« Eh, tata Lonie ? » Je me mordillai légèrement la lèvre inférieure, heureuse de l'entendre m'appeler ainsi.
« Oui ? » La voix de Sawyer se fit hésitante, comme s'il avait peur de murmurer quelque chose qui brûlerait un instant son insouciance de jeune enfant.
« Qu'est-ce qui se passe, mon ange ? Pas de secrets, on a tapé, on a promis. Si tu as une autre amoureuse que moi, je veux savoir qui c'est. » Le rire de mon neveu se répandit directement dans l'air, et même à des milliers de kilomètres de lui, je fus réchauffée par la chaleur de celui-ci. Ce gosse était une échappatoire à tout ce qui n'allait pas dans ma vie, ce gosse était la plus belle des évasions.
Mon issue de secours... « Mais non tata, c'est toi mon amoureuse ! Pour la vie même ! » Passant la main dans ma chevelure, un sourire qu'il devinait certainement éclaira mon visage.
« Je suis rassurée, petit fou ! Allez, maintenant, raconte-moi. » S'il avait été là, je l'aurais pris sur mes genoux et j'aurais caressé sa tignasse en attendant qu'il daigne se confier. S'il avait été là, j'aurais attendu toute la nuit, j'aurais attendu toute la nuit qu'il dépose ses chagrins sur le bout de mes lèvres pour que je les avale plus vite. Mais il n'était pas là et nous devions nous satisfaire de ces appels téléphoniques que l'on se donnait régulièrement, par besoin plus que par obligation. Il m'arrivait même souvent d'attendre dans mon lit que le téléphone sonne, d'attendre dans mon lit qu'il se souvienne de moi, m'appelle & me raconte tout ce qui le rendait amer. J'avais ainsi la sensation de servir à quelque chose, de servir pour quelqu'un. La solitude me laissait un peu tranquille et je riais sincèrement, contrairement au reste du temps.
« Tu reviens quand, Lonie ? Papa et maman se crient beaucoup dessus mais ils disent que ce sont des histoires de grandes personnes... » Silence.
« Tu vas revenir me voir, hein ? Parce que tu as dit que si mon nounours ne me réconfortait pas, tu viendrais me faire faire du bateau et jouer à la bagarre avec moi ! » Je me redressai légèrement, plus attentive aux paroles qu'il avançait sans se poser de questions. De quoi parlait-il ? J'avais eu ma sœur au téléphone quelques jours plus tôt et elle ne m'avait rien dit de tout cela. Me grattant le haut du crane, je semblais désormais perplexe.
« Tes parents se crient dessus ? Comment ça mon ange ? » « C'est de la faute de papa ! Il est bizarre en ce moment et il joue moins avec moi. Quand il rentre du travail, il est toujours fatigué et ne fait même plus de blagues. Alors maman lui parle et il ne répond pas, ou alors il lui crie dessus... » Je ne savais à présent plus quoi penser de tout cela, je ne savais encore moins à quoi rimait cette conversation. J'étais en train d'entendre un môme m'expliquer, inconsciemment, que ses parents se laissaient dangereusement apprivoiser par l'ignorance et l'abandon. J'étais en train d'écouter mon Sawyer me dire que Meadow et Camden ne prenaient plus vraiment le temps de s'aimer... Et je venais de perdre tout mon vocabulaire. Incapable d'y croire, pas foutue de le rassurer.
« Ne t'inquiète pas, ce n'est rien, mes parents à moi aussi se disputaient parfois, mais ils s'aimaient quand même Sawyer. Tout ira bien, je te le promets. » Réponse bateau. Il méritait mieux que tout cela, mieux que tout ce que je venais de lui dire. Il méritait la vérité, méritait de grandir plus vite. Mais c'était plus fort que moi, je voulais qu'il rêve encore. Je souhaitais par dessus tout qu'on ne lui vole pas son enfance, qu'on le laisse grandir et tomber tout seul, pour mieux lui apprendre à se relever. Parce que je n'avais pas eu cette chance et que je le regrettais chaque jour un peu plus. Parce que j'agonisais presque de ne pas avoir assez vécu, moi qui touchais déjà du bout des doigts ces responsabilités dont je ne voulais rien savoir. Et voilà, je ne prêtais plus attention à ce qu'il déblatérait, non, je m'étais enfuie ailleurs... Quelques années en arrière, à l'époque où les odeurs enivrantes des confitures de ma mère s'étaient faites la belle, à l'époque où les histoires amusantes de mon père s'étaient envolées... Au moment où seule ma sœur avait su me montrer que le soleil pouvait encore briller après un accident de bagnole, après deux oiseaux morts. Encore enfant et déjà propulsée dans un monde où je m'étais sentie trop petite. Encore enfant, à peine âgée de quatre ans, et déjà envoyée dans un monde qui ne me correspondrait plus qu'à moitié.
« tu crois que c'est possible, que si on s'endort a côté de quelqu'un, on peut rêver a la même chose, et qu'on va s'en aller loin, très loin, toujours tout droit, là où l'eau des glaçons coule jamais sur les joues des filles, tu crois que c'est vrai toi.. ? que j'vais ouvrir les yeux, et qu'ton sourire, il s'ra encore plus beau que dans mon rêve ? »
J'ouvre péniblement les yeux parce que mes paupières sont collées entre elles & que j'ai peur de ce que je vais voir en les ouvrant. Il fait nuit, je le sais car un filet lumineux provenant de la lune passe à travers mes volets fermés. Dans ma chambre, tout est noir. Je ne distingue absolument rien si ce n'est l'ombre imposante de mon placard. Je n'aime d'ailleurs pas ce placard. Je ne l'aime plus depuis que ce n'est plus maman qui l'ouvre chaque matin. Nous avons déménagé avec ma tante, ma sœur et moi. San Francisco. Ça fait déjà deux ans mais moi je veux rentrer à la maison. Il fait plus beau là-bas, et je n'aime pas beaucoup mon école ici. J'ai un maître et je préfère les maîtresses parce qu'elles sont plus gentilles. Mes copines sont amoureuses du même garçon que moi alors parfois je suis triste, mais Meadow dit que je suis la plus belle de toutes. Je la crois. Ma grande sœur a toujours raison et elle travaille bien à l'école. Tata rigole souvent en disant qu'elle fera de grandes choses. Est-ce que moi aussi je ferai de grandes choses plus tard ? Pour l'instant, je ne mesure que un mètre deux. Ni trop petite ni trop grande, qu'elle me répète Meadow quand elle me prépare le matin. Elle me fait toujours de longues nattes : j'ai les cheveux longs et il paraît que ça me va mieux quand ils sont dégagés de mon visage. Moi je m'en moque un peu, même si j'aime bien les tresses parce que je peux choisir la couleur des élastiques. Ils ne sont jamais roses, très souvent verts. C'est Lydie qui prend les chouchous roses et Lydie, c'est la plus grande et la plus méchante de tout l'univers. Elle habite la maison en face de la nôtre, emprunte le même chemin que moi pour se rendre à l'école. Mais elle ne joue jamais avec nous. Elle reste dans dans son coin et elle se maquille, fait des trucs de grandes personnes. Lydie me fait peur, enfin, elle me fait moins peur que la nuit. La nuit, c'est ce que je déteste le plus du haut de mes six ans et demi. Parce que dès qu'elle arrive, je ne veux plus m'endormir. Je ne veux plus faire de cauchemars, rêver de papa et maman alors qu'ils ne sont plus là. Ils me manquent, je pleure quand il fait noir... Et ma sœur est toujours obligée de se réveiller pour venir me réconforter. Je suis nulle. Elle a besoin de se reposer car elle doit bien travailler à l'école et moi je l'en empêche sans cesse.
« Mea ? Je peux venir ? » Je n'attends pas sa réponse, escalade le bois du lit et me glisse dans les couvertures violettes de ma sœur. Mes lèvres tremblent légèrement, j'ai encore rêvé d'eux. La tête de maman devient de plus en plus floue et j'ai l'impression qu'un jour, elle ne sera qu'une grosse croix noire abstraite. Je ne veux pas les oublier, même s'ils ne sont plus là pour me raconter des histoires le soir. On m'a dit qu'ils étaient au ciel et qu'ils me surveillaient tous les jours. Moi je trouve ça bête, d'être au ciel. Il doit faire très froid là-haut et papa ne doit pas avec de couverture à poser sur les épaules de maman. Il faisait toujours ça : maman me racontait des histoires au coin du feu et il nous ramenait des couvertures pour que ce soit plus confortable. Oui, papa ne doit pas être très content. Et maman doit avoir froid. Heureusement, les nuages ont l'air confortable. J'aimerais bien m'allonger dessus, ça doit vraiment être doux. J'entends Meadow gémir, bailler et se redresser. Elle finit par appuyer sur l'interrupteur et la lumière nous aveugle toutes les deux.
« Lonie ? Viens par là... » Elle soupire légèrement et m'attire contre elle. Je sais parfaitement que je l'ai réveillée et que demain elle sera fatiguée à cause de moi.
« Pardon... » Ma sœur passe avec délicatesse sa paume sur ma joue humide et imite un chut avec sa bouche. Chaque soir c'est le même rituel. Chaque soir, après un réveil en sursaut, je cours dans sa chambre et m'endors près d'elle. J'ai moins peur de la nuit quand elle est là, Meadow me protège.
« Comment tu sais qu'ils ne reviendront pas ? » Parce que de nous deux, c'est elle la plus vieille. Je considère ma sœur comme mon modèle. C'est mon modèle. Elle est jolie, gentille et ne crie jamais. Elle est aussi très courageuse parce que depuis que mes parents ne sont plus là, elle remplace souvent maman quand ma tante travaille tard.
« Parce qu'il n'y a aucun ascenseur qui descend des nuages à ici ma puce... » Je fais une moue étrange, un peu perplexe.
« Ils sont montés comment, alors ? Hein ? » Ses yeux se posent sur moi. J'aime bien quand elle me regarde parce qu'elle dit que je suis plus jolie qu'un coquelicot et que je rayonne même quand je pleure.
« Je te l'ai déjà dit Loneleï... Quand une voiture sort du chemin habituel, ça fait un bruit effrayant. Et quand les gens restent dedans, ça veut dire qu'ils ont pris une route invisible et qu'on ne les reverra pas. Mais eux nous regardent Lonie... » Elle a raison. On en a déjà parlé très souvent et je sais qu'elle en a marre de me répéter toujours ça. Elle aimerait sûrement que je la laisse un peu, que je rêve du prince charmant comme le font mes amies. Mais j'ai déjà un amoureux et il ne vient jamais dans mes songes.
« Suis-moi ! » Elle attrape ma main et me tire hors du lit afin de rejoindre la fenêtre. Là, je l'observe ouvrir les volets sans comprendre ce qui se passe. Où m'emmène-t-elle ? Connaît-elle le chemin pour aller faire un bisou à papa et à maman ?
« Tu vois toutes ces étoiles dans le ciel ? Tata dit que ce sont plein de parents. Ils vérifient que leurs enfants travaillent bien et sont heureux... » Mes pupilles s'illuminent lentement. Une étrange chaleur s'immisce en moi. C'est la même chaleur que celle qui m'habitait quand ils me bordaient avant d'éteindre la lumière. Je me demande comment Meadow sait tout ça. Est-ce qu'elle l'a appris à l'école ? Ou est-ce que nos parents le lui racontaient après mes histoires ? Elle a douze ans, j'espère qu'à douze ans, je saurais autant de choses qu'elle : connaître les noms des papillons qu'on croise dans le jardin, les noms des oiseaux... et le monde magique dans lequel dorment nos parents.
« Un jour, on sera aussi des étoiles alors... et on les reverra. » Meadow se met à rire mais je pense que ce n'est pas un rire très joyeux. J'ai dit une bêtise, je dis plein de bêtises. Elle jamais.
« Un jour, oui... Mais en attendant, il faut dormir. Tu dois être belle demain pour retrouver Luke ! » Luke est mon chéri, Meadow l'aime beaucoup parce qu'il ne joue pas à la bagarre et préfère dessiner. Il vient souvent à la maison et on dessine la maison qu'on aura plus tard. M'entraînant de nouveau dans son lit, je me cale contre son corps chaud et je ferme mes yeux, moins effrayée qu'à mon arrivée ici.
« Tu es la meilleure des sœurs... » murmuré-je avant de sombrer dans un sommeil profond.
« tu crois que c'est possible, que si on s'endort a côté de quelqu'un, on peut rêver a la même chose, et qu'on va s'en aller loin, très loin, toujours tout droit, là où l'eau des glaçons coule jamais sur les joues des filles, tu crois que c'est vrai toi.. ? que j'vais ouvrir les yeux, et qu'ton sourire, il s'ra encore plus beau que dans mon rêve ? »
« Lonie ? Tu fais dodo ? » Sawyer me sortit de ma torpeur et je me demandai durant combien de temps je m'étais absentée. Certainement quelques minutes. J'étais aujourd'hui âgée de vingt-deux ans et je n'avais pas perdu une seule miette de cette nuit-là, ni des autres, puisqu'elles se ressemblaient finalement toutes.
« Excuse-moi, mon Ange. Je suis là. » J'étais gênée de l'avoir sauvagement abandonné en pleines confessions. Il n'était qu'un gosse qui cherchait quelqu'un à qui s'accrocher, quelqu'un de stable à qui parler. J'étais tout sauf stable mais je faisais de mon mieux afin qu'il ait une image méliorative de sa tante, de la sœur de sa mère. Parce que je leur devais bien cela. Parce que Meadow m'avait tirée de toutes ses forces et que c'était majoritairement à travers elle que je me souvenais d'eux. J'avais en effet tout oublié au fil du temps : leurs sourires, leurs parfums... Jusqu'à leurs visages. Aujourd'hui, seules les photos que je gardais précieusement me permettaient de me rappeler de tout cela.
« Tu reviens quand, alors ? » Question piège. Quand rentrerai-je à Arrowsic ? Je n'avais pas la réponse. J'avais l'impression de passer ma vie à faire des allers et retours entre San Francisco et là-bas. J'y avais vécu de mes cinq ans à mes dix-sept ans. Puis ma tante avait préféré déménagé dans le Maine, lassée de vivre au milieu de la pollution. Je l'avais suivie sans réfléchir tandis que ma sœur, elle, était restée chez nous. Et j'étais retournée vers les Etats-Unis depuis un peu plus de deux ans, ne revenant que pour leur rendre de courtes visites.
« Je ne sais pas, je travaille beaucoup tu sais Sawyer. » Le petit soupira d'exaspération et je me sentis responsable. Alors sans penser aux conséquences de mes paroles, je me repris aussitôt.
« Je peux prendre quelques jours pour t'emmener faire du bateau si tu veux. » « Quelques jours, c'est nul. Je veux que tu reviennes habiter à côté de ma maison... » Bordel. Je m'attendais à tout sauf à cela. Je l'avais déjà entendu me dire ces quelques mots mais j'avais préféré penser que ce n'était qu'un petit moment de tristesse d'enfant.
« Tu as des amis en Amérique, tata ? » Je réfléchis un instant.
« Non. » « Un amoureux ? » « Mon amoureux, c'est toi Sawyer. » « Si tu n'aimes rien à San Francisco, pourquoi tu ne reviens pas ? » Parce qu'il y a Dorian... L'accident de toute une vie. Parce qu'il y a Dorian et que je suis effrayée à l'idée de le croiser mon Ange. Parce que prononcer son prénom me rappe les lèvres. Parce que le frôler me donne envie de me tirer une balle. Il m'a souillée le jour où ses mains se sont posées sur mon corps et depuis, j'ai perdu toute envie de me battre. T'as vu Sawyer, t'as vu où j'en suis ? J'me descends toute seule mais personne ne le voit. C'est pour ça que je ne suis plus avec toi, pour ça que je ne t'emmène plus à l'école quand tes parents sont fatigués. Je ne peux pas le croiser, tu comprends ? Il verrait lui. Il verrait que mes journées sont tristes à mourir et que je ne jure plus que des mensonges. Il verrait qu'en me lâchant, il a fait de moi une fille complètement cassée. C'est con l'amour, c'est tellement con mon Ange. Ne tombe jamais amoureux, tu comprends, jamais. Tu finirais par t'y broyer le cœur. « Parce que... Parce que j'ai un travail ici et non à Arrowsic Sawyer. » Il soupira de nouveau.
« Je ne veux pas devenir grand. On ne fait pas ce qu'on veut quand on est grand. Je vais rester petit ! » Et il avait raison... On ne faisait jamais ce que l'on voulait réellement au fond de nous. Plus nous grandissions, plus nous devenions des moutons. Je suivais les autres car ainsi j'évitais les problèmes. Je sortais avec mes "amis" et les laissais mener la danse. Je ne prenais aucune décision car la seule que j'avais prise faisait aujourd'hui de moi un pantin de la société. Je mangeais, bossais et dormais. Chaque jour avait la même saveur mais je faisais semblant de n'en avoir rien à faire. Officieusement, je me rangeais du côté de la monotonie parce qu'ainsi, je ne faisais entrave à aucun règle. Je respectais les mœurs, j'aimais ceux de mon âge et ne fréquentais pas les hommes plus âgés. Je ne choquais pas, je ne choquais plus. Oui, officieusement, je crevais lentement de n'avoir été bien dans ma peau que pendant ces quelques mois à
ses côtés.
Dorian... « Et quand les autres riaient de lui, je me disais qu'il était plus beau qu'un tournesol, lui qui tournait le dos au reste du monde, rien que pour grimper dans mon bain. »
Je prends mon temps pour ranger mes affaires, je me donne du mal pour être la dernière à sortir. La sonnerie vient tout juste de retentir, faisant sursauter un bon nombre de mes camarades et finalement, l'euphorie les gagne rapidement. Ils se sauvent tous mais je ne les regarde pas : je m'attarde sur mon classeur et fais semblant de me débattre avec celui-ci.
« Loneleï, tu te dépêches ? On doit bosser l'histoire! » Je me dévisse le cou et pose mon regard sur Alexander, un gars avec qui je suis en cours d'histoire et qui me fait régulièrement réviser parce que l'histoire, ce n'est pas vraiment mon truc. Je cogite activement et lui donne une réponse évasive.
« Oh... Vas-y, je te rejoins. Je dois demander quelques renseignements pour l'exposé à monsieur Lancaster. » Il me balance un des sourires en coin qu'il maîtrise à la perfection et je préfère ne pas imaginer ce qui se cache derrière celui-ci.
« On se retrouve à la bibliothèque, dans ce cas. » Il finit enfin par prendre la sortie et le soulagement me gagne. Alors après avoir foutu le reste de mes affaires dans mon sac, je le balance négligemment sur une de mes épaules et m'avance silencieusement en direction du bureau de Dorian. Toujours le même rituel... ou du moins, aussi souvent que je le peux. Arrivée à sa hauteur, mes doigts se glissent doucement sur sa main et il relève la tête, peu surpris par cette proximité.
« Tu m'as manqué, petite. » Je grimace et le vrille du regard à l'entente de ce surnom. Il sait pertinemment que je hais lorsqu'il m'appelle ainsi. Parce que ça remet toujours tout en doute. Parce que remontent alors tous ces principes dont nous ne nous occupons pas, tous ces putains de principes qui nous empêchent de nous montrer ensemble.
« Ne fais pas cette tête, bon sang! » Il se met à rire et je ne tarde pas à le suivre. C'est à chaque fois la même chose avec lui : la complicité qui nous lie envoie valdinguer toutes ces conneries sur l'âge, l'entente et la maturité. Il se lève, va jusqu'à la porte afin de la fermer et revient vers moi. Puis sa main glisse sur ma joue, son index effleure mes lèvres et il termine par prendre mon visages entre ses mains -calleuses puisqu'il pratique la guitare depuis plusieurs années.
« Tu n'es qu'un emmerdeur, Lancaster. » Ses pupilles s'illuminent de malice tandis que ses lippes se scellent aux miennes, doucement. Je me laisse faire, calme et sereine d'avoir un enfin un moment de répit avec lui. Ça fait plus d'un an qu'on se voit à l'ombre des regards indiscrets, plus d'un an qu'on se cache et qu'on apprivoise tranquillement le danger. Je ne sais pas vraiment si j'adore ou si je déteste cela. Je crois plutôt que ça dépend des jours, du temps qu'il fait dehors. Parce que quand il pleut, être enfermée dans son appartement devant un film me convient parfaitement. Mais lorsqu'il fait beau, il m'arrive souvent de rêver d'une balade main dans la main dans les rues de Arrowsic. Je pense qu'on finira de toute manière par se lasser, que cette double-vie nous tuera plus qu'elle ne nous rapprochera. On s'oppose aux mœurs, on s'oppose aux coutumes et même si on fait semblant de n'en avoir rien à faire, ça nous blesse un peu.
D'être si différents... « Tu as prévu quelque chose, ce soir ? » Il réfléchit comme ces hommes qui ont un emploi du temps surchargé & peu de temps à accorder à leur petite amie. Il réfléchit et je prie intérieurement pour qu'il soit libre.
« A part passer la soirée en ta compagnie, non... » Ma tête se niche au creux de son cou, endroit que j'embrasse brièvement pour me reculer et le scruter.
« Chez toi alors. » « Ce n'est pas comme si on avait le choix, Lonie. » Il n'a pas tort. Il n'a pas tort et je suis obligée de baisser la tête parce que je me trouve conne d'avoir, une fois de plus, aboyé sans réfléchir. Lui me dit que ma bêtise est la plus belle mélodie, je crois surtout qu'il me dit ça pour que je ne lâche pas la première. Lâcher quoi, au juste ? Ce n'est pas comme si nous pouvions choisir de lâcher ce fil, de le couper en deux et de se barrer chacun de ne notre côté. Ce n'est pas comme si on pouvait dire un jour oui, un autre non. C'est quelque chose de plus fort que ça, plus fort que nous. Quelque chose qui nous brûle et nous consume. J'attends d'être en cendres, j'attends d'être bouffée par l'isolement. J'attends parce que je ne peux faire que ça : patienter en attendant de recevoir un appel, patienter en attendant que son métier lui autorise une pause, temps qu'il me consacrait toujours.
« Pas faux, monsieur je sais toujours tout. » Dorian plisse le front et me pousse jusqu'à son bureau. Moi ? Je lui mets un coup de coude et m'éclipse à l'opposé de la pièce, la mine enjouée. Nous ne sommes pas un couple ordinaire. Non. Nous ne passons pas des heures entières à nous lécher les amygdales, des heures entières collés dans le même lit en écoutant le réveil nous narguer avec son tictac monotone et sans vie. Nous nous cherchons, nous nous fuyons. Nous jouons avec le destin, le combattons. Nous nous disputons tous les jours pour mieux nous retrouver ensuite. Nous sommes totalement imparfaits, totalement disgracieux tous les deux... Mais ça nous convient parfaitement. A défaut d'être des modèles qui se séparent deux ans plus tard, nous sommes les ignorés qui vivent pour eux plus que pour l'image qu'ils renvoient.
« Tu devras t'y habituer, mademoiselle jamais contente. » Taquin, le mec. Je lui tire la langue alors que l'horloge indique qu'il est largement temps que j'y aille. Histoire qu'on ne se fasse pas prendre en faute. Histoire qu'il ne perde pas son boulot et moi ma place au sein de cet établissement. Je soupire et il n'a besoin d'aucune explication pour comprendre. Il choisit de se taire et de venir une dernière fois caresser mes lèvres avant de me mouvoir vers la sortie de la salle de cours.
« Ne tombe pas amoureuse de trop de professeurs, petite ! » Je ris en prenant le chemin de la sortie.
« Ne drague pas trop d'étudiantes! » Puis en ouvrant la porte.
« Merci beaucoup, monsieur Lancaster. Je vous rends ça la semaine prochaine, alors. » Je ferme la porte et m'oblige directement à oublier ce qui vient de se passer. Aucune issue : je dois juste avancer dans ces couloirs qui me donnent la nausée, retrouver mes amis qui ne savent rien de tout cela et faire semblant de m'intéresser à d'autres garçons...
Comme toujours... « Et quand les autres riaient de lui, je me disais qu'il était plus beau qu'un tournesol, lui qui tournait le dos au reste du monde, rien que pour grimper dans mon bain. »
Je ne prenais plus de plaisir. Le passé ne me donnait plus du tout envie de sourire. Au contraire. A chaque fois qu'il venait frapper à ma porte, je le laissais entrer pour mieux le laisser me retourner. Je n'aimais pas penser à lui, encore moins penser à ces deux années où nous nous étions aimés à rendre jaloux le monde entier. Mais personne ne nous avait vus, personne n'avait été là pour pouvoir dire qu'à côté de l'autre, nous étions plus beaux que deux tournesols tournant le dos au reste de l'humanité. Aujourd'hui ne restaient plus que quelques tas de poussière, quelques tas de souvenirs rangés de manière dramatique dans un coin de ma tête.
Telle une mélodie dont on voudrait par dessus tout oublier l'air... « Mon Ange, si tu me demandes de revenir, je le fais. » Un cri presque inaudible résonna à travers le téléphone et je me laissai glisser en arrière pour me retrouver complètement allongée.
« C'est vrai ? » Je me mis à rire, de nouveau apaisée par l'innocence de mon neveu. S'il souhaitait que je rentre, il n'avait qu'un mot à dire et je ferais ma valise pour le retrouver dès le lendemain. Parce qu'à défaut de m'occuper correctement de moi, je pouvais toujours offrir un peu de joie à ce môme adorable. Parce qu'à défaut de me laisser sombrer, je pouvais toujours le tirer de toutes mes forces afin qu'il oublie un peu les disputes de ses parents -dont je ne connaissais toujours pas les raisons.
« Demande-moi, tu verras bien. » Silence.
« Lonie, tu reviens vivre à Arrowsic avec moi ? » La réponse resta bloquée un instant à l'intérieur de ma bouche. Peut-être étais-je effrayée à l'idée de les prononcer à voix haute car dès que cela serait fait, il n'y aurait plus de retour possible.
« Je reviens, Sawyer. Je monte dans le premier avion que je trouve et je rentre à la maison. » Le petit poussa un cri victorieux qui fit monter à mes joues quelques rougeurs.
« Ouaiiiiiis ! » Je l'écoutais sauter partout, poser ses petits pieds sur le parquet et les soulever aussitôt. Il courait. Et faisait un bruit infernal.
« Demain à l'école, je vais prévenir tous mes copains ! Personne ne me croit quand je dis que mon amoureuse habite à San Francisco. Ils se moquent de moi et crient que je ne suis pas cap de faire des bisous aux filles. » « Attends qu'on les emmène faire du bateau, ils verront que nous sommes les plus beaux. » Sawyer pouffa dans ses petites mains et je sus que j'avais pris la bonne décision, du moins pour lui. Moi ? J'allais certainement me faire gifler par toutes ces ébauches de souvenirs, j'allais certainement chialé devant ce bar où je m'étais de nombreuses fois cachée avec lui. Mais quelque part, il fallait que j'affronte tout ça, que je recommence à combattre cette histoire comme avant. Il fallait que je me bouge parce que mes muscles allaient finir atrophiés de ne pas avoir hurlé de douleur. Il fallait que j'y retourne parce qu'en voulant fuir ici, je n'avais strictement rien réglé. J'avais juste laissé le temps faire de moi une prisonnière du passé, j'avais juste autorisé Dorian à me détruire même après... Après quoi ? Après ses aveux, après ce soir d'été où il m'avait arraché les yeux de son regard noir et cuisant. De son regard noir.
Et tueur... « je me croyais forte, tu sais, inoxydable, tout-terrain, inentamable, trop orgueilleuse pour souffrir. mais là, brusquement, plus d'orgueil, plus de distance, plus d'ironie. Juste un bon gros coup de vie dans la gueule. »
« Ralentis, merde. On va finir par se prendre un arbre. » Je soupire d'exaspération et lui obéis finalement, peu désireuse de le voir frapper contre le volant de la camionnette. J'ai dix-neuf mais toujours pas de permis en poche. Les études me bouffent la majorité de mon temps et je préfère utiliser le reste de celui-ci pour voir Dorian. Je ne sais pas ce qu'il a aujourd'hui, je n'arrive pas à lire dans ses iris bien sombres.
« On peut arrêter, si tu veux. Et aller faire autre chose. » A son tour de soupirer. Je n'ai fait que proposer une alternative à ses gueulantes qui me niquent les tympans. Ces derniers temps, on passe pas mal de temps dans sa petite camionnette à sillonner les chemins de la forêt, moi au volant, lui à côté. D'habitude, il rit plus qu'il ne crie mais je capte facilement que quelque chose cloche aujourd'hui. Il semble à côté de la plaque, irrité. Et des milliers de questions cognent contre mon crane, semblables à des marteaux.
« C'est bon, petite. On continue. » Il tente un sourire mais son geste est vain. Je n'en ai plus envie. Je connais parfaitement mes capacités lorsque je conduis, je connais parfaitement mes limites. Et si elles ne lui conviennent pas, alors tant pis.
« Non, rentrons. » Il souffle, une énième fois, et défilent devant moi les photos d'une énième dispute. Ça part toujours d'un rien et ça finit toujours par des insultes violentes qu'on oublie généralement en se réveillant le matin côte à côte.
« Ta susceptibilité me dépasse, Loneleï. » Du tac au tac.
« Et moi, tes petites colères immatures me donnent envie de fuir. » Sa main se crispe sur la mienne, qui était jusque là posée sur le levier de vitesse. Je suis en train de l'énerver plus qu'il ne l'est déjà. Je n'ai une fois de plus pas réfléchi. Mais je commence doucement à m'essouffler. Lui aussi. Nous avons de plus en plus de mal à se cacher, je crois que nous voulons plus, plus que tout ce que nous avons déjà.
« Qu'attends-tu pour le faire, dans ce cas ? Fuis, c'est ce que font les gens de ton âge. » Ma respiration se fait invisible quelques secondes. Le choc est brutal. On ne va rarement aussi loin dans la méchanceté gratuite, rarement aussi loin dans les horreurs qu'on se jette au visage. Par principe, par amour, par peur de broyer l'autre plus que cette relation ne nous broie déjà. Je dégage ma main de la sienne et, après avoir arrêté la bagnole, je m'extirpe de celle-ci, en fait le tour et me retrouve du côté passager, intimant à Dorian l'ordre de reprendre le volant et de nous ramener chez lui. Il effectue alors les mêmes mouvements que moi, dans le sens inverse cependant. Et une fois installé, sans prendre le temps d'attacher sa ceinture, il se donne le droit de me glacer les yeux.
« Je te raccompagne chez toi. » « Ma tante y est, allons plutôt chez toi. » Il transpire la colère et la haine. Je transpire la tristesse.
« J'ai dit que je te raccompagnais chez toi. Je n'ai pas parlé de nous, juste de toi. Tu rentres chez toi. » Je la ferme. Parce que c'est le seul droit qu'il me laisse, parce qu'il a employé ce ton brutal qui me donne envie de gerber. J'ai envie de gerber, envie de vomir mon amour pour lui, ces heures d'insomnies pour le retrouver sans éveiller les soupçons. J'ai envie de taper fort dans tout ce qui nous relie, et même si c'est beaucoup, j'en ai quand même envie. Finalement, la colère me gagne aussi. J'ai besoin de l'ouvrir, besoin de comprendre ce qui se passe dans sa putain de tête de professeur. J'ai besoin de savoir ce que j'ai fait, ce qu'il me reproche et ce qui le rend si con cet après-midi.
« Arrête la camionnette. » Il jette un regard à l'arrière en s'aidant du rétroviseur. Quel lâche. Je ne suis pas stupide : il n'y a aucun moyen de se garer ici. Mais je m'en fous éperdument. Je veux qu'il stoppe le contact de la camionnette et m'explique ce qui ne va pas.
« Arrête c'te bagnole maintenant, Dorian! » Il s'exécute, en silence.
« Raconte-moi, mon amour... » Sa mâchoire se serre, son corps entier se serre. J'ai l'impression d'être repoussée, l'impression que tout ce qu'on a toujours combattu fièrement est en train de nous vaincre.
« Il n'y a rien, j'ai juste besoin d'être seul. » Je me mets à rire... Le genre de rire qui n'indique rien de bon. Le genre de rire qui te prévient de manière insidieuse que d'ici quelques minutes, l'énorme boule au fond de ta gorge t'empêchera de t'exprimer clairement tandis que la flotte te noiera la gueule.
« Combien de temps, cette fois ? Une heure ? Une journée ? Une semaine ? Dis-le moi. Parce que j'en ai ma claque de t'attendre. J'en ai ma claque de te regarder t'énerver contre moi puis te confondre en excuses une heure plus tard. » J'hésite un instant.
« Je me demande parfois lequel de nous deux a vingt-six ans... » Il tousse. Il tousse et ne répond rien. Il tousse et laisse les minutes courir seules, il les laisse s'en aller parce qu'il s'en fout. Il a déjà un boulot, une baraque et sait de quoi sera fait son lendemain. Alors il peut se permettre d'être égoïste. Et sans que je ne m'y attende, il tourne nerveusement son buste vers moi et explose, comme une bombe que l'on aurait trop retardée.
« Tu la veux ta réponse ? Tu veux savoir pourquoi je tire cette tête de con depuis trois heures ? Parce que c'est fini et que je ne sais pas comment te l'annoncer. Tu as toujours été trop fragile, trop hilarante, trop petite, trop parfaite. Aujourd'hui t'es seulement trop lassante, Loneleï. » Il ne me laisse pas la chance de répondre, même si je ne l'aurais pas fait.
« Je n'arrive même pas à me souvenir comment j'en suis arrivé à me taper une minette à qui je donne des cours. Je n'arrive même plus à sourire quand je te vois, à aimer ton parfum. Tout ce que je vois moi, c'est cette envie d'aller voir ailleurs, de vivre une aventure qui en vaut la peine, avec quelqu'un de plus âgé que toi. Alors il vaut mieux qu'on s'arrête là, tous les deux. D'ailleurs non, on s'arrête là. C'est fini. Oubliée cette bêtise que tu mettras sur le compte de la jeunesse et moi sur celui de la solitude. » Je suis incapable. Incapable de pleurer, incapable de crier. J'ai juste très mal là où ça ne se voit pas. Mal à m'en déchiqueter la peau. Mal à en balancer mon corps au feu. Qu'il crame, il ne me servira de toute façon plus à rien. Souillée. Fracassée jusqu'aux os, jusqu'à l'âme. Morte d'avoir trop aimé, d'aimer trop encore. Il remet finalement le contact et je ne l'en empêche plus, tout a l'air d'avoir été dit. Je ne ramperai pas. Lui non plus. Poussés par des fiertés trop imposantes, on met fin à deux ans d'amour. Il décide pour deux mais je préfère le laisser croire que je suis d'accord pour ne plus jamais le voir ouvrir la bouche. Histoire de vivre.
« je me croyais forte, tu sais, inoxydable, tout-terrain, inentamable, trop orgueilleuse pour souffrir. mais là, brusquement, plus d'orgueil, plus de distance, plus d'ironie. Juste un bon gros coup de vie dans la gueule. »
« Tata, maman veut que je vienne manger ! » J'étais pensive.
« Vas-y mon loup, j'arrive demain, sans faute. Et demande à papa de venir me chercher, je l'appellerai pour l'heure, je te le promets. » « Tu as promis ! » « J'ai promis, oui. A demain Sawyer, goinfre toi et fais de beaux rêves. » « Je t'aime tata, à demain. » Il imita un bisou et le bruit disgracieux de celui-ci me ramena à la réalité. Maintenant ? Une promesse restait une promesse. Posant mes pieds sur le sol, je me levai et me dirigeai vers le placard : plus vite ce serait fait, plus vite je me coucherais. Et putain ce que l'envie n'y était pas, putain ce que j'étais effrayée à l'idée de reposer définitivement les pieds là-bas, à l'idée de le croiser et de le laisser se rendre compte de ce qu'il avait fait de moi. J'avais arrêté les études pour être certaine de ne plus le croiser, j'avais appris le métier de plombier sur le tas et je ne vivais aujourd'hui que de ça et de l'aide de ma tante quand ses moyens le lui permettaient. Est-ce que j'affectionnais ce métier ? Pas particulièrement. Mais il me convenait cependant. Au moins, je restais bien loin des études... et plus particulièrement des professeurs masculins. Attrapant une large valise, je balançais rapidement à l'intérieur tout ce que je trouvais. Je ne m'attardais pas sur les choix, tout ce qui se trouvait dans ma garde-robe me plaisait au moins un peu. Je terminai par lâcher cette partie et la remis au lendemain matin. Je n'avais pas le cœur à ça, ni la tête. J'étais plutôt exténuée par les souvenirs qui avaient, une fois de plus, refait surface. J'étais fatiguée de m'en souvenir avec autant de netteté, comme s'ils étaient écrits sur ma peau et que les effacer relevait de la science. J'en avais marre d'y penser encore. Regrettais-je quelque chose ? A quel sujet ? Tout ? Oui. Une seule et unique chose, vulgaire, infime, mais qui m'aurait peut-être permis de le toucher un peu, lui qui avait juré en avoir terminé.
« J'ai ma réponse, je sais qui de nous deux a vingt-six ans. Bienvenue au pays des briseurs de cœurs, Lancaster. » Soupir.
« Connard... » Murmurai-je dans ma barbe tout en m'étendant de nouveau dans mon lit. Du sommeil, je n'attendais que ça. Avant de repartir, avant d'y retourner. Où ? En enfer.