Lenny se sentait totalement épuisé et pourtant, il n’avait aucune bonne raison de l’être. Comme à son habitude, il avait « omis » d’aller en cours aujourd’hui, et avait préféré rester seul chez lui, étalé dans son canapé. D’ailleurs, seul n’était pas le mot exact puisque quoi qu’il fasse, son caméléon John gardait un œil sur lui. Installé lui aussi sur le canapé du salon, l’animal semblait veiller sur son maitre un peu à la manière d’un chien de garde. Comme à chaque fois qu’il était seul chez lui, Lenny n’avait pas résisté à l’envie de se préparer un petit joint, et même s’il avait rapidement terminé de le fumer, l’odeur flottait toujours dans l’air de son appartement. Sur la table basse trônaient les restes de ce petit plaisir qu’il s‘était offert, mais aussi l’assiette qui avait contenu son repas de midi, et qu’il avait eu la flemme d’aller laver. En bref, le jeune homme avait clairement décidé de s’accorder une vraie journée de repos et à bien y réfléchir, il l’avait peut-être bien méritée.

En effet, ces derniers jours avaient été quelque peu éprouvants pour Lenny. Il s’était certainement fait une des plus belles frayeurs de sa vie et quoi qu’il en dise, il avait un peu de mal à s’en remettre. L’espace de quelques jours, il avait pu s’imaginer devenant papa, et le seul fait d’y repenser lui procurait encore des frissons. Immature et irresponsable au possible, Lenny n’était pas prêt du tout à assumer ce genre de choses et pourtant, Quinn avait bel et bien cru être enceinte de lui… jusqu’à ce qu’elle se décide à faire un test de grossesse qui les avait tous les deux libéré d’un énorme poids. Cependant, cet « incident » trottait toujours dans la tête du jeune homme qui ne pouvait désormais plus s’empêcher d’imaginer ce qu’aurait été sa vie s’il avait effectivement été le père de cet enfant.

Mais alors qu’il songeait à toutes ces considérations, Lenny entendit qu’on frappait à sa porte. Fronçant les sourcils sous le coup de la surprise, il jeta un coup d’œil tout autour de lui, avant de grimacer en constatant le désordre qui régnait dans la pièce. Lenny se leva ensuite en grignant, et resta assis sur son canapé quelques instants, hésitant à aller ouvrir ou à rester étalé dans son salon. Mais ce fut finalement sa curiosité qui l’emporta et le poussa à se diriger vers la porte d’entrée. Il ne pouvait pas s’agir de Quinn. Si ça avait été le cas, elle serait entrée directement sans prendre la peine de frapper. Même chose pour son frère Rudy… Intrigué, Lenny actionna alors la poignée et tomba nez-à-nez avec la dernière personne qu’il s’attendait à voir à Arrowsic…

« Maman, tu sais que je t’aime. Maman, il faut vraiment que tu ailles mieux. Je suis là maintenant, je suis là. Je vais plus partir. Je resterai avec toi jusqu’à ce que tu ailles mieux. Tu vas guérir, ça va aller, je le sais. Pardon de t’avoir laisser, pardon. Je sais, tu ne m’en veux pas, je sais c’était mieux pour moi. Mais pour toi, c’était pas juste. Tu avais besoin de moi, besoin de ta fille auprès de toi. Maman, les médecins s’occupent bien de toi. Maman, gardes espoir s’il te plait. Au moins pour moi. J’ai réussi à remonter la pente, regardes je suis là, je vais bien. Maman, fais le pour moi. Si j’ai réussis, tu y arriveras aussi. Lâches pas, lâches surtout pas. Le cancer ne peut pas te battre, rien ne peut te battre maman. Tu m’as toujours protégée, t’es la plus forte. Je crois en toi. Je veux que tu te battes pour nous deux. Patrick a dit qu’il viendrait peut-être, tiens le coup. Il veut te voir. On sera tous les trois comme avant. Je sais, c’est plus pareil, mais tu sais bien. Il est mon père, tu es ma mère, je suis votre fille. J’ai besoin des trois personnes que j’aime le plus au monde dans la même pièce, réunies. Tiens le coup, pour moi, pour Patrick, mais surtout pour toi. Tu as de belles années devant toi encore, maman. S’il te plaît. » Je fais mon possible pour retenir les larmes qui menacent de couler sur mes joues. Je parle, je parle, je parle à toute vitesse pour masquer ma tristesse, pour combler le vide laissé par ce silence trop pesant. Ma mère est intubée, trop faible pour parler. Je ne fais que des monologues. Je ne fais que la supplier, parce que je sens qu’elle lâche, que doucement elle laisse le cancer prendre sur elle le dessus.

Une semaine que j’ai marqué mon grand retour à Arrowsic. Une semaine et je n’ai pas encore prévenu grand monde. Pas parce que je voulais me terrer chez moi cette fois. Pas à cause de la déprime. Non, simplement parce que pour une fois je voulais faire passer ma mère avant tout le monde. Je voulais juste qu’elle ait la priorité sur tout. Elle le mérite, je le lui dois bien. Une semaine que je suis à son chevet, à l’hôpital. Et je craque, ça devient dur, trop dur de rester forte face à ma mère en train de déperir. J’ai besoin de sortir, d’aller voir quelqu’un, un ami, j’ai besoin de sourire un peu et de me ressourcer, face aux gens que j’aime, ici à Arrowsic. J’ai besoin d’oublier les appels incessants de mon fiancé, que j’ai planté lamentablement au Texas. J’ai besoin d’aller chez Lenny. Oui, Lenny. Je veux voir Lenny. « Je repasse ce soir, maman. » Je colle une bise sur son front. J’attrape ma veste et je quitte la pièce. Je marche dehors et déjà, rien que de respirer de l’air frais me libère un peu.

La ville n’est pas très grande, je n’ai pas beaucoup à marcher pour arriver chez Lenny. En seulement quelques minutes, j’y suis. J’ai hâte de le revoir. Hâte de partager de bons moments, comme avant. Je monte les escaliers deux par deux, en courant presque. J’arrive devant sa porte, tout de même un peu essouflée. Je sonne. Un Lenny très étonné me fait face. Je savais qu’il ne s’y attendrait pas. Et ça rend ma visite encore plus amusante. Tout de suite, un énorme sourire s’accroche à mon visage. « Surpriiiiiiiiiise ! » Je lui saute dans les bras. Il m’a manqué, beaucoup manqué. Même avant que je parte, on ne s’est pas vu énormément. Il savait que j’avais des problèmes, que je voulais rester seule et il respectait. « Je préférais t’annoncer mon retour de vive voix. » Sans attendre d’invitation je pénêtre dans la pièce principal dans laquelle je sens immédiatement une puissante odeur de Marijuana. « Tu m’as pas attendu pour te faire un joint, pas cool. »

Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte sous le coup de la surprise de Lenny se transformèrent vite en un large sourire lorsqu’il reconnut Jona en face de lui. Sa présence à Arrowsic était tellement inattendue, et il se trouvait tellement abasourdi de la voir sur son palier qu’il n’eut même pas le réflexe de la prendre dans ses bras. Pourtant, le jeune homme était particulièrement heureux de revoir son amie après tout ce temps passé loin d’elle, et l’accueillit avec un grand bonheur lorsqu’elle lui sauta littéralement dessus. Se laissant emporter par l’enthousiasme, Lenny s’autorisa même à la faire tournoyer pendant quelques instants avant de la reposer à terre. « Je préférais t’annoncer mon retour de vive voix. » déclara-t-elle alors que Lenny la contournait pour aller refermer la porte derrière eux. « T’as bien fait ! Je suis tellement content de te revoir… ça faisait une éternité ! »

Lenny aurait voulu lui poser toutes les questions d’usage, lui demander comment elle allait, depuis combien de temps elle était en ville,… mais elle ne lui en laissa pas le temps. En effet, il ne pouvait visiblement rien lui cacher, et à peine entrée dans l’appartement elle remarqua l’odeur de Marijuana qui y flottait. « Tu m’as pas attendu pour te faire un joint, pas cool. » nota-t-elle immédiatement, ce qui eut pour effet de faire sourire Lenny qui haussa les épaules d’un air innocent. D’un geste du bras, il l’invita à gagner le salon et le canapé où trônait John, toujours aussi fièrement. « Hé ! Heureusement que je ne t’ai pas attendu ! J’aurai dépéri entre temps… » plaisanta-t-il tout en lui adressant un clin d’œil espiègle. Lenny se laissa ensuite choir dans son canapé et releva les yeux vers Jona en restant silencieux quelques instants, comme s’il voulait prendre le temps d’apprécier sa présence. Puis, incapable de se retenir plus longtemps, il laissa sa curiosité l’emporter : « Alors, comment tu vas ? T’as fait quoi pendant tout ce temps ? »

Lenny n’avait pas pour habitude d’être particulièrement intrusif dans a vie de ses amies, mais le temps aidant, il avait réellement envie d’avoir des nouvelles de Jona. Il l’appréciait, et devait bien avouer qu’elle lui avait manqué. Même s’ils ne se voyaient pas extrêmement souvent, et même si leur relation n’avait jamais rien eu avoir avec celle que Lenny avait pu entretenir avec Quinn pendant son enfance, elle faisait partie des personnes qui comptaient beaucoup pour lui. Jona était et restait sa petite sœur de cœur, et il comptait bien rattraper tout le temps qu’ils avaient perdu ces derniers mois.

Je souris. Je souris de tout mon être. Je suis tellement soulagée d’être de retour chez moi, à Arrowsic. J’aurais jamais cru dire ça un jour. J’aurais jamais cru que je pourrais un jour considérer cette petite ville du Maine comme chez moi. Pour moi, ça avait toujours été L.A. Je pensais que ça le serait pour la vie, que jamais je ne trouverais mieux. J’avais eu tord. Arrowsic est devenu ma maison et ses habitants ma famille. Lenny est comme mon frère. Lenny m’a énormément manqué. Je ne peux cacher ma joie de le revoir. Je lui saute dans les bras tout simplement. Je lui témoigne toute mon affection. Cette suprise, je l’avais planifié depuis longtemps. « T’as bien fait ! Je suis tellement content de te revoir… ça faisait une éternité ! » Une éternité, en réalité, peut-être pas, mais c’était tout comme. Du moins pour nous. Il m’avait manqué, tellement.

Perspicace, je ne manque pas de remarquer la belle odeur qui traîne dans le salon. Lenny n’a pas changé ses petites habitudes et c’est bon à savoir. Ça fait du bien de retrouver mon ami tel que je l’ai laissé. Je le taquine en lui disant qu’il ne m’a pas attendu. « Hé ! Heureusement que je ne t’ai pas attendu ! J’aurai dépéri entre temps… » Il ne comprend pas le sous entendu. Evidemment.. Je suis sensée avoir arrêté. Je suis sensée m’être rangée. C’était mieux pour moi. C’est mieux pour moi. Il le sait, je le sais. Mais j’ai trop envie d’y toucher, d’y regoûter. J’ai besoin de sentir la drogue infiltrer mes poumons. Plus qu’une envie, c’est en ce moment un besoin. « T’en as encore ? On s’en fait un ensemble ? » Je sais qu’il dira non. Je le sais d’avance, mais je me dois d’essayer. Il le faut. J’en ai trop envie. Ça me soulagerait, ça me calmerait, ça me ferait oublier. Oublier toutes les choses que j’ai laissé au Texas.

« Alors, comment tu vas ? T’as fait quoi pendant tout ce temps ? » C’est la question à un million. Comment ça va ? C’est le genre de question que je redoute depuis des mois, à laquelle je ne sais jamais quoi répondre, à laquelle il est trop complexe de répondre un simple oui ou un simple non. Je reste silencieuse quelques secondes avant de remarquer que Lenny a les yeux fixé sur moi. « Bref, j’ai besoin d’un join. » Je lui souris en espérant qu’un peu de charme pourrait marcher. « Non, franchement ça va beaucoup mieux. Je crois que mes vieux démons m’ont quitté. Ça c’est surtout grâce à mon beau père qui est d’ailleurs devenu mon père... » Il me regarde avec de gros yeux. « Il m’a adopté. » dis-je avec une certaine fierté, tout en tentant de masquer mon émotion. « Je me suis faite à mon handicap. Regardes, je porte un appareil auditif. » dis-je en montrant mon oreille gauche. « Mais Jona reste Jona et je me suis créé quelques problèmes au Texas. Du coup, j’ai besoin d’un joint. » Je m’approche alors de mon ami et je lui fait des petits yeux de biche. C’est surjoué, il le sait bien, je lui montre simplement que j’en ai rééellement envie et que ce n’est pas un petit caprice de star. Malgré tous mes efforts, je crains que la réponse soit tout de même non.

Passée la surprise et surtout la joie de se retrouver tous les deux, Jona ne tarda pas à remarquer la présence de cette odeur caractéristique qui flottait dans l‘appartement de Lenny. A vrai dire, cela ne devait pas être réellement surprenant… Lenny n’avait pas changé, et il n’avait en aucun cas perdu ses bonnes vieilles habitudes que la plupart de ses amis connaissaient et cautionnaient, sans vraiment en avoir le choix. Cependant, le fait que Jona remarque ces effluves et vienne mettre le sujet sur le tapis aussi rapidement amusa Lenny, qui se contenta d’éluder la question en l’accusant implicitement de l’avoir « abandonné » pendant si longtemps. Mais à sa plus grande surprise, la jeune femme insista, allant même jusqu’à lui demander de leur préparer un joint. Lenny comprenait parfaitement qu’elle veuille en quelque sorte fêter leurs retrouvailles mais il connaissait aussi son passé, et se montra particulièrement responsable, pour une fois. Il secoua la tête en signe de négation, tout en faisant claquer sa langue contre son palais. Sans pour autant perdre son sourire, le jeune homme déclara l’air de rien : « T’arrives trop tard, il n’y a plus rien ! » Bien sûr il mentait, et il ne croyait pas une seule seconde que Jona allait gober ce qu’il venait de dire. Mais tout comme elle l’avait fait un peu plus tôt, il voulait essayer. S’il y avait bien une personne à Arrowsic sur laquelle on pouvait compter pour se fournir en Marijuana, c’était Lenny ! Il portait tellement de soins aux plantations qu’il avait installées chez lui que le jeune homme n’était jamais en rupture de stock. Mais en face de Jona, il préférait prétendre le contraire, comme pour la protéger d’un mal qu’il ne considérait même pas comme tel au fond de lui. Mais elle restait une sorte de petite sœur pour lui, et le fait de la fournir alors qu’elle avait eu la force de se ranger lui paraissait tout bonnement inconcevable.

Histoire de dévier la conversation, Lenny se lança dans quelques banalités concernant la période qu’ils avaient passée loin l’un de l’autre. Mais Jona ne perdit pas le nord, bien au contraire, et ne se priva pas de lui faire comprendre que son petit jeu ne marchait absolument pas sur elle. Levant les yeux ciel, le jeune homme ne prit même pas la peine de répondre, et attendit sagement qu’elle daigne continuer sur un autre sujet. « Non, franchement ça va beaucoup mieux. Je crois que mes vieux démons m’ont quitté. Ça c’est surtout grâce à mon beau père qui est d’ailleurs devenu mon père... Il m’a adopté. » expliqua-t-elle finalement devant un Lenny ravi de la voir sourire ainsi et d’apprendre toutes ces bonnes nouvelles. « Wow ! Jona c’est génial ! Ca valait le coup de partir finalement… » ajouta-t-il plein d’enthousiasme, avant qu’elle lui annonce qu’elle s’était accommodée de son handicap, ce qui fit sourire Lenny encore davantage. Mais alors qu’il s’apprêtait à continuer, la jeune femme le devança en déclarant : « Mais Jona reste Jona et je me suis créé quelques problèmes au Texas. Du coup, j’ai besoin d’un joint. » Cette fois-ci, elle n’hésita pas à s’approcher de lui tout en lui faisant les yeux doux, ce qui fit grimacer de dépit le jeune homme. Lenny soupira en levant une nouvelle fois les yeux au ciel, et répondit : « Attends attends, tu crois quand même pas que je vais t’en faire un comme ça, sans avoir plus de détails ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » s’exclama-t-il, en se rendant compte un peu trop tard qu’il s’était vendu tout seul en ce qui concernait son stock et sa capacité à lui préparer ledit joint.

Retrouver Lenny, mon Lenny me fait un bien fou. C'est comme mon frère, mon grand frère. Nous avons toujours eu une relation privilégiée, une relation pleine de délire et qui fait du bien. Il veille sur moi depuis le début, il me soutient. Il m'a toujours soutenu, même durant mes pires périodes de crise. Parce qu'il faut le dire, il faut l'admettre, je suis loin d'être facile à vivre. Je pense souvent au fait que mes amis sont des héros, rien que pour trouver la force de m'aimer et de m'aider à avancer. Certains d'entre eux ont plutôt tendance à avoir l'effet inverse. Ils m'entraînent et me poussent dans mes retranchements les plus sombres. Mais il y a toujours Lenny, pas loin, pour sauver les meubles. Pas étonnant que j'ai choisi de lui annoncer mon retour en premier.

« T’arrives trop tard, il n’y a plus rien ! » dit-il lorsque je lui demande un joint. C'est cela oui. On y croit. Lenny a toujours la dose. Il n'est jamais à sec. Lenny ne serait pas Lenny sans un petit sachet quelque part dans ses affaires. Je souris un peu et je ne dis rien. Je sais qu'il se grillera tôt ou tard et que j'obtiendrai ce que je voudrais. Il ne peut rien me refuser quand je lui fais mon battement de cil à la bamby. Pour dévier le sujet et casser ce léger moment de flottement qui s'est installé, il demande à en savoir plus sur mon voyage au Texas. Je lui annonce avec une certaine fierté que je me nomme Zane désormais, nom de mon cher père Patrick. Oh, Patrick. Je lui en ai parlé plusieurs fois. Je suis tellement heureuse qu'il m'ait adopté, je crois que ça transparait et que le doute n'est pas permis. « Wow ! Jona c’est génial ! Ca valait le coup de partir finalement… » Il semble réellement heureux pour moi. Il connait tous mes déboires avec mon père biologique et c'est vrai que cette adoption marque enfin la fin de toute cette sombre histoire. Désormais, les choses sont remises à leur place. Patrick a toujours été mon père de toute façon, c'est celui qui m'a elevée et qui m'a aimé comme sa fille.

J'avoue quand même que tout n'a pas été rose là bas et que j'avais été une fois de plus fidèle à moi même en m'attirant des problèmes. « Attends attends, tu crois quand même pas que je vais t’en faire un comme ça, sans avoir plus de détails ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il se grille, comme je l'avais prévu. J'ai un sourire de satisfaction sur le visage. « Tu vois bien que tu en as. » Il semble un peu déçu de lui même, mais me montre par un regard qu'il était sérieux en me demandant ce qui m'était arrivé. Bon, si c'est la condition, d'accord. J'attrape ma main gauche dans ma main droite et je joue legèrement avec ma bague de fiançaille que je porte, malgré tout, toujours. « J'ai fait la piiiiiire connerie de ma vie là-bas... Je.. » dis-je un peu gênée. « Je me suis fiancée à mon médecin. » J'ai presque envie de rire, tellement la situation semble grotesque. Et pourtant, c'est la vérité. Je me demande bien comment Lenny va réagir. Je sais qu'il peut être légèrement possessif comme « Grand frère », il n'aimait pas tellement quand je trainais avec Siméon par exemple. Du coup, je ne sais pas s'il va tellement apprécier la nouvelle.

Lenny était tout simplement ravi pour son amie. En effet, il la connaissait assez pour savoir qu’elle adorait cet homme qui l’avait élevée, et que le fait de devenir officiellement sa fille devait l’emplir de joie. Cependant, l’enthousiasme de Lenny ne fut que de courte durée et très vite, Jona nuança son discours. Selon elle, son besoin de joint était du à une foule de problèmes qu’elle s’était attiré au Texas. Sans vraiment réfléchir, le jeune homme demanda plus de détails en se vendant bien malgré lui, chose que Jona ne se priva pas de lui faire remarquer. Lenny grimaça, mais se reconcentra bien vite sur le discours de son amie qui, quoi qu’il en dise, commençait sérieusement à l’inquiéter. Et la gêne apparente qui se lisait sur le visage de la jeune femme n’était pas faite pour arranger les choses. C’est donc un peu hésitante, et surtout pressée par le regard insistant de Lenny qu’elle se lança. Même s’il n’avait pas vraiment su à quoi s’attendre, le jeune homme ne fit pas déçu ! En effet, Jona lui avoua qu’elle s’était fiancée au Texas, et avec son médecin… ni plus, ni moins.

Lenny resta bouche bée quelques instants avant de secouer la tête, comme si cela allait l’aider à comprendre ce qu’il venait d’entendre. Mais ce fut finalement une mine déconfite qu’il releva vers Jona tout en l’interrogeant du regard. Lenny avait toujours prit très au sérieux son rôle de grand frère auprès d’elle, et ce même s’il ne le montrait absolument pas. Sous son air dédaigneux et je-m’en-foutiste, il lui arrivait parfois de s’inquiéter et Jona pouvait d’ailleurs se targuer d’être l’une des rares personnes pour qui il le faisait. Autant dire que l’aveu qu’elle venait de lui faire éveillait en lui une foule de sentiments, allant de l’envie de la réprimander jusqu’à celle de s’occuper personnellement dudit médecin. Mais Lenny restant Lenny, il ne montra rien de son agacement et resta le plus calme possible face à une Jona qu’il ne lâchait décidément plus des yeux. « Euh… attends, tu… je te suis pas trop là… » avoua-t-il en se grattant nerveusement la nuque. Le jeune homme se dirigea ensuite vers le salon en faisant signe à Jona de le suivre, et s’installa dans le canapé, l’invitant également à en faire de même. Comme à on habitude, John était en bonne place sur le dossier du canapé et en voyant son maître arriver s’empressa, à son rythme, de revenir vers lui. Lenny l’attrapa à la manière d’un vulgaire jouet pour le poser sur ses genoux, avant de reporter son attention sur Jona. « Alors tu es… fiancée, et tu penses que c’est la plus grosse connerie de ta vie… C’est qui ? T’avais bu ce jour-là ?! « plaisanta-t-il sans vraiment le faire puisqu’il considérait cette hypothèse comme l’une des plus sérieuses pour expliquer le geste de son amie.

Je viens de lâcher une bombe. Je viens de dévoiler à Lenny que je suis fiancée, que je me suis engagée et en plus de cela avec un homme plus âgé, avec mon médecin. Dis comme ça, ça semble fou et stupide et pourtant c'est bien plus compliqué que ça en a l'air. Et maintenant je vais devoir m'expliquer, expliquer l'inexplicable. « Euh… attends, tu… je te suis pas trop là… » Lenny est surpris. Lenny semble choqué. Il ne comprend pas. Je le connais, je vois bien qu'il ne le prend pas très bien. Il affiche un petit sourire forcé. Il se dirige vers le canapé et m'invite à le suivre. Son caméléon est là, toujours posté à sa place. Lenny le prend sur ses genoux et poursuis : « Alors tu es… fiancée, et tu penses que c’est la plus grosse connerie de ta vie… C’est qui ? T’avais bu ce jour-là ?! « Il essaye de rire, mais je vois bien que ce n'est pas naturel. Oui, je dois lui expliquer. Je dois tout lui raconter, depuis le début.

Mais avant de commencer, je me rapproche légèrement de lui et je pose ma tête sur son épaule. On a toujours été tendre l'un avec l'autre. Comme un grand frère avec sa petite soeur. J'ai bien deux frères, mais avec eux c'est différent. Lenny me protège, Lenny s'occupe de moi. J'avais hâte de rentrer à Arrowsic pour le retrouver, pour traîner avec lui à nouveau. J'aime quand il me taquine, quand on joue et qu'on rigole ensemble. C'est innocent, c'est beau.

Je respire un grand coup enfin prête à me confier. Je dois avouer que j'ai un peu peur de sa réaction. Il m'a toujours connu célibataire, papillonnant à droite et à gauche. Il sait que je ne sais même pas ce que veut dire le mot amour, même si je croyais parfois l'avoir ressenti. Il sait que je suis jeune, que j'aime m'amuser et que je ne suis pas du genre à me fixer, d'où sa surprise j'imagine. « C'était mon médecin généraliste là-bas. Il a trente ans. Au début, il était super sympa avec moi, vraiment, il était adorable. Ça me faisait du bien que quelqu'un s'occupe aussi bien de moi, soit autant à l'écoute. Et puis, il avait un sourire qui me faisait craqué, j'ai assez vite trouvé qu'il était mignon tu vois. Du coup.... Bon, tu sais comment je suis avec les mecs, je l'ai charmé un peu. Juste comme ça... Je voulais juste l'émoustiller... Je savais pas encore qu'il était marié. » Lenny semble choqué. Il ne dit rien. Je profite de ce petit silence pour marquer une pause dans mon explication. Une boule de stress se forme dans mon ventre. Je vois le visage de Lenny prendre des traits que je ne lui connais pas. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais il n'a pas l'air très content. « Un jour, lors d'une consultation, ça s'est fait tout seul, on s'est embrassé. Et puis, c'est aller... plus loin. » J'ai un peu de mal à aborder le sujet. C'est vrai, je n'ai jamais réellement parlé de sexe avec Lenny. C'est étrange, mais ça me gêne un peu et je ne me vois pas tellement le faire. « Ça a duré quelques semaines. On a appris à se connaître et je me suis très vite attachée à lui. Notre histoire était secrète parce que je ne voulais pas que Patrick l'apprenne, mais j'ignorais bien que ça l'arrangeait également. Un jour, j'ai appris qu'il avait une femme et... une petite fille. J'étais dévastée. Ça m'a rappelé mon enfance, lorsque Patrick a trompé ma mère. Je ne voulais pas détruire une famille. J'étais prête à tout arrêter, mais... » J'ai du mal à avouer ce qui vient ensuite. J'aurais vraiment du tout arrêter à ce moment là. Lui dire au revoir, rentrer chez moi et être débarrassée de lui pour toujours. « Mais il a tout fait pour me garder, il m'a dit qu'il les quitterait de toute façon, que c'était moi qu'il voulait. Il disait qu'il était fou de moi. Il m'a dit des choses qu'on ne m'a jamais dite. Il voulait qu'on soit ensemble pour toujours. J'ai été touchée par ses mots, je lui ai dit oui. »

Oui, j'avais dit oui. J'avais dit que je l'épouserai, qu'on resterait ensemble toujours. J'ai dit oui parce que c'est ce qu'il voulait entendre et que je voulais lui faire plaisir. Je tenais à lui. Mais je ne voulais pas de ça. « Dès le lendemain, j'ai réalisé mon erreur et je suis partie, sans rien lui dire. Je n'ai pas eu le courage de le laisser tout seul, de lui briser de coeur alors qu'il venait de briser sa famille. Je... J'ai l'impression d'être un monstre. » Je ne peux m'empêcher de penser à sa femme et à sa petite fille, à la souffrance qu'elles doivent ressentir. Je ne peux m'empêcher de penser à quel point elles doivent me haïr pour avoir volé l'homme le plus important dans leur vie.

Je suis toujours à moitié allongée sur Lenny, n'osant pas lever les yeux pour affronter son regard. J'ai honte. J'ai vraiment honte et pourtant ça fait un bien fou de se confier, de dire ces choses que j'avais jusque là gardé pour moi.

Même si l’annonce que venait de lui faire Jona avait provoqué une sorte de raz de marée dans l’esprit de Lenny, ce dernier s’efforça de ne rien montrer. Il n’était pas particulièrement bon comédien, mais son naturel calme et posé l’aida à prendre la chose avec philosophie… du moins en apparence. Car même s’il ne s’emportait pas et qu’il faisait plutôt mine de chercher à comprendre les « motivations » de son amie, le jeune homme bouillait littéralement de l’intérieur. Comptant sur le fait de s’installer dans son salon pour se calmer et détendre l’atmosphère, Lenny laissa passer quelques instants de silence avant de reprendre, finalement trop pressé de connaître le fin mot de l’histoire. Ce qu’elle lui racontait ne ressemblait tellement pas à la Jona qu’il connaissait qu’il avait parfois l’impression d’être victime d’une mauvaise blague. A plusieurs reprises, il hésita d’ailleurs entre le fait d’éclater de rire, ou celui de se laisser submerger par la colère qui montait en lui. Mais faisant une nouvelle fois fonctionner ses nerfs d’acier, il s’efforça de rester de marbre et entoura même Jona de son bras lorsqu’elle vint se blottir contre lui. Quoi qu’il en soit, elle restait sa petite sœur de cœur et même si l’envie de la réprimander était grande, Lenny savait que l’affection qu’il éprouvait pour elle prendrait toujours le dessus.

Jona se lança alors dans les explications détaillées de tous les éléments qui avaient conduits à ce qu’elle revienne à Arrowsic fiancée à son médecin. Et plus les explications s’accumulaient, plus la mâchoire de Lenny se serrait sans même qu’il ne s’en rende compte. A vrai dire, c’était bien la première fois que Jona lui parlait de ce genre de choses, et le jeune homme aurait largement préféré  qu’elle n’ait pas à aborder le sujet. Et comme si elle souhaitait s’acharner et voir jusqu’où ses nerfs pouvaient tenir, elle n’avait de cesse de rajouter des détails dont un non négligeable : l’homme en question avait une femme, et une petite fille. Presque inconsciemment, Lenny desserra l’emprise qu’il exerçait jusqu’ici sur les épaules de la jeune femme, trop occupé qu’il était à imaginer dans quelle situation s’était mise son amie. Mais malgré cela, Jona continua inlassablement à lui narrer son histoire : « Mais il a tout fait pour me garder, il m'a dit qu'il les quitterait de toute façon, que c'était moi qu'il voulait. Il disait qu'il était fou de moi. Il m'a dit des choses qu'on ne m'a jamais dite. Il voulait qu'on soit ensemble pour toujours. J'ai été touchée par ses mots, je lui ai dit oui. » Cette fois, Lenny crut bien que sa patience allait lui faire défaut. Imaginer cet homme qu’il ne connaissait même pas dire des choses pareilles à Jona, à SA Jona… c’était presque au-dessus de ses forces. Finalement, il se prenait à en vouloir presque plus à cet inconnu qu’à son amie, qui avait pourtant dit « oui ». C’est elle qui s’était engagée, elle qui avait accepté, mais Lenny avait bien du mal à l’accabler, préférant rejeter la faute sur l’homme qui avait fait chavirer son cœur.

« Dès le lendemain, j'ai réalisé mon erreur et je suis partie, sans rien lui dire. Je n'ai pas eu le courage de le laisser tout seul, de lui briser de cœur alors qu'il venait de briser sa famille. Je... J'ai l'impression d'être un monstre. » conclut Jona en gardant le regard baissé. Accusant le coup, Lenny garda le silence encore quelques instants avant de froncer les sourcils en réalisant peu à peu qu’elle l’avait quitté à la manière d’une voleuse. « Attends… il ne sait pas que tu es ici ? Tu… il ne sait même pas que tu es partie ?! » Lenny secoua la tête et recula légèrement, forçant Jona à se détacher de lui pour pouvoir croiser son regard. « Tu… l’aimes ? » lâcha-t-il finalement sans prévenir, laissant ainsi échapper bien malgré lui la grande question qui le turlupinait depuis le début.

Je viens tout juste de terminer ma longue tirade. Tout est dit, enfin presque. Il reste surement des doutes, des questions qui planent, des choses que Lenny me demandera d'eclaircir, mais le gros de l'histoire est là. Et je tremble. Je tremble parce que ce souvenir me fout mal. Je tremble parce que je redoute, à chaque seconde qui passe, la réaction de celui que je considère comme mon grand frère. Je ne le regarde pas, mais je peux sentir tout un mélange d'émotion que je ne saurais prédire. Le silence est là, pesant, flottant sur nous comme un vilain cumulonimbus menaçant de déverser sa foudre. Je n'ose ajouter mot. J'attends, tout simplement. J'attends dans le stresse et dans la crainte. Oui, j'attends que Lenny dise quelque chose, n'importe quoi. « Attends… il ne sait pas que tu es ici ? Tu… il ne sait même pas que tu es partie ?! » Il me repousse doucement et s'éloigne de moi, déjà. Il me regarde, il veut que je le regarde aussi, que nos regards se croisent. Il veut voir si je suis honnête, si je ne mentirai pas en répondant à sa nouvelle question. « Tu… l’aimes ? » Il ne m'avait même pas laissé le temps de réagir à sa question précédente. Celle-ci semble plus importante, celle-ci semble vraiment le turlupiner. Ça sonne presque comme un reproche. Comme si, j'avais tord de tomber amoureuse, comme si, cela m'était interdit.

«Je..» Je ne sais pas par où commencer, que dire exactement. J'aimerais être sincère avec Lenny, lui dire toute la vérité, mais je crois que j'ignore moi même qu'est-ce que la vérité. « Je ne sais pas. » C'est vrai, je n'en ai aucune idée. Pourtant, on peut se dire que quand on aime quelqu'un, on le sait. Quand on ne l'aime pas, on le sait aussi. Alors pourquoi tant d'indécision venant de ma part ? « Tu sais bien que je n'ai jamais été amoureuse... Du coup... Je ne sais pas si c'est ça aimer... » À vrai dire, j'aurais plutôt tendance à pencher vers le nom. Si je l'aimais, je n'aurais certainement pas eu ce besoin de fuite. Si je l'aimais, j'aurais dit oui sans aucun doute, j'aurais souhaité ne plus jamais le quitter. « Je ne sais pas ce que je ressens... Je tiens à lui, je crois... Mais... Je ne veux plus le revoir, j'en suis certaine. » Ce n'est pas tant lui, mais plutôt les circonstances qui m'ont dégoûtée. Briser une famille a cassé quelque chose en moi ou bien plutôt réveiller une vieille blessure. Je ne pouvais pas continuer. Et puis, il y a la différence d'âge, de milieu, d'envies. Il m'aurait fait des enfants, je n'en veux pas. 

« J'ai fui parce que c'était ce qu'il y avait de plus facile. C'est lâche, je sais. Oui, je ne lui ai rien dit. Oui, j'ai fui juste comme ça. Il sait que je suis partie. Il a compris. Il m'appelle tous les jours, tout le temps, ma boîte de messagerie est pleine de ses messages désespérés et je sais qu'il me retrouvera Lenny. Il sait où j'habitais avant, il sait que ma mère est malade ici à Arrowsic, il saura forcément que Patrick va venir me rejoindre. Il me retrouvera, il viendra et je ne sais pas ce que je dois faire moi. J'ai que dix-neuf ans, à dix-neuf ans on est pas sensé vivre des choses comme ça. J'ai peur Lenny, j'ai besoin d'aide... Ne m'en veux pas... »

Même s’il avait fallu un peu de temps à Lenny pour remettre tout ce qu’il venait d’apprendre en ordre dans sa tête, un sentiment étrange ne tarda pas à l’envahir. Comme un mélange de jalousie et d’amertume, le jeune homme eut subitement l’impression que Jona était en train de lui échapper. Au-delà de la petite sœur qu’il aimait taquiner, il découvrait une femme qui plaisait visiblement aux hommes, et c’était d’ailleurs bien compréhensible. Seulement voilà, Lenny n’était pas prêt à la considérer de la sorte car pour lui, elle était et resterait celle qu’il protégeait quoi qu’il arrive. Alors le simple fait de l’imaginer au bras de cet homme, beaucoup plus âgé qu’elle de surcroit, le mettait tout simplement hors de lui. Et il devait d’ailleurs mettre en œuvre des efforts considérables pour se contenir et éviter de s’emporter devant elle. Avant tout chose, il devait comprendre. Comprendre ce qui avait pu se passer entre eux, ce qui l’avait poussée à revenir à Arrowsic en fuyant, et ce qu’elle comptait faire à présent. A vrai dire la situation était bien loin d’être simple, mais quelle que soit la façon dont il retournait les choses dans sa tête, Lenny avait plus envie de la réconforter que de la réprimander. C’est donc d’un ton qu’il voulut le plus doux possible que le jeune homme exposa LA question qui lui brûlait les lèvres depuis le début. Et visiblement, cette dernière déstabilisa Jona qui dut s’y reprendre à plusieurs fois avant de répondre.

« Tu sais bien que je n'ai jamais été amoureuse... Du coup... Je ne sais pas si c'est ça aimer...  Je ne sais pas ce que je ressens... Je tiens à lui, je crois... Mais... Je ne veux plus le revoir, j'en suis certaine. » déclara la jeune femme, laissant un Lenny à moitié satisfait. Quelque part, le fait qu’elle ne veuille plus le revoir le rassurait, mais au fond il restait persuadé que cet homme allait la chercher. Il chercherait à la retrouver par tous les moyens… du moins, c’est de cette manière-là que les choses se passaient dans les films bidons que Quinn le forçait à regarder. Et bien vite, il eut d’ailleurs la confirmation que ses craintes étaient fondées puisque Jona affirma qu’il l’appelait tous les jours et qu’il finirait forcément par la retrouver. Immédiatement, les sourcils de Lenny se froncèrent et sans même connaitre l’homme qui était à l’origine de tout cela, il se prit à le détester et à rêver de lui donner une bonne leçon. Tentant une nouvelle fois de se rasséréner, le jeune homme reprit doucement Jona dans ses bras en murmurant : « Tu devrais lui expliquer tout ça ! Il faut qu’il te lâche… si c’est vraiment ce que tu veux… » ajouta-t-il un peu hésitant, pas certain de ce qu’il avançait et espérant que le ton qu’il avait adopté suffise à inciter Jona à  lui en dire toujours plus. « Il n’a pas le droit de te faire du mal en insistant comme ça… je ne le laisserai pas faire ! Si u veux je peux lui faire comprendre qu’il ferait mieux de rester loin de toi… » ajouta alors Lenny en s’imaginant déjà renvoyer cet homme dans ses foyers sans ménagement. Pour une fois, il n’avait peut-être pas le meilleur rôle mais puisqu’il s’agissait de Jona, il voulait bien tirer un trait sur tous ses principes.

Je me mords la lèvre par anxiété. Je reprends mon souffle. Je viens de tout déballer, je viens de tout expliquer. J'ai peur que Lenny me juge, bien qu'il ne l'ait jamais fait. J'ai peur que Lenny flippe, que Lenny s'énerve. Bref, j'ai peur que Lenny, MON Lenny me glisse entre les doigts. Donc je m'accroche fort au tissu de son t-shirt en attendant sa réaction. Je m'accroche fort à l'espoir que tout puisse bien aller et que je bénéficie même de son soutien.

Et puis, tout à coup, comme sentant mon stress monter, mon ami me reprend dans ses bras, m'invitant à m'approcher encore plus près de lui, ce que je fais bien évidemment sans broncher. « Tu devrais lui expliquer tout ça ! Il faut qu’il te lâche… si c’est vraiment ce que tu veux… » Je grimace, j'ai toujours eu du mal avec les explications. Et puis, même si je ne veux plus de ce médecin à l'heure actuel, je n'ai pas envie de le briser. J'ai peur de ce qu'il pourrait dire, de ce qu'il pourrait me faire si je le rejette, lui qui a tout quitté pour moi. « Il n’a pas le droit de te faire du mal en insistant comme ça… je ne le laisserai pas faire ! Si tu veux je peux lui faire comprendre qu’il ferait mieux de rester loin de toi… »

Lorsque Lenny dit ça, mon coeur accélère. Il serait prêt à s'interposer entre nous, à m'aider et à être là au cas où les choses tournent mal. Il veut me protéger. Oui, comme toujours. Mais je ne sais pas, cette fois ci, je sens que c'est différent. Je sens qu'il compte le faire avec plus de hargne, il ne semble pas beaucoup aimé cette histoire, cet homme qui lui a arraché sa petite soeur. C'est ce que je devine et ça me flatte, ça me touche. « Merci mon Lenny » dis-je en tournant la tête, me retrouvant alors à quelques centimètres de son visage. Jusqu'à cet instant précis, ce genre de situation était arrivé un bon million de fois. Oui, mais jamais comme ça. Mon coeur bat, il bat si fort qu'il pourrait sortir de ma poitrine. Je sens mon estomac se compresser et ma respiration s'accélérer. Oui, pour la première fois, j'ai envie de goûter aux lèvres de Lenny. Est-ce parce qu'il veut me sauver, est-ce parce qu'il se montre si attentif, est-ce parce que je suis malheureuse ? Je l'ignore, mais je ne peux m'empêcher de trouver cette situation affreusement mal saine.

Après être restée bloquée quelques secondes - qui m'ont parues une éternité - j'embrasse doucement sa joue et je me reblotti contre lui pour me cacher en toute discrétion, croisant les doigts pour que Lenny n'ait pas compris ce qui m'est passé par la tête. « On se le fait ce joint ? » dis-je enfin pour rompre le silence.

Tel un gamin à qui on aurait piqué son jouet, ou plutôt sa petite sœur, Lenny était sur le point de se mettre à bouder. Il n’avait jamais vraiment été jaloux à ce point-là mais voir que cet homme, cet inconnu s’était ainsi rapproché de Jona le mettait tout simplement hors de lui. Tant bien que mal, il tentait de se contenir et de ne pas exploser devant elle, et pour éviter de la mettre encore plus mal à l’aise que ce qu’elle était déjà. Au lieu de ça, il « força » Jona à s’approcher de lui et la serra un peu plus fort dans ses bras en lui proposant d’intervenir lui-même pour la débarrasser de son médecin. Mais pour toute réponse, la jeune femme se contenta d’accepter son étreinte en le remerciant… sans lui donner l’autorisation ou non de faire quelque chose pour l’aider. Et au moment où Lenny eut l’impression qu’elle allait reprendre la parole, le temps sembla se figer.

Leurs visages n’étaient plus séparés que par quelques centimètres et soudain, Jona stoppa son mouvement. S’ensuivit un long moment de flottement durant lequel Lenny observa la jeune femme sans comprendre ce qui était en train d’arriver. Mais alors qu’il entrouvrit la bouche pour lui demander ce qui n’allait pas, Jona s’empressa de coller une bise sur sa joue et de se blottir contre lui. Surpris, mais ravi qu’elle revienne ainsi vers lui, Lenny fronça les sourcils avant d’afficher un sourire quasi imperceptible. Décidant de ne pas se laisser perturber par cet évènement inattendu, il déposa à son tour un baiser sur les cheveux de Jona et s’enfonça un peu plus dans son canapé, allant même jusqu’à poser ses pieds sur la table basse en face d’eux pour être plus à l’aise. Mais la jeune femme ne perdait visiblement pas le Nord, et ne tarda pas à lui rappeler le sujet qu’il croyait pourtant avoir si bien évincé quelques minutes plus tôt. « On se le fait ce joint ? » Lenny laissa échapper un petit rire devant la détermination de Jona, puis questionna sans vraiment attendre une quelconque réponse : « T’es as vraiment besoin hein ? » Au fond, il comprenait. Les joints étaient précisément un de ses remèdes préférés quand quelque chose le tracassait, alors il n’était pas vraiment en position de lui refuser celui-là. « C’est d’accord…. Mais juste un ! » ajouta-t-il, soucieux de garder un semblant d’autorité sur elle, comme pour se persuader qu’il était toujours ce Lenny protecteur envers elle, même en lui accordant ce joint.

Ce fut donc d’une main experte que le jeune homme attrapa tout ce qui allait lui être nécessaire, et confectionna ledit joint. Pas trop chargé, comme une énième preuve de bienveillance. Il l’alluma, tira dessus deux ou trois fois, avant de le tendre à Jona non sans esquisser une petite grimace pleine de désarroi. « Tiens… Profites-en bien, il n’y en aura pas d’autre… » affirma-t-il en se laissant de nouveau choir dans son canapé aux côtés de Jona.

J'ai eu envie d'embrasser Lenny, oui. Pendant une seconde seulement, c'est vrai. Mais j'en ai eu envie. Pendant un court instant je l'ai envisagé, j'y ai songé. Pendant un court instant, ce n'était plus mon grand frère adoré. Non, pendant un court instant c'était Lenny, cet homme sexy qui cherche a tout prix a me protéger. Celui qui se salirait les mains pour moi. Cet homme-là, oui, il m'a fait envie. Mais j'ai reculé. Je n'ai rien fait. Et j'ai tenté par tous les moyens d'effacer cet instant, de l'oublier et de faire comme s'il n'avait jamais existé. Je change rapidement de sujet. Je reviens vite sur mon premier désir : un joint. Je sais que ceux de Lenny sont les meilleurs. Je le sais parce que j'avais des amis qui se fournissaient chez lui. Non, pas qu'on en ait déjà partagé. Il a toujours refusé. Nous nous sommes rencontrés lorsque j'étais sur la mauvaise pente. Lorsque j'étais au bord du précipice. Lenny voulait déjà me sauver a cette époque, du moins m'empêcher de tomber plus bas. Et en quelque sorte, en disant non toutes ces fois ou je lui demandais, il a réussi.

« T'en as vraiment besoin, hein ? » Il veut s'en assurer. Je sens qu'il a quelques réticences, qu'il ne veut pas réellement le faire. Je sens aussi qu'il a un peu pitie de moi sur ce coup et qu'il ne sait probablement pas quoi faire d'autre pour que je lui offre un sourire. Il sait a quel point je suis bornée et a quel point j'ai ce talent pour obtenir tout ce que je veux. Certes, il m'a toujours résisté jusque là, mais tout de même. Aujourd'hui, sans que je ne réussisse réellement a me l'expliquer, les choses sont différentes. Je le sens bien. « C'est d'accord... Mais juste un ! » Je retiens un sourire satisfait. J'évite de trop montrer mon contentement histoire qu'il ne se rétracte pas tout de suite. Et ça marche, Lenny s'éloigne quelque peu pour aller le préparer.

Rapidement, il est de retour avec le saint graal dans la main. « Tiens... Profites en bien, il n'y en aura pas d'autre... » Il me tend le joint que je saisis délicatement entre deux doigts. Tandis que je le porte a mes lèvres, mon ami se laisse tomber sur le canape en omettant pas d'émettre un petit soupir. Il se colle contre moi. J'avale la fumée verte. Je le sens. Je le sens qui pénètre mes poumons. Ça faisait longtemps Marie Jane. Bien trop longtemps. J'essaye de me souvenir de la dernière fois que j'en ai pris. Et j'ai du mal. Je crois que ça datait de la soirée ou ça avait mal tourné ene Siméon et moi. D'ailleurs, je n'avais pas pris que ça. Juste après, ça avait été mon fameux black out...

Je tire, je tire encore et encore. Ma tête tourne. Je ne suis plus habituée. Mais je me sens bien. « Oh mon Lenny d'amour, tu es bien trop doué. » dis-je en laissant tomber ma main sur sa cuisse. De mon pouce, je me mets a lui faire de toute petites caresses, sans même y songer. Après plusieurs bouffées, je lui tends le joint. « J'en avais très envie de ce joint, mais il n'a pas la même valeur s'il n'est pas partagé. » dis-je en me plongeant dans les iris de mon bel ami.

Je le fixe un instant, tandis qu'il tire a son tour, puis je déclare très sérieusement. « T'as d'beaux yeux, tu sais ? » Et puis j'éclate de rire en laissant tomber ma crinière blonde sur son torse. Je ris, je ris, mais qu'est ce que j'aime son contact. Qu'est ce que j'aime son odeur. Oh Lenny, mais qu'est ce que tu me fais là. Je ris encore et je m'éloigne. Je m'éloigne de lui parce que je suis tout a coup gênée. Gênée par les sensations que sa proximité m'inspire aujourd'hui. Gênée d'avoir des envies indécentes par rapport a la situation. « Oula, ce joint ne me réussit pas. » j'ajoute en ricanant nerveusement.

Même si l’idée ne l’enchantait pas spécialement, Lenny avait finit par accordée  à Jona la faveur qu’elle lui demandait. Après tout, elle semblait réellement en avoir besoin… Et puis quoi qu’il arrive, il garderait un œil sur elle durant les jours à venir, histoire de s’assurer qu’elle ne replongeait pas dans une quelconque addiction par sa faute. Rapidement, il prépara donc un joint plus léger que d’habitude et le présenta à la jeune femme qui sembla ravie d’avoir eu gain de cause. C’est avec une certaine délectation qu’elle absorba les premières bouffées de fumée, sous le regard bienveillant de Lenny. Avachi à ses côtés, le jeune homme voyait clairement sa voisine se détendre, si bien qu’elle ne tarda pas à laisser trainer une de ses mains sur sa cuisse, sur laquelle elle appliqua même quelques caresses à peine perceptibles. Plus amusé qu’autre chose, Lenny observa la scène d’un air détaché en affichant un petit sourire. A vrai dire, il ne se posa aucune question quant à ce geste qu’elle venait de faire. Pourtant, après l’instant de flottement qu’ils avaient vécu quelques secondes plus tôt, Lenny aurait dut être sur ses gardes. Mais il était tellement habitué à la voir comme sa petite sœur que rien ne semblait pouvoir venir ébranler cette opinion.

« J'en avais très envie de ce joint, mais il n'a pas la même valeur s'il n'est pas partagé. » finit par déclarer la jeune femme en lui tendant de nouveau le joint, dont Lenny se saisit avec satisfaction avant de tirer quelques bouffées supplémentaires de fumée. L’espace d’un instant, il ferma les yeux comme pour mieux apprécier l’effet qui envahissait peu à peu son corps. Même s’il en avait prit l’habitude avec le temps, Lenny appréciait  chaque fois à sa juste valeur cette douce sensation de bien être et de légèreté que lui procuraient ses joints. Lentement, il rouvrit les yeux et tomba immédiatement sur ceux de Jona qui le fixaient d’un air des plus sérieux. Pendant quelques instants, il se prit même à se perdre dans ce bleu azur qu’il avait toujours connu mais sur lequel il s’était rarement attardé. « T'as d'beaux yeux, tu sais ? » lâcha alors Jona avant d’éclater de rire, brisant quelque peu ce moment à part, mais incitant Lenny à se mettre à rire lui aussi. Les effets de son joint commençaient clairement à se faire sentir des deux côtés et soudainement, le jeune homme se trouva bien moins inquiet et méfiant. Se disant qu’il n’y avait pas de mal à se faire plaisir de temps en temps, il se félicita presque d’avoir craqué et accepté de faire goûter ses talents en matière de détente à Jona. Cependant, elle ne tarda pas à lui signaler qu’elle avait perdu l’habitude de ce genre de petits plaisirs, et que le joint en question ne lui réussissait pas particulièrement bien. Mais, totalement imperturbable, Lenny se contenta de lancer un : « J’te l’avais bien dit !  T’aurais pas du insister… » avant de continuer à fumer comme si de rien ‘n’était. Puis, machinalement, il tendit une nouvelle fois le joint à Jona avant de se raviser et d’afficher un sourire espiègle. Le fait de se sentir bien le rendait joueur, et juste avant que la jeune femme ne se saisisse de ce qu’il lui tendait, il leva le bras pour mettre le joint hors de sa portée. Si elle le voulait vraiment, qu’elle vienne le chercher !

Ma tête tourne, tourne. Je vole, j'ai l'impression. Du moins c'est l'effet que me font les épaules de Lenny. Mais qu'est-ce que je raconte moi ? Je ricane bêtement, sans rien ajouter. Oui, ça ne me réussit pas du tout. Et c'est ridicule. Moi, Jona, la grande fêtarde, qui est déjà high après quelques bouffées vertes. Le pire, c'est que ce joint n'est même pas fort. Je me doutais que Lenny le ferait léger et puis je l'ai senti. Et pourtant... Ça faisait longtemps, beaucoup trop longtemps que je n'y avais pas touché. Mais ça me fait du bien. Je me sens légère. Je vole, presque. J'ai un sourire sur le visage, un grand sourire.

« J’te l’avais bien dit ! T’aurais pas du insister… » C'est ce qu'il dit, mais au fond je le vois son sourire. Je le vois ce sourire satisfait qui ne trompe pas. Il sent bien qu'il m'a soulagée, que je suis bien, détendue et ça lui fait plaisir. Qu'il ne cherche même pas à le nier ! Et pourtant, Lenny se prend au jeu de la taquinerie, il me tend le joint pour que je le récupère et lorsque je m'apprête à le faire, il recule brusquement. Je le fusille du regard - non sans un petit sourire en coin qui discrédibilise totalement cet acte - et j'essaye à nouveau de l'attraper alors qu'il met son bras à l'opposé, hors de ma portée.

« On veut jouer, Monsieur Gavennham ? » dis-je en le défiant du regard et en m'écartant quelque peu. « Je te signale que je suis aussi agile, rapide et dangereuse qu'une panthère alors prends garde à toi mon petit. » j'ajoute tout en me mettant à quatre pattes sur le canapé, en position d'attaque. Il me regarde avec amusement et je me dis qu'il rira bien moins dans quelques secondes. Je laisse passer quelques secondes histoire de réellement le prendre par suprise et puis je bondis sur lui son ménagement. Il se débat et lève le bras en l'air pour m'empêcher de saisir mon précieux butin. Mais d'un coup vif et rapide, je parviens à le faire lâché prise.

C'est presque au ralenti que ça arrive. Du moins, c'est comme ça que je le perçois. Je vois, doucement, le joint qui tombe et qui s'écrase sur ma peau découverte. Je pousse un petit cri de douleur avant que Lenny ne sauve les meubles et récupère notre beau cône. J'observe ma cuisse rougie par la brulure et je m'éloigne de mon ami. J'adopte une mine boudeuse, peu fière de ce qui vient d'arriver et je déclare : « Bon, puisque c'est comme ça, tu peux le garder. » Je croise les bras comme une enfant et je lui tourne légèrement le dos. Bien sûr, j'en fais des tonnes, mais je ne cache pas que ma fierté en a pris un coup. J'ai joué avec le feu et je me suis brûlée.

Sans savoir comment cela lui était venu après l’annonce pour le moins singulière que venait de lui faire Jona, Lenny avait subitement eu envie de jouer. Peut-être pour détendre l’atmosphère, peut-être sous le coup des quelques bouffées de fumée qu’il venait d’avaler… Quoi qu’il en soit, le jeune homme ne put s’empêcher d’instiguer ce petit jeu, curieux de voir si sa voisine allait réagir ou non. Mais chez elle aussi les effets de la Marijuana commençaient clairement à se faire sentir, et elle ne tarda pas à se prendre au jeu en bondissant sur le canapé. « Je te signale que je suis aussi agile, rapide et dangereuse qu'une panthère alors prends garde à toi mon petit. » se permit-elle-même de rajouter, faisant éclater de rire Lenny qui se disait qu’elle n’avait absolument aucune chance contre lui. Ses petits bras et son poids plume ne li faisaient pas peur… ils la rendaient juste adorable. Mais, visiblement sûre de sa force, la jeune femme fondit sur Lenny après quelques secondes d’attente, bien décidée à lui subtiliser le précieux joint qu’il tenait toujours entre ses doigts. Et sans qu’il ne voit rien venir, Jona bouscula sa main, le faisant lâcher prise. Evidemment, le joint toujours allumé fila tout droit sur la cuisse dénudée de Jona qui lâcha un petit cri, avant que Lenny ne s’empresse de récupérer son bien non sans esquisser une petite grimace. Aussitôt, la jeune femme s’éloigna en affichant une moue boudeuse, et en lâchant d’un ton vexé : « Bon, puisque c'est comme ça, tu peux le garder. »

Lenny résista quelque secondes, mais ne put finalement pas s’empêcher d’éclater de rire en observant la réaction digne d’une gamine de Jona. « Oooooh allez, boude pas ! C’est pas grave ! » plaisanta le jeune homme en souriant. Mais visiblement, sa petite sœur de cœur avait prit la mouche et elle lui tourna d’ailleurs légèrement le dos, ce qui le fit rire… un peu plus discrètement cette fois. Après quelques instants d’attente, et en constatant l’inactivité de la jeune femme, Lenny se rapprocha d’elle tout en tirant une nouvelle fois sur son joint. « Fais voir ? Je suis sûr que c’est rien du tout ! » déclara-t-il en posant sa tête sur l’épaule de Jona pour pouvoir regarder par-dessus et apercevoir sa cuisse qui portait encore la trace de la cendre chaude. Restant ainsi immobile quelques instants, il lui souffla finalement la fumée qu’il retenait jusque là sur le visage, affichant ensuite un petit sourire en coin des plus satisfaits. Puis rapidement, il vint flanquer une bise sur sa joue avant de reprendre : « Tu vois, t’aurais du m’écouter ! Il faut toujours m’écouter, j’ai TOUJOURS raison ! » Evidemment, il savait bien que c’était loin d’être le cas mais se délectait presque de cette démonstration qu’elle venait de lui offrir. Pointant son index en direction des côtes de Jona, il se mit alors à y appuyer ça et là dans le but de la chatouiller, ou au moins de la faire bouger et réagir d’une quelconque manière que ce soit.

J'ai beau avoir dix-neuf ans, avoir mis un bon pas dans la majorité, je reste une enfant. Une enfant capricieuse qui boude au moindre petit bobo. Lenny en rit de bon coeur, ce qui a tendance à m'agacer d'autant plus. « Oooooh allez, boude pas ! C’est pas grave ! » dit-il en ne cachant pas le moins du monde son amusement. Après quelques instants de flottement, il se décide à s'approcher et lance par dessus mon épaule : « Fais voir ? Je suis sûr que c’est rien du tout ! » À nouveau, il reste immobile quelques instants en train de m'observer. Je tourne légèrement la tête pour me retrouver face à la sienne et c'est alors qu'il me souffle sa fumée sur la visage. Provocation ? Je ne sais pas, mais quoi qu'il en soit j'ai quelque chose à dire sur le sujet. Malheureusement, Lenny ne m'en laisse pas le temps. « Tu vois, t’aurais du m’écouter ! Il faut toujours m’écouter, j’ai TOUJOURS raison ! » Je grimace sans me forcer.

Lenny cherche à rétablir un contact en s'attaquant à mes points sensibles qu'il connait... trop bien. J'essaye de ne pas rire. J'essaye de rester de marbre, de faire comme si ça ne me faisait aucun effet, mais c'est dur. Trop dur. Après quelques secondes de résistence, je craque et j'éclate de rire. J'essaye de me défendre encore et encore. Impossible. Lenny est trop fort. Lenny est trop rapide. Et moi, je suis totalement dépassée, dominée par ce jeune homme qui me chevauche à présent pour me faire pleurer de rire. Et ça marche. « Lennyyyyy, arrrrrrrêtes... noooooon. hihi. Arrêtes ! » Je marmonne entre deux éclats de rire.

Il s'arrête soudainement et me regarde, apparemment fier de lui. Il tire sur son joint et me souffle à nouveau toute la fumée sur le visage - ce qui me rappelle ce que je comptais dire un peu plus tôt. J'adopte une moue surprise et je déclare : « Tu savais que souffler au visage d'une femme c'est un moyen de la séduire ? » Je profite de son manque de concentration du moment pour renverser la situation et lui - par la même occasion. Mon petit Lenny se retrouve à présent en position de faiblesse, ce qui me ravit au plus haut point. « Non parce que ce serait presque de l'inceste pour le coup mon cher ! » Je me lance alors, à mon tour, dans une vague de chatouille démoniaque.

Lenny avait donc entamé les hostilités et même si son initiative avait rapidement était freinée par la brule de Jona, il ne comptait pas abandonner aussi facilement. La jeune femme devait d’ailleurs le savoir aussi bien que lui : lorsqu’il s’agissait de la taquiner, son grand frère de cœur insistait toujours au maximum. Le plus drôle dans tout ça était de la voir essayer de résister… en vain. Et ce fut précisément ce qu’il se passa lorsque Lenny commença à la chatouiller. Il ne lui suffit que de quelques secondes pour la faire craquer et l’entendre éclater de rire comme une gamine. Lui qui voulait lui remonter le moral avait visiblement atteint son but ! Et rien que pour ça, le jeune homme était particulièrement fier de lui.

Jona se débattait et jetait toutes ses forces dans la bataille mais force était de constater que Lenny avait le dessus, quoi qu’elle fasse. Et il ne tarda d’ailleurs pas à le lui démontrer en la faisant basculer sur le canapé et en s’installant à califourchon sur elle histoire de l’immobiliser une bonne fois pour toute. D’un air victorieux, Lenny continua à consumer son joint tout en la chatouillant de sa main libre. Jona, de son côté, riait, pleurait et criait en même temps, ce qui du point de vue du jeune homme était extrêmement drôle à observer. Afin de la provoquer une fois de plus, il lui souffla une nouvelle bouffée de fumée en plein visage, ce qui sembla la ramener un peu à la réalité… en quelque sorte. « Tu savais que souffler au visage d'une femme c'est un moyen de la séduire ? » En l’entendant, Lenny afficha bien vite une mine déconfite, pas certain de comprendre ce qu’elle entendait par là. « Parce que crois que… » Le jeune homme n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’il se fit bousculer par Jona, et s’affala sur le canapé sans comprendre. Cette dernière ne tarda pas à en profiter pour inverser les rôles, et se poster sur lui en déclarant : « Non parce que ce serait presque de l'inceste pour le coup mon cher ! » Un peu abasourdi, Lenny n’eut pas l’esprit assez vif pour répondre et fut rapidement assailli par les chatouilles de Jona qui entendait visiblement bien se venger. « Hé ! Non, aïe ! Arrête ça, t’as pas le droit ! » s’exclama-t-il tout en riant et en se débattant, prenant tout de même grand soin de ne pas lâcher une nouvelle fois son précieux joint. Parvenant finalement à se saisir des deux poignets de Jona, il l’empêcha de le chatouiller davantage et se redressa pour stopper son visage tout près de celui de la jeune femme. « Oh, depuis quand tu te rebelles comme ça ?! » s’exclama-t-il en faisant référence à ce brusque retournement de situation. « Ah et pour ta gouverne, j’ai des techniques de drague beaucoup plus fines que… souffler au visage des filles ! » ajouta-t-il fièrement, soucieux de rétablir la vérité quant à son pouvoir de séduction.

J'ai le pouvoir. Oui, j'ai totalement le pouvoir et ça me plaît. C'est à présent moi qui suis en position de force à appuyer sur les faiblesses de mon Lenny. Oeil pour oeil, dent pour dent, comme on dit. « Hé ! Non, aïe ! Arrête ça, t’as pas le droit ! » s'exclame-t-il entre deux éclats de rire. Bien qu'il se débatte dans tous les sens, j'arrive plutôt bien à le tenir en laisse. Enfin... Jusqu'à un certain point. Après quelques secondes de puissance, je me retrouve immobilisée. Il se redresse et nous nous retrouvons une fois de plus un peu trop proche.

« Oh, depuis quand tu te rebelles comme ça ?! » Je lui offre mon plus beau sourire. « J'en ai marre d'être la petite soeur docile, il est temps que tu découvres à qui tu as affaire ! Et... J'aime pas quand tu fais ton mâlin comme ça. C'est moi l'patron ! » dis-je avec prétention et sur le ton de la rigolade. Je lui pince la joue pour l'embêter encore un peu plus.

« Ah et pour ta gouverne, j’ai des techniques de drague beaucoup plus fines que… souffler au visage des filles ! » Je plonge mes yeux azurs dans les siens, histoire de le questionner du regard. Puis, n'y tenant plus je me fais plus directe. « Ah ouais ? J'ai du mal à imaginer mon Lenny chéri en train de draguer. » C'est vrai. Pour moi, il n'avait jamais été autre chose que mon grand frère de coeur. Notre relation a tout d'une relation fraternel : une entente merveilleuse, des chamailleries et des interdits. Il me protège, il veille sur moi, mais nous évitons toujours de parler des choses qui fâchent. En réalité, je n'en sais que très peu sur sa vie amoureuse. Je ne sais même rien d'ailleurs. Et vice versa. Aujourd'hui est un nouveau jour de toute évidence. Je me suis confier pour la première fois et ça fait du bien.

« Et ben alors ? Je veux en savoir plus ! » j'ajoute avec un sourire enjoué.

Malgré le sursaut d’orgueil de Jona, Lenny ne tarda pas à reprendre le dessus, rétablissant ainsi l’ordre qui lui convenait le mieux. La voir se rebeller ainsi était adorable, mais il ne fallait tout de même pas qu’elle en prenne trop l’habitude. Le grand frère, c’était lui. Celui qui taquinait l’autre, c’était lui. Et le plus fort… c’était bien évidemment lui. « J'en ai marre d'être la petite soeur docile, il est temps que tu découvres à qui tu as affaire ! Et... J'aime pas quand tu fais ton mâlin comme ça. C'est moi l'patron ! » déclara-t-elle sans se priver de pincer la joue du jeune homme qui grimaça en secouant la tête pour lui faire lâcher prise, avant d’éclater de rire une nouvelle fois. Décidément, elle était vraiment trop drôle quand elle s’y mettait ! « Je crois pas non… » signala-t-il en faisant claquer sa langue contre son palais.

Continuant sur la provocation de Jona, Lenny aborda le sujet de ses « techniques » de draguer, si techniques il y avait… Car en réalité, il était bien loin de ces coureurs de jupons qui lassaient de lit en lit sans aucun scrupule.  Bizarrement, il n’était pas non plus un romantique invétéré… En fait, Lenny se fichait pas mal des filles et préférait vivre sa petite routine habituelle plutôt que s’encombrer d’histoires de cœur. Bien sûr, il lui arrivait d’avoir des aventures, mais celles-ci ne duraient bien souvent pas plus d’une soirée. Alors lorsqu’il avait parlé de ses techniques de drague, lui-même n’avait eu qu’une vague idée de ce que cela pouvait bien vouloir dire. Malheureusement pour lui, Jona sembla se montrer très intéressée, et s’empressa de lui demander plus de précisions. Précisions que bien évidemment, il n’avait pas. Et même s’il les avait eues, il n’aurait eu aucune envie de les partager avec sa petite sœur de cœur. Affichant un sourire entendu, il donna une petite tape sur le front de Jona en expliquant : « Tu n’en sauras jamais plus ! Tu comprends, si je dis tout, ça perd de son charme ! Et puis même si mes techniques ont fait leurs preuves, tu trouverais le moyen de te moquer, alors je préfère les garder pour moi ! »

Il rit. Il rit de bon coeur et ça fait plaisir à voir. Je souris. Je souris encore et toujours bien que je tienne à ma position de leader dans notre relation «fraternelle». Je lui explique que je n'ai rien d'une gentille petite fille docile. Non, je vais lui montrer qui est Jona. Je vais lui montrer qu'on ne rigole pas avec moi. Mais j'ai bien du mal à garder mon sérieux. J'ai bien du mal à me faire prendre au sérieux également, d'ailleurs. « Je crois pas non… » dit-il avec un semblant de mépris qui se veut taquin. J'appuie tout à coup sur son torse pour le pousser en arrière, mais je me heurte contre lui en un échec cuisant. Il est fort, il a des muscles le p'tit Lenny. « Mouais... Je vais faire de la gym tu vas voir ! » dis-je en ancrant mes yeux azurs dans les siens. Je peux voir qu'il retient un rire.

Et puis, pour je ne sais quelle raison, notre conversation dévie vers la drague et plus particulièrement vers les techniques de Lenny. Je suis tout à coup très curieuse de les connaître, étant totalement incapable de l'imaginer en pleine action. D'ailleurs, je me rends compte que je n'ai jamais réellement connu les copines de celui que je considère comme mon grand frère. « Tu n’en sauras jamais plus ! Tu comprends, si je dis tout, ça perd de son charme ! Et puis même si mes techniques ont fait leurs preuves, tu trouverais le moyen de te moquer, alors je préfère les garder pour moi ! » Je ricane doucement et lui lance un regard déjà moqueur. « Mouais. En fait, je parie que tu n'as jamais séduit de fille... Tout simplement ! » je rétorque après avoir tenté de me souvenir la dernière fois que j'avais vu mon ami en compagnie d'une fille.

Je profite d'un petit instant d'égarement de la part de Lenny pour lui arracher des mains ce qui reste de notre joint et je tire une longue bouffée, la dernière. J'attrape le cendrier sur la table basse et j'écrase le cône à l'intérieur.

Lenny n’avait pas eu des tonnes de petites amies mais il n’en avait absolument pas honte. Bien loin de ces collectionneurs de conquêtes qu’il comptait parfois parmi ses amis, Lenny avait simplement d’autres chats à fouetter. C’est donc avec un certain amusement qu’il accueillait les réflexions de sa petite sœur de cœur, visiblement très intéressée par sa vie sentimentale. A juste titre d’ailleurs, puisqu’en y réfléchissant bien, le jeune homme réalisa qu’elle ne devait pas en connaître grand-chose. Mais elle était loin d’être la seule ! En effet, Lenny ne se montrait que très rarement au bras d’une fille et les seules fois où il l’avait fait, cela n’avait duré qu’une soirée ou deux. « Mouais. En fait, je parie que tu n'as jamais séduit de fille... Tout simplement ! » lança Jona d’un air des plus provocateurs. Elle se moquait clairement de lui, et il n’en avait rien à faire. Au contraire, il s’amusait une nouvelle fois de cette curiosité qui l’étreignait et à laquelle il ne donnerait de toute manière aucune réponse. « T’aimerais bien savoir hein ? » la questionna-t-il avec un sourire taquin collé au visage. Puis, en contournant la question il tapota sur le nez de Jona du bout de l’index et termina : « Ne t’inquiètes pas pour moi va… je me débrouille très bien ! »

Ne se méfiant pas d’elle, Lenny se vit ensuite subtiliser ce qu’il restait de son joint. Finalement, sa mésaventure précédente n’avait pas suffit à refroidir Jona et elle termina fièrement le joint avant de l’écraser dans le cendrier posé en face d’eux. Affichant une petite grimace avant de secouer la tête, Lenny ébouriffa copieusement la tignasse de la jeune femme en guise de punition. Elle voulait décidément faire sa rebelle et en soi, ce n’était pas forcément une mauvaise chose. Parfois, Lenny la voyait un peu trop fragile et influençable à son goût, et cela le pousser à être d’autant plus protecteur envers elle. Alors si Jona aspirait à se faire un peu plus respecter comme ça, ça ne pouvait qu’être positif. « Première ET dernière fois hm ? On est bien d’accord, tu ne m’en demanderas plus jamais ! » reprit-il en faisant référence au joint qu’elle venait de terminer. « C’est bien parce que tu en avais besoin… » En se réinstallant plus confortablement sur le canapé, Lenny passa une nouvelle fois son bras autour des épaules de Jona et flanqua un baiser sur son front. Même s’il passait son temps à la taquiner et à la faire enrager, le jeune homme ne pouvait que constater qu’il tenait énormément à elle et que toute l’histoire qu’elle venait de lui confier le perturbait au plus haut point. « Du coup, tu peux rester dormir ici. » proposa-t-il en songeant qu’il n’était pas prudent de la laisser repartir dans un état pareil. « Enfin, c’est pas une question en fait. »

Je commence à douter des capacités de séduction de mon grand frère de coeur. Je réfléchis et finalement, c'est vrai que je ne l'ai jamais vraiment surpris avec une fille. Soit il est extrêmement discret, soit il n'a en effet pas grand chose sur son tableau de chasse. « T’aimerais bien savoir hein ? » dit-il d'un air taquin. Je grimace bêtement et je lui attrape le nez que je tire doucement. « Touché ! La curiosité est un vilain défaut. » dis-je en me projetant contre son torse. « Ne t’inquiètes pas pour moi va… je me débrouille très bien ! »

J'attrape une dernière fois le précieux joint entre mes doigts et je le termine rapidement, avant que Lenny ne puisse rétorquer quelque chose. « Première ET dernière fois hm ? On est bien d’accord, tu ne m’en demanderas plus jamais ! » dit-il d'un ton qui se voulait autoritaire. J'explose de rire, me foutant ouvertement de lui. Ça dure quelques secondes, puis je décide qu'il est tant de se calmer un peu. « C’est bien parce que tu en avais besoin… » Je souris et je le laisse se replacer sur la canapé. Il place un bras autour de mon petit corps et je me blottis un peu plus contre lui. « Du coup, tu peux rester dormir ici. » dit-il alors même que je commence à me dire qu'il se fait tard. « Enfin, c’est pas une question en fait. »

Je le laisse jouer avec mes cheveux, sans rien dire. Le silence est agréable. Je sens son odeur rassurante. Je respire au rythme de ses pulsations cardiaques qui sont relativement lentes. Il est détendu, comme moi. Nous sommes biens. « En fait.. » Je commence d'une voix douce. « En fait, je t'ai tellement manqué que tu ne veux plus que je parte, hein ? » Je termine sans le regarder. Avant même qu'il n'ait le temps de répondre quoi que ce soit, mon téléphone se met à sonner. Je le sors de ma poche, bien mécontente que quelqu'un ose nous déranger. « Merde... C'est encore lui qui appelle... » Je siffle entre mes dents alors que mon visage se décompose.

Bien campé dans son rôle de grand frère hyper-protecteur, Lenny « proposa » à Jona de rester chez lui et d’y passer la nuit. De toute manière, c’était bien plus prudent. Après le joint qu’elle avait terminé et auquel elle n’était visiblement plus très habituée, il valait mieux qu’elle reste dans un endroit sûr pour la nuit. Et cet endroit-là était tout trouvé. « En fait, je t'ai tellement manqué que tu ne veux plus que je parte, hein ? » déclara-t-elle alors d’un air taquin, faisant s’étirer un nouveau sourire sur les lèvres du jeune homme qui lui adressa un clin d’œil avant d’ouvrir la bouche pour répondre. Mais il n’eut pas le temps de prononcer le moindre mot, et fut coupé par la sonnerie du téléphone de Jona. Cette dernière l’extirpa de sa poche et soudain, son visage se décomposa littéralement. « Merde... C'est encore lui qui appelle... » Décidément… la jeune femme ne semblait pas avoir le droit de passer une seule soirée tranquille, loin de ses soucis. Et malgré tous les efforts de Lenny, il fallait que ce maudit médecin réduise tout à néant avec un simple coup de téléphone. Fronçant les sourcils, le jeune homme se saisit de l’appareil sans en demander l’autorisation à Jona, et sans même lui laisser le choix. D’un ton agacé qu’il fut incapable de masquer, Lenny répondit :
« Allo ! »
« Qui est à l'appareil ? Où est Jona ? Je veux parler à Jona ! » rétorqua une voix des plus agressives.. C’était donc lui… A défaut de pouvoir y mettre un visage, Lenny pouvait désormais mettre une voix sur cet homme qui tourmentait tant son amie.
« Et moi je ne veux pas que tu lui parles. D'ailleurs, tu ferais mieux d'arrêter de l'appeler. Laisse-la tranquille. » Lenny n’avait jamais prit des pincettes avec qui que ce soit, et ne s’était jamais encombré de civilités, alors ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait s’y mettre. Encore moins avec quelqu’un qu’il détestait sans même l’avoir rencontré.
« Je peux savoir a qui je parle ? C'est toi qui lui a retourné le cerveau et qui l'a convaincue de partir ? Je sais qu'elle est a Arrowsic, je vais venir ! »
« N'essaye même pas de t'approcher d'elle c'est clair ? Je suis son ami, et je ferai tout pour t'empêcher de la revoir. »
« De quel droit tu me dis ce que j'ai le droit ou pas de faire avec MA fiancé ? Je vais venir et lui rendre la raison. On s'aime et tu ne pourras rien y faire. »
« C'était une erreur, vous n'auriez jamais du vous fiancer. Elle a retrouvé a raison rassure-toi, et elle ne veut plus te voir. Alors restes où tu es, et oublie-la ! »
« Ça c'est ce qu'on verra. » Sans qu’il n’ait le temps d’ajouter quoi que ce soit, Lenny entendit le médecin raccrocher. Poussant un long soupir, le jeune homme afficha une petite grimace et raccrocha à son tour. Il éteignit ensuite le téléphone pour éviter qu’il ne les dérange une fois de plus, et le posa sur la table basse avant de se projeter de nouveau contre le dossier du canapé. Croisant alors le regard de Jona, il afficha une mine contrariée, en cherchant comment lui résumer la situation sans la démoraliser. Mais les faits étaient là, et son intervention avait été un cuisant échec.

« Il…. Il veut venir à Arrowsic. Mais t’en fais pas, il ne sait pas où tu es. Tu peux rester ici autant que tu veux et… et le jour où il viendra, je m’occuperai de lui. Je te promets que je ne le laisserai pas t’approcher. » affirma le jeune homme, plus convaincu que jamais. Pour lui, la violence apparaissait toujours comme un dernier recours mais dans le cas présent, il n’aurait absolument aucun scrupule à en user. Il s’agissait de Jona, et personne n’avait le droit de lui faire de mal, encore moins dans des conditions pareilles.