Mine de rien, son discours avait eu un sacré effet sur moi. En réalité, je ne l’avais absolument pas senti venir et me retrouvais soudainement un peu prise de court. Je n’imaginais d’ailleurs pas que Shane puisse être aussi poétique et clairement, ce qui venait de me dire m’avait troublé. La sincérité qu’il y avait dans ses propos, sa manière de me le dire… Non, je ne pouvais pas rester insensible à cela. Pourtant, je me devais de faire la part des choses. Oui, j’étais touchée par ses propos, mais cela devait s’arrêter là. Ainsi, après m’être occupée d’un nouveau client, je revins vers le jeune homme et le remerciais pour son discours, lui avouant timidement que je n’étais pas vraiment habituée à cela. Je me crispai ensuite légèrement lorsqu’il glissa son doigt sous mon menton afin de me forcer à relever la tête. Son discours précédent m’avait déjà suffisamment chamboulé. Accentuer cela par un – même léger – contact physique n’était peut être pas une très bonne idée. Mais soit, je relevais alors le regard vers lui. « Peut-être que cela fait trop longtemps que tu te caches pour ne pas avoir à les entendre. De quoi as-tu tellement peur, Juliet ? » Etait-ce vraiment le moment et le lieu pour avoir une telle conversation ? J’en doutais… Et franchement, cela m’enchantait guère d’évoquer un tel sujet avec lui. Avec n’importe qui, d’ailleurs. C’était un sujet plutôt délicat et sensible, il le savait. Après tout, je m’étais déjà un peu confiée à lui à ce sujet… Sauf que là, les choses se précisaient. Et cela devenait plus difficile pour moi de m’ouvrir. Je soupirais alors doucement et plantais mon regard dans le sien. « Je t’en ai déjà parlé non ? J’ai juste… peur de souffrir. » avouais-je alors en me reculant légèrement avant de resservir un client qui avait s’était rapproché du bar pour être servi.

Je jetais ensuite un bref coup d’œil à ma montre pour constater avec joie que mon service venait de se terminer. Il était encore assez tôt et ce n’était pas encore la fermeture du bar, ainsi, je saluais d’un geste de la main la collègue qui venait me remplacer et reportais ensuite mon attention sur Shane. « Mon service vient de se terminer… On peut donc rentrer quand tu veux ! » précisais-je alors, espérant qu’il n’insisterait pas plus concernant ma peur de souffrir. Après tout, rentrer chez nous était l’occasion de passer à autre chose, non ? Enfin, c’était aussi l’occasion de nous retrouver juste tous les deux, et ainsi lui laisser pleinement la possibilité de me questionner. Mais soit, je n’allais de toute façon pas pouvoir fuir ses questions éternellement. Et puis, il était un homme censé et pourrait donc aisément comprendre les raisons qui me poussaient à me montrer si méfiante envers les hommes… C’était bien pour cela que j’avais décidé de faire une croix sur l’amour. J’avais longtemps cru à l’amour avec un grand A. Sauf que je m’en étais finalement prit plein le visage. Il valait donc mieux que je me montre plus prudente désormais. Y compris avec Shane. Il n’avait peut être pas l’intention de me faire souffrir, mais il suffisait que je vienne à ressentir certaines choses envers lui pour mettre en péril notre amitié. Et je savais très bien que plus il se montrerait aussi gentil et irréprochable, plus j’aurais du mal à rester insensible. Pourtant, il était hors de question que je me laisse aller à éprouver plus qu’une simple amitié pour lui !

*A beautiful lie*

Peur de souffrir… la souffrance est une notion tellement subjective ! Shane l’avait côtoyée durant des années, il s’était inutilement torturé l’esprit avec des questions qui au final, n’en valaient vraiment pas la peine. A quoi bon regarder vers le passé ? La souffrance faisait partie de la vie. On ne souffre pas sans avoir aimé, partagé ou bien désiré. Peur de souffrir revenait donc à avoir peur de vivre. Peur de se tourner vers l’avenir. Shane savait qu’il serait vraiment délicat d’apprivoiser Juliet mais il était doté d’une patience exemplaire et d’ailleurs, pensait sincèrement être sur la bonne voie. La voir ainsi troublée provoquait chez lui une sorte de satisfaction perverse. Il était en train de commencer à la torturer et comme toujours, il y prenait un véritable plaisir. Shane était un manipulateur dans l’âme pour la simple et bonne raison qu’il n’avait jamais appris à faire autrement. Peut-être avait-il reçu un bien piètre exemple également … Malgré tout, percevoir une telle confusion dans le regard de Juliet ne le laissait pas insensible. Cette émotion nouvelle lui sembla éphémère, involontaire mais tellement intense qu’il en perdit tous ses repères durant quelques secondes. Nul ne sait à quel point il se maudissait d’éprouver des sensations à la fois tellement troublantes et ridicules au possible. Shane était certain de ne pas être en train de succomber au charme de la jeune femme mais il y avait toutefois quelque chose en elle qui le touchait profondément. Et c’est ce quelque chose qui lui faisait réaliser à quel point ce qu’il s’apprêtait à faire était odieux. A sa dernière remarque, il ne répondit pas et demeura silencieux jusqu’à ce que Juliet lui fasse savoir qu’elle avait enfin terminé son service et qu’ils pouvaient donc rentrer chez eux. Il acquiesça et c’est les mains dans les poches et avec une allure nonchalante qu’il sortit du bar. Sa voiture n’était pas garée bien loin, juste au bout de la rue. « C’est agréable de prendre un peu l’air. Il fait vraiment une chaleur accablante dans ce bar. Le patron pourrait avoir pitié des clients et des employés et faire installer une climatisation digne de ce nom.» Tout en marchant, le jeune homme demeura silencieux un instant. Mais son silence n’avait rien de pesant, bien au contraire. C’était même hautement appréciable comparé au brouhaha du bar. Son regard se porta alors en direction de Juliet. « Tout va bien ?» Shane savait que ses questions lui avaient semblé embarrassantes. Il savait aussi qu’il n’était pas nécessaire d’insister et que Juliet ne serait pas disposée à lui répondre pour l’instant. Il ne tenait pas à commettre le moindre faux pas susceptible de lui faire prendre la fuite et par conséquent, mettre un terme à son contrat avec Cameron. Il y avait beaucoup trop d’argent en jeu. Tout en roulant dans les rues encombrées de la ville, Shane se mit à réfléchir à la présente situation. Il fallait vraiment qu’il cesse de porter tant d’intérêt à Juliet. Qu’il continue à feindre, oui. Que son intérêt soit réel, non. Shane gardait à l’esprit que tout ceci n’était que temporaire et qu’il n’était résolument pas là pour se préoccuper de la santé morale de la jeune femme. Après tout, une fois qu’elle serait sortie de son existence, il n’en aurait plus rien à cirer de connaitre ses états d’âme.  « J’espère que tu n’as pas le ventre vide, as-tu déjà mangé ? »

Certes, souffrir était inévitable du moment que l’on vivait. Parce qu’il y aurait toujours ceci ou cela qui serait source de souffrance. C’était évident. J’avais beau me protéger du mieux que je pouvais, cela ne m’empêchait nullement de souffrir. C’était presque reculer pour mieux sauter et je le savais très bien. Pourtant, même si je savais que je ne pourrais pas me voiler la face indéfiniment, j’essayais de me montrer différente et plus prudente. J’avais trop souffert et ne voulais plus vivre cela. C’était sans doute ce qui m’avait rendu ainsi. Aussi méfiante et distante avec la gent masculine. Et même en règle générale, je luttais contre ma trop grande naîveté. Trop gentille, trop bonne… Je m’étais bien trop souvent fait avoir. C’était fini. Sans devenir une véritable garce, j’avais juste l’intention de m’affirmer. Et de ne plus me laisser berner par qui que ce soit. Oui, enfin ça, c’était en théorie. Parce que j’avais beau être déterminée à oublier ce que le mot « amour » signifiait et même rayer de ma vie toute relation, autre qu’amicale, avec un homme, j’avais du mal à rester aussi déterminée face à Shane. Enfin, disons que – peut être malgré lui – il m’obligeait à remettre tout cela en question. Cela me mettait hors de moi mais je devais bien l’avouer, il me faisait un certain effet. J’avais, jusqu’à présent, réussi à passer au dessus de cela. Mais je ne pouvais pas nier que ce qu’il venait de me dire m’avait profondément touché et m’avait clairement troublé. Pourtant, il était tout simplement hors de question que je me laisse envahir par ce genre de sentiments. Encore moins à l’égard de celui qui était depuis peu mon colocataire. C’était donc pour cela qu’à peine mon service terminé, je suggérais que l’on parte. Nous retrouver seuls n’était peut être pas la meilleure idée qui soit pour me permettre d’oublier cela, mais j’espérais ainsi changer de sujet et reprendre un peu mes esprits.

« C’est agréable de prendre un peu l’air. Il fait vraiment une chaleur accablante dans ce bar. Le patron pourrait avoir pitié des clients et des employés et faire installer une climatisation digne de ce nom.» Je souris vaguement. Il était clair qu’il faisait sacrément chaud dans le bar. C’était un tout petit établissement et dès que la foule s’y installait, la chaleur se faisait plutôt présente. « C’est vrai qu’il faisait chaud… Et encore, il fait un peu plus frais maintenant… Mais on a souffert cet été. » remarquais-je avec un vague sourire. Ainsi, tandis que nous marchions tous les deux en direction de sa voiture, un léger silence s’installa. Il n’était pourtant en rien gênant. Au contraire, un peu de calme faisait du bien. « Tout va bien ?» Non, ça n’allait pas. J’étais en train de lui trouver beaucoup trop de qualités. Et de l’apprécier un peu trop. Il fallait que tout cela cesse immédiatement avant que cela ne prenne une toute autre tournure… « Oui, tout va très bien, ne t’inquiètes pas pour moi… » répondis-je alors naturellement, touchée de le voir se préoccuper autant de moi après les questions qu’il venait de me poser. Il n’était pas bête et avait du voir que cela m’avait gêné. Je n’avais plus qu’à espérer qu’il n’insisterait pas au courant de la soirée et des jours à venir. « J’espère que tu n’as pas le ventre vide, as-tu déjà mangé ? » Le bar faisant aussi restaurant, j’avais effectivement déjà mangé durant la pause qui m’était accordée pendant mon service. « Oui, pendant mon service... Toi aussi j’espère ? » demandais-je en songeant qu’il était assez tard et qu’il valait donc mieux pour lui qu’il ait déjà mangé.

*A beautiful lie*

Tout en montant à bord de la voiture, Shane lui adressa un nouveau sourire et acquiesça à sa demande. Il avait bel et bien prit le temps de manger avant de faire un détour par le bar où travaillait Juliet. Enfin … disons qu’il avait rapidement ingurgité un sandwich au poulet et un paquet de chips histoire de dire qu’il ne garderait pas l’estomac vide. Shane avait toujours tendance à négliger le temps des repas, pensant qu’il s’agissait-là d’une perte de temps inutile. Bref. Enfin installé face au volant, le jeune homme mit le moteur en marche et emprunta la route qui menait chez eux. Instinctivement, il accéléra. Se laisser griser par la vitesse était l’une des grandes spécialités du détective. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait manqué de perdre son permis de conduire à cause de ses excès et de ces pulsions incontrôlables qui l’incitaient à appuyer sur l’accélérateur encore et toujours plus. Fervent adepte des circuits et rallyes en tout genre, Shane avait acquis au fil du temps une certaine maîtrise que les conducteurs lambda n’ont pas et c’est précisément ce qui lui donnait ce trop-plein de confiance en lui. Ajouter à cela le nombre de courses poursuites auxquelles il s’était adonné du temps où il travaillait encore dans la police et vous comprendrez aisément son engouement pour la vitesse. Cela ne l’empêchait pas de conduire avec prudence … du moins, c’est ce qu’il prétendait pour se donner bonne conscience alors que dans le fond, Shane se laissait aller et comme son ancien coéquipier le disait si bien, conduisait à tombeau ouvert. Alors qu’il roulait à vitesse constante, Shane fut contraint de ralentir tandis que les voitures devant lui s’arrêtaient les unes après les autres. « Et merde !! J’avais complètement oublié que cette partie de la ville est en travaux. Hier je suis arrivé en retard au boulot à cause de ça. Bon ! Je pense qu’on va effectuer un petit détour sans quoi, demain matin on est encore là.» La patience et Shane ne faisaient pas bon ménage, c’était un fait notoire. Il était probablement l’homme le plus pressé de cette planète. Il entreprit donc un demi-tour au milieu de la route et s’engagea sur un chemin sinueux mais beaucoup plus pratique. Petit à petit, il vit les lumières de la ville s’éloigner dans son rétroviseur. Serrant les mains sur le volant, Shane décida de ralentir puis d’accélérer à nouveau. Après tout, que risquait-il sur une route déserte perdue au beau milieu de nulle part ? Il n’aurait qu’à ralentir l’allure quand ils auraient terminé leur détour. Rapidement, Shane lança un petit coup d’œil en direction de Juliet. Un sourire à la fois mutin et amusé se dessina sur ses lèvres. « J’espère que ma façon de conduire ne t’effraie pas trop. Pour ma défense, je dirais simplement que je suis un adepte des circuits automobiles d’où ma conduite parfois un peu … extravagante.» Son sourire s’étira légèrement. Préciser qu’il était un ancien flic reconverti ayant pour habitude de piloter des engins très puissants ne lui sembla pas judicieux puisqu’aux yeux de Juliet, il n’était rien de plus qu’un simple journaliste. Alors qu’il tournait la tête pour regarder en direction de la jeune femme, il eut à peine le temps de lire un panneau indiquant qu’ils n’étaient plus qu’à quelques miles de leur destination. « Tu travailles demain matin ? Sinon, je t’aurais volontiers emmené visiter un endroit que j’affectionne tout particulièrement … ça te tente ? T’as le droit de refuser… »

Sans hésiter, je pris place dans la voiture et laissais Shane prendre le volant, en toute logique afin de nous ramener chez nous. Je remarquais cependant rapidement qu’il se laissait aller à conduire un peu trop rapidement à mon goût. S’il pouvait m’arriver de rouler vite, j’essayais de me montrer prudente et respecter les limitations de vitesse. Surtout pour éviter tout accident. Cependant, je ne dis rien quant à sa conduite. Il s’était gentiment proposé de me raccompagner, je ne pouvais donc pas me montrer trop exigeante ou casse-pieds. Et puis, j’avais confiance en lui. J’étais persuadée qu’il savait ce qu’il faisait et qu’il était certainement suffisamment habitué à cela pour nous éviter tout accident. Ainsi, je n’étais pas plus inquiète que ça. D’ailleurs, il n’y avait pas vraiment de quoi l’être. La vitesse à laquelle il roulait restait acceptable. Ou presque. Pourtant il fut rapidement obligé d’accélérer en se rapprochant d’un embouteillage. « Et merde !! J’avais complètement oublié que cette partie de la ville est en travaux. Hier je suis arrivé en retard au boulot à cause de ça. Bon ! Je pense qu’on va effectuer un petit détour sans quoi, demain matin on est encore là.» Je ne pu retenir un vague sourire en coin en le voyant réagir ainsi. Son manque de patience me faisait doucement sourire. Et me rappelait Cameron. Lui aussi n’était pas très patient. Et avait tendance à s’énerver très rapidement lorsqu’il était au volant. A l’époque, c’était un fait qui m’insupportait. Non, franchement, ce n’était pas plaisant de rouler en ayant un homme à côté de soi qui passe son temps à jurer et à râler pour ceci ou cela. Bref, passons. « Pas très patient, mmh ? » demandais-je avec un petit sourire en coin, me moquant très gentiment de lui. Et aussitôt, il entreprit de faire demi-tour sur la route avant d’emprunter un petit chemin sinueux. Et même s’il n’y avait personne, je ne fus pas vraiment rassurée de le voir soudainement accélérer.

« J’espère que ma façon de conduire ne t’effraie pas trop. Pour ma défense, je dirais simplement que je suis un adepte des circuits automobiles d’où ma conduite parfois un peu … extravagante.» Disons simplement que je n’étais pas une adepte de ce type de conduite. Surtout de nuit, sur une route sinueuse et par quelqu’un qui n’était pas vraiment un professionnel du genre. « Extravagante… C’est le moins que l’on puisse dire ! Mais tu n’as jamais eu d’accidents, ni de soucis avec la police ? » demandais-je alors, curieuse d’en savoir plus. Mais enfin, s’il avait déjà l’habitude des circuits, c’était qu’il avait une certaine expérience… Et que j’étais donc plutôt entre de bonnes mains. « Tu travailles demain matin ? Sinon, je t’aurais volontiers emmené visiter un endroit que j’affectionne tout particulièrement … ça te tente ? T’as le droit de refuser… » Je posais alors les yeux sur ma montre. Minuit largement passé. Était-ce raisonnable pour ‘visiter un endroit’ ? J’en doutais un peu… Mais en même temps, je n’avais aucune raison valable de refuser. Et une partie en moi avait très envie d’accepter. L’autre partie, quant à elle, s’inquiétait un peu du lieu et de la suite de la soirée. Je savais pourtant bien qu’il n’avait pas l’intention de me faire du mal. Ce n’était d’ailleurs pas cela qui m’inquiétait mais plutôt le fait de nous retrouver tous les deux, seuls, dans un endroit paumé. Parce que je n’étais pas certaine d’arriver à faire la part des choses. « Non, je bosse seulement le soir en ce moment… Mais, tu veux vraiment qu’on y aille maintenant ? A une telle heure ? » questionnais-je, n’étant bien évidemment pas contre l’idée d’aller à cet endroit, juste surprise qu’il me le propose en pleine nuit.

*A beautiful lie*

Shane n’avait pas peur de l’admettre ; il faisait partie de ces hommes affectionnant les belles voitures dotées d’un moteur surpuissant. La sensation qu’il éprouvait en s’installant au volant de ces engins était vraiment grisante. Il pouvait passer des heures à rouler sans but précis, simplement pour le plaisir. En revanche, frimer et se donner de grands airs ne faisait pas partie du programme. Shane était un jeune homme assez simple et s’il y a bien une chose qu’il détestait par-dessus tout, c’était de se faire remarquer. « Pas très patient, mmh ? » La remarque de Juliet alors qu’il changeait d’itinéraire le fit sourire à son tour. Il demeura silencieux durant quelques secondes puis, semblant amusé à son tour, se décida à répondre. « Au volant seulement. Autrement, je sais me montrer extrêmement patient quand ça en vaut la peine … » Il lui lança un regard plein de sous-entendus. Il ne s’agissait que d’une énième torture psychologique car dans le fond, Juliet ne pouvait être totalement certaine de ce qu’il entendait par là. A aucun moment Shane n’avait tenté de la séduire mais il pouvait toujours lancer quelques allusions susceptibles de semer le trouble dans son esprit. Il était vraiment doué pour cela et c’est la raison pour laquelle Cameron avait décidé de lui accorder toute sa confiance. Shane était un manipulateur dans l’âme, perfide jusqu’au bout des ongles.

Tout en se concentrant de nouveau sur la route, Shane alluma l’autoradio relié à son ipod et une musique proprement divine vint envahir l’habitacle. Il s’agissait d’un air d’opéra absolument merveilleux. Au même instant, il interrogea Juliet afin de savoir si elle n’était pas trop effrayée par sa façon de conduire. Après tout, son intention n’était nullement de la faire fuir. « Extravagante… C’est le moins que l’on puisse dire ! Mais tu n’as jamais eu d’accidents, ni de soucis avec la police ? » Un léger sourire en coin ponctua les traits de son visage. Quelle ironie ! Il mourrait d’envie de lui dire la vérité mais hélas, il ne pouvait pas se le permettre. Aux yeux de Juliet, il n’était qu’un simple journaliste sans histoire. En réalité, il était un ancien flic reconverti en détective privé et ayant une affinité tout à fait singulière avec le danger. Pourquoi parlait-elle d’accident ? Avait-elle peur qu’une telle chose puisse leur arriver ? « Rassure-toi Juliet, je ne ferai jamais rien de stupide qui puisse te faire courir le moindre risque. Et pour répondre à ta question, je n’ai jamais eu d’accident et la police n’est pas suffisamment en forme pour me rattraper. » Un sourire narquois étira ses lèvres. Shane savait qu’en cas de course-poursuite, les flics seraient parfaitement incapables de le rattraper. Il connaissait leurs méthodes sur le bout des doigts et étant donné qu’il avait fait partie de la maison, savait pertinemment comment les semer en cas de besoin. Mais ça, Juliet n’était pas censée le savoir. Il lui lança un regard furtif et haussa les yeux au ciel. « Je plaisante … » Il n’avait pas envie de l’inquiéter outre-mesure. Shane avait d’ailleurs une petite idée derrière la tête. Il tenait à lui faire découvrir un endroit qu’il affectionnait tout particulièrement. « Non, je bosse seulement le soir en ce moment… Mais, tu veux vraiment qu’on y aille maintenant ? A une telle heure ? » Il est vrai que cela pouvait paraitre étrange mais c’était effectivement son intention. Y aller en pleine journée n’aurait pas eu un grand intérêt. « C’est justement parce qu’il est tard que ce sera magnifique...» Shane retrouva une mine plus grave et demeura silencieux quelques minutes. Son attention se centra sur la musique apaisante et ce n’est qu’après un certain temps qu’il reprit la parole. « Tu te méfies de moi ou c’est juste une impression ? »

Le voir changer aussi rapidement d’itinéraire, sans même attendre de voir si la circulation s’améliorait, me fit sourire. Et j’en profitais alors pour le taquiner gentiment sur son manque de patience. « Au volant seulement. Autrement, je sais me montrer extrêmement patient quand ça en vaut la peine … » Le regard qu’il me lança me laissa pantoise. Il semblait plein de sous-entendus et, suite à ce qu’il venait de dire, j’avais de quoi rester surprise. Pour autant, je n’étais franchement pas sûre du sens à donner à tout cela. Cela pouvait clairement paraître ambigu… Mais l’était-ce vraiment ? Peut-être pas. Je me faisais peut être simplement un film… Parce que, jusqu’à présent, il n’avait jamais rien tenté pour me séduire. Pourquoi ferait-il une telle chose maintenant ? Non, c’était insensé. Pourtant, le regard accompagnant ses paroles venait de semer un nouveau trouble dans mon esprit. Il ne le faisait peut être pas volontairement. Et dans ce cas-là, j’allais donc devoir m’habituer à tout cela pour ne pas être troublée à chacun des ses gestes ou de ses mots. « C’est, d’après moi, une véritable qualité. La patience et la détermination nous permettent bien des choses… C’est bien de ne pas se laisser abattre, de ne jamais se décourager et baisser les bras lorsque l’on veut atteindre un but précis. » J’étais aussi de ce genre là. Déterminée. Opiniâtre. Et j’estimais que, lorsque l’on avait des buts à atteindre, c’était fortement utile d’avoir un tel caractère. Ainsi, je préférais rebondir sur ses propos comme s’il n’y avait rien d’ambigu à ceux-ci, ne sachant pas si c’était volontaire ou pas de sa part. Et puis je ne préférais pas jouer à ce petit jeu là. Il valait mieux éviter, c’était beaucoup plus prudent… Shane était vraiment… charmant. Et il lui en faudrait sans doute assez peu pour m’avoir. Ainsi, il valait mieux que je demeure prudente. « Rassure-toi Juliet, je ne ferai jamais rien de stupide qui puisse te faire courir le moindre risque. Et pour répondre à ta question, je n’ai jamais eu d’accident et la police n’est pas suffisamment en forme pour me rattraper. » Comprenant évidemment qu’il plaisantait, je souriais doucement avant qu’il ne reprenne la parole. « Je plaisante … » Je levais rapidement les yeux au ciel. J’étais peut être naïve, mais pas stupide. « J’avais bien compris, rassures toi… » répondis-je alors, un peu plus confiante quant à sa façon de conduire.

Il fut ensuite question d’un lieu qu’il désirait me faire découvrir. Et si l’idée ne me déplaisait pas, je ne pu m’empêcher de me montrer surprise par l’heure choisie. Minuit passé. Un peu étrange, comme heure, pour visiter un lieu ? « C’est justement parce qu’il est tard que ce sera magnifique...» Certains monuments, certains lieux, étaient bien plus beaux la nuit. Alors après tout, pourquoi pas ? Je n’avais rien à perdre et n’étais pas pressée. Puis c’était l’occasion de passer un peu plus de temps avec Shane et d’apprendre à le découvrir. « Alors soit, allons-y ! Et je suppose que tu ne me diras rien de plus concernant cet endroit tant que nous serons en route… » questionnais-je alors, me laissant gagner par la curiosité. Où m’emmenait-il ? J’étais réellement impatiente de découvrir ce lieu qui semblait tant compter pour lui… « Tu te méfies de moi ou c’est juste une impression ? » Je perdis doucement le sourire que j’affichais. Me méfier de lui ? Non.  Ce n’était pas de lui dont je me méfiais. Plutôt de moi. Moi et ma capacité à m’attacher trop facilement à des hommes, généralement voués à me faire souffrir. « Je suis désolée si j’ai pu te laisser cette impression là. Pourtant, ce n’est pas le cas… Enfin, je ne me méfie pas de toi. Peut-être que je me méfie un peu des hommes en général… Mais, autant que tu le saches, tu es un des seuls hommes à qui je fais autant confiance… Donc rassures-toi, je ne me méfie pas de toi… Je devrais ? » Demandais-je alors avec un très léger sourire en coin,  cherchant à le cerner un peu plus. Pourtant, tout ce que je lui avais dit était vrai. J’avais bien plus confiance en lui qu’en la plupart des hommes…. J’avais juste encore besoin de temps pour être totalement moi-même avec lui. Après tout, nous ne nous connaissions pas depuis très longtemps et vivions ensemble seulement depuis la veille.

*A beautiful lie*

Si Juliet pensait sincèrement pouvoir accorder sa confiance à Shane, autant dire qu’elle se fourvoyait grandement. Entrer dans la vie du jeune homme, c’était prendre un risque considérable sans même en avoir conscience. Il était fourbe, sournois, sans le moindre état d’âme. N’allons pas jusqu’à dire qu’il prenait du plaisir à voir souffrir les autres mais leur détresse le laissait totalement indifférent. Dans le fond, Shane n’était pas responsable de cette situation. Il avait toujours souffert d’une carence affective incroyable d’où le fait qu’il ne soit pas capable de donner la moindre once d’amour à qui que ce soit. Pas même à la seule et unique jeune femme qui attisait son intérêt depuis plusieurs semaines. Juliet était absolument charmante et n’importe quel homme normalement constitué aurait bien vite succombé à la tentation, mais pas lui. Shane ne perdait pas de vue la raison pour laquelle ils étaient réunis : il avait une mission à accomplir, un plan à suivre et il comptait bien s’y tenir. La rigueur était de mise et il n’était donc pas question que ses sentiments puissent prendre le dessus à un moment donné. Tout ce qu’il montrait de sa personne n’était que mensonge et dissimulation, l’art de manipuler autrui étant devenu une seconde nature. Sous ses traits de gendre idéal, Shane proposa donc à sa toute jeune proie une petite escapade improvisée dans un endroit qui lui tenait à cœur. Ses intentions étaient louables et pour une fois, il n’inventait rien. « Alors soit, allons-y ! Et je suppose que tu ne me diras rien de plus concernant cet endroit tant que nous serons en route… » Le sourire qui ponctua ses traits fit office de réponse : effectivement, il n’avait pas la moindre intention de lui en dire davantage. C’était une surprise. « La curiosité est un vilain défaut mademoiselle Montgomery.» Il lui lança un regard amusé tandis qu’il empruntait une nouvelle route, leur faisant définitivement quitter les sentiers menant au centre-ville.

S’il semblait sûr de lui, Shane cru déceler une sorte de malaise chez Juliet. Il espérait sincèrement ne pas être en train de la mettre mal à l’aise car tel n’était pas son but. Naturellement, il savait qu’elle se méfiait de lui de manière totalement légitime : après tout, quelle femme ne serait pas méfiante après avoir connu un homme comme Cameron ? « Je suis désolée si j’ai pu te laisser cette impression là. Pourtant, ce n’est pas le cas… Enfin, je ne me méfie pas de toi. Peut-être que je me méfie un peu des hommes en général… Mais, autant que tu le saches, tu es un des seuls hommes à qui je fais autant confiance… Donc rassures-toi, je ne me méfie pas de toi… Je devrais ? » Shane ne répondit pas immédiatement, manifestement plongé dans ses pensées. Il agita doucement la tête de droite à gauche afin de la rassurer. « Pas à ma connaissance. Du moins, pas de la façon dont tu l’entends. » Il lui adressa un léger sourire rassurant. La vérité était pourtant beaucoup moins reluisante : bien sur qu’elle devait se méfier de lui !! La meilleure chose à faire, c’était de partir en courant et de ne plus jamais le revoir. « Il y a une certaine fragilité chez toi qui m’attire indéniablement. J’ai envie de te protéger … comme une petite sœur j’entends.» Bah ouais, il allait tout de même pas lui dire que son intention était de la foutre dans son pieu avant de lui briser le cœur lamentablement. Non, Shane était beaucoup plus subtil que cela. Lui faire croire qu’il ne voyait en elle rien de plus qu’une petite sœur était une manière de tester ses réactions. Quand on vous dit qu’il était manipulateur jusqu’à l’os. « Je sais que le chemin sera long avant de gagner complètement ta confiance mais je te l’ai dit : je suis quelqu’un de patient. Quand bien même cela prendrait des mois ou des années, je m’accrocherais. Car je sais que ça en vaut la peine…»

Arrivés dans un coin perdu au beau milieu de nulle part, Shane commença à ralentir l’allure jusqu’à immobiliser totalement le véhicule. Soudain, son expression se changea radicalement : il affichait désormais une expression mutine, presque enfantine et mystérieuse. Ils étaient enfin arrivés à destination. « Je t’assure qu’il faut que tu voies ça, Juliet. C’est magnifique. » Shane descendit de la voiture et en fit le tour pour ouvrir la portière du côté de la jeune femme. En véritable gentleman, il lui tendit la main pour qu’elle descende. Main qu’il relâcha aussi délicatement qu’il s’en était saisi. « Viens avec moi …», prononça-t-il d’un simple souffle avant de l’entrainer un peu plus à l’écart. Face à eux, un immense terrain vague que Shane l’incita à traverser. Quand ils furent au bout, ce fut pour mieux découvrir une merveille de paysage : ils étaient en hauteur, surplombant toute la ville. Autant parler d’un océan de petites lumières semblant se noyer sous les montagnes. Au dessus, un ciel d’une noirceur d’encre piqueté d’étoiles étincelantes, sans l’ombre d’un nuage à l’horizon. Le paysage était sublime. « N’est-ce pas somptueux ? J’adore venir ici lorsque j’ai besoin de réfléchir … »

Shane se montrait, depuis que je le connaissais, bien sous toutes les coutures. L’homme parfait à première vue. Et c’était un peu ce qui m’étonnait. J’avais bien compris que l’homme parfait, le prince charmant, toutes ces conneries n’existaient pas. Ainsi, Shane était « trop » pour être vrai. Trop beau, trop gentil. Trop parfait. Cela cachait forcément quelque chose. Et même s’il m’avait dévoilé quelques « défauts », il gardait cette image d’homme parfait que toute femme voudrait avoir pour elle. J’avais beau être consciente que tout cela était trop beau pour être vrai et qu’il y avait forcément anguille sous roche, je ne pouvais m’empêcher d’être foutrement attirée par le jeune homme. Après tout, il avait tout pour plaire. Et clairement, je commençais à avoir du mal à lui être insensible. Et je lui accordais même ma confiance avec une facilité déconcertante, malgré les doutes que je pouvais avoir concernant le fait qu’il puisse être si parfait. J’avais beau vouloir me méfier, Shane se montrait si adorable qu’il était franchement difficile de rester distante. Et il semblait tellement sincère que j’en venais parfois à me demander si je n’étais pas devenue parano et s’il n’était tout bonnement pas réellement le gendre idéal qu’il paraissait être. « La curiosité est un vilain défaut mademoiselle Montgomery.» Bien sûr qu’il n’allait rien me dire quant à notre destination. Tellement prévisible ! J’avais toutefois tenté d’en savoir plus… Sait-on jamais. Tandis que l’on s’aventurait sur une nouvelle route, il aborda un tout autre sujet, tentant de savoir si je me méfiais de lui. Drôle de question. Je ne su d’ailleurs pas lui donner immédiatement une réponse tant elle m’avait déconcerté. Pourtant, j’optais finalement pour une réponse totalement sincère. Je ne me méfiais pas de lui en particulier. Plutôt des hommes en général. Et je lui avouais même qu’il avait déjà gagné ma confiance, ce qui n’était franchement pas mal du tout ! Je ne pu cependant pas m’empêcher si j’avais des raisons de me méfier de lui. Evidemment, si c’était le cas, il n’en dirait rien. Mais il serait peut être un peu mal à l’aise ou laisserait échapper un quelconque signe qui me mettrait sur la piste. « Pas à ma connaissance. Du moins, pas de la façon dont tu l’entends. » Je fronçais légèrement les sourcils. Qu’entendait-il par là ?

« Il y a une certaine fragilité chez toi qui m’attire indéniablement. J’ai envie de te protéger … comme une petite sœur j’entends. » Mon ventre se noua une fraction de secondes, lorsqu’il évoqua une attirance. Je fus toutefois rassurée lorsqu’il me compara à une petite sœur. Il valait mieux ça. Au moins, notre relation demeurerait amicale, quasi fraternelle. Rien d’ambigu. Et cette volonté de me protéger le rendait affreusement touchant et attendrissant. Tout naturellement, je penchais légèrement la tête sur le côté et affichais un doux sourire. « Ce que tu me dis me touche beaucoup, tu sais…  Et je trouve cela adorable de ta part de vouloir me protéger de la sorte, mais tu sais, tu n’es vraiment pas obligé… Ceci dit, si tu y tiens vraiment, je ne peux pas te le refuser… » Puis s’il avait décidé de me protéger, il était capable de le faire, peu importe ce que je pouvais en penser. Mais dans le fond, cela ne me dérangeait pas. Je n’avais tout simplement pas l’habitude que l’on me traite avec autant de considération… « Je sais que le chemin sera long avant de gagner complètement ta confiance mais je te l’ai dit : je suis quelqu’un de patient. Quand bien même cela prendrait des mois ou des années, je m’accrocherais. Car je sais que ça en vaut la peine…» Un sourire mutin se dessina sur mes lèvres. J’aimais sa détermination. Il avait une volonté qui me fascinait presque. « Si ça peut te rassurer, tu touches au but… Tu as déjà une grande partie de ma confiance. Beaucoup plus que ce que j’ai l’habitude de donner… » Oui, sans savoir véritablement pourquoi, j’avais envie de faire confiance au jeune homme. Lui avoir proposé d’être mon colocataire était déjà une belle preuve de cette confiance, non ? Il avait ce je-ne-sais-quoi qui le rendait à la fois attachant et digne de confiance. J’en oubliais mêmes mes méfiances quant à son côté « trop parfait ». Je finissais même par contre que ce n’était qu’un moyen pour moi de me tenir à distance de lui, comme si je m’inventais des prétextes pour m’interdire de devenir trop proche de lui. Dans le fond, je savais que c’était sacrément dangereux. Il me plaisait de plus en plus et je craignais de ne pas lui résister bien longtemps si nous devenions trop proches. Et loin de moi l’idée de détruire cette amitié en couchant avec lui.

Shane ralentit alors doucement la voiture avant de l’immobiliser totalement lorsque nous fûmes sur place. . « Je t’assure qu’il faut que tu voies ça, Juliet. C’est magnifique. » J’eus un vague sourire en posant les yeux sur lui. Cela sautait aux yeux qu’il ne jouait pas la comédie et aimait vraiment ce lieu. Alors évidemment, j’étais désormais impatiente de le découvrir. Ainsi, je m’emparais de la main qu’il me tendait pour sortir du véhicule et me surprenais à regretter qu’il ait lâché si rapidement ma main. Merde, Juliet ! Ce n’est pas le moment ! « Viens avec moi …» Sans attendre, je lui suivis à travers le terrain et, une fois celui-ci traversé, nous nous retrouvâmes au dessus de la ville, profitant d’une vue véritablement magnifique. « N’est-ce pas somptueux ? J’adore venir ici lorsque j’ai besoin de réfléchir … » J’en restais sans voix et observais le paysage avec une réelle fascination. Je comprenais alors pourquoi il était si important d’y venir à une telle heure et surtout, l’engouement du jeune homme pour ce lieu. « C’est vraiment magnifique… C’est vrai que cela doit être l’endroit idéal pour réfléchir… Tellement calme et apaisant. »  

*A beautiful lie*

Les aveux de Juliet lui firent rapidement comprendre qu’il était sur la bonne voie. Dans un premier temps, Shane voulait gagner sa confiance afin qu’elle soit persuadée d’être en sécurité à ses côtés. Le jeune homme tenait donc à donner une image positive de sa personne, une image différente de tout ce qu’elle avait pu connaitre jusqu’ici. S’il y avait une grande part de mensonges dans sa façon d’agir, il y avait également une part de vérité. Shane ne pouvait pas nier ce qu’il était fondamentalement et autant dire que c’était loin d’être aussi terrible que tout ce que l’on est en droit d’imaginer. Une part de lui le poussait à agir selon les clauses de son contrat avec Cameron, tandis que l’autre le poussait à vouloir protéger Juliet de toute la souffrance qui ne tarderait pas à lui tomber sur les épaules. C’est en apprenant à la connaitre qu’il se rendait compte de l’atrocité de ses actes. Certes, il était toujours en droit de renoncer mais à quoi bon ? Si Cameron ne se servait pas de lui pour parvenir à ses fins, il engagerait certainement une autre personne. Shane n’avait pas envie qu’on lui fasse davantage de mal. Lui au moins, il savait qu’il essaierait de causer le moins de dommages collatéraux que possible même si de toute évidence, il allait la blesser d’une façon particulièrement immonde. Perdu dans ses pensées, il admira tour à tour le paysage et les traits divins de la jeune femme qui se tenait à ses côtés. « C’est vraiment magnifique… C’est vrai que cela doit être l’endroit idéal pour réfléchir… Tellement calme et apaisant. » Oui et c’est précisément la raison pour laquelle il aimait venir ici. Son quotidien était tellement agité qu’il avait parfois besoin de prendre un peu de distance et de se ressourcer dans un lieu calme et reculé de tout. « Il m’est arrivé de rester tellement longtemps ici que j’ai pu admirer l’aube se lever. J’ai alors compris quel était cet « instant magique » de l’aurore qui plait tant aux photographes. Venir ici, ça me permet de me déconnecter un peu de la réalité du quotidien qui n’est … pas toujours facile à vivre.» Plongé dans ses pensées, Shane était clairement en train de faire allusion à ce qu’il allait devoir faire avec elle et qui commençait sérieusement à le déstabiliser. Il n’avait pourtant pas l’habitude d’éprouver « ça » pour quiconque. Se rendant compte qu’il s’aventurait sur un terrain sinueux en parlant un peu trop de sa personnalité, le jeune homme se reprit aussitôt. Il devait jouer un rôle, il était là pour ça après tout. « Je parle de la pression au boulot. » Bon en un sens ce n’était pas totalement faux. On lui mettait la pression dans le cadre de son activité mais celle-ci n’avait rien à voir avec tout ce que Juliet pouvait imaginer.

Un coup de vent lui rappela que malgré tout, l’été était terminé et que la beauté du paysage ne préservait pas Juliet de prendre froid. Tout naturellement, il ôta sa veste et la déposa sur les épaules de la demoiselle, créant ainsi durant quelques secondes une proximité troublante entre eux. Cette fois-ci, cela n’avait rien de volontaire. Shane n’était plus dans un jeu de séduction quelconque, il était … lui-même. Autant dire que ça ne lui était pas arrivé depuis une éternité. Quelle était donc cette manie de se cacher perpétuellement afin de ne pas montrer ses sentiments ? Il allait falloir qu’il apprenne à gérer cela au plus vite. L’espace d’un instant, son regard se perdit dans celui de jeune femme. Ses prunelles glissèrent jusqu’à ses lèvres qui le troublèrent plus que de raison. Il se demandait quelle sensation il éprouverait s’il l’embrassait … Réalisant soudainement que ses pensées étaient en train de dévier, Shane prit soudainement une certaine distance avec elle. « Il commence à faire froid, nous devrions rentrer.» Nerveusement, il passa une main sur sa propre nuque, signe qu’il était mal à l’aise. Mal à l’aise, lui ? C’était bien la première fois !! Il lui adressa un sourire avant de retourner vers la voiture. Shane y monta le premier, attendant que Juliet le rejoigne. Lorsqu’il voulu tourner la clé pour faire démarrer la voiture, un bruit sourd se fit entendre le laissant soudainement dubitatif. Il réessaya de nouveau, en vain. Un léger sourire à mi-chemin entre l’amusement et l’agacement se dessina sur ses lèvres. « Ne va surtout pas croire que j’essaie de te faire le coup de la panne mais la voiture refuse de redémarrer.»

Depuis très longtemps, je ne m’étais pas sentie aussi bien avec un homme. Clairement, cela faisait un moment que je n’avais pas autant fais confiance à un homme. Même d’un point de vue purement amical. J’avais, depuis Cameron, eu tendance à me méfier – peut être un peu trop – de la gent masculine. Et peut-être étais-je, de ce fait, passée à côté de quelque chose. Mais soit. J’en prenais le risque. Parce que je préférais finalement passer à côté de quelque chose que de faire confiance trop rapidement et finir par m’en prendre plein la gueule. Pourtant, avec Shane, tout s’était fait naturellement. De notre première rencontre à notre emménagement ensemble. Bizarrement, il parvenait à gagner ma confiance avec une aisance incroyable. Je ne saurais pas vraiment expliquer comment cela était possible, mais j’arrivais presque facilement à lui faire confiance. C’était certainement du à l’image qu’il me donnait de lui. Il n’y avait pour le moment pas grand-chose à lui reprocher. Cela en était même un peu troublant… « Il m’est arrivé de rester tellement longtemps ici que j’ai pu admirer l’aube se lever. J’ai alors compris quel était cet « instant magique » de l’aurore qui plait tant aux photographes. Venir ici, ça me permet de me déconnecter un peu de la réalité du quotidien qui n’est … pas toujours facile à vivre.» Il n’y avait pas à dire, la vue était vraiment sublime. J’en restais bouche bée et scrutait l’horizon sans rien dire, profitant simplement de ce moment. Cependant, je tiltais lorsqu’il évoqua la réalité du quotidien qui était, selon lui, pas toujours facile. Je posais alors un regard interrogatif sur lui, fronçant légèrement les sourcils en cherchant à quoi il faisait référence. Journaliste n’était, à priori, pas le pire des jobs. Surtout qu’il n’était pas reporter de guerre, sur le terrain à devoir affronter des choses horribles… J’étais donc un peu surprise par cette réalité à laquelle il faisait référence et qui semblait véritablement être un poids pour lui. « Je parle de la pression au boulot. » Les délais, les exigences hiérarchiques et tout le tralala. Pour sûr, cela ne devait pas être simple tous les jours. J’acquiesçai alors légèrement. « Oui, j’imagine que cela doit parfois être difficile à gérer… Mais tu fais un boulot que tu aimes, non ? C’est tellement rare de nos jours qu’il faut savoir en profiter, d’après moi… » Je faisais également là référence à mon job de serveuse. Certes, je ne me voyais pas continuer toute ma vie ainsi, mais c’était un boulot qui ne me déplaisait pas tant que ça dans le fond…

Toutefois, une légère brise commença à souffler et je frissonnais assez rapidement. J’étais plutôt d’un naturel frileux. Et l’heure avancée de la nuit – alors que l’été était bel et bien terminé – contribuait à cette fraîcheur, un peu trop prononcée à mon goût. Je croisais alors les bras, espérant ainsi me réchauffer un peu. Cependant, Shane retira, quasiment au même moment, sa veste afin de la déposer sur mes épaules. « Merci… » répondis-je en levant rapidement les yeux vers lui et ne pu m’en détacher immédiatement. Je demeurais comme hypnotisée par son regard. Bon sang, il avait des yeux vraiment magnifiques ! Et, apercevant son regard dévier rapidement sur mes lèvres, je me surpris à paniquer tout autant que je m’en réjouissais. Parce que même si je désirais toujours garder une certaine distance envers Shane, je trouvais cela plaisant de voir que je pouvais lui faire de l’effet. A lui ou à un autre d’ailleurs. C’était toujours plaisant de constater que l’on pouvait encore plaire. Cependant, cela sema surtout le trouble dans mon esprit. Si je lui faisais autant d’effet qu’il m’en faisait, rester simplement de bons amis allait être difficile. Pourtant, il était tout bonnement hors de question d’imaginer autre chose. Ainsi, je préférais détourner le regard et faire mine de m’intéresser encore au paysage. C’était surtout qu’étant donné la proximité soudainement présente entre nous, je préférais éviter toute tentation inutile. « Il commence à faire froid, nous devrions rentrer.» Rentrer, reprendre chacun le chemin de notre chambre et laisser refroidir tout cela. Mine de rien, la soirée avait été assez importante et chargée… d’émotions. « Oui, allons-y. En tout cas, merci de m’avoir amené ici. Tu avais raison, c’est vraiment magnifique et à voir au moins une fois dans sa vie ! » Je lui emboitais alors le pas jusqu’à la voiture, où je m’installais quelques secondes après lui. « Ne va surtout pas croire que j’essaie de te faire le coup de la panne mais la voiture refuse de redémarrer.» J’aurais pu croire qu’il me faisait un vieux plan, mais je l’avais bien vu tenter de démarrer vainement la voiture. Il n’y avait donc aucun doute possible à avoir… Celle-ci ne voulait pas démarrer ! « Merde… » murmurais-je en fermant les yeux et en appuyant ma tête contre le repose-tête. Il ne manquait plus que ça ! « A cette heure-ci, aucun garage ne sera ouvert et je doute qu’on puisse venir nous dépanner… Et, il n’y a rien dans le coin qui pourrait nous être utile ? Ne serait-ce qu’un hôtel où passer la nuit si l’on ne parvient pas à rentrer avant demain ? » demandais-je alors en scrutant l’horizon. Nous étions plutôt dans un coin paumé et il me paraissait difficile de rentrer à Arrowsic à pied. Et encore plus difficile de trouver quelqu’un dans les parages pour nous aider… Il semblait donc que nous n’ayons pas d’autre solution que de passer la nuit ici.

*A beautiful lie*

Il fallait voir dans les propos de Shane une sorte de double sens qu’il était le seul à pouvoir déchiffrer. Naturellement, il lui était tout à fait impossible de confesser ses états d’âme à l’innocente Juliet. Pourtant, le jeune homme aurait aimé pouvoir se montrer plus honnête à son égard. C’était d’ailleurs la première fois qu’il éprouvait tant de culpabilité à l’idée de mentir à quelqu’un. Avec elle, c’était différent… Il n’était vraiment pas capable de se l’expliquer et tout ceci semblait compliquer sa mission. Il se rendait compte qu’en lui faisant du mal, il allait également en souffrir. Il songeait à tout cela en balayant d’un regard sombre le paysage qui se trouvait face à eux. S’il n’y avait pas eu ce contrat avec Cameron, il aurait probablement été capable d’ouvrir son cœur à Juliet en lui montrant qui il était réellement, y compris ses blessures les plus profondes qui au final, faisaient de lui un être complexe. « Oui, j’imagine que cela doit parfois être difficile à gérer… Mais tu fais un boulot que tu aimes, non ? C’est tellement rare de nos jours qu’il faut savoir en profiter, d’après moi… » Un sourire ironique peupla son visage. Fort heureusement, il était placé de telle sorte que Juliet ne pouvait pas le voir. En fait, Shane adorait son boulot. Du moins, il l’aimait beaucoup par le passé. Désormais, tout semblait beaucoup plus compliqué et difficile à gérer. Il avait l’impression d’être beaucoup trop impliqué émotionnellement parlant et ce n’était pas bon du tout. Peut-être qu’il ferait mieux d’en discuter avec Cameron afin de lui conseiller d’engager quelqu’un d’autre … Non, non il ne pouvait pas faire ça. Shane n’avait pas envie qu’un autre homme entre dans la vie de Juliet. Lui au moins, il savait dans quelle mesure il pourrait se permettre de la blesser. C’était horrible, n’est-ce pas ? « Je fais un boulot fascinant Juliet … mais disons que parfois, je travaille sur des affaires plus sensibles et il me devient difficile de ne pas m’impliquer d’un point de vue émotionnel. Dans certaines circonstances, il est facile de s’en défaire. Dans d’autres, c’est beaucoup plus contraignant.» Il demeurait volontairement flou dans ses propos mais le fond n’en restait pas moins réaliste. Avant que la conversation ne devienne plus intime encore, Shane préféra y mettre un terme en lui proposant de rentrer. L’espace d’une minute, il créa une sorte de bulle entre eux et le monde extérieur et ce il fut contrait de lutte de toutes ses forces pour résister à l’envie de goûter aux lèvres de sa belle victime…

Mais quand le destin décide de s’acharner contre vous, il n’y va généralement pas de main morte. Alors que Shane était bel et bien décidé à rentrer, voilà que la voiture faisait des siennes. Ce n’était pourtant pas le moment de tomber en panne au beau milieu de nulle part. « A cette heure-ci, aucun garage ne sera ouvert et je doute qu’on puisse venir nous dépanner… Et, il n’y a rien dans le coin qui pourrait nous être utile ? Ne serait-ce qu’un hôtel où passer la nuit si l’on ne parvient pas à rentrer avant demain ? » Tout en l’écoutant parler, Shane s’était emparé de son téléphone portable mais malheureusement, il ne parvenait à capter aucun réseau. Pas étonnant vu l’altitude à laquelle ils se trouvaient. Il grogna quelque chose de totalement incompréhensible contre ce satané smartphone puis regarda autour de lui en réfléchissant. Il était très souvent venu dans le coin mais il n’avait pas le souvenir d’avoir vu un hôtel, un dépanneur ou quoi que ce soit d’autre. « A mon avis, c’est le moteur qui est nase. J’ai un peu trop forcé dessus ces derniers jours. Et non Juliet, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un hôtel dans le coin. Mais nous n’allons pas passer la nuit dans la voiture, il fait bien trop froid pour ça. Il y a bien une solution mais je ne sais pas trop ce que ça vaut …» Shane sortit de la voiture et dans le doute, alla regarder s’il pouvait réparer le moteur. En vain. Il n’y connaissait pas grand-chose en mécanique et quand bien même aurait-il pu tenter quoi que ce soit, il ne disposait pas des outils nécessaires. Son plan B était donc le bienvenu.

Comment Shane avait-il connu cet endroit merveilleux ? Et bien en réalité, il venait souvent ici avec son père. Non pas son père biologique mais plutôt l’homme qui s’était occupé de lui après la disparition de ses parents … encore une partie sombre de son passé dont il n’avait jamais parlé avec personne. Surtout pas avec Juliet pour qui il était censé ne pas connaitre la région. « Viens Juliet, on va aller se mettre à l’abris. Le temps va certainement virer à l’orage, nous ne pouvons pas rester là.» Instinctivement, il prit sa main dans la sienne. Ce n’était pas un geste prémédité et encore moins ayant pour but de la troubler. Shane voulait simplement parvenir à la guider dans l’obscurité et lui permettre d’avoir un point d’appui. Après de longues minutes de marche, ils se retrouvèrent près d’une maison au bord d’un lac. La bâtisse était vraiment magnifique et Shane avait le souvenir d’être venu ici à de nombreuses reprises lorsqu’il était enfant. C’était d’ailleurs le seul bon souvenir qu’il gardait de cette période atroce… Bref ! Il n’y avait aucun portail devant la maison, rare étaient les personnes qui osaient s’aventurer jusqu’ici. L’endroit était calme, paisible, un vrai paradis sur terre. Les rayons de lune se reflétaient sur la surface de l’eau, offrant une vue magique. Juliet devait certainement se poser des questions sur la façon dont il avait connu cet endroit. Il allait donc devoir lui avouer une partie de son passé, c’était inévitable. « On va rester ici jusqu’à demain matin.» Une fois devant la porte de la maison, Shane se hissa sur la pointe des pieds et tendit la main au dessus de la porte. Sur l’encadrement de celle-ci, il attrapa une petite clé poussiéreuse et la glissa dans la serrure. Quand la porte s’ouvrit, il sentit une sensation familière se propager dans ses veines. Cela faisait des années qu’il n’avait pas mis un pied ici et pourtant, c’était toujours aussi … sensationnel. La maison ne payait pas de mine mais avait un charme indéniable. Rien n’avait changé. Absolument rien. « Juliet … hum… je ne t’ai pas tout dit sur moi et sur mon passé. Y’a rien de grave je te rassure. C’est juste que … cette maison était celle de mon père. » Donc il était déjà venu ici et n’était pas nouveau dans la région comme il l’avait laissé entendre depuis le début… Merde. Il allait certainement devoir lui en dire plus à présent. Shane allait donc devoir mesurer ses propos. Et surtout trouver une bonne explication.

Il ne s’en rendait peut être pas compte, mais Shane était en train de gagner pleinement ma confiance. Et à ce niveau là, cela relevait presque du privilège ! Il était si gentil, si protecteur, si compréhensif, si prévenant, qu’il m’était impossible de ne pas l’apprécier ou de maintenir certaines distances entre nous. Puis dans le fond, je l’appréciais sincèrement et appréciais tout autant les moments que l’on pouvait passer ensemble. Ainsi, devant ce sublime paysage qu’il venait de me faire découvrir, nous discutâmes de choses et d’autres, à commencer par son travail. Ou plutôt, par la pression qui en découlait. « Je fais un boulot fascinant Juliet … mais disons que parfois, je travaille sur des affaires plus sensibles et il me devient difficile de ne pas m’impliquer d’un point de vue émotionnel. Dans certaines circonstances, il est facile de s’en défaire. Dans d’autres, c’est beaucoup plus contraignant.» Je n’en doutais absolument pas. Bien sûr que son travail de journaliste – puisque c’était ainsi qu’il s’était présenté – devait être à la fois fabuleux et difficile. C’était tellement logique que je gobais cela sans me poser de questions. Tout était crédible et se tenait. Je n’avais donc aucun doute à avoir… Du moins, je le croyais. Et, tandis que la conversation devenait plus intime et que je découvrais un homme visiblement sensible et au grand cœur, il tenta soudainement de changer de sujet en proposant de rentrer. Ne voulant pas le mettre mal à l’aise ou dans une situation embarrassante, je n’insistai pas quant à son travail et son implication émotionnelle dans celui-ci. « Ça fait parfois du bien de se confier dans de telles situations donc… si un jour tu en as besoin, n’hésites pas… » C’était pour moi totalement naturel et normal de lui proposer cela. D’autant plus que, vivant désormais ensemble, nous risquions de passer le plus clair de notre temps ensemble. Et évidemment, s’il désirait se confier sur n’importe quel sujet, j’étais là pour lui. Tout comme il l’était pour moi. Un ami, un confident. Mouais… Mais alors, est-ce normal d’avoir envie d’embrasser cet ami ? J’en doutais fortement. Pourtant c’était bien le cas. Durant quelques secondes de flottement, ses yeux s’attardèrent sur ses lèvres et, à ma plus grande surprise, cela me plaisait franchement de constater qu’il pouvait être tout aussi troublé que moi. Et même si l’envie était bien là, je pris sur moi pour ne pas rapprocher mes lèvres des siennes. C’était sans doute une très mauvaise idée que de céder à cette attirance… Et pour éviter tout dérapage, il était peut être plus prudent de rentrer. Sauf que c’était bien trop simple. Tout ne pouvait pas se dérouler aussi facilement et sans embûche… Ce fut donc au tour de la voiture de nous jouer un sale tour en refusant de démarrer. Nous voilà bien ! Seuls, sans possibilité de communiquer avec la ville, dans un coin paumé et en pleine nuit !

« A mon avis, c’est le moteur qui est nase. J’ai un peu trop forcé dessus ces derniers jours. Et non Juliet, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un hôtel dans le coin. Mais nous n’allons pas passer la nuit dans la voiture, il fait bien trop froid pour ça. Il y a bien une solution mais je ne sais pas trop ce que ça vaut …» Je sortis alors de la voiture en même temps que lui et vins m’appuyer doucement sur cette dernière, observant Shane tenter de réparer le moteur. N’y connaissant strictement rien, je ne pouvais absolument pas l’aider sur ce coup-ci. « De toute façon, je crois que l’on n’a plus vraiment le choix… Puis, ta solution sera toujours mieux que rien ! » Je ne savais pas quel était ce plan mais cela m’importais peu. Enfin si, cela importait. Mais nous n’avions de toute manière pas vraiment le choix. C’était soit la voiture, soit sa fameuse solution. Et clairement, dormir dans la voiture n’était pas l’idée du siècle. Croisant alors les bras pour me réchauffer,  je jetai un coup d’œil au ciel lorsque j’entendis quelques grondements lointains de tonnerre. « Viens Juliet, on va aller se mettre à l’abris. Le temps va certainement virer à l’orage, nous ne pouvons pas rester là.» Sans hésiter, je saisis sa main et le suivis pendant de longues minutes, tentant de ne pas tomber malgré l’obscurité. Et soudain, l’orage se rapprochant de nous, le tonnerre gronda assez fortement, ce qui me fit sursauter et, machinalement, je serrais un peu plus la main de Shane dans la mienne. Malgré la nuit, j’arrivais ensuite à apercevoir la maison vers laquelle nous nous dirigions. Les rayons de la lune se réfléchissant sur l’eau éclairaient d’une lumière douce les lieux, nous permettant d’y voir un peu mieux. « On va rester ici jusqu’à demain matin.» Ici ? Certes, la maison semblait vide mais elle appartenait certainement à quelqu’un. Nous ne pouvions pas y passer la nuit comme ça… « Mais… » Je fronçais alors les sourcils et me taisais en le voyant récupérer une clé au dessus de la porte. Il semblait bien connaître les lieux et même avoir l’habitude de cette maison. Etrange pour quelqu’un qui est censé être nouveau en ville...  Mais soit, vu la situation, ce n’était pas vraiment le moment de se poser telle ou telle question. L’essentiel était de pouvoir se mettre à l’abri. Quelques secondes après, Shane ouvrit donc la porte et nous entrâmes dans  cette fameuse bâtisse. « Juliet … hum… je ne t’ai pas tout dit sur moi et sur mon passé. Y’a rien de grave je te rassure. C’est juste que … cette maison était celle de mon père. » Merde. Celle là, je ne l’avais pas senti venir. Pourtant, cela expliquait comment il connaissait le lieu qu’il venait de me montrer. Tout s’expliquait enfin ! « Ah bon ? Ces lieux... je comprends mieux alors… Mais… Je croyais que tu venais d’arriver, que tu étais nouveau ici... » questionnais-je en lâchant sa main, comme si cette révélation venait de briser le lien qui commençait à se créer entre nous. Ben oui, c’était sacrément étrange de découvrir cela tout à coup. Et j’avais encore du mal à comprendre pourquoi il avait prétendu le contraire jusqu’à présent.

*A beautiful lie*

A l’instant même où la jeune femme relâcha sa main, Shane comprit qu’il venait de commettre une lamentable erreur stratégique. S’il avait réussi à gagner la confiance de Juliet, il savait également qu’il était désormais en train de la perdre et étrangement, cette sensation lui était plus que désagréable. « Ah bon ? Ces lieux... je comprends mieux alors… Mais… Je croyais que tu venais d’arriver, que tu étais nouveau ici... » Il n’aimait pas le ton qu’elle employait, ce ton qui trahissait toute sa méfiance et son incompréhension. Nerveusement, Shane passa une main sur sa nuque, ne sachant pas trop par où commencer. Il ne voulait pas qu’elle prenne la fuite. Pas seulement car cela compromettrait sa mission mais bel et bien car il tenait à elle et qu’il ne voulait nullement à la voir sortir de sa vie. C’est un sentiment qu’il n’était pas capable de s’expliquer et qui le perturbait grandement. La seule chose dont il était certain, c’est de ne pas vouloir perdre Juliet. Pas comme ça. Pas maintenant. « Oui … enfin non … s’il te plait Juliet, laisse-moi t’expliquer véritablement ce qu’il en est. Tu veux bien ?» Sa voix était calme et douce. Il s’en voulait terriblement pour ce qu’il était en train de faire et il fallait désormais qu’il trouve un moyen d’arrondir les angles. Il ne pouvait décemment pas continuer à lui mentir de la sorte. Du moins, pas sur certains détails. Après tout, rien ne lui empêchait de lui raconter certains détails de son passé. D’ordinaire, il détestait en parler mais avec elle, c’était différent. Il avait envie de lui accorder sa confiance comme elle l’avait fait avec lui. En sa présence, il se sentait suffisamment à l’aise pour aborder certains sujets plus …personnels. Son regard sombre plongea dans les magnifiques prunelles de la jeune femme et après avoir pris une grande inspiration, Shane se lança enfin.  « Quand je t’ai dit que je ne connaissais pas la ville, j’avoue avoir menti. Je ne voulais pas te cacher la vérité Juliet, mais il y a certains éléments de mon passé dont j’ai beaucoup de mal à parler. J’ai donc préféré faire l’impasse dessus plutôt que d’avoir à les évoquer à nouveau. C’était plus simple de te dire que je ne connaissais pas cet endroit plutôt que de revenir sur des faits marquants et douloureux de mon passé. Pardonne-moi. » Il n’avait de cesse de l’observer avec cette lueur dans le regard qui lui était si singulière. Délicatement, il tendit la main pour venir attraper celle de la jeune femme. Il voulait qu’elle le regarde, qu’elle se rende compte par elle-même de sa sincérité. C’était risqué, il en avait pleinement conscience. Mais la voir partir serait sans doute la pire des choses. « Je ne t’ai pas menti quand je disais ne connaitre personne en ville. Cela fait tellement longtemps que j’en suis parti que j’y ai perdu tous mes repères. En fait … je n’ai pas vécu bien longtemps ici. Deux ans, je crois.» Il haussa doucement les épaules et reprit :« Mon père est mort alors que je n’avais que huit ans. Ma mère n’a jamais réussi à s’en remettre et a mis fin à ses jours peu de temps après. J’ai vécu de foyer en foyer jusqu’à tomber sur des gens biens … mon père … enfin … mon père adoptif… il m’emmenait souvent ici. J’en garde de bons souvenirs mais il … il est tombé gravement malade à son tour et … » Shane s’arrêta là, préférant éviter d’entrer de nouveaux détails. L’homme dont il parlait n’était pas mort mais n’avait malheureusement plus la force de venir ici. Shane n’aimait pas parler de tout ça. C’était un sujet tabou en quelque sorte. « Tu as parfaitement le droit de m’en vouloir Juliet. Je comprendrais que tu n’apprécies pas mon manque d’honnêteté à ton égard. Je veux juste que tu saches que je n’ai pas fait cela dans le but de te mentir. C’est juste que … je n’aime pas parler de mon passé, tu comprends ? Les gens ont tendance à me juger ou à me prendre en pitié lorsque j’en parle et j’ai horreur de ça. » Là non plus, il ne mentait pas.

J’avais rapidement fait confiance à Shane. Peut-être même trop rapidement. Si bien que lorsqu’il me laissa entendre qu’il n’avait pas été totalement honnête envers moi, j’avais aussitôt lâché sa main et prit légèrement mes distances. J’avais réagi ainsi presque malgré moi. Mais j’étais plutôt déçue. Et surprise. Aussitôt, je le questionnais, cherchant à savoir s’il avait réellement menti et pourquoi… C’était d’ailleurs très déstabilisant pour moi. J’avais cru qu’il pouvait être différent des autres… Et encore une fois, je m’étais trompée. Mais soit. Il avait peut être de bonnes raisons de ne pas dire la vérité… Même si clairement, il lui en fallait d’excellentes pour que je ne lui reproche pas ce manque de sincérité. « Oui … enfin non … s’il te plait Juliet, laisse-moi t’expliquer véritablement ce qu’il en est. Tu veux bien ?» J’espérais vraiment que cette fois-ci, il me dirait la vérité. C’était sacrément frustrant de découvrir que, si de mon côté, je lui avais fait une confiance presque aveugle et m’étais aisément confiée à lui, il m’avait volontairement caché certains détails de sa vie. Pire, il m’avait menti en prétendant ne pas connaître la ville. Ce n’était pas tant le mensonge en lui-même qui me gênait mais bien plus le fait qu’il m’ait menti. Je lui avais pourtant clairement expliqué que c’était ce que je redoutais le plus chez les hommes. C’était d’ailleurs tous ces mensonges qui m’avaient autant fait souffrir et m’avaient rendu aussi méfiante aujourd’hui.  « Vas-y, je t’écoute. » J’employais désormais un ton plus froid, me méfiant désormais de tout ce qu’il allait pouvoir me dire pour se justifier. Sait-on jamais, s’il tentait encore de me mener en bateau…  « Quand je t’ai dit que je ne connaissais pas la ville, j’avoue avoir menti. Je ne voulais pas te cacher la vérité Juliet, mais il y a certains éléments de mon passé dont j’ai beaucoup de mal à parler. J’ai donc préféré faire l’impasse dessus plutôt que d’avoir à les évoquer à nouveau. C’était plus simple de te dire que je ne connaissais pas cet endroit plutôt que de revenir sur des faits marquants et douloureux de mon passé. Pardonne-moi. »  Je poussais alors un long soupir, ne sachant pas vraiment comment réagir. Devais-je le croire ? Ce qu’il racontait paraissait plausible. Mais je venais à l’instant de découvrir qu’il était très doué pour cacher la vérité. Et dans le fond, cela m’importait peu qu’il connaisse ou pas la ville. Je voulais juste qu’il soit honnête avec moi. C’était les bases d’une relation, même amicale. Et s’il pouvait me mentir pour des détails concernant sa vie, il pouvait très bien en faire de même pour des sujets bien plus importants. Et c’était bien cela qui m’inquiétait. Cependant, je le laissais faire lorsqu’il vint saisir ma main et levais finalement le regard vers lui, le plantant dans son regard à la recherche de la vérité. « Je ne t’ai pas menti quand je disais ne connaitre personne en ville. Cela fait tellement longtemps que j’en suis parti que j’y ai perdu tous mes repères. En fait … je n’ai pas vécu bien longtemps ici. Deux ans, je crois.»

Peu importait qu’il ait passé un mois, deux ou dix ans ici. Pourquoi s’être caché de cela ? C’était le seul point que je ne comprenais pas. « Mon père est mort alors que je n’avais que huit ans. Ma mère n’a jamais réussi à s’en remettre et a mis fin à ses jours peu de temps après. J’ai vécu de foyer en foyer jusqu’à tomber sur des gens biens … mon père … enfin … mon père adoptif… il m’emmenait souvent ici. J’en garde de bons souvenirs mais il … il est tombé gravement malade à son tour et … » Bien évidemment, il ne lui en fallut pas plus pour m’émouvoir. Qui pouvait rester insensible face à une telle histoire ? Et si, justement, il cherchait à m’émouvoir, m’attendrir, pour que je lui pardonne ce mensonge ? C’était, en soi, quelque chose de tout à fait possible. « Je ne savais pas… Et je suis désolée d’avoir réveillé des souvenirs douloureux… » Cependant, n’ayant pas lâché Shane des yeux, j’avais pu constater, tout au long de son discours, une certaine fragilité que je n’avais encore jamais vu chez lui. Et cela me laissait donc penser qu’il devait être sincère. Mais je préférais ne pas m’emballer. C’était certainement plus prudent. « Tu as parfaitement le droit de m’en vouloir Juliet. Je comprendrais que tu n’apprécies pas mon manque d’honnêteté à ton égard. Je veux juste que tu saches que je n’ai pas fait cela dans le but de te mentir. C’est juste que … je n’aime pas parler de mon passé, tu comprends ? Les gens ont tendance à me juger ou à me prendre en pitié lorsque j’en parle et j’ai horreur de ça. » J’acquiesçai alors doucement, comprenant tout de même sa difficulté à aborder un sujet qui semblait délicat pour lui. Et tout en penchant légèrement la tête sur le côté, je refermais légèrement ma main sur la sienne, comme pour lui assurer mon soutien. « Ne t’inquiètes pas… Je ne t’en veux pas. Mais tu connais un peu mon passé et tu sais donc que je ne supporte pas que l’on me mente, sur n’importe quel sujet… J’ai beaucoup trop souffert à cause de cela. Et j’ai nullement l’intention de te juger et ce, peu importe les circonstances ou ce que tu pourrais me dire… Je t’ai fais confiance. Fais-en de même… Et surtout, ne me ment plus, je t’en prie. Je préfère que tu me dises que tu ne veux pas parler de tel ou tel sujet plutôt que tu me racontes des histoires pour éviter toute conversation à ce propos… » Certes, je lui pardonnais ce mensonge et lui redonnais une chance. Et il semblait même que je lui accordais à nouveau ma confiance. Ce n’était pas totalement vrai. Je demeurais déjà un peu plus méfiante et sur mes gardes. Et même si je lui pardonnais cela, je n’étais pas prête de l’oublier. Ni de lui refaire entièrement confiance.

*A beautiful lie*

Pensant que son plan était infaillible, Shane n’avait pas prévu que la voiture lâcherait en cours de route et qu’il serait donc contraint d’emmener Juliet jusqu’ici. Evoquer son passé était loin d’être évident pour lui et il estimait en avoir déjà beaucoup trop dit. Dévoiler sa véritable personnalité aux yeux de Juliet était un véritable risque et il en avait conscience. Il suffisait d’un rien pour que la situation ne lui échappe, venant ainsi compromettre sa mission. Shane avait donc décidé de jouer la carte de la sincérité tout en demeurant suffisamment vague dans ses propos. Malheureusement, plus le temps passait et plus il éprouvait des difficultés à mentir à la jeune femme. A aucun moment il n’aurait pensé être capable de faire preuve d’autant d’humanité et pourtant, face à Juliet, il devenait un autre homme. Méconnaissable. Sentant la main de la jolie brune serrer la sienne, il comprit toutefois que tout n’était pas perdu et que même si sa confiance était désormais ébranlée, elle accepterait sans doute de lui laisser une seconde chance. « Ne t’inquiètes pas… Je ne t’en veux pas. Mais tu connais un peu mon passé et tu sais donc que je ne supporte pas que l’on me mente, sur n’importe quel sujet… J’ai beaucoup trop souffert à cause de cela. Et j’ai nullement l’intention de te juger et ce, peu importe les circonstances ou ce que tu pourrais me dire… Je t’ai fais confiance. Fais-en de même… Et surtout, ne me ment plus, je t’en prie. Je préfère que tu me dises que tu ne veux pas parler de tel ou tel sujet plutôt que tu me racontes des histoires pour éviter toute conversation à ce propos… » Le regard rivé dans les magnifiques prunelles de la jeune femme, Shane dû faire un effort surhumain pour ne pas cracher le morceau et lui dévoiler l’abominable vérité. Mais que ça lui plaise ou non, il avait signé un contrat avec Cameron et ne pouvait pas s’en défaire aussi facilement. Il fallait qu’il garde à l’esprit qu’il était grassement payé pour faire ce qu’il faisait et qu’en aucun cas il ne devait s’impliquer personnellement. Hélas, c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Il aurait aimé être capable de lire dans ses pensées et de découvrir ce qu’elle cachait au fond de son cœur. Cœur incroyablement meurtri par les désillusions et les mensonges. « J’ai confiance en toi Juliet et c’est précisément ce qui me fait si peur… » Tout aurait été tellement plus simple s’il n’éprouvait pas tout … « ça » pour elle. Shane était tiraillé entre son désir de lui dire la vérité et celui de continuer à la manipuler. Il savait que ce serait un jeu d’enfant pour lui de parvenir à ses fins et c’est précisément ce qui le dérangeait à ce point. Il n’avait pas envie d’être celui qui finirait de l’anéantir. Tout ça pour quoi ? Pour l’inciter à retourner dans les bras d’un homme totalement barge qui la traitait comme une moins que rien ? Il ferma les yeux un court instant pour reprendre sa respiration calmement.  A aucun moment Shane n’avait envisagé que la situation deviendrait aussi difficile à gérer. Il ne savait même pas ce qu’il ressentait véritablement à l’égard de Juliet. Etait-ce de l’amitié ? De l’attirance ? De l’amour, peut-être ? C’était difficile à dire étant donné qu’il n’était pas un grand adepte des relations humaines. Toutefois, il avait une certitude : celle de vouloir protéger Juliet pour le moment. C’était sa priorité. Délicatement, il relâcha sa main afin de porter la sienne jusqu’à son visage de poupée qu’il caressa délicatement d’un revers de main. « Je ne veux pas que tu te méfies de moi Juliet. Jamais je ne ferai quoi que ce soit susceptible de te nuire, parce que j’ai bien trop conscience de tout ce que j’ai à perdre si cela devait arriver. » Sa main glissa de sa joue à ses cheveux, toujours avec la même délicatesse. « Essayer de ne pas te mentir sur certains sujets risque cependant d’être très délicat…» Son regard brûlant dévia une nouvelle fois en direction de ses lèvres parfaites avant de regagner ses prunelles brillantes. Il faisait clairement allusion à l’attirance qu’il éprouvait à son égard et qui risquait fort de ne pas convenir à la jeune femme. Après tout, en lui avait-elle pas ouvertement fait comprendre qu’elle ne souhaitait pas de ce genre de relation ?

Ayant tout à coup du mal a démêler le vrai du faux, je ne savais pas vraiment quoi faire face à ses révélations. Je ne savais d’ailleurs même pas s’il s’agissait de véritables révélations ou simplement d’un nouveau tissu de mensonges, ayant pour but d’endormir ma méfiance. A présent je doutais de tout. Malgré cela, je finis par lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas et lui redonnais ma confiance. Enfin, juste en partie. Il était encore trop tôt pour que je lui fasse entièrement confiance. Surtout après avoir découvert qu’il me mentait. Clairement, j’allais désormais me montrer plus prudente. S’il avait si aisément pu me mentir, il était peut être tout aussi capable de continuer à me mener en bateau et de me manipuler… Surtout que j’étais d’un naturel trop bon, trop gentil. C’était d’ailleurs ce qui m’avait valu tant de souffrances dans ma vie sentimentale. Enfin, tout ça était révolu ! Je m’étais décidée à devenir une autre femme. Plus forte, plus confiante et plus méfiante aussi. Je confiais donc à Shane que j’avais moyennement apprécié ses mensonges et que je ne voulais plus qu’il me mente à nouveau. Tout comme moi, il avait certainement des pans de sa vie qu’il désirait garder secret et je le comprenais parfaitement. Je ne lui demandais pas de me dire tout ce qui le concernait. Mais juste d’être honnête avec moi sur les sujets abordés. C’était peut être devenu un peu trop excessif chez moi, mais j’avais tendance à ne pas du tout apprécier les mensonges. Aussi petits et anodins puissent-ils être. J’avais suffisamment souffert à cause de cela et prônais désormais l’honnêteté. « J’ai confiance en toi Juliet et c’est précisément ce qui me fait si peur… » Je fronçais alors doucement les sourcils, ayant du mal à comprendre sa logique. Où était le mal dans le fait de m’accorder sa confiance ? C’était absurde. Il semblait même regretter de me faire confiance. Comme s’il s’agissait là d’un danger pour lui… « … ce qui te fait peur ? Mais pourquoi ? De quoi as-tu peur Shane ? » Demandais-je sans lâcher son regard du mien. Je découvrais alors que j’étais finalement assez loin de le connaître. Et j’avais même du mal à le cerner désormais. Si justement, il avait confiance en moi…Pourquoi m’avait-il menti ? Clairement, j’avais l’impression qu’il cachait quelque chose… Mais quoi ? Tout était beaucoup plus flou désormais. Et cela n’allait pas en s’arrangeant.

Et je restais totalement conne lorsqu’il entreprit de caresser mon visage du revers de sa main. A ce simple contact, j’eus l’impression de tout à coup manquer d’air. Merde. Il me troublait. Et beaucoup trop. Il était impératif que je parvienne à reprendre le dessus sur mes émotions avant qu’il ne décèle quoi que ce soit.  « Je ne veux pas que tu te méfies de moi Juliet. Jamais je ne ferai quoi que ce soit susceptible de te nuire, parce que j’ai bien trop conscience de tout ce que j’ai à perdre si cela devait arriver. » Plus il parlait, plus j’avais l’impression qu’il tenait sacrément à moi. Bien plus que l’on peut tenir à une colocataire ou une amie. Et cela me dérangeait un peu. Enfin, peut-être me trompais-je… Je l’espérais vraiment. Il ne manquait plus qu’il soit tout aussi troublé par moi que je pouvais l’être par lui… Et lorsqu’il glissa sa main dans mes cheveux, ce fut le coup de grâce. Tandis que mon cœur s’emballait un peu trop, je fermais les yeux une fraction de seconde dans l’espoir de reprendre un tant soit peu mes esprits. « Essayer de ne pas te mentir sur certains sujets risque cependant d’être très délicat…» Ses gestes, son regard, le ton de sa voix… Tout laissait supposer que je n’étais plus vraiment un simple colocataire pour lui. Mon ventre se noua alors légèrement tandis que je commençais à paniquer. Nous étions en quelques sortes dans une impasse. Il y avait à priori cette attirance mutuelle… et en même temps, ma volonté de laisser ma vie sentimentale de côté. Et même avec la meilleure volonté du monde, je me savais incapable de pouvoir vivre avec Shane sans jamais déraper, surtout en sachant que ce désir était réciproque. Certes, il ne me l’avait pas clairement dit mais… tout dans son comportement me laissait croire cela. Enfin, peut-être étais-je simplement en train de me faire un film ? Et prendre ainsi mes désirs pour des réalités ? Oui, c’était peut être ça… Cela valait mieux pour nous deux d’ailleurs. Et même dans ce cas là, les choses devenaient trop ambiguës entre nous. Si bien que je me demandais si cette idée de colocation n’était pas une mauvaise idée finalement. « Et bien… soit. Tout cela n’arrange franchement pas les choses mais… je crois que je préfère quand même que tu sois entièrement sincère envers moi… Peu importe le sujet. Je… j’aviserais en fonction… » Sentant que je perdais pied petit à petit, je décidais de reprendre les choses en main avant que les choses ne prennent une toute autre tournure. Ainsi je me reculais légèrement, retirant ainsi sa main de mes cheveux, et fis mine d’observer l’intérieur de la maison. « Bon, ça m’a l’air parfait pour cette nuit ! Par contre… il n’y a pas d’électricité ? Pas de chauffage non plus, je suppose ? » demandais-je en songeant que la nuit allait être longue si nous nous retrouvions ainsi coupés de tout confort…  

*A beautiful lie*

Plus il la regardait et plus il la trouvait incroyable. Tout en elle était si démesurément parfait que l’œil s’abîmait sans cesse dans un trouble fasciné. L’éclairage étrange projetait de lumineux reflets sur ses cheveux, donnant à ses impossibles yeux clairs, une nuance tout aussi impossible. Les ombres dansantes sur les angles de son visage accentuaient la beauté sculpturale de ses lèvres, la rendant aussi séduisante que le péché mortel. Inconsciemment, Shane ne pouvait que rêver du moment où il cesserait de résister à cette attirance qu’il se refusait de voir, du moment où il se rendrait enfin. Non sans difficulté, son regard se détourna à nouveau tant la réalité était compliquée à affronter. « … ce qui te fait peur ? Mais pourquoi ? De quoi as-tu peur Shane ? » Depuis toujours et par la force des choses, Shane avait dû apprendre à faire cavalier seul. Il n’avait pas pour habitude de s’attacher à qui que ce soit, c’était pour ainsi dire une expérience totalement nouvelle à ses yeux. Il était réticent à l’idée d’évoquer son passé. C’était un sujet délicat qu’il ne souhaitait aborder avec personne. A son sens, Juliet l’avait jusqu’ici porté un peu trop haut dans son estime et de toute évidence, elle serait bien déçue si elle apprenait certaines choses. C’était un risque qu’il refusait de prendre, du moins pour le moment. En fait, il tenait bien trop à elle et avait bien trop peur de la voir partir. De plus, Shane n’avait pas pour habitudes de confier ses tourmentes et parler du passé revenait presque à aborder un sujet tabou. Sa venue au monde, son histoire, sa vie toute entière ne valait pas la peine d’être contée. Ses erreurs encore moins. Aucune importance. Il ne voulait pas l’effrayer ou la mettre mal à l’aise. « Je n’en sais rien. Disons juste que je n’ai pas l’habitude de pouvoir compter sur qui que ce soit. Pas plus que je ne sais parler de moi ou de mon passé. Il y a certains détails que personne ne peut comprendre … » Pas même la seule et unique personne en qui il savait qu’il pouvait avoir confiance.

« Et bien… soit. Tout cela n’arrange franchement pas les choses mais… je crois que je préfère quand même que tu sois entièrement sincère envers moi… Peu importe le sujet. Je… j’aviserais en fonction… » La voir si soudainement s’éloigner de lui le mit mal à l’aise. Finalement, c’est ça qui le dérangeait le plus : qu’elle se méfie de lui. Certes, elle avait de bonnes raisons de le faire mais Shane n’était plus totalement certain d’avoir envie de la manipuler. Oh bordel !! Toute cette histoire commençait à devenir trop compliquée. Il avait du mal à discerner ce qui relevait d’un petit numéro habile visant à obtenir d’elle ce qu’il souhaitait, de ce qui émanait de ses émotions les plus profondes. « Très bien, comme tu voudras. » Il n’insista pas davantage car la mettre mal à l’aise ne faisait nullement partie de ses intentions. Le visage du détective  se détendit et il plongea son regard dans celui de la jeune femme, vraisemblablement troublé par sa façon d’agir. « Bon, ça m’a l’air parfait pour cette nuit ! Par contre… il n’y a pas d’électricité ? Pas de chauffage non plus, je suppose ? » Sortant de ses pensées, Shane lança un regard circulaire autour de lui. « Non c’est une vieille bâtisse inhabitée. Pour l’éclairage, tu trouveras quelques bougies dans le placard qui se trouve derrière toi. Quant au chauffage et bien … on va faire marcher la cheminée.» Habilement, Shane s’empara de quelques morceaux de bois près de l’âtre et sortit un paquet d’allumettes de sa poche. Il en craqua une et la glissa entre les tronçons de bois qui ne tardèrent pas à s’embraser, créant une atmosphère apaisante tout en diffusant une chaleur agréable au sein de la pièce. « Installe-toi, je vais aller te chercher une couverture pour que tu puisses te réchauffer…» A aucun moment Shane n’osa croiser son regard. Pas après ce qui venait de se passer. L’abandonnant quelques instants, il partit dans une pièce au bout du couloir et sortit de l’armoire une couverture parfaitement emballée et qui de ce fait, n’avait pas eu à subir les ravages des semaines et de mois d’absence du propriétaire des lieux. Dehors, l’orage grondait violemment, signe qu’ils ne pourraient pas repartir de sitôt. Génial ! S’il devait manger de la soupe à la grimace jusqu’au lendemain, la nuit risquait d’être fort intéressante. De retour dans le salon, Shane déplia la couverture et la tendit à Juliet. « Est-ce que tu as besoin d’autre chose ? »

J’étais en train de me découvrir une certaine attirance envers Shane et clairement, cela ne me plaisait pas. Mais alors pas du tout ! Tout se passait tellement bien entre nous jusqu’à présent et je craignais que cette attirance naissante ne vienne tout gâcher. Même si j’avais l’intention de la masquer, de la mettre dans un coin et de tenter de faire comme si de rien n’était, je savais pertinemment que cela n’allait pas être simple. Et la discussion que j’étais en train d’avoir avec Shane n’arrangeait pas mon cas. Plus je le découvrais, plus il me plaisait. Et c’était bien la première fois que je trouvais le désir aussi dérangeant. Mais le fait était que j’associais désormais – peut-être inconsciemment – le fait d’être attirée par un homme à la souffrance. Parce que dans le fond, cela avait été mon cas. Chaque fois que j’avais été attirée par un homme – particulièrement Cameron – j’avais fini par souffrir. Si bien que je détestais désormais ressentir de telles choses envers un homme. Je me sentais soudainement faible et vulnérable. Et je savais que si je ne prenais pas sur moi pour lui résister, je risquais d’être la proie idéale. Certes, peut être qu’il n’était pas de ce genre et n’avait pas l’intention d’abuser de ma gentillesse et de ma naïveté. Peut-être pas.  J’avais beau lutter contre ces sentiments, il avait un effet fou sur moi. Et il allait me falloir beaucoup de volonté et de ténacité pour ne pas craquer… Mais j’avais bien l’intention de garder notre amitié intacte. Et de ne pas franchir certaines limites avec lui. Nous étions amis, c’était très bien ainsi. J’en vins d’ailleurs à lui demander pourquoi il avait peur de me faire confiance. C’était un fait assez étrange que j’avais du mal à saisir. « Je n’en sais rien. Disons juste que je n’ai pas l’habitude de pouvoir compter sur qui que ce soit. Pas plus que je ne sais parler de moi ou de mon passé. Il y a certains détails que personne ne peut comprendre … » Depuis que nous étions dans cette bâtisse, j’avais l’impression de découvrir un autre homme. Beaucoup plus sombre et torturé qu’il n’y paraissait. J’hochais ensuite doucement la tête sans le quitter des yeux et en me pinçant légèrement les lèvres. « Quoi qu’il en soit, tu peux compter sur moi… Et même si tu as besoin de temps pour cela, saches que tu pourras toujours me faire confiance et te confier à moi… sans que je porte sur toi le moindre jugement… »

Le voir ainsi me touchait et je ne pouvais pas faire autrement que de lui laisser clairement entendre qu’il pouvait compter sur moi. Même si la réciproque fonctionnait aussi, je savais que j’aurais également du mal à lui refaire entièrement confiance. Mais lorsqu’il évoqua de manière presque implicite une possible attirance envers moi, je prenais immédiatement une certaine distance. C’était très flatteur et plaisant de savoir que je lui plaisais. Mais c’était aussi sacrément dangereux dans la mesure où il me plaisait aussi. Et il n’était pas dupe et avait du s’en apercevoir… Ou au moins s’en douter. « Très bien, comme tu voudras. » Malgré tout, je lui avais demandé d’être sincère en toute occasion. Et si cela devait le pousser à m’avouer une quelconque attirance, j’en prenais le risque. Je préférais que les choses soient entièrement claires plutôt qu’il persiste encore quelques zones d’ombre. Or, il y avait encore beaucoup d’ombre autour de Shane. Je décidais ensuite de changer de sujet. La discussion prenait une drôle de tournure et je n’appréciais guère cela. Il était donc peut être plus prudent de penser à autre chose. « Non c’est une vieille bâtisse inhabitée. Pour l’éclairage, tu trouveras quelques bougies dans le placard qui se trouve derrière toi. Quant au chauffage et bien … on va faire marcher la cheminée.» Tandis qu’il s’occupait du feu, j’entrepris de récupérer les bougies dans le placard indiqué et les allumais ensuite en piochant dans la boite d’allumettes que venait d’utiliser Shane. Une fois les bougies allumées, j’en déposais un peu partout afin d’éclairer un tant soit peu les lieux.  « Installe-toi, je vais aller te chercher une couverture pour que tu puisses te réchauffer…» Je m’installais alors sur le canapé, me réchauffant peu à peu grâce à la cheminée. « Merci Shane… » La situation était certes, étrange, mais n’avait rien de déplaisant. Même si je ne savais pas vraiment si le fait de nous retrouver seuls, dans une maison abandonnée, obligés de se chauffer à la cheminée et de s’éclairer à la bougie, était une très bonne idée étant donné l’ambiguïté qui s’était installé entre nous. Shane réapparut ensuite avec une couverture qu’il me tendit. « Est-ce que tu as besoin d’autre chose ? » J’attrapais alors la couverture et me déplaçais alors légèrement afin de lui faire une place sur le canapé. « Non, ça devrait aller, merci… » Et lorsqu’il prit place à mes côtés, je partageais la couverture et en déposait une partie sur lui, lui adressant par la même occasion un bref regard et sourire. « Et toi, ça va ? Tu n’as pas froid ? » Demandais-je alors avec un réel intérêt. Et avec l’envie d’appuyer ma tête contre son épaule et de me blottir légèrement contre lui… Mauvaise idée. Ce n’était absolument pas raisonnable… Mais tellement tentant.

*A beautiful lie*

« Non, j’ai tout ce qu’il me faut je te remercie. » Le regard rivé en direction du brasier, Shane n’osait plus esquisser le moindre mouvement par peur que  ses faits et gestes ne soient mal interprétés. Il faut dire que la situation était, en l’espace de quelques minutes, devenue extrêmement délicate. Pourtant, son but initial n’était nullement de venir jeter un froid entre eux. Rapidement, il analysa la situation ainsi que l’ampleur de ses émotions. C’était absurde !! Totalement absurde ! Comment pouvait-il s’attacher à une jeune femme dont il était censé briser le cœur et avec qui il se comportait comme le dernier des abrutis ? Leur relation amicale n’était basée que sur un ignoble mensonge. Tout ceci n’était qu’une vaste supercherie. A quoi s’attendait-il au juste ? Au fil des minutes, Shane réalisa que rien n’avait le moindre sens. Il se leurrait considérablement à croire qu’il éprouvait une attirance envers Juliet alors qu’il n’en était rien … du moins, préférait-il s’en convaincre. Le bruit de l’orage grondant au-dessus de leurs têtes le fit rapidement sortir de ses pensées. Sacrée tempête. « Et dire qu’il faisait un temps superbe il y a une heure !» murmura-t-il pour lui-même. Il se souvenait de toutes les nuits qu’il avait pu passer dans cette maison, y compris lorsque le temps virait à l’orage comme c’était le cas ce soir-là. Etant enfant, il adorait se faire peur. A croire que cette fâcheuse manie n’avait fait que s’accroitre au fil du temps.

L’espace d’un instant, il braqua ses prunelles magnifiques en direction de Juliet dont il scruta le profit avec attention. Les ombres dansantes que faisait naitre le feu sur son visage lui donnaient une expression encore plus fascinante que d’ordinaire. « Tu devrais peut-être essayer de te reposer un peu, tu dois être épuisée après une pareille journée. » Et après toutes ces émotions, cela va sans dire. C’était une erreur stratégique de lui avoir fait découvrir cet endroit et par conséquent, de lui avoir parlé de son passé mais il n’avait pas vraiment eu le choix. « J’ai encore un article à écrire d’ici demain. Certes je n’ai pas mon ordinateur, mais je devrais pouvoir me contenter d’un calepin et d’un stylo. Comme au bon vieux temps. » Il esquissa un sourire ironique qui s’estompa bien vite. Il se sentait … vraiment stupide. C’était bien la première fois que sa confiance légendaire était ébranlée à ce point. « Excuse moi pour ce soir. Pour tout ce que j’ai pu dire ou faire. Je ne voudrais pas que cela change quoi que ce soit entre nous. »

« Non, j’ai tout ce qu’il me faut je te remercie. » Je me pinçais alors doucement les lèvres, songeant que j’y étais allée peut être un peu fort… Si bien qu’à cet instant, nous étions tous deux assez froids et gênés. Or, en aucun cas, je n’avais souhaité cela ! Le reste de la soirée s’était très bien déroulé. J’avais presque du mal à concevoir comment, en si peu de temps, cela avait prit une telle tournure. Et bien sûr, je m’en voulais. J’étais en partie responsable du froid jeté et pourtant, Shane n’avait rien fait de mal ou qui méritait cela… « Et dire qu’il faisait un temps superbe il y a une heure !» Je me blottissais alors davantage sous la couverture, n’osant rien lui dire. J’avais surtout peur qu’il m’en veuille d’avoir réagi de la sorte… Mais ce n’était pas contre lui. J’avais juste eu peur. Peur de ces sentiments, de cette foutue attirance que je me découvrais pour lui. Et peur de faire une nouvelle erreur. Et avec le temps actuel, il était impensable de rentrer maintenant. Clairement, nous allions devoir passer la nuit ici… Et il valait quand même mieux que nous repartions sur de bonnes bases. Ne serait-ce que pour éviter que le restant de la nuit ne soit trop pénible pour l’un comme pour l’autre. « Tu devrais peut-être essayer de te reposer un peu, tu dois être épuisée après une pareille journée. » Mon regard croisa alors le sien et, l’espace d’un instant, je me demandais si un rapprochement entre nous serait vraiment une erreur. Mais je finis par me persuader que oui, ce serait une erreur. Tout comme le fait de l’embrasser, ou pire, d’aller plus loin avec lui… J’en conclu donc que la fatigue devait me faire perdre toute raison et qu’il n’avait pas tort lorsqu’il me conseillait de me reposer un peu. « Oui, tu as raison… Il n’y a qu’une chambre ? Si c’est le cas, je te la laisse et prendrais le canapé… » Je n’allais pas faire la difficile et je n’oubliais pas que, la nuit précédente, c’était lui qui avait dormi sur le canapé. Il allait donc de soi que les rôles seraient inversés ce soir.

« J’ai encore un article à écrire d’ici demain. Certes je n’ai pas mon ordinateur, mais je devrais pouvoir me contenter d’un calepin et d’un stylo. Comme au bon vieux temps. » Je regardais alors l’heure, trouvant surprenant qu’il travaille aussi tard. « Si tard ? Penses quand même à te reposer, parfois, mmh ? » Il avait déjà travaillé la nuit précédente, cette nuit encore… Décidément, Shane semblait être un bourreau de travail ! Et presque malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter un tant soit peu pour lui, craignant qu’il ne néglige sa santé au profit de son travail. « Excuse moi pour ce soir. Pour tout ce que j’ai pu dire ou faire. Je ne voudrais pas que cela change quoi que ce soit entre nous. » Il fallait bien que le sujet soit abordé à un moment ou à un autre. Je soupirais alors longuement, cherchant par où commencer et surtout gênée de tensions causées. Je plantais alors mon regard dans le sien et vins poser ma main sur son avant-bras pour assurer mes propos. « Non Shane, tu n’as pas à t’en vouloir…  Tu n’y es pour rien. C’est moi… J’ai peut-être réagi de manière un peu excessive. C’est juste que… j’ai eu peur. Et je n’ai pas vraiment su comment réagir… Ne m’en veux pas, je risque d’avoir besoin d’encore un peu de temps pour… disons, être à l’aise avec tout ça… » Lui dire que j’avais eu peur de mes propres sentiments avait été tout de même impossible. C’était le genre de choses que je me refusais de lui avouer… Lui confier cela était prendre le risque qu’il s’en serve contre moi, pour jouer ou me manipuler…  Et même s’il ne paraissait pas être ce type d’homme, je ne pouvais pas prendre de tels risques. J’en avais fais l’expérience par le passé….

*A beautiful lie*

« Oui, tu as raison… Il n’y a qu’une chambre ? Si c’est le cas, je te la laisse et prendrais le canapé… » C’est vrai qu’avec tout ça, Shane n’avait même pas pris le temps de lui faire visiter les lieux. Bon en un sens, c’était difficile à faire étant donné qu’ils manquaient considérablement de lumière et que l’état actuel de la maison n’était guère reluisant. Sa remarque fit toutefois sourire le jeune homme. Quand bien même avait-il passé la nuit précédente sur le canapé, il refusait catégoriquement de laisser Juliet le faire à son tour. Il était peut-être un peu vieux-jeu sur les bords mais la galanterie faisait partie intégrante de ses bonnes manières et il préférait de loin sacrifier son propre confort à celui de la jeune femme. De toute façon, la question ne se posait même pas puisque la maison disposait de plusieurs chambres. « Ne t’inquiète pas pour ça Juliet, il y a deux chambres. Tu t’apercevras demain matin qu’elles offrent une vue imprenable sur les environs.  » Pour sa part, Shane n’était pas totalement certain d’avoir sommeil. Son histoire d’article n’était que du baratin. Forcément, il n’était pas journaliste !! C’était juste un prétexte pour ne pas avoir à passer trop de temps avec elle. Non pas qu’il n’en mourrait pas d’envie … mais éviter de passer du temps avec elle serait un bon moyen de s’épargner de nouvelles bêtises. « Si tard ? Penses quand même à te reposer, parfois, mmh ? » Sa demande le fit sourire de bon cœur. Il est vrai qu’il était un véritable bourreau de travail. Pas celui auquel Juliet pensait cela dit. « Disons que j’ai tendance à l’insomnie. Ecrire m’aide parfois à trouver le sommeil plus rapidement. Ca me permet également de me vider l’esprit, ça me détend tu vois ?» Et en parlant de détente, autant dire que Shane en avait grandement besoin. Ce soir, tout était brouillon dans son esprit. Il ne savait plus réellement ce qu’il désirait : continuer sa mission et séduire Juliet dans un but peu louable ? Ou bien tout abandonner et laisser à Cameron le soin de continuer son impitoyable manège ? C’était une option envisageable. A condition bien entendu que le perfide ne se décide pas à engager quelqu’un d’autre pour accomplir la mission à sa place.

Et oui !! La situation était vraiment périlleuse. Jamais Shane n’aurait pu imaginer que toute cette histoire prendrait une tournure si complexe. A la base, il ne s’agissait que d’un énième contrat à exécuter. Rien de bien palpitant. Mais désormais, il se rendait compte de son implication personnelle et que son attirance pour Juliet était loin d’être un vaste simulacre comme c’était initialement prévu. D’ailleurs, le jeune homme éprouva rapidement le besoin de s’excuser pour tout ce qui s’était passé au cours de la soirée : son mensonge, la déception de Juliet, les sous-entendus qu’il avait pu émettre concernant ses sentiments. « Non Shane, tu n’as pas à t’en vouloir…  Tu n’y es pour rien. C’est moi… J’ai peut-être réagi de manière un peu excessive. C’est juste que… j’ai eu peur. Et je n’ai pas vraiment su comment réagir… Ne m’en veux pas, je risque d’avoir besoin d’encore un peu de temps pour… disons, être à l’aise avec tout ça… » La main qu’elle venait de poser sur son bras le fit frissonner. Foutue réaction !! Le regard plongé dans celui de la jeune femme, il essaya de déchiffrer ses pensées sans pourtant être capable d’y parvenir. Elle avait eu peur … avait-il seulement cherché à provoquer une telle réaction en elle ? Non, jamais de la vie. Avec une délicatesse peu commune, il déposa sa main sur celle de Juliet en une douce caresse. « J’ai fait preuve d’une consternante maladresse à ton égard et ce n’était nullement mon intention. En voulant me préserver des mauvais souvenirs du passé, j’ai bien failli briser notre amitié et perdre ta confiance. Ce n’est pas ce que je souhaitais. Pas plus que je ne souhaite que tu m’associes à tout ceux qui ont pu te faire du mal autrefois. S’ils n’ont pas su prendre conscience de la merveille qui se trouvait juste sous leurs yeux, ce n’est pas mon cas.» Et pour ponctuer ses propos, il souleva doucement la main de Juliet pour y déposer un baiser aussi léger que le vent. Reposant sa main sur la couverture, il se leva et désigna le couloir qui se trouvait sur leur gauche. « Je te propose de prendre la chambre du fond, c’est la plus confortable. Quant à moi, je serai dans celle qui se trouve juste en face.»

« Ne t’inquiète pas pour ça Juliet, il y a deux chambres. Tu t’apercevras demain matin qu’elles offrent une vue imprenable sur les environs.  » Au moins, le problème était réglé. Et aucun de nous n’allait devoir dormir sur le canapé. Pourtant, la fatigue avait beau me gagner, je n’avais absolument pas envie de quitter le salon pour regagner ma chambre. Même si c’était risqué, j’avais envie de passer encore du temps près de cette cheminée et en compagnie de Shane… Ne serait-ce que pour m’assurer qu’il ne m’en voulait pas. Et parce qu’une petite partie de moi brûlait d’envie de rester à ses côtés et espérais secrètement un petit dérapage. C’était pourtant le genre de pensée que je m’efforçais de chasser de mon esprit. Nous ne pouvions pas jouer ainsi avec le feu… Non, surtout pas ! « Si la vue est aussi belle que celle que tu m’as fait découvrir tout à l’heure, cela promet… » La discussion était peut être anodine mais au moins, les tensions disparaissaient peu à peu. Même si je m’étais braquée auparavant, je n’avais absolument pas envie de me brouiller avec lui. Ni même de mettre notre amitié en péril. Il était donc important pour moi de constater que, malgré tout, les choses n’avaient pas vraiment changé entre nous. Et tout naturellement, lorsqu’il  confia vouloir profiter de la nuit pour écrire un nouvel article, je ne pu m’empêcher de m’inquiéter légèrement pour lui, trouvant qu’il passait beaucoup trop de temps à travailler… « Disons que j’ai tendance à l’insomnie. Ecrire m’aide parfois à trouver le sommeil plus rapidement. Ca me permet également de me vider l’esprit, ça me détend tu vois ?» J’esquissais alors un doux sourire et acquiesçais vaguement en guise de réponse. Et je ne doutais pas que, tout comme moi, il avait besoin de se détendre après…. Tant d’émotions. Nous nous étions foutus dans une étrange situation et il semblait bien que, ni lui, ni moi, ne parvenions à nous en échapper pour le moment…

Pourtant, il se décida finalement à évoquer ces tensions précédentes et s’en excusa. Et aussitôt, je le rassurais en lui affirmant que ce n’était en rien sa faute. Il avait simplement décidé de se montrer honnête envers moi et ainsi de faire une allusion à des sentiments, une attirance envers moi… Et même si je voulais qu’il demeure sincère envers moi, j’avais pris peur. En fait, ce n’était pas de lui dont j’avais peur. C’était de moi. J’avais peur d’être trop faible, trop naïve, trop crédule. De ne pas parvenir à lui résister et de le regretter…  Et le pire dans tout cela, c’était que le moindre geste qu’il pouvait faire était source de tentations et de désirs. Ainsi, lorsqu’il déposa doucement sa main sur la mienne, j’eus l’impression de manquer d’air tant les battements de mon cœur s’accélérèrent tout à coup avant de retrouver un rythme normal. « J’ai fait preuve d’une consternante maladresse à ton égard et ce n’était nullement mon intention. En voulant me préserver des mauvais souvenirs du passé, j’ai bien failli briser notre amitié et perdre ta confiance. Ce n’est pas ce que je souhaitais. Pas plus que je ne souhaite que tu m’associes à tout ceux qui ont pu te faire du mal autrefois. S’ils n’ont pas su prendre conscience de la merveille qui se trouvait juste sous leurs yeux, ce n’est pas mon cas.» C’était beau. Oh oui, c’était beau. Et n’importe quelle femme aurait clairement succombé à de telles paroles. Et je n’étais pas une exception. Ainsi, je pris fortement sur moi pour ne rien laisser paraître… mais c’était là la deuxième fois qu’il me décrivait comme une merveille et c’était aussi troublant et perturbant que cela pouvait être plaisant. Je baissais alors doucement le regard, me sentant légèrement rougir à ses mots. « Une merveille ? C’est très flatteur mais… je crois que tu t’emballes un peu. Je ne suis pas aussi merveilleuse et parfaite que tu ne sembles le croire, tu sais… » Même si j’avais une petite vie tranquille, plutôt rangée, je n’étais, à mon humble avis, pas tout à fait ‘merveilleuse’. Mais je mettais cela sur le compte de ses possibles sentiments et surtout de son manque de connaissance de moi… Car il était encore loin, très loin, de me connaître entièrement. Et lorsqu’il s’empara de ma main pour y déposer un baiser, je sentis un bref frisson me parcourir avant que j’aille caresser délicatement sa joue de mon pouce. « Je sais bien que tu ne souhaitais pour tout cela. Et je sais également que tu n’es pas comme ceux qui ont pu me faire souffrir…  Mais c’est plus fort que moi, j’ai besoin de temps. »  Avouais-je alors avant de retirer doucement ma main, espérant qu’il n’ait pas trouvé ce geste trop déplacé. « Je te propose de prendre la chambre du fond, c’est la plus confortable. Quant à moi, je serai dans celle qui se trouve juste en face.» J’acquiesçai alors en souriant doucement. « C’est parfait. » répondis-je alors en me levant également et en m’avançant légèrement dans le couloir afin de repérer les chambres en question.

*A beautiful lie*

Juliet n’était certainement pas aussi merveilleuse que Shane semblait l’imaginer. Non, elle l’était sans doute beaucoup plus… Toutefois, le jeune détective savait qu’il ne pouvait pas se laisser aller à de telles confessions. Elles auraient été lourdes de sens et l’incidence que cela pourrait avoir sur la suite de leur relation était non négligeable. Shane ne tenait pas à mettre les pieds dans le plat une fois de plus. Même s’il mourrait d’envie d’esquisser un mouvement qui puisse être à l’origine d’un potentiel rapprochement, le jeune homme n’en fit rien. Juliet lui avait ouvertement fait comprendre qu’elle n’était pas prête à ça et il n’était pas stupide au point de ne pas respecter ses choix. Il était totalement hors de question qu’il s’amuse à compromettre leur fragile relation. Pas seulement parce que Cameron lui avait demandé de ne pas faire le moindre faux pas, mais bel et bien car il ne tenait pas à la blesser davantage. A croire que cette affaire prenait une tournure de plus en plus personnelle et sur laquelle il n’avait plus aucun contrôle. En un sens, c’était assez bouleversant pour lui de s’apercevoir qu’il était capable de songer à une autre personne que lui-même. Eprouver des sentiments n’était pas dans ses habitudes. A son insu, Juliet parvenait pourtant à faire de lui un homme totalement différent. Shane n’était pas capable de savoir si c’était une bonne ou une mauvaise chose. C’était juste … étrange. Troublant également. Bref, totalement nouveau. Mais comme il savait faire preuve d’un self-control parfaitement fascinant, Shane ne cilla pas au contact de la main de Juliet, quand bien même il apprécia son geste ô combien générateur de sensations exquises. « Je sais bien que tu ne souhaitais pour tout cela. Et je sais également que tu n’es pas comme ceux qui ont pu me faire souffrir… Mais c’est plus fort que moi, j’ai besoin de temps. » Sans répondre, Shane acquiesça doucement. Il n’avait pas menti lorsqu’il affirmait être capable de faire preuve d’une patience surprenante. D’un autre côté, il espérait sincèrement que Juliet ne cèderait jamais à la tentation. Non, jamais. Elle l’ignorait encore mais si elle parvenait à lui résister, elle s’épargnerait d’atroces souffrances. C’était totalement anormal d’aimer une personne comme lui. Il ne méritait pas qu’on l’aime. Quand bien même cet amour serait-il justifier, il n’était qu’un immonde personnage prêt à tout. Le contrat qu’il avait signé avec Cameron en était la preuve et il gardait cela à l’esprit. « Je comprends Juliet. Et peut-être que c’est beaucoup mieux ainsi.» Son ton de voix était calme, posé et rassurant. Il ne fallait surtout pas qu’elle cède à la tentation. Il serait même préférable qu’elle se rende rapidement compte de la supercherie et qu’elle prenne la poudre d’escampette d’elle-même. Oui, c’était ça la solution.

Après s’être levé du canapé, Shane observa la jeune femme qui en faisait de même. Il constata alors qu’elle portait toujours sa veste. C’était sans doute une bonne chose au regard de la température qu’il faisait dans les chambres. Le jeune homme s’empara d’une bougie afin qu’ils puissent s’éclairer dans le couloir et entraina Juliet avec lui afin de lui montrer sa chambre. Il en poussa la porte afin qu’elle puisse découvrir les lieux et s’écarta subtilement de son chemin pour éviter toute proximité entre eux. « Tu trouveras des couvertures et des oreillers dans l’armoire. Tu as une salle de bain juste sur ta droite mais je pense qu’il serait plus judicieux d’attendre demain matin plutôt que de rester dans le noir complet. Si tu as besoin de quoi que ce soit, Juliet, n’hésite surtout pas… je serai juste en face. » De son pouce, il désigna par-dessus son épaule la porte d’en face. Après quoi, il lui tendit la bougie et se pencha pour déposer un baiser sur son front. « Fais de beaux rêves, troublante demoiselle. » Sur ces mots, Shane s’éloigna et entra dans la chambre qui lui était destinée. Il n’avait pas besoin de s’éclairer, il connaissait les lieux par cœur. Ainsi, il ne tarda pas à retirer son t-shirt qu’il lança au pied du lit avant d’aller chercher quelques couvertures. Il installa convenablement le tout sur le lit puis se coucha, fixant le plafond et soupirant doucement. « T’es qu’un crétin Shane. »

Shane ou un autre, cela aurait été pareil. J’aurais certainement réagi exactement de la même façon. Si ce n’est que j’aurais peut-être été encore plus directe et froide avec un autre. Parce que dans le fond, repousser Shane n’avait rien de très plaisant pour moi. Je m’en voulais même un peu. Le pauvre… Si ce n’est m’avoir menti sur une partie de sa vie, il avait toujours été irréprochable et adorable envers moi. Et de ce fait, je le rejetais à contre cœur. D’autant plus qu’il ne me laissait pas indifférente et que je faisais donc un sacré effort pour ne pas craquer. Et j’étais d’ailleurs pleinement consciente qu’un tel comportement pouvait paraître ridicule… Parce que j’étais peut-être en train de passer à  côté d’une belle histoire voire, de l’homme de ma vie… Mais soit. J’en prenais le risque. De toute façon, je n’étais absolument pas prête à retenter quelque chose… Et je doutais l’être un jour. Comme on dit, mieux vaut être seul que mal accompagné. Et mon célibat me convenait parfaitement. « Je comprends Juliet. Et peut-être que c’est beaucoup mieux ainsi.» La tentation avait beau être omniprésente, j’acquiesçais doucement. Oui, voilà, c’était mieux ainsi. Et j’étais ravie de constater qu’il partageait mon avis. C’était surtout rassurant… Ainsi, je pouvais espérer qu’il ne tenterait rien pour me faire céder. Il ne manquait plus que ça ! Clairement, cela aurait été difficile pour moi de garder le contrôle s’il avait décidé de me provoquer et de me faire craquer… Il n’aurait sans doute pas besoin de faire grand chose pour me faire céder. Mais il ne semblait pas totalement dans cette optique là et c’était tant mieux ! Il valait mieux qu’il reste raisonnable et respecte mon choix. Cela allait clairement me faciliter la tâche s’il y mettait aussi du sien.

Je me levais ensuite et suivais Shane jusqu’au couloir, gardant sur mes épaules sa veste puisqu’il faisait tout de même assez frais. Je le suivais ensuite jusqu’à ma chambre dans laquelle il entra rapidement avant de me laisser la place. « Tu trouveras des couvertures et des oreillers dans l’armoire. Tu as une salle de bain juste sur ta droite mais je pense qu’il serait plus judicieux d’attendre demain matin plutôt que de rester dans le noir complet. Si tu as besoin de quoi que ce soit, Juliet, n’hésite surtout pas… je serai juste en face. » C’était assez troublant de me retrouver plongée dans le noir le plus complet, à quelques mètres de lui, avec pour seul éclairage, la faible lumière d’une bougie. « Ça devrait suffire pour la nuit… Merci. » répondis-je avant de saisir la bougie avec un vague sourire, qui se figea lorsqu’il déposa ses lèvres sur mon front. Je fermais aussitôt les yeux, ne pouvant pas nier que j’aimais profondément ce type de contact…  « Fais de beaux rêves, troublante demoiselle. » Troublante… et troublée ! Et ça, il avait aussi dû s’en rendre compte… « Merci, à toi aussi Shane… Et bon courage pour l’écriture de ton article. » Puisque c’était bien ce qu’il était censé faire, d’après ses propres dires.  Et lorsqu’il quitta finalement la pièce et rejoint sa chambre, je ne pu retenir un long soupir. Merde. Que m’arrivait-il ? Que nous arrivait-il ? Rien de très bon, c’était une évidence… J’entrepris alors de déposer la bougie sur une table de chevet, présente à côté du lit, et de récupérer couvertures et oreillers afin de les installer rapidement sur mon lit. Je retirais alors la veste de Shane et, sans vraiment savoir pourquoi, au lieu de la poser directement quelque part, je la ramenais avec hésitation vers mon visage avant de finalement venir délicatement humer son odeur. Paupières closes, je restais ainsi quelques secondes, sans vraiment réaliser ce que j’étais en train de faire. Retrouvant finalement la raison, je vins poser la veste sur le dossier d’une chaise présente dans la pièce et pris place au bord du lit, passant mes mains sur mon visage. Cette histoire prenait une drôle de tournure et je n’avais vraiment pas cela… Je finis cependant par me coucher. Après tout, la nuit porte conseil paraît-il….