. C'était donc deux fois plus dur à avaler pour lui que pour un adulte.

Je poussais un long soupir en la regardant. J'étais vraiment navrée pour Ella, et ce petit Lleyton qui subissait tout ça alors qu'il était innocent dans l'histoire. Lui aussi, il devrait attendre et subir l'indifférence de son père pendant ce temps. « Ça va s'arranger, tu sais que je suis là si t'as besoin. » Ma main vint se poser sur son épaule, et je lui tendis un petit sourire qui se voulait rassurant tout en jetant un œil à Lleyton dans ses bras. Oui, j'étais toujours là pour eux, quoiqu'il arrive. Ella savait qu'elle pouvait compter sur moi et que la porte de ma maison resterait toujours grande ouverte pour elle. Je ne l'abandonnerais jamais, je ne pouvais pas de toute façon. J'avais du mal à réaliser qu'elle pouvait être délaissée et humiliée de cette façon, par son propre copain et le père de son enfant. Une question me trottait cependant dans la tête. « Mais dis moi, tu le laisses pas faire j'espère ? Attends, il sort comme ça, n'importe où … pour faire le con … avec un enfant, et toi seule à la maison, c'est pas possible. Il réagit comment quand tu l'empêches de partir ? » Il lui faisait déjà du mal moralement, je voulais m'assurer qu'il ne la fasse pas aussi souffrir physiquement.

J'émis un petit rire en l'entendant être aussi dure avec elle-même. « Mais tu n'es pas monstrueuse Ella, personne ne l'est dans cette histoire. On ne peut pas te reprocher d'avoir hâte que Mattia redevienne celui qu'il était avant. C'est légitime. Ne me dis pas que tu te sens fautive dans tout ça ? C'est lui qui déconne, mais personnellement je trouve sa réaction disproportionnée. Toi t'y es pour rien, tu demandes juste à être aimée et respectée. » Je n'en revenais pas qu'elle s'en voulait et se reprochait d'être trop impatiente, monstrueuse même. D'ailleurs j'avais ouvert de grands yeux en entendant ce mot sortir de sa bouche. Ella ? Monstrueuse ? Elle m'avait fait rire. Si Ella était un monstre, tout le monde pouvait l'être alors. J'avais soudain envie de la secouer, et lui faire ouvrir les yeux une bonne fois pour toutes. Mais bon, culpabiliser pour rien, c'était tout elle, je la reconnaissais bien. « Arrête d'être aussi dure avec toi-même. Tu te fais du mal, vraiment. » Je savais que je parlais dans le vent, elle ne m'écouterait pas. Si quelqu'un devait culpabiliser, c'était bien Mattia, mais Ella ne pouvait pas s'empêcher de s'en vouloir pour quelque chose, c'était plus fort qu'elle. Après tout, elle était la victime dans tout ça. Mattia aussi était victime, mais la différence c'était que lui il le faisait payer à des innocents, dont Ella.

Je levai les yeux au ciel quand elle répliqua que Mattia n'avait pas choisi cette situation. Encore une fois, elle le défendait. « Ouais d'accord, c'était ton choix, mais si les rôles avaient été inversés, je ne pense pas que tu l'aurais délaissé comme tu dis qu'il le fait. C'est juste … dégueulasse. » dis-je en affichant une petite grimace. Ella me remercia d'être là en prenant ma main. C'était naturel, je ne pouvais pas la laisser comme ça. Je n'avais rien fait d'exceptionnel, j'étais juste là quand elle avait besoin, mais j'espérais tout de même l'aider à recoller les morceaux avec Mattia. Tout à coup une odeur de brûlé vint titiller mes narines, et c'est à ce moment que je me rappela que j'avais mis les fameux cupcakes de Carlie au four. J'avais brièvement quitté Ella en m'excusant pour partir assez rapidement dans la cuisine. En ouvrant la porte du four, un nuage de fumée envahit la pièce et je constata que les gâteaux donnaient tout à coup beaucoup moins envie. « Et merde, les cupcakes sont brûlés ! » m'exclamais-je de la cuisine. Ils étaient complètement noirs, je ne pouvais pas présenter ça à Ella. Il allait falloir se contenter de ses kinder bueno.

En revenant dans le salon, je regardais Ella, les mains posées sur mes hanches. En fait, j'étais en train de réfléchir. Je réfléchissais à une solution potable, et surtout qui serait utile pour leur couple. J'eus soudain une idée pour éloigner un peu Ella de Mattia, afin qu'ils cessent de s'agacer mutuellement. Je pensais réellement qu'un petit break leur ferait du bien, puisqu'apparemment la cohabitation était devenue plus que difficile entre eux. J'avançais alors vers le canapé en la regardant. « Tu sais quoi ? Ce qu'il a besoin en fait, c'est d'une bonne claque. Il faut que tu lui fasses peur pour qu'il se rende compte qu'il t'aime, et qu'il peut pas se passer de toi, de vous deux. » Bonne ou mauvaise, c'était la seule solution que je pouvais proposer à Ella, au niveau où je me trouvais. Elle devait l'ignorer, puisqu'il était indifférent à ses remarques apparemment. En lui proposant cette alternative, je me disais qu'au fond, c'était peut-être trop demander à Ella. Elle qui le cajolait, qui veillait toujours à ce qu'il ne soit pas froissé … La connaissant, je doutais qu'elle puisse être capable de couper les ponts ne serait-ce que quelques jours avec lui. Pourtant, Mattia, il lui fallait un choc pour lui remettre les idées en place et lui rappeler quelles sont les priorités dans la vie. Je ne voyais que ça pour espérer que cela puisse s'arranger puisque plus rien ne semblait fonctionner. Je me sentais un peu démunie, mais j'abattais là ma première et dernière carte. « Viens passer quelques jours à la maison avec Lleyton pour oublier tout ça, ça me dérange pas du tout tu sais. Une fille de plus ou une de moins … et puis ici, c'est un peu chez toi aussi. » Je lui souris de nouveau. Au contraire, avoir Ella sous mon toit pendant quelques jours ferait mon bonheur, et si ça pouvait apaiser ses tensions avec Mattia, je serais encore plus heureuse. Et puis, j'avais déjà une fille à la maison, alors deux, c'était pareil pour moi.

Lui infliger ça ? Elle ne voulait pas lui infliger ça ? Et lui, qu'est-ce qu'il lui infligeait alors ? Il n'avait pas l'air de se poser trop de questions de son côté apparemment. S'il l'aimait vraiment, alors cette solution aurait de l'importance à ses yeux. Ah, je me doutais bien qu'elle n'allait pas accepter. C'était bien trop brutal, ça perturberait trop son quotidien et puis ce n'était pas son genre de se conduire comme ça. Pourtant, c'est ce que j'aurais fait à sa place. C'était risqué certes, elle pouvait le perdre, mais ça avait le mérite de pouvoir peut-être faire bouger les choses, au lieu de rester là à attendre que la situation se décante toute seule. A sa place, je n'aurais pas toléré ça, je n'aurais pas toléré qu'on se moque de moi de cette façon. Je ne pouvais pas agir à sa place, et respectais donc sa décision. Décidément, Ella était trop sage et amoureuse, c'était au-dessus de ses forces d'aller à l'encontre de Mattia. Finalement, j'avais bien fait de ne pas choisir la filière du droit, j'aurais fait une très mauvaise avocate puisque j'étais complètement nulle pour convaincre. Ma plaidoirie en faveur de "l'éloignement provisoire d'Ella de Mattia" avait clairement été un échec. Je poussai un soupir en reprenant ma place à ses côtés. « Je comprends. Mais si un jour ça se passe mal, ou que t'en as trop marre de ce calvaire, ma maison reste ouverte. » Je me répétais, mais bon, il fallait qu'elle le sache. Sa présence ne me gênait pas le moins du monde. Intérieurement je me demandais ce qu'elle pouvait bien faire toute seule à la maison en attendant que Mattia rentre le soir. Elle devait sûrement pleurer dans son coin, rongée par la solitude et le doute.

« Ah oui ça j'avais bien remarqué que t'en étais complètement mordue ! » m'exclamais-je en riant. Elle m'avait dit ça avec presque les larmes aux yeux et une telle sincérité, c'était trop mignon mais apparemment elle avait besoin que quelqu'un lui ouvre les yeux. « Ouais, n'empêche qu'il te fait vachement souffrir l'homme de ta vie en ce moment. » dis-je en affichant une moue pas convaincue par les propos d'Ella. Énième tentative de ma part pour espérer la faire redescendre sur terre. C'était beau à voir tout cet amour qu'elle avait à lui offrir, elle débordait de sentiments envers lui, c'était vraiment dingue. Remarque, je pouvais la comprendre. J'étais moi-même follement amoureuse, mais je n'étais pas dans sa situation. Mattia avait beau lui faire du mal, malgré ça elle restait de marbre parce que l'amour l'aveuglait complètement. C'était touchant, mais malheureusement j'avais l'impression que Mattia n'en ressentait pas autant en ce moment, ou en tout cas il cachait très bien ses sentiments. Honnêtement je pensais qu'il devait être tellement mal ces temps ci que tout ce qu'il ressentait était chamboulé. « Mais … c'est ça en fait, tu aimes souffrir Ella. » lui confiais-je avec un air amusé après avoir fait semblant de réfléchir. Ce n'était pas méchant, loin de là, j'avais envie de la faire rire histoire qu'elle décompresse. N'empêche que je le pensais un peu. En adoptant une telle attitude, Ella cherchait un peu le bâton pour se faire battre, mais son amour était trop fort. Trop fort pour qu'elle aie le courage de l'oublier quelques jours, et quelque part je la comprenais. « Oh, je plaisante. Je vais lui remonter les bretelles moi à ton Mattia, tu vas voir. Non sérieusement, qu'est-ce que je peux faire ? Parce que là j'ai beau réfléchir, j'aimerais bien t'aider mais j'ai plus d'idée. » C'est vrai, je ne savais pas quoi lui proposer pour que la situation s'arrange parce que tout ça se passait entre eux. Est-ce qu'il fallait que j'aille le voir ? Parce que bon, si elle venait me voir pour me raconter tout ça, c'était d'abord pour se débarrasser d'un poids mais aussi et surtout pour que je l'aide. En tout cas, je voyais mal Ella rester quelques semaines de plus dans cet état. Il allait falloir que ça s'arrange assez rapidement. « En tout cas tu peux pas rester dans cette situation et attendre que ça passe. Il faut faire quelque chose Ella. » Je la regardais droit dans les yeux, puis fis mine d'interroger Lleyton qui me regardait attentivement avec des yeux ronds. Il devait se demander qu'est-ce qu'on pouvait bien se raconter depuis tout à l'heure, si ça se trouve il était même vexé qu'on ne lui demande pas son avis ! « T'as une idée toi pour que papa arrête d'embêter maman ? » Il me sourit encore une fois, c'était un véritable petit ange ce gosse. Ce petit bout réussissait à détendre l'atmosphère à lui tout seul. Heureusement il ne comprenait pas ce que je lui disais, et pourtant il devait bien ressentir que quelque chose ne tournait pas rond. « Non, même lui il en a pas. » dis-je en souriant à Ella.

Encore une fois, je passai une main dans son dos que je fis remonter sur son épaule en signe de réconfort. De l'affection, voilà quelque chose qu'elle n'avait pas dû avoir depuis bien longtemps, hormis celle de son enfant évidemment, mais ce n'était pas pareil. Je voulais lui redonner le sourire, ce sourire que j'aimais tant voir sur ses lèvres, et qui la rendait encore plus belle. « T'en fais pas, je suis sûre que ça va s'arranger. Fais-moi confiance. » Je lui adressais un sourire qui se voulait rassurant et sincère, le sourire d'une maman qui croit en elle et qui ne l'abandonnerai pour rien au monde. Au fond, j'étais persuadée que ce 'petit coup de mou' était passager, et que leur couple allait rapidement repartir sur les rails. Passager, à condition que quelqu'un secoue Mattia évidemment, et je voulais être ce quelqu'un justement. En fait, je prévoyais déjà dans ma tête d'aller rendre une petite visite à ce petit crétin, de courtoisie d'abord, et puis ensuite je verrais comment les choses tourneraient. Elle croyait réellement que j'allais rester là les bras croisés ? Ce n'était pas mon genre, surtout que je considérais Ella un peu comme ma progéniture, alors hors de question pour moi de la laisser souffrir plus longtemps. Évidemment je ne voulais pas qu'elle le sache c'est pourquoi je ne lui avais laissé aucun indice sur ce que je projetais de faire, la laissant croire que je n'avais plus d'idée pour la sortir de ce pétrin. Si je lui faisais part de mon intention d'aller le voir, Ella me prierait sûrement d'abandonner cette idée, je le savais déjà, alors je n'avais rien dit à propos de tout ça.

Elle me fit part de sa solution : se consacrer à sa carrière de nageuse et à son fils. Exactement, j'étais complètement d'accord avec cette idée, mais je doutais pourtant que cela suffise à résoudre ses problèmes avec Mattia. « Oui, essaye t'occuper un maximum pour ne plus penser à tout ça, il va bien finir par se calmer, mais j'en reviens pas qu'il réagisse comme ça. Il exagère quand même. » J'étais en colère. En colère contre lui, et bien déterminée à le faire réagir sur les conséquences de son comportement. Je songeais vraiment que Mattia n'avait pas les épaules assez solides pour assumer son rôle de papa. Normal, à seulement dix-huit ans, et pourtant Ella, elle, semblait se débrouiller à merveille. L'instinct maternel, sûrement. Je l'admirais vraiment, ma petite Ella. D'ailleurs j'étais prête à tout pour elle, parce qu'elle le méritait et qu'elle était une fabuleuse jeune femme bourrée de qualités. Elle en avait du courage pour élever Lleyton dans ces conditions, et aussi jeune surtout. Je regrettais sincèrement qu'elle vive ce cauchemar avec son petit-ami. D'après ce qu'elle m'avait raconté, autant être seule que vivre ce calvaire, c'était préférable. Ella ne méritait pas qu'on la traite comme ça. Je pouvais parfaitement comprendre ce qu'elle vivait, et tout ce qu'elle endurait en tant que maman, mais certainement pas en tant que petite-amie puisque mon expérience avait été quelque peu différente. En la regardant, j'avais l'impression de me voir quelques années en arrière. Une sorte de rétroviseur. Je me débrouillais tout aussi bien qu'elle à l'époque pour élever mon enfant, même si ce n'était pas tout rose tous les jours bien sûr.

Tout à coup, je vis que le soleil était réapparu à travers la baie vitrée, ce qui me tira d'ailleurs un petit sourire. « Tiens regarde il y a un rayon de soleil, tu veux aller au bord de la piscine ? » lui proposais-je avec enthousiasme, espérant que cette proposition lui ferait plaisir. La piscine, c'était son élément, et puis cette piscine là, elle la connaissait bien. Je la revoyais alors qu'elle était encore baby-sitter de Carlie, à jouer avec elle dans l'eau et à lui apprendre quelques mouvements de natation synchronisée. Je pensais que sortir au soleil nous ferait grand bien à toutes les deux, quitte à faire barboter Lleyton et à tremper nos jambes dans l'eau, au lieu de rester enfermées.

Ce soleil venait nous rendre visite au bon moment. Ella et moi en avions grand besoin, enfin surtout Ella. J'ouvris la baie vitrée pour que nous puissions faire quelques pas à l'extérieur, du moins au bord de la piscine, complètement illuminée par le soleil à présent. J'eus soudain une idée en voyant le petit Lleyton attiré par l'eau. Perché dans les bras de sa maman, il tendait ses bras en direction de la piscine, comme si toute cette eau turquoise le fascinait. « Ah attends, je reviens ! » Je me dépêchais de rentrer dans la maison et monter les escaliers pour aller dénicher les brassards de Carlie. Puis je songeai que Lleyton allait faire quelques mouvements dans l'eau, mais qui le tiendrait pendant ce temps et veillerait à sa sécurité ? Ella, évidemment. Je m'affairai donc dans la chambre pour mettre la main sur l'un de mes maillot de bain. Elle devait sûrement faire la même taille que moi, du moins je l'espérais, parce que je voulais vraiment qu'elle se change les idées et oublie ne serait-ce que quelques heures son Mattia. Une minute plus tard, je revenais au bord de la piscine aux côtés d'Ella avec les fameux brassards roses dans les mains, le sourire aux lèvres. J'allais avoir le plaisir d'observer les exploits de Lleyton dans l'eau. Je donnai les brassards à Ella qui s'empressa aussitôt de les gonfler autour des petits bras de son enfant. « On va voir si tu as hérité du talent de maman. » dis-je en m'adressant au bébé en riant. Vu le sourire adorable qu'il arborait, je pense que s'il avait pu parler, il m'aurait remercié. Il avait visiblement compris qu'il était en train de se préparer à explorer cette piscine fabuleuse. « Tiens, c'est pour toi. Les toilettes sont au fond à droite. » dis-je en me tournant vers Ella tout sourire, le maillot de bain suspendu dans ma main. Elle n'avait pas vraiment le choix à présent, et puis c'est vrai que je ne l'avais jamais vraiment vue nager, et quelque part, j'espérais qu'elle accepterait de me montrer un éventail de ce qu'elle savait faire. La natation synchronisée, je trouvais cela tout simplement magnifique. Je l'admirais d'être parvenue à atteindre un si haut niveau, malgré tout ce qui avait pu lui arriver.

Ella revint finalement vers nous, et pendant qu'elle enfilait le maillot, j'avais pu m'occuper de son petit en restant assise sur le transat. Ah, il n'avait pas quitté la piscine des yeux, tambourinant le sol avec ses tout petits pieds l'air de dire 'bon sang quand est-ce que je vais avoir le droit d'y aller ?', mais je l'avais tenu fermement. Je n'avais pas pu m'empêcher de penser qu'il se destinait peut-être à une carrière de nageur similaire à celle de sa mère ? « Ah bah voilà, tu es parfaite ! » Je lui souris alors qu'elle revenait vers nous. Mon maillot lui allait à ravir, et Lleyton compris tout de suite que l'heure de barboter était enfin arrivée. Il gazouillait d'avance à l'idée de nager avec sa maman. Ella descendit donc par l'échelle pour s'immerger dans l'eau, et vu l'expression de son visage, j'avais deviné qu'elle n'était pas à vingt degrés. Je grimaçai en la regardant. Oui, j'avais oublié ce détail. Je pris aussitôt le petit Lleyton qui n'en pouvait plus d'attendre dans mes bras pour le donner doucement à Ella qui lui tendait les bras. Il se mit à crier de joie, et à rire de plus belle. Inconsciemment un sourire immense s'était installé sur mon visage. Ils étaient magnifiques tous les deux, et à voir leurs grands sourires, j'avais le sentiment que ce petit moment les détendait et leur faisait grand bien. Après les avoir regardé un long moment, je retroussai ma robe pour m'asseoir sur le rebord de la piscine, les jambes dans l'eau. Oui, elle était un peu fraîche en effet, mais au moins j'étais avec eux. Ella entama une nouvelle conversation en parlant de Carlie. « Écoute, elle va très bien. C'est vrai que depuis qu'elle a retrouvé Felix, elle est sur son petit nuage, elle a même du mal à se concentrer à l'école parce qu'elle n'a qu'une hâte c'est de le retrouver à la sortie. » Amusée, je souris. Ça, c'était un peu embêtant pour elle, mais c'était passager. Je ne me faisais pas trop de soucis. Une fois qu'elle serait habituée à avoir un papa et qu'elle aurait passé beaucoup de temps avec lui, tout rentrerait dans l'ordre. « Sinon, je ne suis toujours pas au courant si elle s'est trouvée un petit amoureux. J'ai beau chercher des indices, la taquiner, rien à faire. » Je haussai les épaules en souriant. Elle avait bien le temps de se tracasser pour ça, et nous aussi ! Pourtant, j'aurais bien voulu qu'elle ai un amoureux, ce serait mignon et puis Carlie avait pris l'habitude de se moquer du couple que nous formions désormais avec son papa. Du coup, j'avais hâte de pouvoir à mon tour l'embêter avec son propre amoureux. « Remarque, c'est bientôt son anniversaire. Elle va peut-être inviter l'heureux élu, qui sait ?... » Je me mis à rire. Si elle avait entendu ce que je venais de dire à Ella, elle chercherait sûrement à me mettre à l'eau. D'ailleurs, en parlant du loup, une petite tête blonde surgit de la fenêtre ouverte au-dessus de nous. Elle souriait, comme si elle était contente de m'avoir prise sur le fait. « Je t'ai entendue maman ! Et j'ai pas d'amoureux ! » Ah, ça avait le mérite d'être clair au moins.

J'affichais un sourire crispé en regardant Ella après avoir entendu la réponse de ma fille. « Finis tes devoirs toi là-haut au lieu d'écouter les conversations ! » Carlie était extrêmement curieuse, comme beaucoup d'enfants de son âge. « Quelle fouine j'te jure ! » Enfin, je disais ça, mais dans le genre fouine je n'étais pas mal non plus ! Finalement, elle avait disparu du rebord de la fenêtre pour retourner à son occupation, enfin, c'est ce que je croyais. « Là-dessus je suis tranquille ! Il ne me semble pas que Lleyton ait trouvé une amoureuse à la crèche. » Oui, elle avait largement le temps de s'inquiéter avec ça. « En tout cas s'il fait les mêmes sourires là-bas qu'ici, il a de quoi en faire tomber plus d'une ! » Je riais avec Ella. Bien sûr, l'amour entre bébés n'existait pas vraiment, heureusement d'ailleurs, mais imaginer Lleyton charmer une autre petite avec ses sourires me faisait rire. Depuis qu'il était dans l'eau, il n'arrêtait pas de sourire ou de rire en éclaboussant sa maman. Il levait et baissait ses petits bras d'un coup juste pour sentir l'eau éclabousser sa bouille et pouvoir rigoler un bon coup. Ce gosse était adorable, je voulais le même.

Observant Lleyton, je ne savais pas que Carlie était descendue en douce de sa chambre, apparaissant derrière moi en posant son doigt sur sa bouche comme pour faire signe à Ella de ne pas cafter. Je ne m'étais pas appuyée sur le rebord avec mes mains, préférant les laisser sur mes jambes, donc Carlie n'avait pas eu besoin de beaucoup de force pour me pousser dans l'eau. J'émis un cri de peur en me sentant tout à coup poussée à l'eau, et sur le moment j'avais même eu peur d'écraser Ella et Lleyton. Ce qui était certain, c'était que je les avais bien éclaboussé tous les deux. Effectivement, l'eau était un peu froide, surtout quand on ne s'était pas préparée mentalement à y entrer. Je remontais à la surface, entendant donc tout le monde rire autour de moi, enfin surtout Carlie. Mes yeux me piquaient puisqu'évidemment mon mascara était en train de couler à l'intérieur, et j'essayai tant bien que mal de les essuyer. « Tu ferais mieux de te dépêcher de remonter là-haut avant que je te rattrape Carlie... » Elle était pliée en quatre, et se tenait même le ventre en me regardant complètement trempée. Le temps que je me sorte de là avec le poids de ma robe, elle avait largement le temps de retourner dans sa chambre, et en marchant ! Je fronçai les sourcils, plaçant mes mains sur mes hanches en esquissant un sourire. « Ça te fait rire ? » Elle me répondit par l'affirmative avant de continuer de rire aux éclats. J'essayais de la gronder, mais je crois que là ma crédibilité en avait pris un sacré coup. Carlie était clairement en position de force. Finalement, je me décidai à rejoindre doucement l'échelle pour me sortir de ce pétrin. « Je sors Carlie. » lançais-je d'un ton menaçant en la voyant toujours postée sur le bord de la piscine. « C'est bien maman ! » Le pire, c'est qu'elle en profitait pour se foutre ouvertement de moi en continuant de rire. Si elle était déjà comme ça à dix ans, ça promettait pour l'adolescence... Je la dévisageai en montant la première marche de l'échelle. « Comment ça 'c'est bien'? Attends que je t'attrape, tu diras pas ça. » En sortant de l'eau, je ne ressemblai plus à rien. Ma robe dégoulinait et était devenue transparente. Quant à mon visage, on aurait dit une déterrée. « Hey mais tu m'as rien dit toi ! » m'exclamais-je en regardant Ella avec un sourire. Bon, je ne pouvais pas vraiment me venger d'Ella, elle avait son bébé dans les bras et puis elle était déjà dans l'eau. Elle y échappait pour cette fois ! En revanche Carlie, elle, méritait tout à fait que je lui rendre la monnaie de sa pièce. Je m'approchai d'elle, mais évidemment, elle s'était mise à courir si vite que je n'avais pas eu le temps de l'attraper au passage. « Tu t'en sortiras pas comme ça... » Nous avions fait plusieurs fois le tour de la piscine en courant, jouant au chat et à la souris autour d'Ella et Lleyton. Elle voulait me fatiguer en espérant que j'abandonne, mais c'était mal me connaître. Alors qu'elle continuait de galoper comme une folle en criant, je m'étais retournée très vite en courant le plus vite possible pour la rattraper dans l'autre sens. Cette fois, elle était entre mes mains, et je la pris dans mes bras non pas pour lui faire un câlin mais pour frotter mon visage contre le sien histoire de la rafraîchir. Carlie criait, se plaignant que c'était froid … Forcément, c'était bien le but de la manœuvre ! Je riais en l'entendant frissonner. « Alors, tu dis plus 'c'est bien maman' maintenant ? » Je lui souriais. Elle faisait beaucoup moins la maline, et était pour le coup presque aussi trempée que moi. Je n'avais pourtant pas dit mon dernier mot. La prenant dans mes bras, je l'avais soulevée pour la suspendre au-dessus de la piscine, la menaçant de la jeter à l'eau. « Non ! Au secours Ella ! » Ah voilà, elle prenait Ella à partie, et je regardais l'intéressée en arquant un sourcil, me demandant dans quel camp celle-ci se rangerait.

« Ah désolée Carlie, je peux rien faire pour toi, j’ai un bébé dans les bras. » Je souriais à Ella en signe de reconnaissance, même si elle était un peu obligée de ne rien faire. « Merci Ella ! » Je n'étais donc pas toute seule, elle me soutenais quand même ! Carlie, quant à elle, avait l'air de paniquer de plus en plus, nous observant l'une après l'autre et réalisant qu'il n'y avait plus d'issue possible pour elle. « Et puis tu l’as bien cherché quand même, t’inquiète pas elle est bonne ! » Je riais, pensant qu'Ella avait vraiment raison : Carlie l'avait bien cherché, elle méritait amplement cette "punition", sauf que l'eau n'était pas bonne du tout, pour en avoir pris la température il y a quelques minutes. Même si Ella prétendait que l'eau était bonne, je doutai que cela suffise pour que Carlie se réjouisse d'y être jetée. Je vis ma fille entrouvrir la bouche en regardant Ella, n'ayant apparemment pas pensé une seule seconde que cette dernière retournerait sa veste. Finalement, après avoir obtenu l'accord d'Ella, je lançai ma fille encore toute habillée dans l'eau, n'ayant pas cédé à ses « Non pitié maman ! » J'avais pris un petit élan avant de la lâcher, alors autant dire qu'elle avait fait déborder la piscine ! Je riais, heureuse et satisfaite de pouvoir enfin savourer ma vengeance. Carlie nagea comme un petit chien dans l'eau puisqu'elle n'avait pas pieds, mais elle savait nager, après tout elle habitait ici depuis un an, alors elle avait largement eu le temps d'apprendre. Cependant, je la surveillai quand même, on ne savait jamais ce qu'il pouvait se passer, ça avait beau être une blague, je ne voulais pas qu'elle tourne en drame. Carlie gémissait en rejoignant l'échelle, et tremblait de froid. Oui, il aurait peut-être fallu y penser avant de me mettre à l'eau ! Moi aussi je commençais à avoir froid d'ailleurs, et ce petit vent n'arrangeait pas les choses. « Allez, on est quittes maintenant. » lui dis-je en lui accordant un clin d'œil alors qu'elle ronchonnait, se plaignant que ses vêtements étaient mouillés et qu'en plus, elle avait passé une heure à se coiffer. Je riais, songeant que j'avais donc plutôt bien réussi mon coup, ce qui avait l'air de l'agacer davantage. Elle était finalement retournée dans la maison pour courir se sécher, mais surtout se recoiffer. Carlie devenait de plus en plus coquette, prêtant une attention particulière à son apparence et essayant de rivaliser avec ses copines pour être la plus belle en toutes circonstances, même pour partir à l'école. D'ailleurs, depuis quelques temps, elle se permettait de donner son avis sur certaines de mes tenues ou de mes coiffures, s'accordant parfois même le droit de me lancer un 'ça, c'est très moche maman'.. Sacrée Carlie ! C'était ma fille, mais même si elle ne l'avais pas été, je me disais qu'elle n'avait vraiment pas de soucis à se faire pour ça. Elle était magnifique et allait devenir une très belle femme. « Ne mets pas d'eau partout ! » Je crois que là, j'en demandais un peu trop. Pour tout dire, j'exagérai carrément, ou disons plutôt que j'aimais jouer avec les nerfs de ma fille. Elle l'avait cherché, surtout qu'elle savait depuis le temps que quand elle me cherchait, elle finissait toujours par me trouver.

J'avais rapproché un transat près de la piscine pour me mettre à côté d'Ella, tout en prenant soin de le mettre face à la baie vitrée de sorte que je puisse anticiper une éventuelle contre-attaque de ma fille. Puis je m'allongeai sur le ventre au soleil histoire de sécher naturellement, Ella et Lleyton devant moi. Je lézardais, et je me sentais bien. Tant pis si j'avais l'allure d'un zombie avec mes yeux noirs, tant pis si ma robe était devenue transparente, Lleyton était bien trop petit pour pouvoir détecter quoi que ce soit de vulgaire. Alors que je regardais Ella jouer et parler à son bébé, je songeai à Mattia. Que pouvait-il faire de son côté avec sa jambe dans le plâtre en attendant le retour d'Ella ? Enfin, s'il l'attendait... « Et Mattia il fait quoi pendant ce temps ? » A vrai dire, je lui posais la question pour savoir à peu près dans quelles conditions elle était partie de chez elle. Si ça se trouve, ce que faisait son copain pendant ce temps, elle ne le savait même pas elle-même, mais si dispute il y avait eu, j'espérai qu'elle m'explique ce qu'il s'était passé pour cerner un peu plus le personnage. Je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de rencontrer Mattia, mais elle allait se présenter très prochainement. Du moins, j'allais tout mettre en œuvre pour qu'elle se présente. « Tu crois qu'il va t'en vouloir d'être venue me rendre visite ? Ou tu comptes lui mentir ? » Peut-être qu'il s'en foutait royalement qu'Ella vienne trouver du réconfort chez moi. C'était même quasi-certain, vu ce qu'elle venait de me raconter à propos de son comportement ces temps ci. Qu'elle lui mente me dérangeait aucunement, je voulais juste m'assurer qu'Ella ne paye pas les frais de cette visite une fois rentrée chez elle.

« Je t’avoue que je n’en sais rien, j’imagine qu’il récupère de sa soirée mais… je sais pas. » Ella avait l'air perdue dans ses pensées, à s'imaginer des tas de choses. Parce qu'apparemment, Mattia était capable de faire tellement de choses en son absence. Elle partait avec le bébé, et lui, il s'en fichait. Il faisait sa petite vie dans son coin sans se soucier d'eux. « Et … je suppose que si ce soir tu as le malheur de le questionner sur le sujet, tu vas très vite le regretter ? » Je savais d'ores et déjà que sa réponse serait positive, vu l'expression attristée de son joli visage. Quelle situation désolante. Pauvre Ella. Franchement, elle méritait tout sauf ça. Certes, il était au plus mal, mais en agissant ainsi, ou en s'abstenant d'agir dans certaines situations, il n'arrangeait pas son cas. D'ailleurs, ma question n'était pas sans arrière-pensée. En la posant, je cherchais un peu à tâter le terrain en en apprenant un peu plus sur ce Mattia que je comptais voir très vite. « Non t’en fais pas pour ça, je ne l’ai même pas chargé de Lleyton alors bon, il n’a aucune raison de m’en vouloir. Et puis, il ne m'accorde plus vraiment d'importance alors je crois que je pourrais être n'importe où ça ne changerait rien.» Là, elle venait de me scotcher sur place. J'écarquillai les yeux, n'en revenant pas de ce que j'entendais là. Je l'avais déduit de ce qu'elle m'avait annoncé dans le salon, mais en l'entendant de sa bouche, c'était encore plus dur à avaler. Elle ne l'avait pas chargé de s'occuper de Lleyton, alors tout allait bien pour lui. Il pouvait faire ce qui lui plaisait, pendant que sa petite-amie, elle, galérait avec ses responsabilités de maman. Qui plus est, il ne lui accordait plus vraiment d'importance, comme si elle n'existait plus dans sa vie. Il l'ignorait, en somme. Quelle tristesse, mon dieu, j'espérai ne jamais vivre ce genre d'expérience. Mais Ella, elle, la vivait actuellement, donc indirectement, je la partageai aussi avec elle même si évidemment cela n'avait pas du tout le même impact pour moi. « Ah oui, à ce point. » Je levai les sourcils, le regard dans le vide, encore choquée par cette réponse. J'avais hâte de pouvoir toucher deux mots de cette histoire à Mattia. C'était devenu urgent là, même si je ne pourrais certainement pas régler tous leurs problèmes. Enfin, heureusement, là, elle oubliait un peu ses galères dans cette piscine, avec son bébé dans les bras. « Tu dois apprécier de pouvoir souffler un peu là. » Je lui souris, pensant que ce petit moment dans l'eau devait être une vraie bouffée d'oxygène pour elle. Et puis, Lleyton pouvait rire aux éclats, et cela devait sûrement faire un bon moment que ça ne lui était pas arrivé, vu l'atmosphère qui régnait à la maison ces temps ci. « Tu sais tu peux venir quand tu veux, même si je suis pas là si tu veux profiter de la piscine avec Lleyton. Je te donnerais un double des clés c'est pas un problème. » Je lui faisais entièrement confiance. C'était Ella, je la connaissais bien depuis le temps, et je voyais bien qu'elle goûtait un peu au bonheur avec son petit dans cette piscine. Alors, pourquoi ne pas la laisser en profiter quand elle en aurait envie ?

Carle revint ensuite vers nous avec des vêtements secs et recoiffée correctement, mais l'air ronchon. « Ah voilà, tu es toute belle. » Je lui tendis un sourire alors qu'elle prenait place sur le transat à côté de moi en touchant ses cheveux blonds. Avec ce petit compliment, j'espérai me faire un peu pardonner, et qu'elle ne m'en veuille pas trop pour l'avoir jetée à l'eau. Après tout, nous étions à égalité maintenant. « Je ressemble à un caniche à cause de toi. » Carlie boudeuse était de retour. « N'importe quoi. Et moi alors ? Tu m'as vue ? A cause de toi je ressemble à une morte vivante. Je préfère les caniches aux mort-vivants, c'est plus mignon. » lui dis-je en lui montrant mon visage. Ah, le combat mère-fille commençait, elle voulait jouer à laquelle avait le plus morflé, et je pense que j'avais gagné haut la main. Certes, ses cheveux avaient un peu frisé sous l'effet de l'eau, mais elle restait toujours aussi jolie, ma petite fille.

« Moi j’aimerai bien voir un caniche mort vivant… » Je riais en regardant Ella puis Carlie, pensant que cette remarque n'allait pas du tout plaire à ma fille. Pire, elle lança un regard menaçant à Ella, l'air de dire 'j'te déteste d'avoir dit ça !'... et ce même regard vint se poser sur moi en découvrant que je riais moi aussi. Décidément, je la connaissais par cœur. Quand elle était vexée, et que tout le monde se retournait gentiment contre elle, la fierté de ma fille en prenait un coup, et elle ne se retenait pas de le montrer. Oh oui, maquiller Carlie et la balancer une deuxième fois à l'eau, je rêvais de pouvoir faire ça, juste pour l'énerver. Mais je crois que là elle m'aurait fait la tête jusqu'à sa majorité au moins. « En vrai Carlie t’es super mignonne ! T’as pas à te prendre la tête ! » Je levais les yeux au ciel. C'était pas gagné qu'elle arrête de se prendre la tête. En disant ça, Ella pouvait rêver : Carlie allait continuer de bouder, c'était certain. Je jetai un œil à ma fille qui, sans surprise, était loin d'être rassurée. Malgré tous les compliments qu'on pouvait lui faire, et Dieu sait que je lui en faisais souvent, son égo était tel qu'elle continuait de se soucier de son apparence. Elle ne pouvait pas s'en empêcher, et puis la danse n'arrangeait rien à cela. Même pour se rendre à un simple cours de danse, Carlie s'éternisait dans la salle de bains. Elle disait qu'elle voulait être la plus belle du cours, ce que je trouvais complètement idiot, mais c'était une petite fille, la plupart des petites filles étaient comme ça, alors je la laissais faire. Son comportement m'amusait, même si parfois il m'inquiétait un peu. Si elle était déjà soucieuse de son apparence à dix ans, je ne savais pas ce qu'il en serait à l'adolescence. J'espérai que cette obsession s'estompe avec le temps. En tout cas, Carlie était une vraie petite princesse. Je ne savais pas comment faire pour lui redonner le sourire. Elle avait l'air d'être partie pour une bonne heure là. Et puis, c'était une coriace ma fille, elle ne s'en remettait pas si facilement. Il fallait la brosser dans le sens du poil pour obtenir un petit sourire. Une idée me vint finalement à l'esprit. « Tu sais que Carlie prépare un concours ? » demandais-je à Ella tout en observant discrètement la réaction de l'intéressée. Tout à coup, je vis qu'un léger sourire était apparu sur le doux visage de ma fille. Un sourire de petite fille fière. C'était gagné. Évidemment, dès qu'on évoquait ce concours ou ses performances de danseuse, en bref, dès qu'on s'intéressait à elle, Carlie se sentait pousser des ailes. « Ça fait des mois qu'elle s'entraine pour son solo. » J'eus envie de rire en la voyant arranger ses cheveux blonds, l'air de rien comme pour se mettre en valeur et se vanter devant Ella. Oui, ma fille était très fière d'elle, un peu trop peut-être à tel point cela se voyait. Elle avait même pris la grosse tête, mais je l'aimais tellement. « Montre à Ella chérie. » Elle avait passé des heures à répéter au studio sous les regards émerveillés de ses professeurs, et même à la maison parfois, alors autant en faire profiter ceux qui passaient à la maison. Carlie ne se fit pas prier pour se lever du transat avec un grand sourire et commencer sa danse. Elle était vraiment passionnée, tellement que parfois elle ne pouvait pas s'empêcher de faire certains gestes du quotidien en dansant. Ma fille mettait la table en dansant, se brossait les dents en dansant, me récitait ses leçons en dansant. Parfois elle m'en donnait même mal à la tête à tournoyer dans toutes les pièces et sous mes yeux. En résumé, elle passait sa vie à danser.

Carlie s'appliquait devant Ella, je voyais bien que son avis allait être important pour elle. De toute façon, n'importe quel avis aurait eu de l'importance à ses yeux. Mais l'avis d'Ella comptait beaucoup, je le savais. Déjà, petite, elle montrait ses exploits à sa première baby-sitter, qui s'y connaissait pas mal niveau artistique. Et puis, ma fille ne se contentait pas de 'félicitations c'est magnifique tu danses très bien', non, elle insistait pour qu'on lui trouve une critique, même minime. Selon elle, cela ne pouvait jamais être parfait à cent pour cent, alors elle avait besoin de critiques pour s'améliorer encore. J'avais l'impression qu'elle se considérait déjà comme une danseuse professionnelle. A la fin du solo, Carlie prit la pose finale et je l'applaudis en souriant. J'espérais qu'elle allait avoir le premier prix, parce que franchement, elle le méritait après tout le travail qu'elle avait fourni. Elle se redressa finalement puis n'attendit pas une seconde pour demander l'avis d'Ella.