dans un couloir collégial, un après-midi de 2006, 14 ans
Parfois il suffit d'un regard pour trouver celle que l'on attend, un regard et ces petits papillons se logent au niveau de notre estomac afin d'y semer le trouble. Nous nous étions retrouvés dans cette position qui était digne d'un cliché populaire, celle-ci ayant échappé tous ses livres dans les escaliers et moi, ne tardant pas à venir l'aider au plus vite dès que j'avais assisté à cette scène. En lui tendant son dernier livre, j'avais posé mon regard dans le sien et, bien vite, je m'étais perdu dans la profondeur de ses iris d'un émeraude pur et doux. « Rosaleen » Je pris un moment avant de réaliser qu'elle s'adressait bel et bien à moi, la tête bien au-delà de la couche terrestre, et j'eus peine à lui répondre, maladroit et incertain. « H.. Hakob » J'avais l'habitude, pour ainsi dire, d'avoir plutôt confiance en ce qui concernait le rapprochement chez les personnes de sexe différent, mais pour une raison qui m'échappait alors, je m'étais mis à parler comme un idiot, ne comprenant même pas ce que je disais moi-même. « J’ai.. un cours... avec M. Livehall en fait, tu sais, lui avec les dents de lapin.. On raconte que, le soir, il va retrouver le labo pour siffloter aux souris.. » Ouais, super Hakob, je suis certain qu'elle avait très envie de savoir tout ça ! Réalisant les mots qui venaient de s'échapper de mes lèvres, je riai nerveusement et baissai la tête tout en remettant mon sac sur mes épaules. Enfin.. si t’en as envie, je mange toujours à la table près de la dernière fenêtre... enfin, non pas que je mange seul mais... laisse tomber.. » Je m'étais apprêté à partir, préférant ne plus revoir ce visage d'ange qui me faisait tant rêver afin de ne plus faire un idiot de moi, mais une main posée sur mon épaules avait attiré mon attention tandis que la sonnerie débutant le prochain début des cours retentissait dans le couloir agité. Alors je prends ça pour un rendez-vous, Hakob ! Alors que j'étais resté ébahi, cloué sur place, j'esquissai un sourire devant son initiative et me rendis à mon cours sans savoir exactement ce qu'il s'était produit, mais ayant une étonnante sensation que cela annonçait le début de quelque chose de merveilleux.

dans une chambre de la demeure O'Sullivan, un matin de 2008, 16 ans
Ce matin-là, j'étais étendu dans mon lit, mais ce n'était pas un fait concret puisque je ne cessais de me redresser ou me lever afin de faire quelques pas dans ma chambre pour enfin me reposer dans mon lit, me mordant la lèvre. J'étais nerveux, et j'avais toutes les raisons de l'être malheureusement. Rosaleen était toujours dans la salle de bain, et ce depuis de bonnes minutes déjà, ce qui me laissait présager qu'elle allait bientôt revenir dans la chambre avec le résultat... Nous avions été stupides, on avait joué avec le feu et, malheureusement, on s'était brûlé... alors voilà que nous nous retrouvions dans cette situation où elle se devait de faire ce fichu test de grossesse. Le regard fixé sur la porte dans ma chambre qui menait à ma salle de bain, je retins mon souffle en la voyant finalement revenir.. mais son expression me dérouta complètement. Rosaleen posa avec douceur le dit test sur mon lit où j'étais assis désormais, et sa manière de ne pas croiser mon regard me procura un frisson le long de mon échine. « Je... Je crois qu’on a un léger problème, Hakob » Et, effectivement, le petit signe en forme de « + » bien rose et visible me montrait que cela n'était que le début de nos problèmes... Tout un tas de questions défilait dans ma tête et j'ignorais comment réagir, si ce n'est que je n'étais surtout pas prêt de lui sauter dans les bras en étant heureux, et je doutais qu'il en était de même pour elle. Ainsi, les seuls mots que je prononçai ne furent pas bien positifs.. pas autant que le test ne l'était d'ailleurs.« Non.. On est trop jeune pour ça ! » Je devais me ressaisir, après tout nous avions des solutions qui nous étaient disponibles.. pas vrai ? Mais je voyais à son regard qu'elle était elle aussi déchirée, alors je mis de côté mes sentiments et me levai afin de la prendre dans mes bras pour la serrer contre moi. Aussitôt, elle fondit en larmes et, la connaissant trop bien pour savoir ce qu'elle pensait, je lui murmurai à l'oreille; « Enfin, si.. si tu veux le garder.. je serai là pour vous deux.. » Oui bon, nous n'avions que seize ans et nous ne savions pas de quoi la vie serait faite, mais je l'aimais et, seulement, c'était tout ce qui comptait pour l'instant. Nous aurions du temps pour décider, un peu, et je voulais lui laisser le choix puisque c'était bien en elle que ce petit être se trouvait maintenant.

dans une chambre d'hôpital, un soir de 2009, 17 ans
J'avais du mal à croire que tout cela était bien réel, mais je devais me rendre à l'évidence; j'avais beau me pincer de temps à autre, je ne rêvais bel et bien pas du tout. Après une pénible nuit de sommeil où la jeune femme s'était plaint de ne pas pouvoir dormir convenablement, son ventre prenant bien sûr beaucoup trop de place et l'empêchant de se mouvoir avec facilité, j'avais été réveillé par celle-ci puisque, à ses dires, les contractions avaient commencé et il était clair pour elle que c'était le jour J. Presque treize heures plus tard, nous étions toujours dans cette fameuse chambre d'hôpital où elle était enfin prête à mettre au monde notre merveilleuse petite fille qui, sans doute, devait bien avoir hâte de se pointer le bout du nez. Le travail n'était pas facile et, du haut de mon jeune âge, je n'avais pas la sensation que j'allais effectivement devenir père d'une minute à l'autre. Debout à côté de Rosaleen, je lui tenais la main sans jamais la quitter afin qu'elle concentre toutes ses forces sur ce que le médecin lui disait de faire. D'ailleurs, celui-ci venait d'annoncer qu'il commençait à voir la tête et, aussitôt, je posai ma tête contre celle de ma petite-amie afin qu'elle sache que j'étais présent et que nous étions toujours deux là-dedans, même si bien sûr je ne pouvais pas prendre sa douleur à sa place. « Allez ma belle, tu peux y arriver.. On va avoir le plus beau bébé au monde, tu en es capable. Je suis là pour toi, tu te rappelles ?... » D'un hochement de tête, elle se concentra de nouveau sur les poussées et cela ne prit que quelques minutes avant qu'un tout jeune cri ne vienne percer le silence qui s'était établi. Bien qu'un peu sensible dans la vie, ce furent de véritables larmes de joie qui s'évadèrent le long de mes joues tandis que le médecin posait notre fille sur le ventre de la nouvelle maman.

Un peu plus tard, nous étions finalement dans une chambre où le calme régnait, étendus tous les deux dans le lit d'hôpital que la jeune femme avait pour son séjour ici. Eanna, notre fille, se trouvait dans les bras de Rosaleen et je ne pouvais m'empêcher de prendre sa minuscule main ou de lui caresser très doucement le dessus de la tête, conscient que notre vie allait bien changer maintenant, mais prêt pour la longue ballade qui nous attendait. Puisque notre petite était déjà plus propre et que ses grands yeux d'un bleu aussi profond que les miens nous regardaient de temps à autre, je remarquai la forme de ceux-ci que je reconnaissais indéniablement. « Elle a déjà tes yeux, regarde... » déclarai-je ainsi à Rosaleen avant de poser mon regard sur elle, déposant un léger baiser sur ses lèvres.« Je t’aime. » Rien, à cet instant, ne pouvait venir gâcher ce moment si parfait et si simple à la fois.

dans un couloir d'hôpital, un matin de 2010, 18 ans
Ce vide intense que l'on peut ressentir parfois si rapidement dans une vie... jamais je n'aurais cru le vivre aujourd'hui. Ce qui avait semblé être une journée normale et banale s'était malheureusement transformée en un cauchemar que j'aurais aimé pouvoir effacer de ma mémoire, mais je ne pouvais rien y faire, c'était contre ma force. Je venais tout juste de pousser la porte des urgences à la volée, le regard absent.. Je voulais la voir, lui parler, savoir qu'elle allait bien, c'était tout ce dont j'avais besoin à cet instant précis. Je croisai bien vite un médecin qui semblait m'attendre, il devait savoir que j'avais été informé, et je crus mourir sur place en voyant l'air qu'il avait.. cet air que je n'oublierais jamais suite à cela. Je ne sus comment les mots sortirent de ma bouche, mais il sembla néanmoins comprendre que je voulais à tout prix voir Rosaleen. Elle devait être inquiète, avoir besoin de moi elle aussi, peut-être savait-elle que j'étais ici.. « Je suis désolée M. O'Sullivan... elle est décédé peu après son arrivée. » Sur le coup, je riai nerveusement, ne voulant pas le croire. On m'avait dit qu'elle avait eu un accident de voiture, mais j'étais décidé à penser qu'elle s'en était sortie, elle le devait. Je réalisai toutefois bien vite ses paroles et, sous la pression, mes genoux flanchèrent et je dus me rattraper au mur pour ne pas tomber. Non, elle ne pouvait pas mourir.. pas si rapidement.. Nous nous étions promis que nous allions toujours être là l'un pour l'autre, elle ne pouvait pas décider de s'en aller sans rien dire. Je restais ainsi silencieux, ne sachant comment réagir en fait, assimilant à peine les paroles du médecin, lorsque ce dernier me tendit deux objets que je reconnus immédiatement. « Elle nous a demandé de vous donner ceci, pour que vous puissiez la donner à celle qui saura vous rendre heureux, plus tard.. et ceci, pour votre fille. » Je pris ce qu'il me remettait et sentit les larmes s'évader de mes yeux pour venir s'écraser sur mon poing qui se refermait sur cette bague que je lui avais donné en guise de promesse, ainsi que sur son collier qu'elle portait sans arrêt et qui contenait nos trois pierres de naissance. Ce n'est qu'ensuite que tout devint noir et, rapidement, je sentis des bras me rattraper, mais je sombrais déjà dans les ténèbres..

dans un cimetière, un après-midi de 2010, 18 ans
D'une couleur ébène, tout était si obscur autour de nous tous.. Debout dans la première rangée, Eanna dans mes bras, je fixais cette ouverture dans le sol où le cercueil venait de faire son entrée afin d'y être déposé tout au fond. Mon visage était de marbre, tout comme il l'avait été dans les jours qui avaient précédé ce tragique événement... Je n'arrivais plus à exprimer mes émotions et on aurait très bien pu me remplacer par un robot tellement j'agissais machinalement, sans l'ombre d'un mince enthousiasme... car il n'y avait rien à se réjouir là-dedans, ça non. Bientôt, le prêtre présent demanda à certaines personnes si elles voulaient prononcer quelques mots, puis ce fut mon tour. Je voulus d'abord refuser, puis je tendis Eanna à ma mère qui était à mes côtés avant de m'approcher lentement du bord. « Promets-moi que tu prendras soin d’elle de là-haut... Tu vas me manquer... à tous les deux en fait.. Je.. » Mes paroles s'étouffèrent derrière un sanglot que je tentai de retenir, n'en pouvant plus de tout ce cirque. Je me sentais idiot, de parler ainsi face à ce vide devant moi. Rosaleen n'était plus là, parler à un cercueil n'y changerait rien, le mal était fait... et plus jamais elle ne m'entendrait, autant que je n'aurais plus la chance de me réveiller face à son regard angélique et serein. N'en pouvant plus de tous ces visages tournés dans ma direction, je pris une grande inspiration et m'excusai rapidement avant de me mettre à courir rapidement afin d'échapper à toute cette scène. Je voulais m'évader, tout oublier si possible, croire que tout ceci n'était qu'un coup monté et que j'allais m'endormir à ses côtés ce soir encore. « Tu m’avais promis que l’on serait heureux tous les deux pour le reste de notre vie, que l’on serait unis pour voir Eanna grandir... mais tu m’as menti... TU M’AS MENTI !! T’es partie si vite, sans même prendre la peine de me dire aurevoir.. ni à notre fille.. c’est injuste... » À genoux sur l'herbe fraîche, je laissai pour la première fois mes larmes s'évader pour de bon, ne pouvant plus contenir toute cette douleur en moi. Ma solitude fut ainsi de courte durée puisque, bientôt, je vis mon petit trésor me rejoindre en titubant du haut de son « un an ». Lorsqu'elle fut à ma hauteur, je l'attrapai contre moi et la serrai dans mes bras, essayant de me montrer fort, pour elle du moins.

dans la demeure des O'Sullivan, une nuit de 2012, 20 ans
Une autre soirée, bien sûr. Cela devait bien faire quelques soirs de suite que je me rendais avec mes amis dans ce pub non loin de la maison pour fêter jusqu’aux petites heures du matin. Évidemment, je vivais aux États-Unis désormais, et non plus en Irlande à la suite de notre déménagement pour le boulot de mon paternel… ainsi, je n’avais pas l’âge légal pour aller boire et sortir, mais mes « bonnes » fréquentations me servaient bien afin d’y rentrer en douce. Voilà donc une autre débauche qui venait de se produire tandis que ma petite Eanna dormait tranquillement à la maison sous la vigilance de mes parents, et je finis donc par rentrer après quelques verres, marchant plus ou moins droitement sur mon chemin du retour. Tandis que je frôlais le pavillon, je risquai de manquer une marche dans l’escalier et fis tout un vacarme en rentrant à l’intérieur contre mon gré. Si j’avais l’intention de me rendre tout de suite dans mon lit pour être « en forme » le lendemain, le regard désapprobateur que me lança ma mère me refroidit aussitôt. « HAKOB ! Mais qu’est-ce que tu fous encore à rentrer à cette heure-là ? Il est 3h du matin bordel ! » Une brève attention vers l’horloge du salon me fit comprendre que j’aurais dû être rentré depuis bien longtemps, mais mon état d’ébriété précoce me donna un air plus ou moins conscient de la situation, cela m’important peu. Enfin, j’avais quand même vingt-ans, ce n’est pas comme si je lui devais quelque chose… pas vrai ? « Je suis sorti avec des amis, maman, tu le savais… » Me frottant le dessus de la tête tout en me renfrognant, je soupirai et finis par me frayer un chemin à côté d’elle afin de me rendre dans la cuisine pour me prendre un simple verre d’eau, assoiffé. Je n’avais maintenant qu’une idée en tête ; aller direction mon lit, mais malheureusement pour moi, ma mère ne semblait pas de cet avis. « J’imagine que c’est encore moi qui va devoir se lever à ta place, demain matin, pour la faire manger, c’est ça ? » Et bien dis donc, elle choisissait vraiment son moment pour cela hein ! Néanmoins, elle toucha un petit point sensible chez moi lorsque je réalisai que ma fille de tout presque trois ans dormait à l’étage et qu’il y avait bien des soirs que j’avais ratés à ses côtés… « Non, je le ferai… » N’en pouvant plus de ce conflit qui perdurait depuis quelques semaines déjà, je tentai de conclure rapidement cette discussion « inutile » pour moi en commençant à monter l’escalier principal pour me rendre à l’étage où étaient situées les chambres et où, je l’imaginais bien, devait dormir fermement mon petit trésor. J’allais d’ailleurs tourner le coin de l’escalier lorsque j’entendis la voix de ma mère qui résonnait derrière moi ; « Tu devrais penser un peu à ta fille au lieu de te droguer avec ceux que tu crois être tes amis ! » N’ajoutant rien d’autre pour ne pas attiser le feu déchaîné entre nous, je ne fis qu’ignorer ses paroles moralisatrices afin d’ouvrir tout doucement la porte qui menait à la chambre de ma fille, ne faisant pas de bruit bien sûr. Je posai rapidement un doux baiser sur son front, ce qui ne la réveilla même pas, puis me retirai dans ma chambre afin de dormir et d’oublier cette légère altercation.

dans une chambre de la demeure des O'Sullivan, un soir de 2013, 20 ans
Pour une énième nuit semblable à toutes les autres, je n’arrivais pas à dormir. Il était toujours tôt et, cette fois-ci, je n’étais pas sorti avec mes amis, mais j’avais plutôt préféré rester avec Eanna afin de regarder quelques films de son âge avant de lui faire prendre son bain et d’aller la border dans son lit. Désormais, j’étais ainsi dans ma chambre, assis sur mon lit, le dos bien appuyé contre le mur. Je ne faisais rien en particulier, si ce n’est que regarder fixement le mur devant moi et discuter un peu avec ma cousine par messagerie texte. Il commençait à faire un temps un peu plus mouvementé à l’extérieur et le vent qui tapait contre les murs semblait de mauvaise augure. À ce moment, je soupirais tout juste en voyant une fois de plus le message moralisateur de la jeune femme qui essayait de me faire résonner sur mes sorties nocturnes fréquentes et je doutais bien que ma mère devait avoir sa part dans cette histoire… « Papa… ? » Une petite voix attira mon attention et, incertain, je tendis l’oreille dans l’espoir d’entendre un peu mieux, ne voulant pas tout de suite sauter aux conclusions. Toutefois, un bruit sourd déchirant le ciel et faisant trembler la maison me fit sursauter et, bien rapidement, le cri de ma fille me confirma que cela venait d’elle. « PAPA !! » Ni une, ni deux, je laissai tomber mon téléphone sur mon lit et me rendis en trombe dans la chambre d’Eanna qui était tout juste à côté de la mienne, ouvrant la porte avant de découvrir ma fille, recroquevillée dans son lit, tremblante et en pleurs face à la situation. Déjà, le tonnerre commençait à se faire de plus en plus bruyant à l’extérieur alors je ne tardai pas à venir la retrouver dans son lit, m’assoyant sur le bord et la prenant dans mes bras. « Je suis là, mon cœur… n’aie pas peur... » Dans une tentative de la calmer, je la berçais tout doucement en espérant que la tempête allait finir par se dissiper, mais les grondements continuaient de la faire tressaillir à chaque instant. « Papa, dis au ciel d’arrêter de se fâcher… j’aime pas ça moi… » Un sourire triste s’afficha sur mes lèvres, n’aimant pas la voir ainsi, et je finis par m’allonger à ses côtés, celle-ci se plaçant dans le creux de mon bras, plongeant sa tête lorsqu’un bruit sonore se faisait entendre. Je pensai un peu à ce que je pouvais bien lui dire pour l’empêcher de craindre autant une telle situation, mais bien sûr, comment pouvais-je faire comprendre à une enfant de trois ans que cela était normal ? « Tu sais, je crois que le ciel a simplement besoin d’exprimer ses émotions parfois, il ne veut pas te faire de mal… Chaque homme peut avoir peur un jour, mais on doit se montrer fort pour lui, comme ça il retrouvera le bonheur et la paix… » Eanna m’écoutait dorénavant avec attention, et du haut de son jeune âge, elle semblait croire ce que je lui disais jusqu’à stopper ses soubresauts. J’en profitai pour lui changer les idées un peu, histoire que cet instant soit oublié plus rapidement. « D’ailleurs, mon petit doigt me dit qu’il préfère te voir rire, ça le rend heureux et il oublie ses problèmes.. et alors il se calme. » Comme pour illustrer mes propos, je levai ma main en guise de « gentil monstre » et la laissai plonger dans sa direction, m’arrêtant pour l’assainir de chatouillis. Aussitôt, la blondinette se débattit en riant aux éclats. « Hihi ! Arrête, ça chatouille ! » Je fis bien sûr comme elle me le demandait, mais aussi pour ne pas trop l’exciter puisque je devrais tout de même la rendormir ensuite. Souriant maintenant comme Eanna qui semblait avoir oublié son problème avec les orages, je posai ma tête sur la sienne pour l’assurer de ma présence. Un peu plus réveillée désormais, elle paraissait vouloir me poser mille et unes questions, mais pourtant ce ne fut qu’une seule qui sortit de sa bouche, semblant même bien réfléchie, comme si c’était une question qu’elle se posait depuis un moment déjà. « Maman se fâche aussi, dans le ciel ? » Un petit pincement au cœur en pensant à Rosaleen, je me montrai fort pour celle-ci et secouai ainsi la tête en signe de négation. « Non, ta maman est un ange désormais, et elle est là pour veiller sur toi… et chaque fois que le soleil apparaît après la tempête, c’est elle qui vient apporter du réconfort au ciel pour te protéger… » Comme si mes paroles étaient liées à la température, la pluie diminua un peu à l’extérieur et, déjà, les pétarades se faisaient de plus en plus inaudibles. Eanna fut sans aucun doute satisfaite de ma réponse puisque, bien plus rapidement que je ne pus le croire, elle se ferma les yeux et finit par devenir plus lourde tandis qu’elle s’enfonçait à nouveau dans un sommeil profond. Je ne tardai pas à la rejoindre dans les bras de Morphée, me promettant par ailleurs de tout faire pour être présent pour elle à l’avenir et, sans doute, être un meilleur père que je ne l’avais été jusqu’à maintenant…