Assis à côté d’elle, tu la regardes, tu lui souris, tu vois bien qu’elle meurt d’envie de rejoindre ce petit groupe d’enfant, jouant et riant autour du tourniquet du petit parc d’Arrowsic, votre village natal. Tu soupires et lui donnes un petit coup de coude « Tu veux y aller, hein ? » Tu n’attends pas sa réponse, tu connais ta sœur autant que toi-même, vous n’êtes pas jumeaux pour rien après tout. D’un bond, tu te lèves du banc où tu te trouves, tu lui prends la main et l’entraines avec toi dans la direction des autres enfants, sans même lui laisser le temps de pouvoir protester. Tu sais à quel point elle est timide et n’ose pas aborder les autres, alors toi, Jeremiah, tu le fais pour elle. Juliette et toi n’avez que huit ans, mais depuis le départ, et bien qu’elle soit la première à être arrivée au monde, tu as envers elle l’attitude d’un grand frère protecteur, peut-être parfois trop. Tu veux ce qu’il y a de mieux pour elle, et tu n’hésites pas à montrer les poings à quiconque tente de lui faire du mal.

Tu grandis à ses côtés, plus unis, soudés et fusionnels que jamais. Tu ne peux te passer d’elle, Jules est ton oxygène, l’autre moitié de toi. Tu la ressens dans chaque fibre de ton corps, chaque parcelle de ton être. C’était supposé être rien qu’un jeu, ou tout du moins rien qu’un entrainement, oui, avant pour vous d’avoir vos premiers flirt, histoire de savoir comment on fait, avec son binôme c’est plus facile, c’est naturel. « T’es sûr que c’est comme ça ? » Elle opine, elle a entendu ses copines le dire, tu capitules et joue les cobayes pour elle, la laisse faire. En toi ça vibre, étrangement tu ne le ressens plus du tout comme un jeu, tes yeux se ferment, tes lèvres lui répondent. Elle y met fin et te laisse sur ta faim. Jules à trouvé ça cool, toi tu as trouvé ça perturbant et envoutant. Maintenant, t’as plus qu’à la regarder " s’entrainer " avec d’autre, une boule au ventre. Elle est devenue si belle, et elle a enfin appris à oser, à s’ouvrir aux autres, elle n’a plus autant besoin de toi. Serais-tu jaloux Jimmy ? On dirait bien que oui, elle le sait, et toi tu en ris, tu mets ça sur le compte de votre lien gémellaire, mais au fond, tu sens qu’il n’y a peut-être pas que ça. Toi aussi tu as des petites copines bien sûr, mais tu n’arrives à rester avec aucune d’entre elles. Toutes, elles finissent par partir, le même reproche à chaque fois, ta sœur est trop présente dans ta vie. Seulement, toi, tu ne sais pas faire sans elle à tes côtés, plus que cela, tu ne veux pas faire sans elle auprès de toi. Et tu aimes plus que tout, ces soirs où quand elle ne va pas bien, elle se glisse sous tes draps, se blottit contre toi, comme quand vous étiez enfants. Amour fraternel, amour gémellaire ou amour tout court, tu ne sais pas trop, tu ne sais plus trop.

Debout, bras ballant, tu viens de la serrer dans tes bras une dernière fois avant longtemps et la regardes s’éloigner, assise dans ce bus qui l’emmène loin de toi. Tu as fait le fier, tu as résisté, mais maintenant qu’elle n’est plus là pour les voir, tu laisses tes larmes inonder ton visage. Pas cinq minutes se sont écoulées depuis son départ et déjà elle te manque terriblement, et déjà tu regrettes de ne pas l’avoir suivie. Tu aurais pu, elle te la proposer, non elle t’a demander de la suivre. Toi aussi tu aimes la musique, toi aussi tu joues comme elle de plusieurs instruments, mais tu n’as jamais vraiment désiré en faire ton métier, c’est un passe-temps, rien de plus. Et autant cette séparation ça te déchire, autant tu la sais nécessaire pour vous deux. Jules a besoin de vivre par elle-même, tu le sais, tu le sens, ça te fait mal, mais si elle est heureuse, alors tant mieux. Et toi, toi tu vas pouvoir arrêter de penser que tu en es amoureux, c’est ta sœur bon sang ! Ta moitié, ton tout, mais ton sang. Tu dois prendre de la distance et du recul par rapport à cela, la suivre aurait été te perdre dans ce semblant de sentiment dont tu ignores la réelle nature et continué à l’attiser vainement. Non, c’est mieux comme ça, tu en es persuadé.

Erreur. Les débuts sont pénibles, voire très difficiles. Tu pleures souvent, mais heureusement, vous êtes en constante relation grâce à la magie des SMS. Les jours, les semaines, les mois passent et ils se font de plus en plus rare, ça te mine... Ta Juliette est heureuse sans toi, tu déprimes, mais ne le lui dit pas. Tu ne sais plus quoi faire, tu ne sais plus ce dont tu as envie. Tu restes en façade aux yeux de ceux qui te connaissent, le garçon souriant que tu as toujours été, mais tu ne vas plus autant vers les autres, tu te renfermes sur toi-même, tu as arrêté tes études et depuis tu enchaines les petits boulots minables. Ton appartement ressemble à Tchernobyl. Tu enchaines les histoires sans lendemains, avec de femmes comme avec des hommes, tu as essayé, au cas où ce sera la solution, mais cela ne t’apporte rien de plus qu’avec les autres. Tout ce que tu fais a un gout amer, car ta jumelle n’est plus là pour les partager avec toi.

Un coup de fil, des pleurs, sa voix, tu ne comprends pas... « Jules qu’est-ce qui se passe ? » Inquiet comme jamais, tu paniques, déjà prêt à prendre le premier bus pour New York. Tu ressens sa peine, son désarroi. Tu ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé, tu ne sais pas ce qu'il se passe, mais tu sais une chose, il est grand temps de ramener ta sœur à la maison. Pas pour toi, non. Pour elle, pour la sauver. Si elle a été heureuse là-bas, cela ne semble plus être le cas. Les derniers messages de sa part étaient empreints de tristesse, il n’y avait plus l’engouement des débuts, et ce coup de fil... ce dernier coup de fil ne te fait pas réfléchir plus longuement. Tu pars la rejoindre et comptes la faire revenir chez vous, avec toi.