Le Petit Chaperon Rouge… Étrange choix de déguisement pour Halloween, n’est-ce pas ? Peut-être que, si j’avais eu plus de temps, et surtout plus d’argent, je serais partie sur quelque chose de beaucoup plus adapté. Sauf que financièrement, ce n’était pas la joie en ce moment. Si j’avais, quelques semaines auparavant, voulu vivre en colocation, c’était bel et bien pour réduire mes frais. Or, il avait fallu que Shane décide par mettre rapidement fin à notre colocation… Si bien que je me retrouvais à devoir, seule, payer mon loyer. Et cette première expérience m’avait servi de leçon. Hors de question de songer à prendre un nouveau colocataire ! C’était d’ailleurs fort regrettable que les choses se soient ainsi passées avec Shane… Mais soit. C’était ainsi et il était désormais bien trop tard pour y changer quoi que ce soit. Puis, tout cela était derrière moi maintenant. Shane avait sans doute quitté la ville comme prévu… Et c’était peut-être mieux ainsi puisqu’il demeurait pour moi une source de tentations. Son départ était à la fois une très bonne chose mais aussi une source de frustration…  Et souvent, depuis son départ, je me demandais ce que cela aurait donné s’il était resté. Voire, si nous étions devenus plus qu’amis. Parce que, malgré tout, il semblait différent de tous ces hommes que j’avais pu connaître et qui m’avaient fait souffrir… Bref, manquant donc d’argent pour investir dans une tenue plus effrayant, je me transformais donc, le temps d’une soirée, en petit chaperon rouge. Et finalement, je trouvais que cela me correspondait plutôt bien. Beaucoup trop fragile et naïve… Oui, c’était totalement ça !

Puis cette soirée était l’occasion idéale de faire de nouvelles rencontres. Pas sentimentales, mais ne serait-ce qu’amicales. Après tout, je n’étais pas ici depuis très longtemps et rencontrer de nouvelles personnes n’était pas une si mauvaise idée. Au contraire, cela allait me permettre de m’intégrer plus facilement. Ainsi, une fois sur place, je constatais avec amusement que bien des personnes avaient joué le jeu et étaient venues déguisées. Demeurant toutefois légèrement à l’écart, j’observais les rues, les décorations et les déguisements, trouvant véritablement fascinant qu’une fête aussi « banale » puisse prendre une telle ampleur. Toute la ville ne semblait vivre que par Halloween. Peu à peu, je me rapprochais de la foule, reconnaissant certaines personnes que je connaissais et discutant vaguement avec d’autres. Il y avait, à ce moment là, une très bonne ambiance. C’était un plaisir d’être là et j’espérais bien que le reste de la soirée serait tout aussi agréable. A plusieurs reprises, mon attention fut attirée par un homme au déguisement très élégant. Et c’était la styliste qui parlait ! Non, clairement, la tenue qu’il portait – très classe – était vraiment somptueuse. Et ce masque qu’il portait le rendait terriblement mystérieux. Et même si sa tenue était on ne peut plus sombre, il ne passait pas inaperçu tant il dégageait quelque chose de fort.  

La fête battait son plein. Tout était parfait. Les gens discutaient, s’amusaient, riaient. Les enfants jouaient ou venaient quémander quelques friandises. Une fête d’Halloween qui  semblait se dérouler à merveille. Et puis, il y avait cet homme à l’allure si mystérieuse. Depuis que je l’avais aperçu, mon attention était captivée par ce type à la fois élégant, sombre et mystérieux. Insaisissable, même. A peine l’avais-je aperçu à tel endroit, qu’il s’était déjà éclipsé. Comme s’il se jouait de cela et de l’emprise qu’il pouvait déjà avoir sur moi. Sans rien savoir de lui, j’étais déjà étrangement fascinée par lui. Attirée ? Peut-être bien… Même si je ne savais absolument pas à quoi il ressemblait véritablement. C’était étrange mais c’était ce qui faisait son charme… Et j’avais bien remarqué les quelques regards furtifs qu’il avait eu à mon égard, avant de se faufiler à nouveau dans la foule. Et sitôt qu’il avait disparu, je me mettais à le chercher discrètement dans la foule. Jusqu’à l’apercevoir, un court instant, avant qu’il ne disparaisse à nouveau. Et ce petit jeu continuait depuis un moment. D’ailleurs, si ce n’était pas moi qui me mettais à le chercher à travers la foule, c’était lui qui se retrouvait, par un heureux hasard, dans les parages.  

Puis arriva le moment tant attendu de la danse. Et encore une fois tout le monde se prêta au jeu. Ainsi, je me retrouvais très rapidement à esquisser quelques pas de danse avec divers partenaires. Et, tandis que nous changions de partenaire en suivant le rythme de l’orchestre, je me retrouvais soudainement face à ce fameux inconnu. Enfin le voilà ! Depuis le début du bal, je n’avais eu de cesse de me demander s’il avait préféré fuir ou s’il était encore là et, le cas échéant, si j’allais avoir l’occasion de danser avec lui. Et bien, il s’avérait que oui ! N’ayant pas vu qu’il était à proximité, je me retrouvais assez surprise et un brin troublée en arrivant entre ses bras.  Finalement, je lui adressais un doux sourire en plongeant mon regard dans le sien… Ces yeux… Magnifiques yeux… Durant un court instant, ils me rappelèrent ceux de Shane… Cela le rendait encore plus troublant. Mais non, ce n’était pas Shane. Et il fallait définitivement que j’oublie ce type. Et que je cesse de me questionner autant à notre sujet… Je me recentrais alors sur le moment présent et sur cette danse que nous partagions. « Magnifique… costume… » glissais-je alors doucement tandis que nous continuions de danser.  C’était vraiment un moment unique. Et ce ne fut qu’après avoir fini de danser que je réalisais que certaines personnes s’étaient arrêtées de danser afin de nous observer, tant j’avais été captivée par cet homme… Le petit chaperon rouge et le méchant loup. Quel sacré ‘couple’ ! Drôle de hasard, n’est-ce pas … ? Toutefois, j’eus un léger pincement au cœur une fois cette danse terminée. C’était passé beaucoup trop vite. J’eus quand même droit à un baisemain de sa part, que je gratifiais d’un large sourire avant qu’il ne me tende une rose. Magnifique rose rouge dont je m’emparais alors timidement. « Oh.. Merci… » répondis-je alors qu’il s’était déjà éclipsé. Merde ! Je balayais alors rapidement la foule du regard, en vain. Et c’était sacrément frustrant de n’avoir aucun contrôle sur la situation. Je soupirais alors lentement en observant de manière pensive la rose offerte, seule chose qu’il me restait de lui.

Tout naturellement, ce petit jeu perdura, y compris après cette danse partagée. Sans aucun mot, il avait à nouveau disparu. Avant de réapparaître. Puis de s’éclipser à nouveau quelques secondes après. Et dans le fond, je devais bien avouer que j’appréciais cela. Ce petit jeu de séduction était loin d’être banal. C’était même la première fois que les choses se passaient de la sorte et cela attisait en moi une certaine curiosité et surtout, une volonté de continuer sur cette voie là. Pourtant, ne le voyant plus depuis de longues minutes, je du me résoudre à  l’idée qu’il avait certainement quitté les lieux. C’était fort dommage. J’avais une terrible envie de le découvrir, de passer plus de temps avec lui… Trouvant toutefois cette soudaine disparition assez étrange, je m’éloignais un peu de la foule et rejoignais un coin sombre, un peu à l’écart, duquel je guettais les alentours, cherchant à voir s’il était véritablement parti. « Vous êtes bonne joueuse, je dois l’admettre. Mais vous avez encore beaucoup, beaucoup à apprendre. Qui sait, peut-être serais-je votre professeur…» Ne l’ayant absolument pas vu venir, je sursautais de surprise et me figeai un instant, écoutant attentivement ses propos. Un léger frisson parcourut alors mon corps. Néanmois, je fus assez surprise et interloquée par ce ruban qu’il m’attacha autour de poignet. Que cela signifiait-il ? Si la situation était véritablement étrange, elle ne m’effrayait pas vraiment. Je n’étais pourtant pas certaine du fait que ce type ne soit pas un pervers, un psychopathe ou je ne sais quoi d’autre de malveillant… Mais j’avais envie de me laisser porter et de voir où il voulait en venir. Je me retournais alors vers lui, prête à lui en demander davantage sur sa véritable identité et sur ses intentions…  Or, il fut presque aussitôt emporté par une fée, tenant visiblement à partager encore une danse avec lui. J’observais alors la scène de loin, comme pour veiller à ce qu’il ne franchisse pas certaines limites avec elle. C’était stupide, mais cela m’aurait certainement rendu jalouse. J’aimais l’idée d’être celle, la seule et unique, qu’il convoitait ce soir. Cette exclusivité me donnait une impression de supériorité. Et puis, le simple fait de se sentir désirée était déjà fortement plaisant.

Aussitôt sa danse terminée, le fameux inconnu disparut à nouveau. Et si je tentais de le suivre des yeux durant quelques secondes, j’abandonnais bien vite l’affaire en soupirant doucement. Et tandis que je regagnais doucement la foule, jouant machinalement avec le ruban qu’il m’avait attaché autour du poignet, je fus interpelée par un gamin. Ce dernier me tendit alors une serviette en papier griffonnée. « RDV sous le pommier… » Aussitôt, un sourire naquit sur mes lèvres tandis que je me retournais, cherchant le fameux pommier. Et il ne semblait il n’y en avoir qu’un seul ici, immense et à seulement quelques mètres. Sans trop hésiter, je me dirigeais donc vers l’arbre, observant les alentours en constatant qu’il n’y avait aucune trace du type. Une fois sous l’arbre, je m’adossais durant un moment contre le tronc, attendant impatiemment sa venue. Les minutes défilèrent. Personne. Me décourageant peu à peu, j’entrepris alors de faire les cents pas, commençant à trouver cela un peu inquiétant. Si encore, il s’était simplement foutu de moi et avait décidé de me poser un lapin… Mais si c’était bien plus tordu ? S’il avait de mauvaises intentions derrière la tête ? Cet endroit, légèrement isolé de la fête et du centre ville, était le lieu idéal pour sévir. Et clairement, aller à ce rendez-vous sans rien savoir de lui n’était pas très prudent. Et, au moment même où je m’apprêtais à repartir, je sentis une présence juste derrière moi. Et aussitôt un « chuut » murmuré à mon oreille. Sans me laisser le temps de réagir, ce dernier me banda les yeux. Surprise et légèrement réticente à l’idée de me retrouver ainsi aussi diminuée, je levais les mains vers le bandeau, comme pour m’en emparer. Mes mains frôlèrent alors les siennes, occupées à nouer délicatement le bout de tissu autour de ma tête. « N’aies pas peur … Tu n’as qu’un mot à dire pour que j’arrête tout. » N’y voyant désormais plus rien, je décidais malgré tout de me tourner vers lui, terriblement intrigué par cette personne. Et trouvant la situation véritablement palpitante. Et bizarrement, j’acceptais assez facilement de faire confiance à ce type. Enfin, tant que tout se passait bien. Evidemment, au moindre signe alarmant, je tenterais de reprendre les choses en main. « Qui êtes-vous ? Et... que me voulez-vous ? » demandais-je alors, préférant toutefois le vouvoyer contrairement à lui, réellement intriguée par cet homme.

C’était certainement lié à l’ambiance, au côté festif de la soirée, mais j’avais – pour une fois – envie de me prêter à ce petit jeu et de faire confiance à ce parfait inconnu. Ce n’était pourtant pas de moi. Du moins, pas lorsqu’il s’agissait de ma vie sentimentale. De ce côté là, j’avais clairement décidé de ne plus faire confiance à qui que ce soit. Pourtant, il n’avait fallu que quelques regards et une danse partagée pour que cet homme si mystérieux ait immédiatement une drôle d’emprise sur moi. J’étais tout bonnement en train de lui faire confiance quant au déroulement de la soirée. Ainsi, j’acceptais de m’isoler légèrement en sa compagnie et le laissait me bander les yeux, sans vraiment m’inquiéter. Enfin si, un peu quand même. Mais j’étais là de mon plein gré. Et si les choses prenaient une tournure indésirable, je saurais très certainement mettre un terme à tout cela. Mais ce type dégageait un tel mystère, quelque chose de terriblement fort, envoutant et attirant que je ne pouvais me résoudre à me tenir éloignée de lui. Je voulais apprendre à le connaître et découvrir sa véritable identité. Je frissonnais alors lentement lorsqu’il  replaçait délicatement une mèche de mes cheveux, trouvant toute cette situation plutôt excitante. « Tu n’en as vraiment pas la moindre idée ? » Ce petit jeu me plaisait. Je ne savais absolument pas où cela allait me mener et cela m’importait peu. Je ne recherchais rien auprès de cet homme… Juste continuer ce petit jeu, m’amuser un peu en sa compagnie et apprendre à le connaître, tout simplement. Je ne voyais rien d’autre derrière tout cela, malgré un désir naissant en moi. C’était même étrange de désirer ce type alors que je ne savais pas qui il était, ni même à quoi il ressemblait…

J’entendis soudain des pas s’éloigner. J’en conclus d’ailleurs rapidement qu’il s’agissait de mon inconnu qui s’éclipsait déjà… en me laissant un bandeau sur les yeux ? Etrange. Je tendis alors rapidement les bras autour de moi afin de vérifier s’il était bien parti. Je fis alors un rapidement tour sur moi-même sans parvenir à toucher quoi que ce soit, ni même à définir s’il était parti ou pas. « Où êtes-vous ? » Je ne songeais pourtant pas à ôter le bandeau si rapidement. Cela aurait été dommage, non ? Il me sembla alors entendre quelqu’un se rapprocher de moi sans pour autant en être sûre. « Le premier sens à se développer, c’est naturellement l’ouïe… celle qui t’avertis du danger qui rode, tout en te permettant de t’attacher à l’image sonore des éléments qui t’entourent. Le moindre petit son a une importance capitale. Il constitue une chose à laquelle s’accrocher pour ne pas sombrer.» Je pouvais, pour le moment, uniquement me concentrer et me fier à sa voix. Voix véritablement troublante tant elle était douce et murmurante. Je me pinçais alors légèrement les lèvres en songeant à ses indications. J’avais simplement l’impression qu’il se jouait de moi. Comme si, tant que je continuerais à jouer avec lui et donc à garder les yeux bandés, il allait me tester, s’amuser de mes peurs et de mes réactions. Et le fait que cela soit avec un parfait inconnu rendait cela plutôt tentant. Trop tentant,  même. Suivant ses conseils, je prêtais alors une grande attention aux brus, sans parvenir à distinguer quoi que ce soit. Jusqu’à ce qu’il effleure ma main droite avant d’y déposer un objet rond que je saisis aussitôt, tentant de deviner de quoi il s’agissait. « Une pomme ? » Nous étions sous un pommier, cela coulait donc presque de source. « Le toucher est le second. Quand tu ne peux pas voir, tu imagines. Ton cerveau se sert des informations stockées auparavant et te les renvoie dans des moments de détresse comme celui-ci. Les choses ne sont pas nécessairement plus belles mais … décuplées. » C’était exactement ce que j’avais ressenti lorsqu’il avait entreprit de frôler ma main de la sienne. Chaque contact, aussi anodin soit-il, prenait alors une toute autre dimension. « Et, quand tu es touchée, tu frissonnes.» Et ce, dans tous les sens du terme. Lorsqu’il me touchait, même très légèrement comme il venait de le refaire, je ne pouvais m’empêcher de frissonner. Et de regretter que ce contact soit si bref. « Quand tu touches, tu exploses tant l’émotion est forte. Tes yeux sont trompeurs… ils ne montrent pas nécessairement l’exactitude des choses alors qu’un geste ne trompe jamais.» Et dès qu’il entreprit de me caresser la main, je bloquais doucement ma respiration, me mordant aussitôt l’intérieur de la lèvre inférieure, tentant vainement de masquer à quel point j’appréciais ce doux contact. Je profitais pleinement de chaque sensation et tentais de m’en imprégner, craignant que cela ne se reproduise pas de sitôt. D’ailleurs, il finit par arrêter ses caresses, à ma plus grande déception. « Je veux simplement que tu sois ma partenaire pour le premier jeu.» Double déception. Tout ça pour ça ? C’était un peu ça dans le fond… Peut-être était-ce moi qui m’étais un peu trop emballée durant ces premières minutes, mais je m’étais attendue à quelque chose de bien plus original et palpitant. Enfin, soit. Etre sa partenaire pour ce premier jeu n’était pas une mauvaise idée et me permettrait peut-être d’en savoir plus sur lui… « C’est avec plaisir que je serais votre partenaire… le temps d’une soirée… » répondis-je alors en veillant bien à ne faire allusion qu’à la soirée. Je ne voulais pas qu’il s’imagine que j’étais prête à autre chose avec lui… « A une condition… que vous retiriez votre masque d’ici la fin de la soirée… Je veux savoir qui se cache derrière ce masque… » Quelqu’un qui me connaissait peut-être… Surtout vu l’insistance envers ma personne. Et forcément, cela attisait énormément ma curiosité. « Et bien, allons-y ! Guidez-moi, donnez moi vos indications ! Vous avez ma confiance…. Faîtes en bon usage. » glissais-je alors en m’apprêtant à suivre ses indications à la lettre afin de retrouver un maximum de bonbons. Même si c’était évidemment plus pour le plaisir de jouer que pour le gain en lui-même.

J’étais peut-être trop naïve. Ou trop rêveuse. Ou plutôt les deux. Quoi qu’il en soit, il ne m’avait pas fallu longtemps pour me délecter de cette situation plus qu’étrange, presque perverse. Et bien sûr, ne comprenant pas où cet inconnu voulait en venir, je me faisais tout un tas de films. Tous plus tordus et palpitants. Pourtant, je déchantais vite lorsqu’il m’avoua qu’il voulait simplement que je sois sa partenaire pour le premier jeu. La façon dont il m’avait approché était tellement spéciale que je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus fort et grandiose. Mais soit. Ce type m’intriguait de plus en plus et ce premier jeu serait tout de même l’occasion de passer du temps avec lui et de le découvrir davantage. Juste comme ça, par curiosité. Je n’avais aucune arrière pensée… D’ailleurs, lorsqu’il mentionna ce premier jeu, j’acceptais aussitôt d’être sa partenaire tout en imposant une petite condition. Je voulais qu’il retire son masque d’ici la fin de la soirée. Je voulais savoir qui se jouait de moi depuis le début de la fête… Certes, je ne connaissais pas tous les habitants de la ville, mais qui sait… J’avais peut-être déjà croisé cet homme. Pire, nous nous connaissions peut-être. « Marché conclu.» J’esquissais alors un léger sourire, ravie à l’idée de découvrir l’identité de mon mystérieux inconnu. Et, alors que je venais de lui accorder ma confiance pour ce petit jeu, une des organisatrices vint à nous et attacha nos poignets afin que nous restions liés. Je comprenais déjà un peu mieux pourquoi ce bracelet qu’il avait noué autour de mon poignet… Et toute cette mascarade. Cela perdait d’ailleurs tout son charme. Ce qui m’avait semblé être un jeu de séduction n’était en fait qu’une préparation pour cette chasse aux bonbons. « Nous allons tenter quelque chose. Focalise toi uniquement sur ce que tu sens et fais-moi confiance. » Je n’avais, de toute manière, pas vraiment le choix. Et puis, cela pouvait être marrant… Même si je restais frustrée de la tournure que les choses venaient de prendre. « Pas de soucis… Je ferais de mon mieux. » Et naturellement, il me fit une nouvelle fois frissonner en entremêlant nos doigts, même s’il s’agissait là d’un simple geste de précaution pour le jeu. Ainsi, il pourrait certainement mieux me guider et surtout, m’assurer un certain équilibre.

« Ne t’inquiète pas, j’ai déjà mangé… il n’y a aucun risque pour que je te goûte si je peux dire… » Hein ?? Je tournais immédiatement le visage vers lui, créant, sans m’en rendre compte de suite, une trop grande proximité entre nos visages. Je ne réalisais d’ailleurs cela qu’une fraction de secondes après mon geste, sentant son souffle balayer mon visage. Et avant que je n’ai eu le temps de dire quoi que ce soit, le top départ fut donné et le jeu commença. Troublée par ses propos, je mis quelques secondes à me concentrer avant de véritablement rentrer dans le jeu. Une fois fait, je suivais les indications de mon partenaire avant de finalement mettre la main sur le panier de bonbons. Je sentis presque aussitôt le ruban glisser autour de mon poignet et sa main lâcher la mienne. « C’est bon ? Le jeu est terminé ? » lui demandais-je en ayant pour seul réponse, des bruits de pas semblant s’éloigner doucement. « Ou dois-je encore garder le bandeau pour une autre épreuve ? » Pas de réponse. Je retirais alors mon bandeau, constatant que j’étais seule. Mon partenaire avait, encore une fois, disparu. Et cela commençait sérieusement à m’agacer. Je soupirais alors doucement en scrutant les alentours, n’y apercevant que les autres participants. Où était-il allé ? Comptait-il revenir vers moi ou venait-il vraiment de fuir ? Je n’en savais strictement rien. La seule chose dont j’étais certaine, c’était bel et bien que je n’allais pas le chercher. Au contraire, s’il revenait vers moi, j’avais la ferme intention de me faire désirer…  Ainsi, je me mêlais à nouveau à la foule et commençais à discuter avec certaines personnes, faisant mine de ne plus le rechercher…

Ce petit jeu qu’il avait instauré entre nous ne me déplaisait pas. Au contraire. C’était fort plaisant et cela rendait la soirée un peu plus palpitante. Pourtant, je finis par me lasser de ses disparitions. Le scénario était toujours le même. Il s’éclipsait disparaissait à travers la foule, me laissant seule avec mes questions et mes doutes, avant de finalement revenir vers moi. Et le pire dans tout cela, c’était j’étais quasiment à sa merci. Sans le connaître, je suivais ses indications à la lettre et, lorsqu’il disparaissait, j’attendais bien sagement qu’il daigne me faire un quelconque signe. Et je trouvais cela finalement un peu dérangeant d’être aussi faible, soumise et rabaissée. Ce n’était pourtant certainement pas son intention première mais je dépendais de lui tant que je continuais dans ce petit jeu. Et cela devenait frustrant de me sentir aussi diminuée. Ainsi, voyant qu’il se jouait encore une fois de moi, je commençais à perdre patience. Pourtant, ce jeu était terriblement excitant. Mais j’avais envie que les rôles changent un peu. Ainsi, je décidais de ne plus le chercher. Pire, de le provoquer en allant ouvertement discuter avec d’autres hommes. Comme si je l’avais déjà oublié… « Finalement, il semblerait que je me sois trompé… tu n’es peut-être pas à la hauteur pour jouer. » Un léger sourire en coin se dessina sur mes lèvres. Le voilà donc qui rappliquait… Et qui sous-entendait que je n’étais peut-être pas à la hauteur pour jouer… Simplement car, pour une fois, je ne rentrais pas totalement dans son jeu et le provoquais à ma façon ? Il fallait croire… « Ne serait-ce pas là un prétexte, pour masquer une certaine frustration de constater que, pour une fois, je me suis désintéressée de vous pour aller vers un autre homme ? » Et c’était bel et bien mon but. Le frustrer comme il s’était si bien amusé à le faire avec moi. « Tu sais ce qui va se passer … il va se faire passer pour un homme bien, courtois et plaisant à bien des égards jusqu’à ce que tu cèdes à la tentation. Le scénario est écrit d’avance. Et quand tu auras enfin été conquise, il fera tomber le masque et tu découvriras à quel point les hommes peuvent être vils et égoïstes. » Ces mots résonnèrent tout particulièrement dans mon esprit puisqu’ils correspondaient parfaitement à  ce que j’avais déjà pu connaître. Et c’était… troublant. Enfin, soit, passons. L’homme dont il me parlait n’était qu’un pion pour moi. Une simple compagnie et surtout, un moyen de provoquer ce mystérieux inconnu.

D’ailleurs, cela avait plutôt bien fonctionné puisqu’il avait très rapidement rappliqué. Comme pour s’assurer que je n’allais pas faire une connerie. Ou tout simplement, que je n’allais pas lui échapper. C’était surtout ça, à mon avis. Il me considérait peut-être déjà comme lui appartenant. Et si c’était le cas, il se trompait fortement. « C’est un fait que j’ai été forcée de constater par le passé… Mais alors, qu’est-ce qui me dit que vous n’êtes pas ainsi ? Que j’aurais raison de préférer votre présence à la sienne ? » demandais-je alors d’un ton malicieux. « Qui dit jeu, dit forcément règles … et les miennes sont suffisamment souples pour que je m’arrête à l’instant même où tu en auras assez de ma présence.» Le fait était que toute cette situation me plaisait et que, même si je m’amusais désormais à le provoquer gentiment et à me faire désirer, je n’avais pas vraiment envie de tout arrêter. Je voulais savoir de quoi il était capable et ce qu’il attendait vraiment de moi…  « A défaut de commencer une nouvelle partie, m’accorderais-tu une nouvelle danse ? » Je penchais alors légèrement la tête sur le côté, faisant mine d’hésiter. Non, pour une fois, je n’allais pas le laisser gagner aussi facilement. « Une nouvelle danse, pour après m’abandonner à nouveau, disparaître dans la foule et ne réapparaître que plusieurs minutes après ? Cette fois-ci, vous allez devoir vous montrer convaincant… Pourquoi devrais-je vous faire confiance alors que, comme vous venez si bien de le dire, beaucoup d’hommes sont vils et égoïstes… ? Seriez-vous… différent d’eux ? » lançais-je alors en le défiant du regard. Oh, je ne doutais pas qu’il n’aurait aucun mal à trouver quelque chose à répondre à cela… C’était surtout pour le plaisir de le défier et de lui montrer que je n’étais peut-être pas tout à fait celle qu’il pensait…

En vérité, je n’avais que faire de cet homme avec qui j’avais échangé quelques mots auparavant. J’avais juste voulu provoquer ce mystérieux inconnu. Et me faire un peu désirer. Depuis le début de la soirée, je me laissais faire sans rien dire. Au contraire. Je le laissais me manipuler avec une facilité déconcertante. Et m’intéresser à un autre homme que lui avait surtout pour but de le narguer, de lui prouver que je pouvais aisément passer à autre chose. Ce n’était pas totalement vrai pourtant… Depuis qu’il avait entamé ce petit jeu, je n’avais cessé de penser à lui. D’ailleurs, la frustration ressentie à chacun de ses départs si soudain en était bien la preuve. Et il était presque devenu une obsession. Lorsque je ne le voyais plus, je le cherchais à travers la foule, impatiente de savoir quand il allait réapparaître et ce qu’il me réservait. Pourtant, il était tout bonnement hors de question que je lui laisse comprendre cela. Pour cela, je jouais l’indifférence. « Ai-je réellement quelque chose à craindre de cet homme ? Tu vaux mieux que ça, quand même. » La façon dont il insistait sur ce point était franchement troublante. Il appuyait là sur un point plutôt sensible. Pourtant, peu de personnes savaient cela. Et ce type n’était pas censé me connaître. Du moins, je ne reconnaissais personne derrière ce masque. Certes, il y avait une certaine ressemblance avec Shane mais… ce n’était pas possible. Il était parti. Du moins, c’était ce qu’il avait dit… Mais non, clairement, cela ne pouvait pas être lui. « Comment pouvez-vous en être si sûr… Vous ne me connaissez pas, mmh ? » Et puis, lorsqu’il évoqua les possibles intentions douteuses de ce type à mon encontre, je ne pu qu’affirmer cela.  J’en profitais alors pour souligner que, si les intentions de ce type ne semblaient pas très honorables, je ne savais rien des siennes. Et peut-être était-il tout aussi intéressé. Ou pire… Lorsqu’il afficha un large sourire, je ne pu qu’être troublée par la ressemblance avec Shane. C’était le même sourire… Ou alors, j’hallucinais. Ce n’était pas totalement impossible non plus. Entre les quelques verres d’alcool bus et surtout, toutes les pensées qui se bousculaient dans mon esprit, je perdais un peu la tête. Et puis, depuis qu’il était parti, je n’avais eu de cesse de penser à Shane, regrettant mon comportement et me demandant si quelque chose entre nous aurait vraiment été possible… Et clairement, je réfléchissais trop à cela puisque j’avais l’impression de voir le jeune homme partout. Même si, à l’heure actuelle, il avait certainement du quitté le coin, peut-être même le pays. Et il m’avait certainement oublié de cette façon là…

Et je ne doutais pas du fait que lui aussi me provoquais, à sa manière. Comme en s’emparant d’une mèche de mes cheveux pour jouer avec avant de la relâcher avec délicatesse. Pour sûr, s’il agissait ainsi, c’était qu’il savait très bien quel effet il me faisait… « Gageons que tu n’as effectivement aucune garantie quant à mon honnêteté mais en y réfléchissant bien … ai-je seulement prétendu être un homme bien ? Personne ne peut savoir qui se cache derrière le masque. Sans mauvais jeu de mots, cela va sans dire. Et puis, l’histoire du petit chaperon rouge présenterait-elle autant d’intérêt sans la présence du grand méchant loup ? » C’était bien pour cela que je ne voulais plus d’homme dans ma vie. Car sous le masque se cache souvent un être abject… Je l’avais bien trop souvent constaté à mes dépens. « Mais justement… Le petit chaperon rouge est plutôt censé se méfier du grand méchant loup… » Et s’il était le grand méchant loup, devrais-je alors me méfier de lui ? Je me posais réellement la question. Et c’était aussi pour cela que je me montrais légèrement réticente à l’idée de continuer ce petit jeu. C’était à la fois terriblement tentant… et peut-être beaucoup trop dangereux. Ainsi, lorsqu’il me proposa une nouvelle danse, je n’acceptai pas immédiatement. C’était un moyen pour moi de gagner du temps et en même temps, de le laisser un peu mijoter. « Personne ne t’oblige à me faire confiance. Et je n’ai jamais prétendu être différent des autres hommes… Mais je le suis peut-être … Et tu ne pourras jamais le découvrir si tu ne m’accordes pas le bénéfice du doute. » Pas faux. Je plissais alors légèrement le nez, forcée de constater qu’il avait raison. Parce qu’évidemment, j’avais envie de lui accorder ce bénéfice du doute. Ne serait-ce que pour découvrir qui il était vraiment… Non, clairement, je n’avais pas envie d’arrêter ce petit jeu maintenant. Et dès qu’il se rapprocha de moi, je me sentis doucement défaillir. Cette proximité devenait sacrément troublante. Pourtant, je m’efforçais de garder mon regard rivé sur le sien et de ne rien montrer de ce trouble. « J’ai été troublé à l’instant même où nos regards se sont croisés. Tu étais déçue après mon départ sous le pommier … qu’attendais-tu de moi au juste ? Je te l’ai dit, les mots peuvent n’être qu’une illusion mais les gestes ne mentent pas…» Je fermais les yeux quelques fractions de seconde, ayant du mal à me concentrer sur ses propos tant cette proximité me faisait de l’effet. Et je me crispais lentement lorsqu’il me caressa le bras du revers de sa main avant de finalement venir me saisir la main. « Très bien, tu as gagné… Va pour cette danse… » Et pour tout ce que tu voudras d’autre… Mais ça, ce n’était peut être pas nécessaire de le dire. Constatant depuis un moment qu’il me tutoyais, j’avais d’ailleurs décidé de faire de même…

Il n’était pas bien difficile de comprendre comment fonctionnaient les hommes. Ni où appuyer pour faire mal et les blesser dans leur égo. A quelques exceptions près, tous les hommes étaient les mêmes…. Ainsi, je profitais de l’absence de mon mystérieux inconnu pour faire connaissance avec un autre homme. Ce dernier n’était pour moi qu’un pion. Je me servais simplement de lui pour provoquer ce fameux inconnu qui, jusqu’à présent, se jouait de moi. Lui laisser supposer qu’il ne m’avait pas troublé autant que ça et que je l’avais peut-être déjà oublié était sans doute un excellent moyen de le provoquer un peu. D’ailleurs, cela ne manqua pas puisque ce dernier réapparut bien assez tôt, s’étonnant de me voir en si piètre compagnie. Et, même si je n’en montrais rien, je n’étais pas mécontente de voir que mon plan avait fonctionné. Si depuis le début de la soirée, c’était lui qui menait la danse et s’amusait à apparaître, disparaître et provoquer en moi cette immense frustration, j’avais réussi mon coup. Craignant de me voir disparaître au bras d’un autre, il était bien vite revenu vers moi. Cependant, j’avais l’intention de me laisser encore un peu désirer. Pourtant, après de longues minutes à jouer à ce petit jeu, à tenter de lui résister, je finis par capituler et lui accorder cette danse qu’il semblait véritablement désirer. D’ailleurs, il n’était pas le seul à la désirer. Mais je ne voulais tout simplement pas lui laisser entrevoir cela. Cela signifierait qu’il aurait véritablement gagné. Et j’osais croire que ce n’était pas encore le cas. Pas totalement, du moins. Puis, ce n’était qu’une danse après tout. Et j’avais bien l’intention de le garder à mes côtés le plus longtemps possible. Après tout, sa présence était plus qu’agréable, le personnage était terriblement mystérieux et cela rendait la situation sacrément excitante. Puis je n’oubliais pas qu’il m’avait promis de retirer son masque. Il serait donc bête de le laisser s’échapper avant que je n’ai pu découvrir qui se cachait derrière ce masque…

Je le laissais donc m’entraîner vers la piste de danse, où il glissa bien rapidement l’une de ses mains dans le bas de mon dos tandis que l’autre s’était emparée de l’une des miennes. Naturellement, je glissais mon autre main dans son dos, tentant de ne rien montrer du trouble qui s’installait en moins suite à cette soudaine proximité. Cela m’inspirait beaucoup trop de choses. Et en même temps, je restais légèrement sur la défensive. Je ne savais toujours rien de ce type et m’étais promis, depuis belle lurette, de ne plus faire confiance aux hommes. « Revenons aux choses sérieuses, veux-tu ? Je n’ai pas envie d’être un homme particulièrement sage et au risque de passer pour un mauvais garçon, totalement à l’antipode de l’image du parfait gentleman que je devrais adopter dans un moment pareil, laisse-moi te dire que ces lèvres vermeilles sont en train de devenir une troublante obsession. Pardon pour ces révélations quelque peu cavalières mais je ne peux décemment pas prétendre éternellement que mon unique intention était de t’aider à gagner un panier de bonbons.» Surprise par cette si soudaine déclaration, je plantais mon regard dans le sien, incapable de formuler une réponse dans l’immédiat. Dans le fond, cela ne m’étonnais pas tant que ça. Il était évident que ce type avait une intention derrière la tête. Autre que celle de me faire gagner un panier de bonbons. Mais sa franchise venait de clairement me surprendre… Comme s’il ne me troublait pas déjà assez ainsi ! Je baissais finalement le regard sans pouvoir retenir un vague sourire, tandis que je venais doucement me mordiller la lèvre inférieure. « Cela m’aurait franchement étonné… Puis j’me disais bien que c’était trop beau pour être vrai… » Pour sûr, un homme qui me tourne autour, sans idée derrière la tête, cela aurait été assez surprenant. Pourtant, malgré ces révélations, je restais dans ses bras, à danser avec lui. « C’est étrange à dire mais… je ne sais pas exactement d’où cela provient, sans doute à la fois du costume, du peu que je parviens à entrevoir de toi et du mystère que tu entretiens soigneusement autour de toi, mais… tu es aussi particulièrement… troublant… » avouais-je alors timidement, tandis qu’il me dévisageait avec attention. Puis, doucement, l’une de ses mains se faufila jusqu’à mon visage pour se glisser dans mes cheveux. Je sentis alors ma respiration s’accélérer, tandis que son visage se rapprochait lentement du mien. Non. Non ! Ce n’était pas une bonne idée… Pas du tout ! Juliet, reprends toi ! Moi qui m’étais promis de ne plus me laisser avoir, j’étais sur le point d’embrasser un parfait inconnu…

Pleinement consciente de cela, je fus pourtant incapable de reculer. Pire, j’avançais même un peu mon visage, jusqu’à ce que ses lèvres viennent délicatement déposer plusieurs petits baisers sur ma joue avant d’en déposer un léger sur mes lèvres. Puis, pendant quelques secondes qui parurent durer une éternité, son regard oscillait entre mes yeux et mes lèvres. Et malgré tous les principes que je pouvais avoir, et cette volonté de ne plus avoir d’homme dans ma vie, j’étais tout bonnement incapable de mettre un terme à tout cela. Au contraire, je me laissais aller à fixer ses lèvres, me hâtant du moment où elles rencontreraient véritablement les miennes. Ce moment ne tarda d’ailleurs pas. Et ce fut avec une grande délicatesse que je mouvais mes lèvres contre les siennes, posant doucement ma main sur sa joue tandis que nos langues se rencontraient. Il m’aurait été impossible de décrire toutes les sensations qu’un tel moment faisait naître en moi. J’avais l’impression que le temps s’était arrêté. Je fus d’ailleurs légèrement frustrée lorsqu’il mit fin à notre baiser. « Je te dirais volontiers que je suis navré pour ce qui vient de se produire, mais ce n’est pas le cas. » J’eus un vague sourire à cette déclaration, songeant que j’étais également incapable de regretter ce baiser. Cela avait été beaucoup trop enivrant pour que je puisse regretter ce geste. Puis, dans le fond, ce n’était qu’un baiser ! Et, quand bien même cela allait plus loin… Je m’étais interdit de tomber amoureuse, de faire confiance à un autre homme… Jamais de prendre un peu de plaisir ni de m’amuser de la sorte avec quelqu’un. « Viens… » dis-je avec un sourire timide et malicieux à la fois.  Je l’attrapais alors par le poignet et l’entraînais à travers la foule pour finalement nous isoler et nous diriger vers le pommier. J’avais besoin de me retrouver seule avec lui et de trouver une réponse à mes questions. Mais avant tout cela, je vins à nouveau chercher ses lèvres pour un baiser brûlant de désir, auquel nos langues se mêlaient lentement. Je reculais alors doucement mon visage du sien, levant alors le regard vers lui. « Laisse moi découvrir qui se cache derrière ce masque… » murmurais-je alors en fermant doucement les yeux, remontant délicatement mes mains vers son visage. « Voyons déjà si j’ai bien retenu tout ce que tu m’as expliqué… Les yeux sont trompeurs, alors qu’un geste ne trompe jamais, c’est bien ça ? » demandais-je en référence à notre première rencontre sous le pommier, tandis que, gardant les yeux fermés, je laissais délicatement mes mains redécouvrir son visage, redessinant lentement ses traits, avant de lui ôter son masque, continuant ainsi d’explorer, du bout des doigts, son visage.

« C’est tout à fait cela … tu es une élève particulièrement attentive, j’aime ça.» Bien sûr que j’avais été attentive. J’avais profité de chaque moment passé avec lui et m’étais montrée attentive au possible, surtout dans le but de découvrir qui se cachait derrière ce masque. Et pourtant, sans même l’avoir découvert, je finis par le laisser gagner. Après l’avoir laissé m’embrasser, je l’attirais à nouveau sous le pommier, cherchant à nous isoler un peu. C’était franchement paradoxal. Dire que depuis Cameron, j’avais préféré éviter les hommes, de peur d’être à nouveau blessée, et que là, je me laissais totalement aller et charmer par un inconnu, dont je ne savais strictement rien. C’était contraire à tout ce que j’avais pu prôner ces derniers temps. Contraire à ce combat que je me livrais contre moi-même, m’efforçant de garder certaines distances avec la gent masculine. Les hommes m’avaient beaucoup trop fait souffrir par le passé pour que je puisse accorder à nouveau ma confiance. Pourtant, il m’avait fallu de quelques heures à peine, pour finalement me retrouver sous le pommier avec ce mystérieux inconnu, à échanger de multiples baisers plein de passion. Le pire, c’était que je ne savais absolument pas où cela allait me mener. Nous mener. A vrai dire, il n’était pas question de quelque chose de sérieux. Et même si j’étais en train de céder à ce type, c’était, pour moi, l’histoire de quelques nuits tout au plus. Le contexte avait rendu notre rencontre et la soirée si particulière, que je m’autorisais finalement à m’amuser un peu. S’il ne s’agissait là que d’une simple aventure, sans conséquences ni sentiments, personne ne serait blessé… Alors bon, pourquoi pas ? Mais il m’était de toute façon impossible de réfléchir à cet instant là. Toute mon attention était portée sur nos lèvres, nos langues, qui dansaient passionnément ensemble.

Et lorsque je mis fin à ce baiser, je frissonnais légèrement au contact de ses doigts sur mon cou, et finalement, de ses lèvres effleurant ce dernier. Toutes ces sensations étaient exquises et me donnaient envie de plus… Fermant ensuite les yeux, j’entrepris de faire durer le plaisir et le mystère en lui ôtant doucement son masque, sans pour autant ouvrir immédiatement les yeux. Tout comme il en avait été question lors de l’épreuve où nous avions été partenaires, je laissais mes sens prendre le dessus. Et j’effleurais alors son visage du bout des doigts quand il embrassa délicatement la paume de ma main. « J’aimerais te voler bien plus qu’un simple baiser … » Je me figeai un instant, retenant un vague sourire en coin, et, sans répondre, je continuais d’explorer chaque parcelle de son visage, tentant en même temps d’imaginer son véritable physique. « Concernant l’importance des gestes, je peux te prouver en une fraction de seconde qu’ils sont bien plus efficaces que n’importe quelle œillade. On essaye ? » Un sourire se dessina sur mes lèvres, tandis que je gardais les yeux fermés, appréciant finalement de faire durer le mystère. « Allons-y… Tu sais que je suis toujours partante… » Faire confiance à mes sens, pour définir son identité, était franchement plaisant. Le découvrir au toucher, avant de le voir véritablement, était même assez excitant. Puis, le fait de garder les yeux fermés m’obligeait à me concentrer davantage sur sa voix. Voix terriblement troublante tant elle ressemblait parfois à celle de Shane mais aussi par cette douceur et ce côté enivrant, qui ne pouvait laisser personne indifférent. « Je vais t’embrasser. Et aussitôt, tu sauras. Concentre-toi bien.» Je ne voyais pas vraiment, en m’embrassant, j’allais pouvoir deviner son identité. Après tout, nous nous étions déjà embrassés sans que je ne reconnaisse qui que ce soit. D’ailleurs, s’il disait cela, c’était bel et bien que nous nous connaissions déjà…

Et tout naturellement, lorsqu’il vint saisir mon menton entre son index et son pouce, je ne pu m’empêcher d’assimiler ce geste à Shane. Merde. Cette voix, ce regard, cette connaissance qu’il avait de moi, ce geste… Bien sûr, c’était lui ! Et il n’avait évidemment pas fait ce geste au hasard. Il savait très bien qu’ainsi, je le reconnaîtrais… Je me crispais d'ailleurs à ce contact, beaucoup trop familier. « Sh… » Avant même que je n’ai pu prononcer son prénom, nos lèvres se retrouvèrent. Et même si j’avais désormais la certitude qu’il s’agissait bel et bien de lui, je fus incapable de m’en détacher tant j’appréciais cet échange. Je rompis finalement ce baiser tout en posant ma main sur son avant bras, afin de l’inciter à le baisser, comme il l’avait fait pour moi auparavant. J’ouvris alors les yeux, reconnaissant alors immédiatement le jeune homme. Aussitôt, j’entrepris de reculer sans le quitter des yeux. « Shane… Qu’est-ce que… ?... Alors c’était toi depuis le début, hein ? … Tu t’es bien foutu de ma gueule… Moi qui pensais que t’étais peut-être différent, quelqu’un de bien… J’me suis bien plantée. En fait… t’es comme tous les autres… » avouais-je alors, les yeux brillants et la voix tremblante. Merde. Je m’étais encore fait avoir. Et le fait que ce soit par Shane était clairement le plus douloureux… « Quand tu m’as dit que tu partais, ça faisait déjà parti de ton plan ? Et au fond, t’espérais quoi au juste, là ?? » demandais-je alors d’un ton plus agacée, blessée au plus profond de moi.  

Ce qui semblait être une soirée fort plaisante et intéressante, venait de prendre une tournure pour le moins singulière. Et je me sentais profondément blessée et trahie par Shane. Je lui avais, par le passé, accordé ma confiance et voyais en lui un homme bien. Pourtant, il venait de me montrer qu’il pouvait être aussi fourbe et manipulateur que tous les autres hommes. Et aussitôt, je lui reprochais ce double jeu et tentais de savoir depuis quand ce petit manège était en route. « Non Juliet, tu te trompes. Mais, une question après l’autre, veux-tu ? Je ne comprends pas trop ce que tu insinues en évoquant mon « plan », mais tu fais fausse route. Rien de tout ceci n’était planifié, je te le promets. » Il m’avait beaucoup trop menti pour que je puisse le croire aussi facilement. Et je gardais en tête qu’il avait très certainement planifié tout cela. En tout cas, il s’était bien joué de moi et ça, je n’étais pas prête de lui pardonner. « J’avais effectivement prévu de m’en aller. Mes valises étaient prêtes, j’avais réservé un billet d’avion pour la Floride et planifié une nouvelle vie mais … à la dernière minute, j’ai renoncé. Je me suis dit que je ne pouvais pas partir … du moins, pas sans toi. Il a fallu que je me retrouve à l’aéroport, prêt à embarquer pour réaliser que j’étais en train de commettre la plus lamentable erreur de toute mon existence. » C’était.. insensé ! Et même s’il paraissait sincère, j’avais bien du mal à croire ses paroles. Après tout, il m’avait déjà montré qu’il pouvait être un très bon menteur et un très bon comédien. Ainsi, je tentais de mettre de côté tout sentiment et de ne plus le laisser m’influencer. D’ailleurs, son explication sonnait faux. Ou du moins, cela ressemblait beaucoup trop au scénario d’une comédie romantique pour être vrai. Je soupirais alors doucement en plantant mon regard dans le sien. « Non, la véritable erreur que tu as faite, c’est de t’être joué de moi, de m’avoir manipulé de la sorte ce soir… » répondis-je alors froidement, croisant les bras sur ma poitrine sans le quitter des yeux. « Ce que je suis en train de te dire est parfaitement dingue, j’en ai conscience…» Son jeu était parfaitement maîtrisé. Un grand acteur, dis-donc ! Mais il n’était plus question que je me laisse avoir. Une fois suffisait ! « Ce qui est dingue, c’est surtout que je me sois laissée avoir aussi facilement ! »

Et son air penaud, ce regard triste qu’il avait, ne me faisait aucun effet. Il venait de me décevoir au plus haut point. Et en un rien de temps, il avait perdu à la fois mon estime et ma confiance. « Quant à savoir ce que j’espérais et bien … juste t’aider à comprendre que toi et moi, on pourrait se reconnaitre n’importe où, quelles que soient les circonstances. Je comprends que tu sois en colère mais que devrais-je penser au juste ? Tu … tu te méfies de moi alors que tu n’hésites pas à embrasser un parfait inconnu. C’est offensant, je t’assure. » Merde. Là, je ne pouvais rien dire. Il avait raison. Et c’était plutôt agaçant de voir qu’il était en train de retourner la situation à son avantage. « Parce que c’est toi la victime, maintenant ? Je n’ai aucun compte à te rendre, Shane. Je suis libre d’embrasser qui je veux… Et il faut croire que me méfier de toi était, à la base, une bonne idée. » Qu’est-ce que tout cela aurait donné, si je ne m’étais pas méfié de lui par le passé ? Il m’aurait peut-être déjà fait souffrir. Sans doute bien plus qu’aujourd’hui… Malgré tout, ce qu’il venait de me reprocher m’avait déstabilisé. Parce qu’il avait entièrement raison. Pourtant, je ne culpabilisais pas vraiment. Merde, c’était lui le fautif dans l’histoire ! C’était à lui que les reproches devaient être faits, pas à moi !! « Je … je t’aime Juliet … » Hein ?? Bouche bée, je levais les yeux vers lui et le fixais, totalement bouleversée par cette soudaine déclaration. « Non… Non ! Shane ! Tu.. Tu ne peux pas… Enfin… Tu ne me connais même pas… tu ne peux pas m’aimer… » Je n’arrivais plus à distinguer le vrai du faux. Qu’est-ce qui me disait qu’il était vraiment sincère ? Que ce n’était pas un énième mensonge dans le but de me manipuler. Quoi qu’il en soit, ma réponse aurait été la même…. Je ne pouvais pas accepter cela. Je ne pouvais même pas croire qu’il m’aimait, si toutefois il était sincère. Ce dont je finissais par douter. « Je ne t’ai pas menti lorsque je te disais que j’étais loin d’être quelqu’un de bien … mais avec toi, je me sens différent… et j’aime ce que je suis quand nous sommes ensemble. Tout ce qui s’est passé ce soir, tout ce que je t’ai dit était vrai … sauf que je n’avais pas peur de ton jugement, comme ça peut être le cas maintenant. Regarde-moi droit dans les yeux et ose me dire que tu n’as pas aimé ce qui s’est passé ce soir...» Je ne pu m’empêcher de lever les yeux au ciel lorsqu’il disait être un homme différent avec moi. Ce qu’il ne fallait pas entendre… Pourtant, j’eus un très léger sourire au bout des lèvres lorsqu’il me défia de le regarder dans les yeux et de lui affirmer que je n’avais pas aimé ce qui s’était passé ce soir. D’un pas assuré, je me dirigeais vers lui et m’arrêtais devant lui, à quelques centimètres de son visage, par pure provocation.  « Tu as raison. J’ai aimé ce qui s’est passé ce soir. J’ai profondément aimé m’adonner à ce petit jeu avec celui que je croyais être un parfait inconnu. Et j’ai tout autant apprécié ces baisers échangés. Mais ce que j’apprécie beaucoup moins, mon cher, c’est de découvrir que tu étais en réalité sous ce masque. Ce n’est pas que ta présence me dérange, enfin, pas jusqu’à ce soir… C’est plutôt le fait de découvrir que toi, qui prônait tout un tas de valeurs et passait pour le gendre idéal, tu ais pu te servir de moi, me manipuler, sans la moindre gêne, alors que tu savais justement à quel point je pouvais être fragile… Si tu étais différent en ma présence, comme tu viens si bien de le dire, tu ne m’aurais jamais fais une telle chose. »  

« Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Sans compter que je t’ai déjà présenté mes excuses et expliqué pourquoi je ne t’ai pas parlé de mon passé auparavant. Mais manifestement, personne ne peut trouver grâce à tes yeux.» Ce n’était pas son premier mensonge le problème. C’était toute cette mascarade qu’il avait soigneusement entretenu durant cette soirée. J’avais compris et pardonné le fait qu’il ne m’ait pas tout dit sur son passé. J’avais en revanche beaucoup plus de mal avec le fait qu’il m’ait manipulé durant toute la soirée en se faisant passer pour un autre. Je soupirais alors longuement, fermant les yeux avant de reprendre d’un ton calme. « Ce n’est pas ça le problème. Que tu n’aie pas voulu me parler de ton passé, je peux le comprendre, le problème n’est pas là. Ce que je te reproche, c’est de t’être joué de moi ce soir. D’avoir profité de mes faiblesses pour m’attirer dans tes filets… » Et lorsqu’il avoua m’aimer, j’eus une réaction peut-être un peu excessive. Cette déclaration si soudaine me fit paniquer. Et là, les choses devenaient beaucoup plus importantes puisque s’y mêlaient les sentiments. Or, je n’avais toujours pas changé d’avis. Il était hors de question que je me laisse aller à une quelconque histoire ‘sérieuse’. Que ce soit avec Shane ou un autre. Enfin, encore moins avec Shane depuis ce soir. Ainsi, je me braquais presque, affirmant qu’il ne pouvait pas m’aimer. Et je le pensais réellement. Ce n’était pas possible… Il ne me connaissait pas suffisamment pour savoir qui j’étais réellement. Et même si cela se rapprochait de celle que j’avais été avec lui depuis le début, il ne me connaissait pas suffisamment pour être véritablement amoureux. Du moins, c’est ce dont j’essayais de me convaincre. Parce que, s’il m’aimait vraiment, cela allait encore compliquer la situation… Et nous n’avions pas besoin de ça.

Doucement, je me rapprochais ensuite de lui, affirmant, sans le quitter du regard, qu’en effet, j’avais aimé ce qui s’était passé durant cette soirée. Beaucoup moins le fait de découvrir son petit jeu. « Alors c’est tout ce que je représente à tes yeux ? Un mec puant de dédain, aussi immonde que ceux que tu as pu connaitre par le passé et n’ayant aucune estime pour toi ? Wahou … je ne savais pas que je pouvais être un tel salaud … c’est … déroutant.» Il semblait véritablement touché par mes propos. Et cela me déstabilisa un peu. Loin de moi l’idée de lui faire du mal. Certes, je lui reprochais beaucoup de choses, mais comme il l’avait sous-entendu auparavant, je n’étais pas blanche comme neige non plus. Même s’il paraissait évident que sa conduite avait été bien plus pire que la mienne. Toutefois, le voir dans un tel état ne me laissa pas indifférente. Il avait beau m’avoir déçu et trahi ce soir, je n’en oubliais pas le Shane que j’avais côtoyé auparavant, beaucoup plus appréciable… Je glissais alors mon index sous son menton pour l’inciter à relever le regard, comme il l’avait fait à maintes reprises avec moi. « Un tel salaud… Je ne sais pas… Je ne sais plus qui tu es, Shane… Je croyais te connaître, pouvoir te faire confiance, et je viens de découvrir que tu t’étais joué de moi toute la soirée, et ce, sans aucun scrupule… Comment veux-tu que je réagisse à cela ? Quelle image puis-je avoir de toi après cela ? » Et tandis qu’il s’éloignait et faisait le tour du pommier, sans doute pour se calmer, je restais sur place, immobile, cherchant à comprendre toute cette situation totalement incongrue et à canaliser mes émotions. « L’image de gendre idéal, c’est toi qui a essayé de me la coller au train car je t’ai toujours dit que j’étais loin d’être un homme parfait … comme tout le monde, j’ai mes failles et mes faiblesses. Tu sais je … j’aurais voulu essayé de réparer les blessures causées par d’autres … te redonner confiance et te prouver qu’il est possible d’aimer sans avoir à craindre d’être blessée … Ne cherche pas à savoir comment, ni même pourquoi je t’aime. C’est une chose qui ne s’explique pas … c’est complètement fou et inattendu mais je n’ai aucun contrôle là-dessus. Mais je comprends ta réaction … encore une fois, j’ai mis les pieds dans le plat et j’ai eu tout faux. T’as le droit de me traiter de menteur, de simulateur, de salopard ou d’égoïste … Que tu ne veuilles pas de moi, de mon amour, de tout ce que j’ai envie de t’offrir est un fait … mais t’as pas le droit de remettre en question de ce que je ressens. C’est suffisamment douloureux comme ça. » Pour moi aussi, c’était douloureux. Sacrément douloureux, même. Je fermais alors les yeux un court instant, retenant quelques larmes, avant de les rouvrir et de poser mon regard sur Shane. « Comment veux-tu me redonner confiance et réparer ces blessures, si toi-même tu uses de mensonges et de manipulation pour m’attirer vers toi ? Et puis… après toute la mascarade de ce soir, comment puis-je discerner le vrai du faux ? Qu’est-ce qui me dit que tu n’es pas encore en train de me manipuler ? Que… tu es sincère.. quand tu dis m’aimer ? » Je ne pu retenir une larme que j’essuyais aussitôt du revers de la main, baissant la tête et reculant légèrement afin qu’il ne me voit pas ainsi. Non, je ne voulais qu’il me voit aussi faible, pas face à lui…

« Bon sang Juliet, c’est une soirée d’Halloween !! Une soirée costumée durant laquelle chacun est censé endosser un rôle. Sans compter que je ne vois pas trop en quoi je ne t’aurais menti … tout ce que j’ai dit était vrai. J’ai simplement fait l’impasse sur ma véritable identité. On en revient toujours au même point : tu acceptes de recevoir d’un parfait inconnu ce que tu refuses clairement venant de moi. Au cas où tu l’aurais déjà oublié, l’homme que tu as entrainé sous ce pommier et moi ne sommes qu’une seule et même personne. » Merde… Il avait raison sur toute la ligne. A aucun moment il n’avait menti. Mais j’avais le sentiment de m’être faite prendre pour une conne. C’était bien ça le problème. J’avais accepté de jouer à ce jeu avec un parfait inconnu en étant loin, très loin, de me doute qu’il s’agissait de Shane. Parce que, clairement, je n’aurais pas joué à cela avec lui. C’était beaucoup trop dangereux.. Car, pour sûr, cela risquait de donner sur un peu plus qu’une aventure d’un soir. Et je restais déterminée à ne plus garder d’homme dans ma vie. Et, lorsqu’il tenta une nouvelle argumentation afin de me prouver ô combien cela pouvait être douloureux de m’aimer, tandis que je le rejetais, je lui répondais en expliquant que, si justement il voulait regagner ma confiance, me manipuler était la dernière chose à faire… « Sincèrement, que veux-tu que je réponde à ça ? Tu sembles avoir déjà un avis tout tranché sur la question ainsi que sur ma valeur morale et existentielle. Ce qui s’est passé ce soir n’avait rien d’une mascarade… tu as su depuis le début que je voulais jouer avec toi. Je ne m’en suis jamais caché. Sauf que c’était plus facile d’accepter toutes ces choses venant d’un inconnu plutôt que d’un homme qui est prêt à prendre des risques pour te prouver à quel point tu peux avoir tort sur certains détails.» Surtout que j’admettais difficilement mes torts… Et, cette fois encore, il avait raison. J’avais accepté de jouer. C’était à mes risques et périls. Et j’avais perdu… Je me pinçais alors doucement les lèvres en baissant le regard, ne sachant quoi répondre. J’étais partagée entre l’envie de lui reprocher encore cela, parce que je me sentais malgré tout trahie et humiliée, et celle de m’excusais et essayer d’arranger la situation…

« Tu sais quoi ? Oublie tout ce que je viens de dire. Je n’aurais jamais dû te parler de mes sentiments, tout comme je n’aurais jamais dû revenir. C’était … idiot d’imaginer que tu comprendrais. Je pensais pourtant que … que toi aussi tu avais ressenti ça pendant l’orage … cette alchimie naissante entre nous. C’est ce qui m’a fait peur et qui m’a incité à partir … je ne voulais pas te brusquer. C’est pour ça que j’ai choisi de m’en aller. Jusqu’à ce que je comprenne mon erreur.» Je fermais les yeux, m’en voulant d’avoir été aussi stupide. Cela m’apprendra à me laisser charmer par un inconnu ! Je m’étais foutue dans la pire situation qui soit et, clairement, je m’en voulais. « Mais étant donné que tu ne crois pas à tout cela non plus … je ne vois pas trop l’intérêt de continuer cette conversation. » Sauf qu’il était en train de se faire une image de moi totalement erronée. Pour sûr, je n’étais pas aussi horrible et sans cœur qu’il le laissait entendre. « Tu as raison… sur toute la ligne… J’ai accepté de jouer, j’ai perdu… C’est juste que… tu savais que c’était moi… tu as profité de la situation tout en sachant très bien mes réticences à ce propos… alors peut-être que tes intentions n’étaient pas mauvaises, mais c’est sur le principe, le fait que, malgré tout, tu aies continué à jouer de cette situation pourtant si délicate pour moi… Alors c’est vrai, je me suis laissé tenter par cet inconnu alors que je t’avais repoussé… Mais cette soirée, le contexte, le personnage… Tout était propice à cela… Et puis, j’ai juste fais cela dans le but de m’amuser… je ne sais pas jusqu’où ça serait allé.. » Je me pinçais à nouveau les lèvres, laissant quelques larmes perler sur mon visage. « Si tout ce que tu me dis est vrai, alors je suis sincèrement désolée de douter autant de toi… D’ailleurs, c’est bien la preuve que je ne suis pas celle qu’il te faut…. » je baissais alors à nouveau le visage, les yeux pleins de larmes. En aucun cas, je n’avais parlé de mes véritables sentiments à son encontre. Pourtant, cette espèce d’alchimie, pendant l’orage, je l’avais aussi ressentie… Mais j’étais beaucoup trop perdue dans mes sentiments envers lui pour lui en faire part.

J’avais moi-même du mal à comprendre la logique de mon raisonnement. Tout était tellement confus dans mon esprit. Si, d’un côté, je me sentais hautement trahie et manipulée, de l’autre, je ne parvenais pas à mettre de côté cette attirance pour lui et toute l’affection que je pouvais tout de même avoir à son encontre. Sans parler de tout ce qui s’était passé durant cette soirée, avant que je ne découvre sa véritable identité. Toute cette partie là avait été fabuleuse… Et même si je faisais certains reproches au jeune homme, je ne cessais de penser à quel point tout cela avait été si parfait. Ca en était même très déstabilisant. Je lui en voulais de s’être ainsi joué de moi… Et en même temps, il parvenait à me troubler encore plus qu’avant. Et à me faire douter… Peut être que je devrais lui laisser une chance, après tout… Non ! Même s’il n’avait peut-être pas fait ça à mal, il m’avait manipulé et avait abusé de ma confiance. Je ne pouvais décemment pas tolérer cela. Après tout, s’il l’avait fait une fois, il était capable de le refaire… « Tes réticences ? Tu veux plutôt dire, TA réticence envers moi. Car à ce que je vois, te laisser tenter par un homme que tu connais à peine ne semble pas être un problème. C’est facile de reporter la faute sur la soirée, le contexte et le personnage. Mais où se situe ta part de responsabilité là-dedans, hum ? Autant que je puisse en juger, je ne t’ai jamais forcé à rien. Si c’était réellement un problème à tes yeux, tu aurais dû me repousser et les choses en seraient restées là. Le problème Juliet, c’est que tu n’assumes rien. Pas même le fait que tu aies pu être attiré par moi alors que tu n’avais pas la moindre idée de qui se cachait derrière le masque.» Il marquait des points et je m’enfonçais. Pour sûr, si je repoussais tant Shane, c’était juste dans le but de me protéger. Parce que si nous nous rapprochions de trop, il y avait de fortes chances pour que je vois naître en moi certains sentiments, dont je ne voulais plus… L’oublier, passer à autre chose et préférais prendre du bon temps avec un parfait inconnu plutôt qu’avec lui m’avait semblé être une solution plutôt adaptée. « Arrêtes, je n’ai jamais dit le contraire… C’est vrai, j’ai été attiré par toi, enfin par ce mystérieux inconnu. Le problème Shane c’est que… masqué ou pas, tu m’attires… Alors oui, me laisser charmer par un inconnu était une solution de facilité. Je n’avais rien à perdre… en théorie.. Alors qu’avec toi, j’aurais eu peur de perdre tout contrôle de la situation… de briser notre amitié voire de m’attacher… et tu sais très bien que je veux éviter cela… » Je n’avais franchement pas prévu de tel aveux. Et j’avais longuement hésité à les faire… Si, là encore, il jouait un jeu, je lui donnais ainsi une longueur d’avance considérable et surtout, toutes les cartes pour qu’il puisse me manipuler à sa guise. Mais soit. Il semblait avoir joué franc jeu avec moi, je devais donc faire de même. D’autant plus que, je le voyais bien, il ne comprenait pas ma réaction et semblait m’en vouloir… Et je ne pouvais pas laisser les choses se passer de la sorte.

Avouer tout cela, me retrouver dans cette situation clairement désagréable et devoir aborder des sujets aussi délicats et sensibles pour moi, me poussa à finalement craquer et laisser quelques larmes couler le long de mes joues. J’étais… totalement perdue. Sans parvenir à distinguer le vrai du faux… Ni même ce que j’étais censé faire envers Shane. « Ne pleure pas … » Après quelques secondes dans ses bras, je posais timidement mes mains dans son dos, appréciant malgré tout ce contact. Voilà tout le problème. Je lui en voulais encore… et peinait à lui résister. Au contraire, j’avais été touché par son geste. Lui qui, quelques minutes auparavant, me reprochait bien des choses, ne semblait finalement pas si insensible que ça… J’étais malgré tout légèrement crispée. A mi-chemin entre la rancune et l’envie de rester ainsi encore longtemps… Je fermais alors lentement les yeux lorsqu’il déposa un baiser sur mon front, rassurée de voir qu’il ne semblait finalement pas m’en vouloir. Et au final, j’avais moi-même du mal à lui tenir rigueur de tout cela… Tout était encore tellement chamboulé dans mon esprit. « Si tu penses vraiment que ça ne pourra jamais marcher entre nous, alors peut-être que je ferai mieux de m’en aller définitivement afin de te laisser vivre ta vie comme tu l’entends… mais au moins, je n’aurais pas le moindre regret. Je ne pouvais pas partir sans que tu saches … à quel point je tiens à toi.» Ce n’était pas que je ne croyais pas en notre histoire, loin de là… Je n’étais pour le moment, qu’attirée par lui. Et je voulais à tout prix éviter de tomber amoureuse de lui. Et surtout, de me lancer une relation sérieuse. C’était trop risqué… J’avais trop souffert par le passé et restais déterminée à ne plus souffrir. Quitte à ne plus aimer… « Je suis désolée pour tout ça… Désolée de t’infliger cela… Je ne voulais pas te faire souffrir… Et tu n’y es pour rien.. C’est juste que je ne crois pas être prête pour une relation sérieuse… » Je le laissais ensuite se rapprocher de moi pour planter son regard dans le mien. Bordel. Son regard avait le don de me faire fondre… « Je veux que tu sois heureuse …» J’acquiesçai vaguement, incapable de me détacher de son regard. Incapable de me détacher de lui, tout simplement… Si bien que je le laissais s’emparer une nouvelle fois de mes lèvres, sachant que c’était probablement la dernière fois qu’une telle chose arrivait. Et je ne pu m’empêcher d’avoir un léger pincement au cœur à cette idée là. « Promets-moi d’essayer, d’accord ? » Je fermais les yeux en acquiesçant doucement. « Je… je te le promets… Tâches aussi de l'être... Et tu finiras par trouver celle qu'il te faut, j'en suis sûre... » Et si, justement, c’était auprès de lui que je pouvais être heureuse ? Cela faisait partie des interrogations qui me hantaient à ce moment là… Mais clairement, ce n’était pas une bonne idée.