Il était là. Juste là. Assis sur son fauteuil qu'il chérissait tant, pianotant ses doigts sur le velours et sirotant sa petite bière. La combien-ème de la journée? Peut-être la première. Peut-être la cinquième. En tout cas, ça ne l'empêchait pas de porter la bouteille à sa bouche pour la énième fois. L'alcool ne s'imbibait plus dans son sang, tellement que celui-ci devait être habitué. Pire même; il lui en fallait sûrement un peu plus chaque jour, pour essayer d'avoir sa dose. La bonne. Celle qui ne donne pas de fourmillements. Celle qui ne donne pas envie de vomir. Celle qui ne donne pas tous ses frissons. Et encore une fois, sa main se serrait sur la canette de bière. Sa main toujours aussi forte. Même physiquement, il n'avait pas changé. Les gens changent en quelques mois. Pas lui. Question vestimentaire, il ressemblait toujours autant à un vieux, sa chemise blanche dans son pantalon, et n'avait toujours pas délaissé sa ceinture. Ses mains étaient toujours aussi impressionnantes, et son regard toujours aussi glacial.
En réalité, il faisait toujours autant flipper.
Même derrière une vitre.
Même derrière ce torrent de larmes.

Jamais Mattia n'aurait cru que ce serait aussi dur. Les larmes coulaient sans qu'il ne puisse s'arrêter, et dire stop. Dès qu'il s'était installé, sur le bord de la maison de son enfance, derrière cette vitre, et qu'il le vit entrer dans son champ de vision, tout se brouilla. Les souvenirs remontaient. Des claques aux coups de poing. Des bousculades aux coups de ceinture. Et puis, pire que tout, il était capable de se rappeler chaque seconde du jour où tout avait basculé. Son ventre et cette immense cicatrice témoignaient encore de l'atrocité dont ce monstre avait été capable.
On pourrait croire que le passé est le passé. On pourrait croire que Mattia avait tourné la page, maintenant qu'il était plus qu'en sécurité dans une maison où la violence ne régnait pas. Mais il avait suffit d'une phrase lancée ce matin-là, pour que tout dérape de nouveau. « Je peux vous assurer que cette blessure ne serait jamais arrivée si vous ne vous étiez pas blessé avant. Vous êtes vraiment sûr que jamais vous ne vous êtes fait mal? Votre genou n'a jamais gonflé? Vous n'avez jamais rien eu dessus? » Son médecin avait eu le malheur de lui demander cela, et aussitôt les souvenirs étaient revenus. Une banale histoire, un coup mal placé, et son genou avait morflé. Il avait pesté toute la nuit après lui, sans savoir que ce coup aura des conséquences très graves.

Si aujourd'hui Mattia n'avait plus d'avenir, c'était de sa faute. Et il comptait bien lui faire payer.

Serrant sa main sur l'objet qu'il tenait, Mattia s'essuya les yeux avec un bout de son pull. Il allait lui faire payer. Mais pour ça, il allait lui falloir du courage. Prêt à agir, il s'arrêta net lorsque son beau-père détourna la tête. Il eut alors un léger sourire -sourire qu'il avait envie d'effacer-, et marmonna quelque chose. Et là, elle arriva. Elle. Sa mère. Toujours aussi belle. Toujours aussi blonde. Ses cheveux toujours aussi ondulés. Elle était toujours autant magnifique, et son visage, fatigué, semblait toujours aussi perdu. Elle s'approcha de lui, et vint se pencher pour lui coller un baiser. Un baiser immonde. Dégueulasse. Qui lui donnait envie de gerber. Préférant fermer les yeux que regarder cette vision horrible qu'il avait, il baissa le regard un instant. Avant de les relever, et de voir que sa mère s'était sauvée. Il ne restait plus que lui. Lui et sa cannette de bière. Il fallait qu'il le fasse maintenant.
Il n'y aurait plus d'autres moment opportuns.
Tremblant de tout son corps, Mattia posa son regard sur l'objet qu'il tenait dans sa main droite; une arme. Jamais il n'aurait cru qu'en trouver une, avec des balles, aurait été un jeu d'enfants. Mais il en avait bien une vraie, et il fallait qu'il aille jusqu'au bout. Alors, doucement, il leva le bras, le regard rivé vers lui; les larmes coulant le long de ses joues.

Son corps tremblait, son cœur battait furieusement, il aurait pu déchirer sa cage thoracique mais, rien ne l’arrêtait il voulait allait vite, tellement plus vite. Ses béquilles le rendait dingues, elles brûlaient ses mains, faisaient souffrir des bras mais le vrai problème avec ces béquilles c’est qu’elles étaient un frein. Il tremblait un peu plus à chaque seconde, il craignait de ne pas arriver à temps et son corps ne demandait qu’à le lâcher. Putain de merde ! Il voulait récupérer ses jambes et sa santé de fer, s’il n’arrivait pas à temps, il allait se foutre en l’air, cette opération, décidément il ne s’y faisait pas mais, là ce n’était pas pour des raisons adolescentes… du moins pas vraiment.

Ashton n’était plus très loin de son point d’arrivé mais en levant les yeux, son cœur manqua un battement. Il ne s’était pas trompé, il était bien là, le bras tendu pointant cette arme sur cette vitre, vite derrière laquelle devait se trouvait son bourreau, celui de Mattia. Le corps de l’adolescent tremblait, Ashton le voyait très bien pleurer mais la détermination qu’il avait été plus qu’effrayante, il allait faire une connerie la plus grosse connerie de sa vie. Il devait l’en empêcher, après tout c’était bien pour ça qu’il était là, parce qu’il l’avait vu. Ce matin, Ashton avait bien senti que quelque chose n’allait pas, que quelque chose clochait. Enfin que quelque chose clochait encore plus que d’habitude, encore plus qu’après sa visite chez le médecin hier. Ashton n’avait rien dit, il avait juste observé, inquiet de ce qui pouvait tant perturber Mattia, à vrai dire qu’il craignait qu’il ne cherche à cacher une connerie –parce que bon Mattia n’était pas du genre à venir lui voir pour lui avouer qu’il avait fauté-. Malheureusement, Mattia n’avait pas fait une connerie, il ne cherchait pas à la dissimuler, il allait faire une énorme bêtise, nuance ! Et cela, Ashton l’avait su quand il avait vu Mattia mettre ses chaussures et que l’arme c’était dessinée sous ses vêtements, Ashton aura voulu l’arrêter mais Mattia n’avait pas daigné tourner la tête quand il avait crié son prénom et étant assis sur son canapé, le temps de se relever avec ses béquilles étaient bien trop long. Putains de béquilles, si Mattia tirait, Ashton n’allait pas se le pardonner, il aurait dû trouver une solution pour que Mattia ne puisse même pas arriver jusqu’ici.

Il continua à béquiller jusqu’au blondinet, il aurait bien hurlé son prénom mais il craignait que dans un sursaut incontrôlé, le tir parte. L’adolescent était tellement concentré et noyé dans ses sanglots à la fois qu’il n’entendait pas son tuteur arriver. Il ne fallait pas qu’il tira dans les quinze secondes à venir, il fallait qu’il doute encore, encore et encore même s’il doutait depuis longtemps, il ne fallait qu’il tira, Ashton ne cessait d’espérer jusqu’au moment où il se planta devant Mattia, l’arme ne pointant plus le beau-père du jeune homme mais bel et bien Ashton lui-même, il ne pouvait pas le maitriser physiquement, mais, il fallait qu’il agisse, qu’il trouve une solution. « Mattia, lâche ce flingue, tu sais pas c’que tu fous là… ». Il savait tout ce qu’il traversait, il savait tout ce qu’il avait perdu à cause d’un seul homme mais, là, il allait perdre bien plus.

Sa main serrant toujours fortement l'arme, Mattia était prêt à agir. Son doigts s'était instinctivement posés sur la gâchette. Il ne lui suffisait maintenant plus qu'une seule commande de son cerveau pour qu'il finisse le travail qu'il rêvait intérieurement d'accomplir. Mais son corps tout entier, secoué de spasmes, et de tremblements et son regard perdu dans un torrent de larmes l'empêchaient encore de le faire. Pourquoi? Pourquoi n'arrivait-il pas à appuyer sur la gâchette et envoyer ainsi son merveilleux bourreau directement en enfer? Il suffisait juste d'un petit geste, un simple petit geste qui couperait à jamais le fil de sa vie. Il ne serait plus là. Il baignerait dans son sang, son propre sang pour une fois. Et bientôt, il ne serait que poussière, enterré six pieds sous terre. Pour ça, il lui suffisait juste d'appuyer.

Et Mattia bougea enfin.
Il ne bougea aucun de ses doigts, mais fit un petit pas en avant. Il était maintenant un peu plus près; il voyait l'ombre de cet homme, toujours assis sur son canapé à regarder la télévision, sa canette de bière à la main. Il ne distinguait rien de bien concret; ne voyait qu'une ombre floue qui lui ressemblait drôlement. Il hésitait encore. Peut-être devait-il se baisser, ramasser un caillou, l'envoyer valser contre la vitre, le faire retourner, et lui tirer dessus quand leurs regards se croiseraient enfin. Qu'il comprenne pourquoi il allait mourir. Mais rien que l'idée de croiser une fois de plus ce regard glacial le tétanisait. Son corps fut secoué d'un frisson, et ses larmes coulèrent un peu plus. Tout était de sa faute. De sa faute à lui. Il n'y avait pas d'autres fautifs dans sa vie! Tremblant de tout son corps, il reposa son doigt sur la gâchette. Allez. Il fallait qu'il le fasse. Pour lui. Pour Lleyton. Son doigt avait bougé d'un dixième de millimètre lorsqu'il vit une ombre se mouvoir devant lui. Pris de panique, il s'arrêta net.
Il plissa des yeux, tremblant encore grandement, et essaya de savoir qui était là. Il vit une espèce de béquille, mais ne reconnut vraiment que celui qui était là qu'au son de sa voix. « Mattia, lâche ce flingue, tu sais pas c’que tu fous là… ». Ashton. Qu'est-ce qu'il foutait là? Qu'est-ce qu'il venait faire là? S'essuyant les yeux avec sa main libre, Mattia essaya de se calmer. De ne plus penser au passé. De ne plus penser au présent. Mais son bras restait toujours levé, toujours en direction de son beau-père, visant maintenant Ashton. Son coeur battait la chamade, tambourinant comme jamais dans sa poitrine, prêt à déchirer sa cage thoracique. Il fallait qu'il se calme maintenant. Devant lui, c'était Ashton. Ashton. Plusieurs fois, il pensa à ce prénom. Pour se calmer. « Non. Je t'en prie Ashton.. Laisse moi.. Je m'excuse d'avance, mais.. Rentre chez toi s'il te plait »

L'ex tennisman ne voyait pas d'autres issues. Il ne voyait pas comment il pourrait s'en sortir sans le faire. Au moins, pour Lleyton, et Ella. Il ne serait plus jamais un danger pour eux, en étant derrière les barreaux, et en même temps, il se sentirait plus libre. Le regard dans le vague, ayant cessé de pleurer, Mattia évitait de croiser le regard d'Ashton. Sa conscience n'était qu'à moitié altéré; se tenir là, face à son bourreau, et vouloir le tuer était déjà assez dur. Il avait peur de croiser le regard de son tuteur, et d'y lire encore une fois de la déception. Soufflant doucement, il pensa à lui. A Ashton. A tout ce qu'il avait fait pour lui jusqu'à maintenant. A ce qu'il était devenu à ses yeux; un père, un frère, un ami. Et lui, en retour, il ne baissait pas son arme, il pointait le canon de ce flingue indirectement sur lui. Juste pour viser ce Mike. Alors, d'un coup un peu brusque -son corps étant toujours tremblant-, il décala son arme sur le côté. Pour ne plus le viser. D'un regard suppliant, il releva la tête vers lui. « S'il te plait » murmura-t-il alors. S'il te plait, laisse moi faire ce que je dois faire.

Il était là, juste au bout de l’arme que tenait Mattia, son corps était parcouru de sueurs froides, son cœur ne voulait pas se calmer. Il suffisait d’un geste, il suffisait que Mattia appuie sur la gâchette et il ne serait plus. Ashton déglutit péniblement, il fallait qu’il se raisonne c’était Mattia, il ne voulait pas tirer sur Ashton, ce n’était son intention. Cependant, Ashton avait vu Liam, il connaissait le gamin, il avait voulu tuer RHI et au lieu de ça, de nombreuses personnes étaient mortes mais RHI était toujours bel et bien vivante. Un homme peut-il absolument tout contrôlé sous la colère ? Ne pouvait-il pas désiré éliminer Ashton en le voyant simplement comme un obstacle ? Ashton osait espérer que non, Mattia n’était pas comme ça, il savait déjà probablement que tuer cet homme était quelque chose de terrible, il n’allait sans doute pas tuer son tuteur. C’était ce qu’il voulait croire mais pouvait-il en être certain ? Où est la raison d’un homme avec une arme entre les mains ? « Non. Je t'en prie Ashton... Laisse-moi... Je m'excuse d'avance, mais... Rentre chez toi s'il te plait ». Ashton fit un non de la tête alors qu’il tentait de croiser le regard de l’adolescent. Il voulait tenter de le raisonner en le regardant droit dans les yeux. Il n’allait en rien le juger, il ne voulait pas le faire culpabiliser, simplement lui parler à cœur ouvert, il comprenait son action –ou du moins son désir- vraiment, il comprenait mais, il se devait de l’en empêcher. Cependant, Mattia ne daignait pas lui accorder un regard, il le fuyait, peut-être ne voulait-il pas mettre d’entrave entre lui et sa détermination ? Peut-être craignait-il de changer d’avis en regardant son tuteur droit dans les yeux ? Ou peut-être craignait-il que ça ne le pousse à tirer ? Ashton était incapable de dire pourquoi Mattia ne le regardait pas mais, il était inquiet.

Le jeune homme décala brusquement son arme alors qu’Ashton avait fermé les yeux comme un con de peur qu’il ne tire mais, non, Mattia avait simplement baissé son arme pour ne plus menacera le brunet. « S'il te plait ». A Nouveau Ashton fit un signe négatif de la tête, il ne pouvait pas laisser faire ça, il ne pouvait pas laisser un gamin pourrir sa vie de regrets –même si Mattia en avait déjà mais, celui-ci serait bien pire-, il ne pouvait pas laissé un gosse se privé de liberté pour un salop qui l’avait déjà privé de tout. « Non Mattia, je ne peux pas te laisser faire. ». Il avait eu son regard lorsqu’il avait dit s’il te plaît et Ashton ne le lâchait, il fallait qu’il voit à quel point c’était important mais, il fallait aussi qu’il sache qu’Ashton n’était pas là pour faire le grand méchant loup, il n’avait pas l’intention de crier. « Je sais que c’est ce qui te semble le mieux à faire, parce que tu as la sensation de n’avoir plus rien et cet homme est celui qui a réduit ta vie au néant. D’abord il t’a pris ta mère, puis il t’a pris enfance et adolescence et enfin, il t’a pris le tennis. Il a brisé ton rêve, ta vie et prendre sa vie en contrepartie semble vraiment être la bonne solution mais il va prendre tout ce qu’il te reste, ta liberté, ta dignité, ton humanité, ta femme, ton fils, tout ce qui fait que tu restes encore en vie. ». Oui, Ashton en était persuadé, si Mattia voulait tirer sur son beau-père et non se suicider, c’est qu’il ne voulait pas en finir la vie, quelque chose le tenait encore ici et ça, c’était ce qui soulageait Ashton, ce pourquoi il se battait. « Mattia, crois-moi, ça ne va pas te libérer. ». Il savait que Mattia n’en était pas certain mais, pourtant, il fallait qu’il le croit.

Le hochement de tête de son tuteur n'avait servi à rien. L'idée d'agir, et de tirer une fois pour toute sur cette vitre était bien plus importante que tout le reste. Il voulait, enfin, réussir à tourner la page, et pour cela, il avait l'impression qu'il fallait que son connard ne soit plus là. Qu'il ne respire plus. Qu'il ne puisse plus voir sa mère. Qu'il ne puisse plus voir le même ciel bleu que toutes les personnes blessées. Il fallait qu'il ferme les yeux à jamais, qu'il soit bouffé par les vers, les crocodiles, ou les poissons de la mer. Il fallait simplement qu'il n'existe plus, que son corps ne soit que nourriture ou poussière. Et comme le destin n'avait pas envie de le voir rejoindre les morts, il n'avait plus qu'à le provoquer. Qu'une bonne fois pour toutes, tout soit fini.
Mais l'arrivée d'Ashton avait tout compliqué. Torturé à l'idée de voir de la déception dans son regard, Mattia n'osait plus lever les yeux vers lui. Il gardait son regard dans le vide, et le suppliait de le laisser faire ce qu'il avait à faire: déchirer cette vie. Déchirer cette putain de vie. Et en une seconde, Mattia bougea l'arme et cessa de pointer Ashton. C'était Ashton devant lui; pas Mike. C'était Ashton et toute sa bonté; pas Mike et toute sa méchanceté. L'ancien tennisman eut le coeur déchiré. Malgré toutes les larmes qui noyaient ses yeux, il avait distinguer les yeux clos d'Ashton, appeuré dès qu'il avait bougé son arme. Ashton avait eu peur de se faire tirer dessus. Par lui. Par Mattia. Cette pensée déchira son coeur, le découpa en mille morceaux. Jamais, jamais, jamais, il ne l'aurait fait. Jamais. Tremblant alors plus que jamais, Mattia le supplia encore une fois, osant cette fois le voir dans les yeux. Son tuteur secouait encore la tête. Et ses larmes cessèrent de couler, tandis que son corps tremblait encore. De sa tête à ses pieds, il était secoué de spasmes. Tétanisé. Apeuré. Traumatisé. « Non Mattia, je ne peux pas te laisser faire. ». Si, si, si.. Il le fallait! Pour qu'il soit tranquille, pour que Lleyton soit tranquille, il fallait qu'il n'existe plus. D'un regard, il continua de le supplier, penchant légèrement sa tête sur le côté. Mais ses yeux, toujours dans ceux d'Ashton, étaient incapables de se décoller de lui. Il ne lisait pas de déception. Pas de colère. Pas d'énervement. Il voyait juste, dans les yeux d'Ashton, cette flamme d'espoir. Celle qu'on voit quand on croit tout avoir perdu. Une flamme qui ravive l'espoir, et qui essaye de nous empêcher de faire une connerie. « Je sais que c’est ce qui te semble le mieux à faire, parce que tu as la sensation de n’avoir plus rien et cet homme est celui qui a réduit ta vie au néant. D’abord il t’a pris ta mère, puis il t’a pris enfance et adolescence et enfin, il t’a pris le tennis. Il a brisé ton rêve, ta vie et prendre sa vie en contrepartie semble vraiment être la bonne solution mais il va prendre tout ce qu’il te reste, ta liberté, ta dignité, ton humanité, ta femme, ton fils, tout ce qui fait que tu restes encore en vie. ». En entendant ces mots, les larmes coulèrent de nouveau. Jamais il n'avait été clair avec lui; jamais il n'avait dis à Ashton ce qui le tracassait, mais lui, il avait tout compris. Il avait su que ce qu'on racontait n'était pas faux, comme Mattia l'avait si souvent répété. Il savait tout. Et il était encore persuadé qu'il avait encore des choses à vivre. « Mattia, crois-moi, ça ne va pas te libérer. ».

Détournant le regard, les pensées de Mattia virevoltèrent vers son fils et sa copine. Il revit Lleyton, assis sur une couverture dans le parc et riant en voyant un oiseau, tenant dans sa petite main une balle de tennis. Et puis, surtout, il revit Ella. Ella couchée au sol. Ella en pleurs. Ella avec sa peur. Et sa peur, c'était lui. Le monstre-là, ça avait été lui. Il avait pris son chemin, il l'avait imité. Et Ella avait été sa victime. Il n'avait pas le droit. Il ne pouvait pas lui faire ça! Jamais!! D'une voix faible, il murmura alors un « Ce serait mieux pour eux » Pour Ella, pour Lleyton, ça serait mieux si il n'était pas là. Ils seraient en sécurité, si il était enfermé. Il attrapa alors avec sa main gauche l'arme, et commença à en extraire des balles. Une. Deux. Trois. Il aurait eu trois chances pour l'avoir. Il s'était donné trois chances pour le voir mourir. Il aurait eu trois chances pour rendre malheureux Ella et Lleyton. Même si il ne les rendait pas heureux, il pouvait s'en aller. Mais si il était derrière les barreaux, Ella et Lleyton seraient plus que malheureux. Pire encore qu'aujourd'hui. C'était pour ça qu'il avait désarmer son pistolet. Balançant alors son arme et fourrant les balles dans sa poche -on ne sait jamais-, Mattia recula d'un pas, et se colla contre le mur de la maison, grimaçant quand sa jambe lui rappela que son genou n'était plus bon. Dans un murmure, il prit la parole. « Je lui en veux tellement.. Les médecins m'ont dit ce matin que ma rotule ne se serait jamais pété si elle n'avait pas été blessé avant. » Son regard en larmes se reposa sur son tuteur. Il était désolé de lui faire vivre ça. A lui qui avait tout perdu aussi à cause d'une histoire de genou. Il passa une main sur son visage, et bascula légèrement sa tête en arrière, pour fermer les yeux. Penser à autre chose qu'à lui. Qu'à cet homme qui sirotait tranquillement sa bière.

Les larmes du jeune homme coulèrent à nouveau en entendant les mots de son tuteur, les mots justes de son tuteur. Il voulait lui faire comprendre qu’il savait et qu’il comprenait mais que ce n’était pas ce qu’il fallait faire, vraiment pas. Mattia détourna le regard, il semblait réfléchir à tout ça et Ashton n’espérait qu’une chose ; que la sensation de son premier baiser avec Ella lui revienne, qu’il se souvienne de ce moment qu’ils avaient volés, ils avaient séché pour donner naissance à un amour interminable –oui Ashton n’était pas con, il avait cru sa sœur à peu près deux heures avoir que la vérité ne lui saute aux yeux mais il avait laissé passer-. Il espérait que la sourire de la jolie blonde qui partageait sa vie lui revenait en mémoire, son sourire et tout l’amour qu’elle lui portait, son amour et toute la force dont elle avait fait preuve pour Lleyton. Ashton croisait les doigts pour que les sourires malicieux et le regard bleus de son fils lui vienne en tête, qu’il constate simplement tout ce qu’il pouvait perdre encore. « Ce serait mieux pour eux ». Le cœur d’Ashton s’arrêta une seconde, il restait bouche bée malgré son envie de protestait, d’hurler que non, vraiment pas, que s’il faisait ça, Ella serait au fond du gouffre et même en étant son frère, il ne pourrait pas le relever. Et Lleyton, il paierait les pots cassés, c’était le moins que l’on puisse dire.

Ashton s’apprêtait à dire quelque chose, il ne pouvait vraiment pas le laisser faire mais en plissant les yeux il réalisa que Mattia, touchait à son flingue. Il ne voulait pas le relever, le pointer sur Ash à nouveau non… il le déchargeait. En effet, le blondinet retira les balles de son arme, pour les mettre dans sa poche. Ashton garda les yeux grands ouverts pour voir –et entendre- l’arme tomber loin des mains de Mattia, il l’avait jeté, il l’avait fait, il avait renoncé provoquant un soulagement immense dans le cœur de son tuteur. Mattia lui avait fait tellement peur, Ashton avait vraiment cru qu’il allait tirer, qu’il allait faire cette connerie. Certes Ashton ne l’aurait jamais laissé faire mais c’était quand même mieux comme ça, parce qu’en réalité, Ashton pour ne pas laisser faire à Mattia…il se voyait déjà proposer à Mattia de tirer à sa place, il se voyait déjà tirer sur cet homme, descendre ce salaud. Oui, Ashton l’aurait fait, il était littéralement prêt à tout pour ceux qu’il aimait.

« Je lui en veux tellement... Les médecins m'ont dit ce matin que ma rotule ne se serait jamais pétée si elle n'avait pas été blessée avant. ». Le regard de Mattia était à nouveau plein de larmes alors que sa tête basculait en arrière pour fermer ses paupières. Ashton s’approcha jusqu’à lui, galérant avec ses béquilles –parce que contrairement à Mattia il ne devait pas et ne pouvait pas poser le pied au sol-. « Je sais et ce n’est vraiment pas juste… ». Oui, Ashton était au courant que tout était dû à son beau-père, parce qu’il avait entendu les médecins dire que la blessure n’était pas récente, elle n’était pas récente et un seul homme avait pu faire ça. Ashton avait très vite compris que cet enculé en train de boire sa bière était la source de tout ça.

« Mais tu vas te venger, en faisant ce qu’il n’a jamais fait : tu vas réussir ta vie. Je te le promets. ». Et Ashton était connu pour tenir ses promesses, il n’allait jamais le lâcher, Mattia était son protégé depuis le début, il était son petit frère. Et comme un grand frère, il prit Mattia, dans ses bras.

Fermer les yeux et ne plus voir la réalité durant quelques secondes lui semblait être une bonne solution. Pour oublier cet homme qui derrière cette fenêtre regardait tranquillement la télévision. Mais même ses yeux plongés dans le noir ne lui permettaient pas de l'oublier. Son regard revenait toujours, et c'était peut-être même pire que de le voir en face de lui faire de grands sourires à sa propre mère.
Entendant les bruits de béquilles, Mattia se doutait bien qu'Ashton s'approchait de lui, galérant quelque peu. Les hommes sont fait pour marcher avec deux jambes; pas pour marcher avec deux aides. « Je sais et ce n’est vraiment pas juste… ». Non, pas juste du tout. Il était peut-être un homme horrible, il ne méritait pas pour autant de voir sa carrière brisée pour cela. Hochant doucement la tête, il ouvrit doucement les yeux. C'était bien cela. Ashton était là, devant lui. Il savait tout. Il connaissait toute l'histoire. Combien de personnes continuaient à croire ce que lui refusait de dire? Il n'en savait rien. Mais Ashton faisait parti de ceux qui savaient, mais ne disaient rien, se contentant juste d'acquiesser quand il disait que c'était faux. Alors qu'il n'y croyait pas du tout. « Mais tu vas te venger, en faisant ce qu’il n’a jamais fait : tu vas réussir ta vie. Je te le promets. ». En le regardant, Mattia eut un léger sourire. Chaque promesse qu'Ashton faisait, c'était une promesse qu'il tenait. Ce jour-là, il venait de mettre la barre beaucoup trop haute. Jamais il n'allait réussir sa vie.
Pas après le mal qu'il avait fait.
Et là, Ashton fit encore un pas en avant, et prit Mattia dans ses bras. Jamais le jeune adulte n'aurait cru qu'ils allaient un jour se retrouver comme ça. Serré dans ses bras, Mattia ne bougea pas. Il resta là, un moment. Combien de temps au juste? Il n'en avait aucune idée. Mais là, contre lui, il reprenait ses esprits. Et pensait à tout ce qu'il avait faillit perdre. Un pilier sur qui compter; Ashton. Un petit garçon qui le rendait heureux par ses sourires; Lleyton. Une sirène qui le rendait fou d'amour; Ella. Et puis aussi, en tuant cet homme, il aurait pu tuer une autre personne; sa mère. Même si elle avait eu le malheur d'épouser cet homme, elle devait l'aimer. Et perdre encore un mari serait encore une raison de plus de l'enfermer dans un asile.

Après un moment, Mattia ouvrit la bouche. « Ca ne va pas être facile tu sais » Avec ces conneries, il avait fait beaucoup de mal. En repensant à Ella, Mattia fut mal à l'aise de se retrouver dans les bras d'Ashton. Il se dégagea de ses bras, gêné. Si Ashton savait ce qu'il avait fait à sa soeur, il n'était pas sûr qu'il prenne soin de lui là. Détournant le regard, il revit la fenêtre par laquelle son beau-père était là auparavant. Visiblement, il s'en était allé faire autre chose dans la maison. En soufflant un coup, Mattia prit la parole.« Au début, quand maman l'a épousé, je pensais vraiment que je pourrais bien m'entendre avec. Il était toujours à l'écoute de maman, lui offrait des fleurs chaque semaine. Il la refaisait sourire, et puis, il m'amenait au tennis.. » Il ne savait pas pourquoi, là, maintenant il en parlait. Sans doute parce qu'il en avait besoin, et parce qu'il savait qu'Ashton n'était pas une oreille sourde. «  Puis, je sais pas trop ce qui s'est passé après.. je ne sais pas si c'est moi qui faisait plus de connerie, ou quoi, mais je me prenais souvent des claques.. puis après.. » Il s'arrêta un instant, regardant toujours cette fenêtre sans plus personne derrière, et commençant à se ronger les ongles de sa main droite. « Dès que je faisais une connerie, aussi minime soit-elle, que je me prenais une heure de colle, que je répondais mal à quelqu'un, ou que je faisais un truc qui lui plaisait pas, il me le faisait payer. J'avais toujours peur. Je ne savais pas à quoi j'aurai le droit; à sa main, à ses poings, à sa ceinture, ou à tout autre objet qu'il aurait sous la main. J'avais peur tout le temps; j'avais peur qu'il recommence, et que je me retrouve avec des marques, comme celle que j'ai sur le ventre..» Brûlé par le fer à repasser sur le ventre...Il s'arrêta alors, des larmes coulant doucement sur ses joues. Pour la deuxième fois de sa vie, il le disait à voix haute. Il se confiait enfin. Il ne racontait pas tout; mais il en disait déjà beaucoup. Après en avoir parlé un peu à Ella, il en parlait à Ashton. «Au fond, j'ai toujours peur. » murmura-t-il. Même avec lui, même avec Ashton. Quand il faisait une connerie, et qu'il savait qu'Ashton serait bientôt au courant, il avait peur. C'était débile, mais c'était comme ça.. Il avait peur pour sa peau. Et peur pour les autres; peur de devenir comme lui. La peur l'anéantissait. Et cette question incessante ne s'était de la tourmenter: et si il devenait comme lui?

Arrêtant de se ronger les ongles, il passa sa main sous ses yeux, essuyant ses larmes. Il se sentait bien. Il se sentait mieux. Et là, il se demanda pourquoi il n'en avait pas parlé avant. Pourquoi il avait tenu à garder ça secret. Parce que, en parler, ça lui faisait beaucoup de bien. Il reposa son regard sur son beau-frère, et lui demanda alors. « Tu le sais depuis quand? Je veux dire.. tu m'as jamais cru quand je disais que tout ça c'était faux, n'est-ce pas? »

Prendre Mattia dans ses bras, c’était bien la première fois qu’il le faisait, tout d’abord parce qu’Ashton n’était pas vraiment démonstratif et aussi parce qu’il n’en avait jamais autant ressentit le besoin d’aujourd’hui. Il tenait à Mattia, il avait toujours tenu à Mattia, bien avant qu’il ne sorte avec Ella –surtout avant qu’il ne sorte avec Ella-, avec le temps il était devenu comme son petit frère –et il le traitait vraiment comme tel- alors, réaliser, constater qu’aujourd’hui il aurait pu le perdre, qu’aujourd’hui, s’il avait tiré, leurs conversations se seraient fait derrière une prison… tout ça lui était juste insupportable. Il avait besoin de le prendre dans ses bras pour se rassurer, il était bien là son petit frère et à présent, il allait veillait au grain, il n’avait pas été assez présent ces derniers temps avec l’opération mais, ça allait changer. Il s’en faisait la promesse.

« Ça ne va pas être facile tu sais ». Non, évidemment ça n’allait pas être facile, mais, il allait réussir, Ashton en était persuadé et il allait tout faire pour. Le jeune homme se détacha des bras de son tuteur alors que celui-ci lui offrait un sourire rassurant. .« Au début, quand maman l'a épousé, je pensais vraiment que je pourrais bien m'entendre avec. Il était toujours à l'écoute de maman, lui offrait des fleurs chaque semaine. Il la refaisait sourire, et puis, il m'amenait au tennis... ». Ashton ne s’attendait pas à ce qu’il lui en parle maintenant, en fait, Ashton ne s’attendait pas à ce que Mattia accepte de lui en parler un jour. Il écoutait attentivement chaque parole du blondinet, veillant à ne pas l’interrompre. « Puis, je sais pas trop ce qui s'est passé après... je ne sais pas si c'est moi qui faisait plus de connerie, ou quoi, mais je me prenais souvent des claques... puis après.. ». Mattia regarda à la fenêtre derrière lui comme s’il était inquiet, comme si en parlait l’angoissait. Il commença alors se ronger les ongles avant de poursuivre. « Dès que je faisais une connerie, aussi minime soit-elle, que je me prenais une heure de colle, que je répondais mal à quelqu'un, ou que je faisais un truc qui lui plaisait pas, il me le faisait payer. J'avais toujours peur. Je ne savais pas à quoi j'aurai le droit; à sa main, à ses poings, à sa ceinture, ou à tout autre objet qu'il aurait sous la main. J'avais peur tout le temps; j'avais peur qu'il recommence, et que je me retrouve avec des marques, comme celle que j'ai sur le ventre..». Ashton l’avait déjà vu cette marque, il n’avait jamais rien dit mais il l’avait déjà remarqué. Ashton n’avait jamais voulu forcé Mattia à se confier, à s’ouvrir, c’était son histoire, ses secrets, ça lui appartenait, c’était à lui de choisir s’il voulait en parler ou non. Et aujourd’hui, Ashton était touché d’entendre ses confidences là, même s’il avait déjà conscience de ce que Mattia avait vécu, l’entendre de sa bouche c’était autre chose, l’entendre de sa bouche c’était une autre réalité.

«Au fond, j'ai toujours peur. ». Ça Ashton comprenait, même si actuellement, il n’avait plus aucune raison d‘avoir peur, c’était tout à fait naturel, c’était genre l’instinct de survie. « Tu n’as pas à avoir peur, il ne te fera plus rien, ni lui ni personne… ». Bah ouais, Ashton ne laisserait personne lui faire du mal –même pas lui- et encore moins son beau-père, si cet homme revenait, Ashton c’était déjà juré bien avant aujourd’hui de lui faire la peau. « Et tu ne seras jamais comme lui… ». Il disait parce que certain osait dire qu’un enfant reproduit ce qu’il a vécu, la façon dont il a été élevé. Ainsi un enfant battu en fera autant avec ses enfants, ce qui était idiot comme théorie aux yeux d’Ashton. Mattia ne serait jamais comme ce type, essentiellement parce qu’il avait peur, il avait peur de ça et par conséquent il cherchait à fuir ce schéma.

« Tu le sais depuis quand? Je veux dire... tu m'as jamais cru quand je disais que tout ça c'était faux, n'est-ce pas? ». Ashton fit alors une drôle de tête, la tête du mec à qui on pose une sacré colle, il le savait depuis longtemps, vraiment longtemps, bien avant que les profs en parlent dans leur petite salle infectée de café. Il savait… depuis qu’il avait pris Mattia sous son aile il y a plus de deux ans maintenant. Il savait depuis… presque le début en fait. « En effet, j’y ai jamais cru… parce que j’ai su presque aussitôt que je t’ai connu. ». Il y avait eu la brûlure, le fait que Mattia passe pour quelqu’un de violent au vu de certain bleus qu’il pouvait arborer –ce que Ash n’avait jamais cru-, il avait croisé le beau-père de Mattia ivre… et puis tout un tas de petit détail qu’il avait remarqué avec le temps sans jamais en touché un mot à personne, il n’avait pas agi comme Nolan, comme son collègue – et ami pour le coup- parce qu’il savait que si Mattia voulait se casser de chez lui, claquer le beignet à son beau-père, il en avait les moyens. Non, Ashton savait que Mattia était resté pour une raison, il était resté pour sa mère et ça, Ashton ne pouvait pas s’opposer à ça. Cela dit, en décidant de garder le secret Ashton c’était aussi juré de ne jamais abandonné Mattia et jusqu’à là… il tenait cette promesse. « Ça te gêne si on rentre ? ». Inutile de dire qu’Ashton n’aimait pas trop être sous la fenêtre de ce porc et que son genou n’était pas franchement compatissant avec lui.

Perdu dans ses pensées, Mattia parlait. Il racontait, sans les moindres détails, ce qu'il avait vécu. Il mettait quelques mots sur la violence, mais il évitait d'en raconter de trop. Raconter par exemple comment il avait eu le droit à cette cicatrice horrible qui couvrait la moitié de son ventre était impossible. Il ressentait encore la violence du choc quand son beau-père l'avait poussé au sol. Il sentait encore le froid le faire frissonner lorsque son beau-père avait levé son T-shirt. Et puis, d'un coup, la douleur. Terrible. Foudroyante. Brulante. Horrible. Le fer sur sa peau, et cette odeur de peau brûlée. Il avait hurlé, pleuré, s'était laissé aller. Il l'avait laissé faire. Il n'avait pas lutté; du moins, il avait cessé de lutter. Il n'était qu'un adolescent, mais il avait espéré mourir là.
Chaque fois que son beau-père était en colère, chaque fois qu'il avait bu, Mattia en avait peur. Il était apeuré à l'idée de se retrouver face à lui. L'expression « sauver sa peau » n'avait jamais été aussi véridique. Et même maintenant qu'il n'habitait plus sous le même toit que lui, il avoua à Ashton qu'il avait toujours peur. De lui. De son tuteur même. Des autres. Et de lui-même. « Tu n’as pas à avoir peur, il ne te fera plus rien, ni lui ni personne… ». Le regard de Mattia se posa sur son tuteur. « Et tu ne seras jamais comme lui… ». Ca, Mattia n'en était pas certain. Il avait fait souffrir Ella. Il l'avait balancé au sol. Sans pour autant la frapper, il avait été violent. Et ça, Mattia ne s'en remettait pas. Au fond, il avait toujours eu peur d'être comme son beau-père, de devenir un homme incapable de se contrôler. Et il l'avait fait. Il l'avait imité. Ca allait donner quoi à l'avenir? Comment il allait être avec Lleyton quand, un peu plus grand, il insultera son père? Comment il allait être quand il l'enverra valser? Un instant, il ouvrit la bouche, mais aucun son s'en sortit. Il n'arrivait pas à le dire. Il n'arrivait pas à raconter ça. Même si il se doutait qu'Ashton n'apprécierait guère, il était prêt à le dire. Prêt à raconter ce qu'il avait fait. Mais malgré toute son envie, il n'y arrivait pas. Les mots restaient au fond de sa gorge. Alors, il se contenta de faire un micro-sourire à Ashton, histoire de le remercier de dire ça, et il ferma sa bouche.

Il retrouva la parole ceci dit, pour demander depuis quand il savait. Il avait toujours cru -et espérer- que les gens croyaient en sa version. Qu'il ne serait pas étiqueté comme le gamin battu. Qu'il vivrait sa petite vie sans que ses soucis de l'adolescence ne reviennent à l'assaut. Il avait vite compris que tout ça n'était qu'une connerie, que les gens essayaient toujours de savoir. Comme cette journaliste -et petite amie actuelle d'Ashton- qui l'avait interrogé et qui avait essayé de creuser un peu plus, énervant au passage Mattia. Sur son lit d'hôpital, Mattia avait lu un magasine de sport. Dedans, on parlait de lui. Dedans, on racontait sa vie. On parlait de tout; de ce que son beau-père était accusé, de ce qui s'était passé à la fusillade, de cette fille qu'il aurait mis enceinte et auquel, d'après eux, il ne donnerait aucune nouvelle. Les gens pouvaient dire beaucoup de choses, ils inventaient. Il espérait au moins qu'avec Ashton, il avait été capable de montrer sa vie comme il lui semblait. Mais vu le regard qu'il lui lançait alors, et vu l'expression de son visage, il semblait certain qu'Ashton ne l'avait jamais cru. Que tout ce temps passé à dire que tout ça n'était que des conneries, qu'il avait grandi normalement, qu'il s'était jamais fait tabassé, n'avait servi à rien. Il ne l'avait pas cru. « En effet, j’y ai jamais cru… parce que j’ai su presque aussitôt que je t’ai connu. ». Il savait depuis.. tout ce temps? Les sourcils froncés, le regard rivé vers lui, Mattia essayait de se souvenir. Ashton avait sans doute vu cette balafre. Il l'avait vu avec ses bleus. Mais il l'avait aussi vu se battre. Combien de fois l'avait-il séparé d'un autre pendant ces cours? Pas mal de fois. Mais surtout, Ashton avait toujours été là. Depuis qu'il le connaissait, depuis qu'Ashton Clarke soit devenu le professeur de sport du lycée, il y a peu près deux ans -plus ou moins, Mattia n'avait jamais été doué avec les dates-, il avait toujours été dans les parages. Quand Mattia quittait chez lui, énervé, et ayant mal, physiquement et moralement, et qu'il allait jouer au basket sur le terrain; Ashton était là. Quand Mattia trainait dans les rues de peur de rentrer chez lui, ce n'était pas rare qu'il y croise Ashton. Ce mec était son ange. Son genre de Joséphine. Il ne disait rien, n'avait rien balancé, car il devait savoir que s'il restait chez lui et qu'il acceptait ce traitement, c'était pour deux choses; sa mère et le tennis. Il n'en voulait plus à son prof d'histoire d'avoir appeler aux secours. Et même que si il avait su qu'il resterait ici, à Arrowsic, il aurait peut-être parler de son plein gré. Peut-être. Tout dépendant encore de sa mère. Sa mère qui était toujours avec lui, mais qui, d'après ce qu'il avait pu observer ce soir, allait bien. Il hocha la tête et jeta un coup d'oeil à la fenêtre. « Ça te gêne si on rentre ? ». Non. Non, ça ne le genait pas. Ils pouvaient partir maintenant. Il allait mieux. Même si il n'avait pas été au bout de ce qu'il voulait faire, il n'avait plus de regrets. Sa mère allait bien, et pour une fois, il avait prit la parole.

« On peut y aller. » Il fit alors quelques pas, délaissant le mur qui l'avait soutenu, et boita jusqu'à l'endroit où l'arme s'était posée quand il l'avait jeté. Il se baissa avec difficulté, se mordant les lèvres pour ne pas hurler de douleur, et ramassa alors l'objet. L'observant dans sa main quelques instants, il finit alors par se relever. Cette arme, il l'avait volé à quelqu'un, il allait maintenant devoir lui rendre. Il ne savait pas comment il allait le rendre -peut-être en déposant l'arme par terre devant la porte, en sonnant, et en se taillant-, mais il allait le faire. Pour pas quelqu'un soit tenté. Pour pas que lui non-plus ne soit encore tenté. Il fourra alors cette arme sous ces vêtements, comme il l'avait fait pour venir jusqu'ici, et murmura alors à Ashton. « J'irai la rendre. » Son regard se relevant alors vers Ashton, il l'observa. Lui et ses béquilles. « Ca va toi? » Lui, en tout cas, il allait mieux. Lui, il avait le coeur beaucoup plus léger. Les prochains temps allaient être durs, très durs, mais au moins, maintenant il savait qu'il pouvait compter sur Ashton, et maintenant, il savait aussi qu'il fallait qu'il se reprenne; pour Ella, et pour Lleyton.

« On peut y aller. ». Ouf ! Parce que très sérieusement, Ashton avait putain de sacrément mal à son genou, elle ne plaisantait pas l’autre conne en blouse blanche quand elle disait qu’il fallait qu’il se repose, les béquilles étaient là mais qu’il devait limiter leur utilisation, décidément cette opération, c’était du n’importe quoi, du grand n’importe quoi. Ashton observa alors Mattia qui avait délaisse le mur pour récupérer l’arme, en effet, c’était préférable, si son beau-père tombait là-dessus, il serait bien capable de l’utiliser et puis même ce n’était pas un endroit pour laisser trainer une arme. « J'irai la rendre. ». Ashton acquiesça simplement, s’il l’avait emprunté –quoique, quel con laisserait une arme à un gosse paumé ? – ou s’il l’avait volé, il était préférable que son propriétaire la retrouve assez rapidement. Là où Ashton était soulagé c’est qu’au moins, cette arme, il ne l’avait pas acheté, il n’avait pas fréquenté de mecs un peu louches pour l’obtenir.

« Ça va toi? ». Ashton regarda alors ses béquilles… il allait bien mais il avait été tellement mieux qu’accepter sa condition était quelque chose de difficile, c’était comme tout donner pour atteindre une étoile et y parvenir pour mieux se casser la gueule. « J’ai connu mieux, mais ça va…ma jambe me fait mal mais, il parait que c’est normal, que ça passera avec le temps… ». Oui, en théorie c’était ça mais en fait, Ashton n’était pas vraiment connu pour sa patience… c’était même plutôt l’inverse. « Je pense que je vais démissionner… ». Oui, il lâchait ça comme ça alors que c’était certainement difficile à concevoir, surtout pour Mattia, il l’avait eu en prof de sport, il savait combien il aimait ce qu’il faisait, combien il se donnait… il savait qu’il faisait partie de l’âme du lycée –ou presque- c’était un peu comme une légende. Clarke, c’était juste devenu le nom du prof de sport qu’il ne fallait pas faire chier, celui qui nettoie les pots de peinture à coup d’éponge et qui met les kékés sur le banc de touche. Ashton avait bien conscience de tout ça mais malgré tout… il voulait arrêter ou plutôt, il devait –à ses yeux arrêter-. « Il faut juste que je trouve dans quoi me reconvertir… ». Juste ça… ce n’était pas une mince affaire, il était diplômé d’une école de sport bon, c’était diplômé quand même mais, ça ne lui ouvrait pas beaucoup de portes. Il ne se voyait pas non plus reprendre des études, il n’avait jamais aimé ça étant jeune c’était pas pour y retourner maintenant. Après, il s’y connaissait bien en mécanique automobile, même plutôt très bien, il pouvait toujours devenir mécanicien ? Ou plombier aussi, c’était dans ses cordes…C’était dans ses cordes mais dans le fond il ne voulait pas démissionné. « Et puis bon, ça ne peut qu’aller, j’ai la femme que j’aime à mes côtés pour me changer les idées… ». Oui, mine de rien c’était important, avoir Eesha à ses côtés ça ne faisait que l’aider, quand elle était là, elle l’emmenait ailleurs, elle l’emmenait dans un monde qu’il ne voulait pas quitter. Cette femme était merveilleuse et c’était bien pour ça qu’il voulait qu’elle vienne vivre chez lui.

C'est fou comme une simple question, un simple Ca va? peut soulever toutes les difficultés que rencontre une personne. Certains gens assurent que ça va, et font un petit sourire, mais derrière ces mots se cachent une vraie souffrance. Ces gens-là refusaient simplement de dire qu'ils allaient mal. Un peu comme Ashton. Au lieu de dire 'j'ai mal', ou bien de dire simplement 'pas trop', il répondit, le plus simplement du monde. « J’ai connu mieux, mais ça va…ma jambe me fait mal mais, il parait que c’est normal, que ça passera avec le temps… ». Ces mots voulaient clairement dire que non, ça n'allait pas. On ne dit pas 'ca va', suivi de 'ma jambe me fait mal'. C'était impossible. On ne pouvait pas aimer la souffrance -et Ashton était sans doute le premier à le détester-. Chaque homme déteste souffrir; c'est bien connu qu'un homme malade d'un simple rhume croit qu'il va mourir non?

Hochant alors doucement la tête, Mattia ne répondit rien. Il détestait cette réponse. Il détestait les médecins qui lui disaient Avec le temps, vous pourrez remarcher correctement. Avec le temps, ça voulait dire quoi au juste? Une semaine? Un mois? Six mois? Un an? Alors, pour Ashton, c'était pareil. Avec le temps, il n'aurait plus vraiment mal. Tu parles! Incapable de dire un mot de plus, Mattia se contenta de marcher, en claudiquant, à côté de son tuteur. Il sentait sur lui la fraicheur du métal de l'arme sur sa peau. Il repensait à ce qu'il avait faillit faire; tuer un homme. Son beau-père, certes, mais c'était un être humain quand même. Il avait tellement rêvé le tuer qu'il se demandait encore, pourquoi il avait mis tant de temps à appuyer sur la gâchette. Et si Ashton n'était pas arrivé à temps? Et si Ashton n'était pas venu tout simplement? Il frissonna alors, et il eut l'effet d'une bombe qui soufflait à côté de lui quand il entendit le son de la voix d'Ashton. « Je pense que je vais démissionner… ». que- qu- QUOI???!! Mattia s'arrêta net de marcher. Son regard se reposa sur Ashton, et il essayait de comprendre. Démissionner, lui? C'était impossible! « Il faut juste que je trouve dans quoi me reconvertir… ». Se reconvertir? Mais il n'avait pas à le faire, car il n'avait simplement pas à changer de métier! Le lycée avait besoin d'Ashton. Les gosses avaient besoin de lui. L'école ne serait plus jamais la même si Clarke s'en allait. Voulant lui montrer qu'il avait tord, Mattia prit la parole. « Mais t'es malade! Tu peux pas partir! T'es fait pour être prof de sport! Ash, tu m'as appris plus de choses que n'importe quel autre prof. Je déconne pas quand je dis ça, et je parle pas que du sport. T'es super reconnu au lycée. Les jeunes t'aiment bien -même si tes gueulantes nous rendent sourds-. T'aimes ce que tu fais, et ça se voit. Tu peux pas partir comme ça, et laisser le lycée sans super prof de sport! » Ouais, et si il partait, Mattia allait le bouder sérieusement! A quoi ressemblerait le lycée sans ce prof de sport qui mouillait le maillot avec ces jeunes? Les cours de sport étaient les meilleurs cours que Mattia avait. Il savait au moins qu'il pouvait être la personne qu'il pouvait être -plus ou moins évidemment; quand il se battait, et qu'Ashton le laissait sur la touche, il rageait vraiment et l'insultait même de connard, ou salaud..
Et puis là, Ashton rajouta quelque chose. « Et puis bon, ça ne peut qu’aller, j’ai la femme que j’aime à mes côtés pour me changer les idées… ». La femme qu'il aime.. Eesha.. Mouais.. Ce n'était pas que Mattia ne l'aimait pas, mais disons qu'elle était assez spéciale. Pour un article, elle l'avait fait chié. Elle n'était pas journaliste pour rien. Au lieu de s'intéresser au tennis, elle avait posé des questions trop personnelles à son goût. « Hmm » se contenta-t-il de dire alors. Et là, il comprit une autre chose. Une chose qui changeait peut-être tout.. « Ash.. vous allez habiter ensemble? » Ca, ça l'inquiètait!

En entendant qu’Ashton voulait démissionner, Mattia s’arrêta net, forcément ça devait lui faire un choc d’entendre ça, Ashton, cesser d’être prof ça semblait totalement improbable. « Mais t'es malade! Tu peux pas partir! T'es fait pour être prof de sport! Ash, tu m'as appris plus de choses que n'importe quel autre prof. Je déconne pas quand je dis ça, et je parle pas que du sport. T'es super reconnu au lycée. Les jeunes t'aiment bien -même si tes gueulantes nous rendent sourds-. T'aimes ce que tu fais, et ça se voit. Tu peux pas partir comme ça, et laisser le lycée sans super prof de sport! ». Ashton haussa les épaules, les circonstances n’étaient plus tout à fait les mêmes et quelque part, il préférait vraiment que l’on garde cette image de lui –celle que Mattia avait- plutôt que celle du prof blessé qui ne veut pas renoncer mais qui est condamné à rien foutre. « Ce n’est pas partir comme ça… quand on y réfléchit c’est plutôt logique… Regarde-moi, j’en ai encore pour un moment les béquilles. Il me faudra un long moment pour réapprendre à marcher alors imagine pour courir ? Ta tête blonde de fils saura marcher avant moi, crois-moi. Je ne veux pas être un poids pour le lycée et encore moins pour les élèves… ». Il n’était pas vraiment sûr que son petit protégé comprenait ce qu’il lui chantait là, il était d’ailleurs sûr que non mais qu’importe, lui il se comprenait, c’était déjà pas mal. Et puis bon, Ashton ne se trouvait pas si super que ça comme prof, il trouverait quelqu’un mieux que lui en claquant des doigts… et il n’était pas plus fait qu’un autre pour être prof, après tout, il arrivait à se mettre les adolescentes à dos au point que sa finisse devant la justice donc bon… il ne savait peut-être pas vraiment s’y prendre.

Et puis Ashton annonça qu’il était amoureux et que ça, ça lui rendait la vie bien plus belle ce qui arrache à peine un « Hmm » à Mattia. Il faut dire qu’il n’appréciait pas vraiment Eesha –en tout cas c’est ce qu’Ashton avait cru remarqué- donc il avait sans doute du mal à croire qu’elle puisse le rendre heureux. « Ash... vous allez habiter ensemble? ». Le brunet regarda alors Mattia surprit, il en avait en effet parlé avec Eesha, mais, il ne l’avait confié à personne à la maison. « Disons que j’aimerai beaucoup que ce soit le cas en effet. La maison est bien assez grande pour tout le monde et j’ai vraiment envie de refaire ma vie, avec elle. Je sais que tu ne l’apprécie pas vraiment mais, je t’assure que c’est une femme superbe… ». Oh ça oui, à ses yeux Eesha était une femme fantastique même si Priya disait le contraire, même si certains la trouvait étrange, même si sa mère ne l’appréciait pas trop –parce qu’elle jugeait que du fait que Ashton ne l’ait pas encore présenté, elle avait quelque chose à cacher-, Eesha était vraiment une femme qui gagnait à être connue, une femme aussi belle extérieurement qu’intérieurement. Non vraiment, il voulait que Mattia et Eesha s’entendent bien, ça lui tenait vraiment à cœur même si au fond, il ne pouvait faire grand-chose contre ça.

Mattia avait beau entendre toute la détermination de son tuteur, il ne croyait pas une seule seconde qu'Ashton Clarke ne puisse pas rester prof. Pour lui qui l'avait toujours connu comme un prof du lycée, avant même de le connaître un peu mieux, il ne l'imaginait pas dans la peau d'un autre. Et puis, ce serait pour faire quoi? Quitter son job, c'était bien, mais pour devenir quoi? Garagiste? Libraire? Vendeur de chaussures? Dans la tête de Mattia, toutes sortes de métier -plus invraisemblables que réels- passaient dans sa tête. Limite, il voyait Ashton, complètement perdu, à devenir gogo-danseur. Certes, son esprit divaguait, mais malgré le fait qu'il boitait à côté d'une personne qui boitait aussi, il ne l'imaginait pas bien dans la peau d'autre chose que d'un professeur de sport. Et puis, si Ashton quittait ce poste, des jeunes Mattia sécheraient encore plus les cours...« Ce n’est pas partir comme ça… quand on y réfléchit c’est plutôt logique… Regarde-moi, j’en ai encore pour un moment les béquilles. Il me faudra un long moment pour réapprendre à marcher alors imagine pour courir ? Ta tête blonde de fils saura marcher avant moi, crois-moi. Je ne veux pas être un poids pour le lycée et encore moins pour les élèves… » Et alors? Haussant les épaules, et fronçant les sourcils, Mattia ne comprenait pas ce choix. Il allait se remettre. Il allait pouvoir remarcher. Il allait pouvoir courir. Il pourrait très bien, même si ça met du temps, continuer ses cours, et revenir sur un terrain de sport. Alors, voulant lui montrer qu'il ne pouvait pas tout abandonner, Mattia reprit la parole. « Et alors? Même si Lleyton marche avant toi, il ne voudra certainement pas encore jouer au basket avec toi.. Ash, qu'est-ce que ça peut faire si t'abandonnes le lycée pour quelques mois, et que tu reviennes après? Puis, sérieux, tu voudrais faire quoi? Strip-teaseur?» Le regard rivé sur lui, Mattia souriait. Pour la première fois depuis un moment. Il avait complètement oublié ce pourquoi il était venu, dans cette rue, quelques minutes plus tôt. Grâce à Ashton, il avait cessé de penser à tout ça. A cet homme. Il avait retrouvé son sourire.

Il le perdit quelques secondes plus tard. En une phrase, il repensait à cet objet qu'il avait dans sa poche. A ce qu'il avait faillit faire. A ce qu'il avait fait aussi. Tout ça, parce qu'ils se mirent à parler de Eesha. Et qu'en quelques secondes, Ashton avoua quelque chose qui l'effrayait. « Disons que j’aimerai beaucoup que ce soit le cas en effet. La maison est bien assez grande pour tout le monde et j’ai vraiment envie de refaire ma vie, avec elle. Je sais que tu ne l’apprécie pas vraiment mais, je t’assure que c’est une femme superbe… ». Ouais.. Pour ce qu'elle était d'une femme superbe, on repassera. Elle était belle, certes; Mais elle restait quand même cette journaliste, et surtout, elle restait l'hypothétique propriétaire de l'arme qu'il sentait sur sa peau. Il désirait la rendre. Ne pas la laisser trainer chez eux. Ne pas la laisser trainer n'importe où.Mais maintenant, il n'avait pas vraiment envie de la rendre. Surtout si il tombait sur Eesha. Ca allait donner les premiers jours chez Ashton si jamais elle savait. Et même sans parler de ça, Mattia n'était pas si convaincu que ce soit une bonne chose. C'était Eesha quoi. Pourquoi fallait-il qu'Ashton choisisse toujours des femmes au caractère particulier? Sa première femme avait été le juge qui l'avait condamné à faire des travaux d'interet. Sa deuxième femme -ou copine du moins- n'était pas mieux. Mais bon, c'était le choix d'Ashton.
Remarquant alors que ça faisait un petit moment qu'il restait silencieux, et remarquant qu'il allait peut-être mettre mal à l'aise Ashton, Mattia finit par ouvrir la bouche. « Okay.. » Avec toute la bonne volonté qu'il y mit, il ne réussit pas à dire autre chose. Peut-être que si il n'avait pas son arme sur lui, peut-être que si il lui reprochait seulement cette entrevue, il aurait pu dire autre chose. Dire qu'il allait faire un effort. Mais là, l'effort, il n'aurait pas besoin de le faire. Si elle savait ce qu'il lui avait volé, elle allait le détester. Pour Ashton, Mattia n'avait plus qu'à prier que l'arme soit celle d'Imran. Marchant toujours à côté de son tuteur, l'ex-tennisman se perdit dans ses pensées. Repensant au jour où il l'avait piqué, et à cette chambre. Celle d'Eesha? Ou celle d'Imran?

Mattia haussait les épaules et fronçait les sourcils, il n’arrivait visiblement pas à comprendre la –presque- décision d’Ashton. Il avait toujours connu en tant que prof de sport, Ashton pouvait donc concevoir qu’un éventuel changement était difficile à imaginer pour l’adolescent. Ashton pouvait tout à fait comprendre, lui-même avait du mal à s’y faire, à l’avouer, à se l’avouer d’ailleurs. « Et alors? Même si Lleyton marche avant toi, il ne voudra certainement pas encore jouer au basket avec toi... Ash, qu'est-ce que ça peut faire si t'abandonnes le lycée pour quelques mois, et que tu reviennes après? Puis, sérieux, tu voudrais faire quoi? Strip-teaseur?». Mattia souriait comme s’il était amusé par cette idée, Ashton en faisait tout autant parce qu’il était amusé mais aussi parce que ça lui faisait du bien de voir Mattia sourire. « Le lycée n’est pas genre à s’encombrer de boulet tu sais. Je ne sais pas encore ce que je vais faire mais, je vais ajouter strip-teaseur à ma liste ! C’est une excellente idée ! ». Il ria doucement, évidement il plaisantait, il n’était pas certain qu’Eesha apprécié cette idée – que lui-même n’appréciait pas forcement- et puis mine de rien ça devait être physique ce boulot ! S’il ne pouvait descendre sur son genou, ça semblait déjà mort. Bon, et puis Ashton n’était pas pudique mais de là à se donner en spectacle… non, non et non. Ce n’était vraiment pas envisageable, même devenir casse-couille qui fait chut dans les bibliothèques, ça lui convenait mieux.

Trêve de plaisanterie, Mattia lui avait posé une question plutôt sérieuse ; est-ce qu’il voulait qu’Eesha vienne vivre à la maison ? Ashton n’avait pas pu lui dire autre chose que la vérité, oui, il mourrait d’envie qu’elle vienne vivre à la maison. Il savait que Mattia ne s’entendait pas très bien pour lui alors il craignait un peu sa réaction. C’était difficile pour lui d’accepter que Mattia -qui était comme son frère- ne s’entende pas avec sa petite amie –avec qui il espérait secrètement finir sa vie-. « Okay.. ». Juste Okay, Ashton aurait voulu que les choses se passe autrement mais Okay c’était toujours mieux qu’un pétage de plomb, il n’allait pas trop lui en demander quand même, surtout avec les émotions qu’il avait eu.

Il béquilla à côté de Mattia sans rien ajouter, il était perdu dans ses pensées, sur cette nouvelle vie qui s’offrait à lui, sur l’avenir qu’il ne savait pas comment dessiner. En y pensant, il se rendait bien compte qu’il n’était pas la seul à devoir dessiner sa vie, changer son avenir, bref, revoir sa petite vie. « Et toi, tu as des projets pour l’avenir ? ». Il savait bien que c’était encore un peu tôt, surtout après ce qu’il venait d’apprendre mais, peut-être que Mattia y pensait, peut-être qu’il avait une idée derrière la tête ? Après tout, y penser, avoir un projet, cela pouvait l’aider à s’en sortir, à se sentir mieux. Oui, ça pouvait mais Ashton savait que ce n’était pas facile du tout.

Plus le temps passait, plus il se sentait encore secoué. Il avait faillit tuer un homme. Même si cet homme n'était pas vraiment un homme, même si cet homme s'était montré totalement dépourvu de sentiments à son égard, c'était quand même un être humain. Un être humain aimé par un autre être humain. Sa mère. Que serait-elle devenue si jamais il avait été jusqu'au bout? Elle aurait été sans doute plus que triste. L'asile n'aurait pu devenir que son unique maison. Elle était déjà tellement fragile là.. Mais dans un sens, si il l'utilisait comme punching ball depuis qu'il était parti, il l'aurait sauvé. Il aurait peut-être pris une vie, mais en aurait peut-être sauvé une autre..
Si chacune de ses pensées se reportaient sur cette arme qu'il dissimulait, Ashton était à ses côtés, et tentait du mieux qu'il pouvait d'occuper son esprit par autre chose que par ce qui s'était passé devant cette maison de malheur. « Le lycée n’est pas genre à s’encombrer de boulet tu sais. Je ne sais pas encore ce que je vais faire mais, je vais ajouter strip-teaseur à ma liste ! C’est une excellente idée ! ». Même si Ashton riait, Mattia ne riait plus. Ok, s'imaginer Ashton comme strip-teaseur, c'était assez comique. Il imaginait déjà parfaitement les femmes baver sur son beau-frère, priant pour que celui-ci s'approche d'elle, et qu'elle puisse caresser son torse musclé. Un sourire s'échappa alors de ses lèvres. Il n'aurait de toute façon pas la patience de danser devant des femmes excentriques. « Tu fais une connerie Ash. Je te jure. Les lycéens vont te regretter comme personne.. Si j'étais encore au lycée, que tu te barrerais, je pense que je sécherais tous les cours, et que je ne prendrais même plus la peine d'y aller.. T'es un meuble Ash, t'adorais ce que tu faisais en plus! »

Du moins, il avait toujours cru qu'il adorait son job. Ashton semblait heureux quand il était en cours. Il semblait content de s'y rendre chaque matin, et ce, même si il gueulait après certains élèves, certains parents, ou même après certains autres profs du lycée. Vraiment, Mattia ne l'imaginait pas malheureux dans cette vie de sportif.

Enfin, Ashton lui avoua qu'il espérait que Eesha, sa petite amie, vienne habiter dans sa maison. Parce qu'il ne voulait pas le blesser, mais pas parce qu'il l'aimait bien, Mattia avait seulement répondu « okay ». Il ne l'aimait pas. Il n'aimait pas savoir ashton avec elle. Il avait bien remarqué que son tuteur avait des goûts féminins pathétiques, mais il ne voulait pas rentrer en conflit avec lui. C'était sa vie après tout. Si Ashton lui avait fait une remarque sur le couple qu'il formait avec Ella, il lui en aurait terriblement voulu. La seule chose qu'il pouvait faire donc, c'était de l'accepter. Alors, il se tut. N'ajouta rien d'autre.
Ils marchèrent -enfin, façon de parler, parce que marcher n'était pas vraiment le mot- l'un à côté de l'autre pendant un petit moment. Moment durant lequel Mattia repensait à ce qu'il avait faillit faire. Il avait faillit rendre sa mère peut-être encore plus triste. Il n'avait pas de remords pour son beau-père, mais pour sa mère, il en avait. Il ressassait ça, lorsque la voix d'Ashton l'atteignit encore. « Et toi, tu as des projets pour l’avenir ? ». Des projets? Ouais! Il en avait bien un; raconter comment merder sa vie. Ca, il pouvait le faire. Ou alors, finir en taule pour tentative d'assassinat. Ou alors, pour violence domestique. Punaise.. Il repensait encore à ce qu'il avait fait. A Ella. A la façon dont il l'avait jeté. Il eut aussitôt les larmes aux yeux. "non" dit-il. Il détourna le regard, et murmura alors, tout en continuant de 'marcher'. « hormisfoutremavieenl'air» Bon sang, comment avait-il pu faire ça? A ELLA en plus? Il s'en voudrait toute sa vie de ça.

Quitter le lycée n’était pas une idée facile à faire accepter à Mattia, en même temps Ashton le savait, le peu de gens avec qui il en avait parlé ne comprenaient pas son choix –ou du moins son idée-. « Tu fais une connerie Ash. Je te jure. Les lycéens vont te regretter comme personne... Si j'étais encore au lycée, que tu te barrerais, je pense que je sécherais tous les cours, et que je ne prendrais même plus la peine d'y aller... T'es un meuble Ash, t'adorais ce que tu faisais en plus! ». Il adorait…et s’il n’aimait plus ? S’il était perdu dans sa vie et qu’il avait l’impression d’être passé à côté de quelque chose d’important ? S’il avait juste l’impression de ne plus savoir de quoi il avait besoin ? « Je ne pense pas que ce soit le cas de beaucoup d’élèves, Mattia. Dans deux ans, on ne parlera plus moi et encore, deux ans je flatte mon égo là ! Et puis, je ne suis plus certain d’adorer ce job… ». Voilà c’était dit, il n’était plus certain d’avoir cet amour pour son métier. Cette année avait été affreusement différente de l’année passée et il avait du mal à se l’avouer mais cette année l’avait ennuyé et démoralisé. Il voyait tous ces jeunes qui semblaient toujours plus insolant, lui le prof qu’on respectait, c’était sentit dépourvu de moyens face à cette jeunesse. Il avait eu les premières années cette année, toutes les premières années et que des premières années et ils avaient réussi à lui faire perdre foi en l’avenir quelque part.

Ils parlèrent ensuite –rapidement très rapidement- d’Eesha. En fait, ce qu’Ashton n’avouait pas à Mattia c’est qu’au fond de lui, cette femme était la seule personne qui lui donnait envie de sourire et se lever le matin, elle lui permettait de tenir debout. Sa vie à lui ressemblait à un bordel tel qu’à vingt-sept ans il se trouvait pathétique et perdu mais, elle, elle lui permettait d’avancer sans même le savoir.

Ashton questionna alors Mattia sur ses projets d’avenir, l’adolescent le regard alors et Ashton fut surpris d’observer des larmes au bord de ses yeux. "Non". Continuant de marcher, le blondinet ajouta alors «hormisfoutremavieenl'air». Malgré le fait que ces mots étaient tout sauf articulés, Ashton les avait compris –peut-être et sûrement parce qu’il connaissait le sentiment du jeune homme-. « Tu vas t’en sortir, tu peux compter sur moi pour ça… et sur Ella… ». Plus que sur n’importe qui, Ashton savait très bien qu’Ella pouvait tout endurer, que Mattia pouvait tout lui confier, elle ne dirait jamais rien qui pourrait lui nuire. Et quant à lui c’était une promesse qu’il faisait à Mattia et à lui-même. Si sa vie à lui était merdique et qu’il ne savait plus quoi en faire ni où allait, il voulait que Mattia s’en sorte, qu’il trouve sa voix, qu’il soit heureux. Il savait que l’adolescent n’allait pas y croire comme ça mais Ashton allait lui en donner les moyens même s’il ne savait pas encore comment.

Le jeune adulte ne comprenait même pas comment Ashton pouvait imaginer cela. Pour lui, il n'y avait pas d'autres métiers qu'il ne pourrait faire. Le sport, c'était sa vie. Combien de fois Ashton l'avait retrouvé, à côté d'un terrain de basket à des heures un peu tardives? A chaque fois, Ashton prenait son temps, et sans poser de question à Mattia sur la raison de se présence dehors aux horaires là, il attrapait le ballon, et jouait avec lui. Ils faisaient quelques paniers, essayaient de se chipper le ballon des mains, et sans le savoir -ou peut-être s'en doutait-il un peu-, son prof de sport l'aidait. Durant ce temps-là, Mattia échappait à son beau-père, repoussant au plus tard leur rencontre. Alors, pour lui, c'était inimaginable de voir son tuteur dans un autre endroit que dans un gymnase ou sur un terrain de basket. Pour lui, le sport, c'était sa vie. « Je ne pense pas que ce soit le cas de beaucoup d’élèves, Mattia. Dans deux ans, on ne parlera plus moi et encore, deux ans je flatte mon égo là ! Et puis, je ne suis plus certain d’adorer ce job… ». Plus certain d'adorer ce job? Il était vraiment sérieux là? Voyant que la discussion ne semblait pas avancer, Mattia préféra se taire. Il se contenta de ruminer dans son coin, le regard droit devant lui, et essayant de comprendre ce qui ne tournait pas rond dans le cerveau de son tuteur. Parce que là, il y avait vraiment quelque chose qui clochait. Quelque chose qui ne tournait pas rond dans sa cervelle.
Pourquoi vouloir absolument quitter ce métier? Pourquoi vouloir faire autre chose? Pourquoi soudainement n'aimerait-il plus son job? Peut-être était-ce parce qu'il n'avait plus Mattia en cours. C'était vrai qu'il était un jeune tellement adorable que tous les profs du monde rêveraient de l'avoir...

Il eut envie de lui faire cette remarque, pour rire, mais il n'en fit rien. Ce n'était pas le moment de rire justement. C'était sérieux; c'était sa vie, c'était son job. Ce n'était pas quelque chose sur lequel on pouvait se permettre de rire.
Après quoi, Mattia parla de son avenir. Il n'avait plus qu'à foutre sa vie en l'air. Comme d'habitude, Ashton trouva les mots. Une seconde plus tard, il tentait de le rassurer. « Tu vas t’en sortir, tu peux compter sur moi pour ça… et sur Ella… ». Sur lui, peut-être.. et encore, pas sûr.. Sur Ella, pas sûr non plus.. Se renfrognant, Mattia ne fit aucun commentaire. Il préféra se taire une nouvelle fois, et se laissa aller, le regard d'un coup tourné vers le sol. Si il savait... Si ashton savait ce qu'il avait fait, il ne dirait pas ça. Il se la jouerait peut-être comme son beau-père. Il l'ignorerait peut-être. Il le foutrait dehors peut-être. Et le pire, c'est qu'importe la façon dont il réagirait, il aurait raison; ce serait mérité. Rien qu'à l'idée de repenser à Ella, et à la vision qu'il avait d'elle, assise au sol, Mattia frissonna. Il n'était qu''un connard. Un vrai connard!

Il se demanda si il devait lui dire. Cette option lui effleura un instant l'esprit. Mais il n'était pas prêt à voir toute la frustration, la colère et la déception dans le regard de celui qui l'avait jusque-là aider. Alors, il repensa à Ashton, et à son avenir. Penser à lui lui faisait oublier un instant Ella. Et c'est là qu'il se souvint d'une chose; de ce que Kavi disait d'Ashton. Quand Matty faisait une connerie, pour son meilleur pote, il risquait de se faire « trouer le trou de balle ». Ces mots, Mattia ne les avait jamais cru, même après tout ce qu'il lui avait dit. Il savait Ashton incapable de faire du mal à des ados, mais ça n'empêchait pas qu'il se demandait si ce que Kavi lui avait dit était vrai. Si une ado n'avait pas dit des choses horribles sur lui. Alors, d'une voix un peu plus basse encore que d'habitude, Mattia demanda. « Ashton, c'est vrai ce qu'on dit? ». Parce qu'Ashton ne devait certainement pas comprendre de quoi il s'agissait, Mattia finit par ajouter une phrase. « J'ai entendu, une fois, que tu avais eu des soucis, avant, dans un autre lycée. C'est vrai? » Il s'arrêta là.
Si Ashton ne voulait pas en parler, il n'avait qu'à le dire. Mattia comprendrait. Mais il voulait savoir; il voulait essayer de comprendre pourquoi d'un coup, il ne voulait plus être prof. Parce qu'il y avait forcément une explication...

L’avenir, que ce soit celui d’Ashton ou de Mattia ils étaient tellement incertains qu’il était difficile d’en parler. Ashton était persuadé que Mattia pourrait se relever, notamment grâce à Ella et Lleyton. Quant à se prononcer sur son propre avenir, il ne savait pas ce qu’il allait faire mais ne voulait pas reprendre son travail au lycée. En tout cas, l’avenir et les conversations qu’ils venaient d’avoir le laissait pensif mais pas trop longtemps puisque Mattia se chargea de le tirer de là abordant alors un drôle de sujet. « Ashton, c'est vrai ce qu'on dit? ». Ashton fronça alors les sourcils sans comprendre où l’adolescent voulait en venir, qu’est-ce qu’on disait ? Ashton n’était pas vraiment du genre à écouter les rumeurs sou à suivre les articles de RHI, par conséquent, de ce point de vue-là il était bien souvent à côté de la plaque. « De quoi est-ce tu parles ? ». Ashton attendait la suite avec curiosité et angoisse, ne sachant pas sur quel sujet il aurait à s’expliquer. « J'ai entendu, une fois, que tu avais eu des soucis, avant, dans un autre lycée. C'est vrai? ». A peine eut-il dit ces mots-là que le regard d’Ashton s’assombrit, il n’aimait pas conter cette histoire, il en avait bien trop bavé, il avait bien trop perdu. Il savait pertinemment que cette histoire l’avait plus ou moins suivit jusqu’ici mais il n’aimait pas en parler, il n’aimait pas qu’on lui en parle.

Il souffla en grand coup, il s’agissait de Mattia, non d’un juge, non d’un collègue, ni de qui que ce soit qui pourrait le juger ou du moins de manière négative en remettant en doute sa parole, sa façon de faire. « En effet, j’ai eu quelques ennuis. ». Il se racla la gorge, fermant alors les yeux se rappelant malgré l’aplomb de cette petite traînée qui l’avait accusé. « Je n’ai pas mis la moyenne à une de mes élèves. Un de ces filles qui ne fout rien et qui affiche son décolleté dans l’espoir vain que cela leur permettra d’avoir mes grâces, bref tu vois le genre ? ». Mattia en avait eu dans sa classe, des filles comme ça, alors forcément il voyait le genre et puis de toute façon, ça courait les rues c’était –malheureusement- de plus en plus fréquent, ce genre de minette. « Bref, elle a… porté plainte contre moi pour abus d'autorité et de détournement de mineur. ». Ashton sentait son cœur se remplir de rage en repensant à cette petite sotte et à ce qu’elle avait fait. « Bien sûr je n’avais rien fait, mais nous sommes allés jusqu’au tribunal où elle a enfin avoué la vérité. ». Ashton souffla, il racontait tout ça en accélérer parce qu’en réalité il avait connu un an de galère, un an de chômage et de honte. « Et même après cela, certains n’ont pas cru à mon innocence, pensant que je l’avais corrompu. ». Et oui, laver son image n’était pas chose simple, voilà pourquoi il détestait entendre ce trou du cul de Kavi dire qu’il était un pédophile. « Arrowsic a été mon refuge. ». Ça c’était certain, Arrowsic lui avait permis la reconquête du bonheur.

Jusqu'à présent, jamais vraiment Mattia n'avait cru aux histoires de Kavi. Bien sûr, il se doutait bien que quelque chose s'était passé un jour, et que c'était pour cette raison qu'Ashton était revenu à Arrowsic. Mais plus il y réfléchissait, plus il se disait que c'était à cause de son genou, et non pas à cause d'une histoire sordide. Ashton était incapable de faire du mal à quelqu'un; encore moins à un jeune. Même à une jeune. Pour Ella, et lui, il avait tout fait. Tout. Alors, croire une seule seconde qu'il aurait pu être un bourreau à ses heures perdues ne lui convenait pas. C'était tout simplement impossible..
Mais parce que l'envie de quitter l'enseignement lui semblait tellement soudain et incompréhensible, Mattia finit par lui demander si les rumeurs étaient vraies. Pas les rumeurs de RHI; d'autres, comme celle de Kavi -mais il ne le mentionna pas évidemment-. « De quoi est-ce tu parles ? ». Jetant un rapide coup d'oeil à son tuteur, le jeune homme remarqua qu'il commençait à s'agiter. Peut-être qu'il ferait mieux de se taire. Peut-être qu'il ferait mieux de dire qu'il s'était trompé. Au lieu de quoi, perdu dans toutes ses pensées, dans tout ce qu'il avait fait, dans tout ce qu'il refusait de faire, il préférait mille fois demander à son beau-frère, plutôt que de vivre encore une fois dans le doute. Surtout que là, avec son air mi-curieux, mi angoissé, il avait attiré un peu plus son attention.
En tout cas, à peine eut-il finit de demander si il avait eu des soucis dans un autre lycée, Mattia sut que la rumeur était vraie. Que Kavi ne mentait pas. Qu'il n'avait jamais menti. Il se sentit d'un coup mal. Il aurait mieux fait de se taire, et de ne rien demander de plus. Il entendit alors Ashton souffler un grand coup, et relevant vers lui, il était prêt à lui dire que ce n'était pas la peine qu'il lui réponde; qu'après tout, ça ne le regardait pas. Il n'en eut pas le temps. Ashton avait déjà pris la parole. « En effet, j’ai eu quelques ennuis. ». Quelques ennuis. « Je n’ai pas mis la moyenne à une de mes élèves. Un de ces filles qui ne fout rien et qui affiche son décolleté dans l’espoir vain que cela leur permettra d’avoir mes grâces, bref tu vois le genre ? ». Mattia hocha la tête. Il en connaissait quelques unes des filles comme ça. Il avait assez gueulé après elle en cours, histoire qu'elle bouge leurs derrières, pour s'en souvenir. « Bref, elle a… porté plainte contre moi pour abus d'autorité et de détournement de mineur. ». Les yeux de Mattia se firent plus gros. Avait-il bien entendu? Fronçant les sourcils, il posa son regard sur Ashton. Il avait bien dit, « détournement de mineur »? C'était impossible ça ! Impossible de chez impossible ! Comment on pouvait prétendre ça sur Ashton? Comment pouvait-on croire cette fille en plus? « Bien sûr je n’avais rien fait, mais nous sommes allés jusqu’au tribunal où elle a enfin avoué la vérité. ». Putain. Il n'en revenait pas. Ses yeux avaient beaucoup de mal à rester rivés sur Ashton. Non pas parce qu'il le croyait innocent -il le savait innocent-, mais parce qu'il n'en revenait pas de cette histoire. Jamais il avait pensé que ça avait été si loin. « Et même après cela, certains n’ont pas cru à mon innocence, pensant que je l’avais corrompu. ». Bien sûr.. C'était facile de dire ça, facile de penser ça. Mais les gens ne connaissaient pas Ashton; il était incapable de faire du mal à quelqu'un. Ca se voyait sur lui, non? Alors comment avaient-ils pu croire ça? « Arrowsic a été mon refuge. ». Il hocha la tête, encore perdu dans ses pensées.
En fait, Mattia était en train de penser que dans des prisons, il y avait certainement des gens innocents. Peu sans doute, mais il devait y en avoir quand même. Accusés eux aussi par une fille beaucoup plus attirée par ses décolletés que par le sport. Et parmi eux, il y avait faillit y avoir Ashton. Son Ashton. Celui qui l'avait recueillit alors qu'il aurait du finir dans un foyer à Portland. Celui qui avait recueillit Ella enceinte, et virée de chez ses parents. Un gars comme lui ne peut pas faire de mal; c'est même inscrit sur son front. Il suffisait juste de savoir lire. « C'est dégueulasse.. » lâcha-t-il alors. Cette fille était vraiment conne, insensible, horrible. Si elle n'avait pas dit la vérité, que ce serait-il passé? En y réfléchissant, Mattia comprenait pourquoi Ashton détestait les flics. Quand il avait du venir le chercher, quelques mois plus tôt suite à l'accident de voiture qu'ils avaient eu avec Jona, Ash ne faisait pas le malin dans le commissariat.. Il comprenait pourquoi maintenant. « Je suis désolé de t'avoir demandé ça.. » Il aurait peut-être mieux fait de se taire du coup. « Et je comprends que tu veuilles arrêter.. » Après tout, le boulot de prof lui avait causé trop d'ennuis..

Ashton venait de raconter son histoire à Mattia, celle qui l’avait brisé de l’intérieur et qu’il lui avait montré à quel point l’Homme peut être mesquin et à quel point l’honneur d’un Homme est fragile. Il n’aimait pas du tout mais, Mattia avait posé la question et il jugeait qu’il avait parfaitement le droit de savoir, et puis, s’il ne lui disait pas, Ella pourrait très bien lui raconter elle-même, elle avait pas mal souffert de cette histoire. « C’est dégueulasse… ». Ashton afficha un maigre sourire à l’intention du blondinet, oui c’était dégueulasse et ça il l’avait dit au moins quinze mille fois, devant son ex-femme, son avocat, les flics et les juges mais, c’est dégueulasse, ne suffisait pas à les convaincre. « Oui ça l’est, et ça l’est tout autant pour moi que pour les filles qui subissent réellement cela. ». Oui, parce qu’ainsi leur parole était remise en doute, l’affaire Clarke servait d’exemple au mensonge d’une petite lycéenne en colère sauf que quand c’était vraiment le cas, cela devait être un supplice d’être insultée de menteuse. « Je suis désolé de t’avoir demandé ça… ». Ashton afficha un sourire franc cette fois, ébouriffant les cheveux du blondinet comme il avait l’habitude de le faire –d’ailleurs son fils y avait le droit aussi-. « Tu avais le droit de savoir et je préfère que tu saches la vérité plutôt que tu écoutes les ragots. ». C’est vrai qu’Ashton appréciait le fait qu’il lui demande directement au lieu de se contenter des détestables « on dit ».

« Et je comprends que tu veuilles arrêter… ». Ashton fut surprise par ce que venait de dire le jeune homme mais, en fait, il se doutait que c’était en rapport avec ce qu’il venait de lui confier. Son travail lui avait déjà causé trop d’ennuis et il n’avait plus la force de se battre pour lui. Mattia avait compris que ce n’était pas que son genou et quelque part, il venait de le faire comprendre à Ashton aussi, parce que ce dernier se voilait la face, encore et toujours. « Merci. ». Merci de comprendre et de ne pas le blâmer, le juger. Certes, il ignorait encore ce qu’il allait faire mais il ne voulait plus enseigner, c’était ainsi.

Maintenant que tout était posé et qu’’ils oubliaient presque pourquoi ils se retrouvaient tous les deux en béquilles dans la rue, ils n’avaient plus qu’à rentrer à la maison et retrouver un peu de tendresse et sérénité auprès d’Ella et Lleyton.