L'estomac d'Amy grogna de faim alors qu'elles arrivèrent devant l'épicerie. En écho à tous les autres, la fin de ce mois çi avait été particulièrement difficile pour les soeurs Halesmess. Les factures c'étaient rapidement empilées et le frigo était vide depuis plusieurs jours.
Amy avait beau dire qu'elle était habituée à cette faim constante, mais la vérité était qu'on ne s’y habituait jamais. Elle se levait, tous les matins, le ventre creux. Passait à travers la journée avec la tête qui tourne et les odeurs de nourritures qui la faisaient saliver presque au point de tomber dans les pommes. Le soir, elle se couchait sans énergie et se réveillait au milieu de la nuit, trop affamée pour fermer l'oeil de nouveau.
Ce matin, elles avaient officiellement mangé leurs dernières provisions et leurs prochaines rentrées d'argent officielles étaient prévues dans quelques jours. Il en tenait donc de Key et Amy de ramener la nourriture sur leurs tables dans les prochains jours. Les autres n'étaient pas chaudes à l'idée des bassesses qu'elle devait faire pour survivre de chèque en chèque, mais la faim leur faisait fermer les yeux et jouer à l'autruche.
Leurs victimes du jour étaient l'épicerie du coin, habituée, Amy et Key travaillaient souvent en tandem pour remplir leurs poches.
La cadette regarda rapidement à travers la vitrine pour voir qui était derrière le comptoir, Maurice, le propriétaire, était un père de famille qui touchait la cinquantaine. Un peu stupide, pas très méchant et rien de menaçant, facilement manipulable, il était déjà arrivé à Amy de faire la belle et aller jusqu'à l'embrasser pour voler dans la caisse directement. Elle ne s’était jamais fait prendre.
Mais cette fois, comme elles étaient deux, elles allaient s'y prendre plus en douceur.
"C'est bon, c'est lui et pas l'autre teigne." La femme de l'épicier était tout le contraire, elle ne faisait pas du tout confiance aux filles Halesmess et les chassait de son magasin à chaque fois qu'elle s'y trouvait.
"Tu veux faire la caisse ou aller plutôt dans les tablettes? Savoir où je dois l'amener..." Amy se regarda dans la vitrine et réajusta ses vêtements, spécialement choisie pour l'occasion. Après un moment de réflexion, elle fit glisser son string le long de ses jambes et le rangea plutôt dans son sac. "Je crois pouvoir le retenir dix minutes, maximum quinze, ça te va?"

Key avait été la première et la seule à voler pendant de longues années. Ce qui avait commencé par des délits de moindre importance avait augmenté en conséquence aux fils des ans. Mais Keira savait qu'elle n'avait pas d'autres choix. C'était pour elles, pour rester ensemble encore un peu. Alors Key à la morale douteuse avait simplement accepté son sort et avait joué ce rôle de rameneuse de nourritures en tout genre.

Bien sûr, ses sœurs ignoraient plus ou moins tout ce qu'elle mettait en œuvre pour arriver à ses fins. Sauf Amy. Amy le bébé durant de nombreuses années avait fini par elle aussi voler comme elle le pouvait où elle pouvait. Avec son air innocente, elle paraissait toujours moins suspicieuse que Key. En remarquant ce que manigançait sa sœur, à la place de l'engueuler comme l'aurait fait n'importe quelles autres de ses sœurs, Key lui avait appris quelques manœuvres afin de ne pas se faire prendre. Si Key utilisait parfois la force, Amy optait pour le charme et ça avait tout autant d'effet que sa méthode. C'était ensemble qu'elles mettaient au point les meilleurs plans, elles avaient toujours plein d'imagination et elles arrivaient facilement à tomber d'accord. Aujourd'hui, les sœurs Halesmess avait faim, donc pas de grands détour, elles iraient droit aux buts.

Amy fut celle qui regarda à travers la route, elle était belle Key était la première à le reconnaitre, une des plus jolies des sœurs et elle se servait de sa beauté pour manipuler les gens. "C'est bon, c'est lui et pas l'autre teigne." la brune poussa un soupir rassuré, au moins, ce serait facile, c'était déjà ça de gagné. "Tu veux faire la caisse ou aller plutôt dans les tablettes? Savoir où je dois l'amener..." "Je vais dans les rayons plutôt" répondit Key en vérifiant qu'elle avait bien ses sacs fermés. Elle pourrait facilement ranger tout ce qu'elle allait prendre là-dedans ainsi. Elle vit Amy enlever son string avec un sourire hésitant, elle n'aimait pas trop que sa soeur utilise cette méthode... mais bon, Key avait cette façon de penser que chaque chose avait un prix... et que si elles volaient si impunément, elles devaient aussi payer un peu de leur personne. "Je crois pouvoir le retenir dix minutes, maximum quinze, ça te va?" Key hocha positivement la tête avant de rentrer tout sourire dans le magasin.

"Salut Maurice !" clama-t-elle avant de s'enfuir dans les rayons. Elle vit sa soeur commencer son manège, et quand elle fut sûre que Maurice n'avait d'yeux que pour sa soeur elle se mit rapidement à l'ouvrage. Elle ouvrit ses sacs et commença à prendre les choses essentielles. Pâtes, riz, elle rajouta une bouteille de coca, de jus d'oranges, des fruits, elle prit plusieurs conserves sans vraiment faire attention à ce que c'était. Le désavantage, c'est que ça commençait réellement à peser lourd sur son dos. Mais elle teint bon, elle devait rester stoïque et souriante afin que personne ne sache ce qu'elle venait de faire. Évidemment, le peu de client dans le magasin la trouvait suspicieuse, c'est pour ça qu'elle ne s'attardait jamais trop longtemps dans un rayon, et dès qu'elle avait volé, elle passait à un autre endroit. Finalement, les 10 minutes écoulées avaient été mise à profit et elle avait pu volé sans doute de la nourriture pour une bonne semaine. Évidemment, ça allait être répétitif, mais c'était mieux que d'avoir l'estomac vide. Elle se dirigea automatiquement vers le rayon des boissons, elle prit un pack de bières et alla à la caisse. En la voyant avec ce seul article (visible il va s'en dire), tout le monde la regardait passer avec un regard entendu. Une Halesmess avec de la bière, c'était peu surprenant. En arrivant à la caisse, elle se racla la gorge pour qu'Amy arrête son cirque et elle sourit en déposant son article sur le comptoir.

"Et tu peux rajouter un paquet de clope Maurice ? Les BD" rajouta-t-elle posément. Le vieux se tourna et chercha des yeux le paquet demandé, Key savait où elles étaient, elle était difficile à repérer et ce n'était pas la commande que les gens faisaient souvent. En une fraction de seconde, Key réussit à piquer 20$ de la caisse qu'elle fourra dans la poche de son jean, Maurice avait la sale habitude d'ouvrir sa caisse comme elle foirait quelque peu, mais bon, Key n'allait pas s'en plaindre non plus. Une fois qu'il eut trouvé le paquet, il le déposa, rentra le prix des deux articles. Keira lui donna posément le billet de 20 qu'elle venait de lui voler sans le moindre remord. Une fois dehors, Keira donna un sac à Amy tout en se massant les bras. "ça a été ?" demanda-t-elle le regard éteint, elle se sentait toujours vide après avoir volé.

Amy volait depuis très jeune en fait. La première fois, elle devait avoir six ans, elle marchait avec sa sœur Bonny, revenant de l’école après une journée difficile où aucune des deux n’avait réussi à avoir de lunch pour le diner. Quand elles avaient passé devant l’épicerie, le regard d’Amy avait tout de suite sauté sur le camion de livraison, grand ouvert. Pas n’importe lequel, celui de la boulangerie, remplie de beignet. Elle n’avait pas vraiment fait gaffe, ni réfléchi, elle avait sauté dans le camion dès que le chauffeur avait eu le dos tourné, avait rempli son petit sac d’école de beignet et avait courue le plus loin possible, trainant Bonny derrière elle. Comme la faim grugeait aussi son ainée, elle avait eu le droit a aucun commentaire, toutes les deux c’était caché sous un petit quai et avait dévorer le précieux butin jusqu’à ce rendre malade. À partir de se moment là, Amy avait prit l’habitude de noter les horaires de livraison, de les surveiller, noter les chauffeurs, leurs habitudes, le contenue des camions et ramenait de la nourriture à la maison assez régulièrement. Les premiers mois, Mary l’engueulait à tous les coups, mais elle avait finie par se taire, par la laissé faire, elle savait aussi bien qu’elle qu’il leur fallait à manger, peut importe le moyen.
En grandissant, la question de survie fit place à l’habitude. Pratiquement tout ce qu’elle voulait, elle volait. Vêtements, bijoux, livres, chaussure, fournitures scolaires, couches pour son petit frère, etc. Elle était rapide et son visage si innocent évitait d’attirer le soupçon des gens.
Puis elle eut ses treize ans et ses courbes commencèrent à se former. Elle apprit rapidement que les gens étaient pervers et stupides et découvrit qu’elle n’avait aucun ne remord quand elle arrivait a les entourloupées pour leurs voler leurs portefeuilles, leurs sacs ou autre.
C’est aussi vers cet age qu’elle commença les manigances avec Key. À deux c’était plus sur, plus facile et le butin était toujours plus gros. Sa sœur avait toujours réussi à amener du pain sur la table ou bien de quoi leurs payer de l’eau chaude et même si leurs méthodes était différentes Amy appris beaucoup à la regardant faire.
Elle suivit son ainée dans le magasin et dès que celle-ci se dirigea vers les rayons, elle, alla directement derrière le comptoir. « Hey Maurice. » Sa voix était mielleuse avec la pincée d’innocence juste parfaite. Elle sauta pour s’assoir sur le comptoir, laissant sa jupe remontée un peu plus haut que toute décence permette. Les autres clients la regardaient de billet, quelque un passait des commentaires à voix basse, tous était habituée de voir Amy faire le paon devant les hommes plus vieux, ils n’approuvaient peut-être pas, mais personne n’en faisait de cas. Son petit numéro dura dix minutes pendant lequel l’épicier n’avait d’yeux que pour elle. L’adolescente aurait surement dû être dégouté par le fait qu’elle pouvait apercevoir sans gène, une bosse proéminente se former dans les pantalons de l’homme, mais en fait, elle était tellement habituée à ce genre de réaction venant d’homme identique à Maurice qu’elle ne sourcillait même pas, elle en était pratiquement flattée. Quand sa sœur revient derrière le comptoir, Amy ne se fit pas prier pour descendre de son pied d’escale et aller se mettre à ses côtés, un faux air de prix sur le fait au visage. Elle fit un dernier sourire à Maurice et sortie du magasin.
Elle prit le sac que sa sœur lui tendait et regardait un peu son contenue, ouvrit un sac de chips et fit signe à Key d’en prendre. « Comme d’habitude, je ne comprends pas qu’il n’ait jamais fait le lien. Toi personne ne t’as vue, t’es sure? » Elle continua de fouiller dans le sac un peu. « Dit, tu as pris des monster? Je pense que Pa’ en voulait l’autre jour, il c’est plein parce qu’on lui en avait pas laissé. » Elle ferma la bouche aussitôt, trop tard, le commentaire était sorti tout seul.

Key regardait de tous les côtés, voler ça devenait moins son style, elle préférait vraiment revendre la drogue mais sans parler à son crétin de blond... ça devenait un peu difficile. Elle renifla, elle allait devoir faire quelque chose pour ça certainement... même si l'idée était loin de l'enchanter. Elle ne pouvait accepter de devoir voler pour survivre, elle avait cette impression désagréable de retourner en arrière... elle pouvait ramener de l'argent, et même si ça la meurtrissait de devoir revoir ce pauvre con, elle allait le faire. Pour ses sœurs et son frère. Key était fière en un sens, mais quand c'était pour sa famille, elle mettait sa fierté mal déplacée ailleurs et elle était prête à faire des choses meurtrissantes. Voler, accepter que sa petite sœur séduise, dealer... elle secoua la tête, se faire la morale ne servait à rien. Certaine fois, on n'avait simplement pas le choix, tout le monde ne pouvait pas juste... se contenter de tout voir sous cette allusion qu'il y avait le bien et le mal. Les sœurs Halesmess n'étaient pas mauvaises, elles devaient survivre par elles-même depuis qu'elles étaient petites, ça n'était pas facile, et pour le faire, il fallait agir en conséquence. C'était comme ça.

Quand sa petite soeur lui tendit le paquet de chips, Key sentit son ventre remuer, elle avait faim, alors elle prit une poignée sans même se soucier de savoir si elle était classe ou non, qui s'en préoccupait de toute façon ? Certainement pas elle, elle alla même jusqu'à ramasser les légères miettes qu'elle s'était faites sur le menton. « Comme d’habitude, je ne comprends pas qu’il n’ait jamais fait le lien. Toi personne ne t’as vue, t’es sure? » Key hocha la tête, oui elle était sûre, les gens se méfiaient, la regardaient toujours longuement, mais elle avait tellement l'habitude qu'elle savait exactement quoi faire pour endormir leur méfiance, elle savait quand agir, quand faire un mouvement, elle était rapide et précise. « Ils ont des soupçons mais sans preuves ils ne peuvent rien dire. Et oui, ils ne m'ont pas vu. Aucun. »

Amy vérifiait le reste du sac, savoir ce qu'avait réussi à avoir son aînée. « Dit, tu as pris des monster? Je pense que Pa’ en voulait l’autre jour, il c’est plein parce qu’on lui en avait pas laissé. » Keira ouvrit la bouche avant de la refermer. Ne pas parler sous le coup de l'émotion, elle se l'était toujours interdite de peur que des choses pas belles à entendre n'en sorte... et quand ça concernait ses géniteurs, ça pouvait aller loin... Keira était celle qui pardonnait le moins, celle qui voulait le plus faire payer à ses parents pour les plonger dans cet enfer quotidien. Elle leur en voulait le soir quand elle était obligée de travailler dans un bar miteux pour payer ce qu'il n'assumait, elle les détestait quand elle devait vendre à des gamins leur drogue et les rendre dépendant d'une merde qui vous détruisait le cerveau, elle les méprisait quand elle devait voler comme aujourd'hui, pour subvenir aux besoins de sa famille car ils étaient incapable de l'assumer.

Elle avait assez espéré. Plus de 20 ans, elle avait crû à leur mensonge quotidien, qu'ils allaient changer, qu'ils allaient s'améliorer, qu'ils allaient devenir responsable et s'occuper d'elles... mais ça ne s'était jamais produit, ça ne se produirait sans doute jamais à vrai dire... mais Amy était plus jeune, Amy était le bébé des filles... elle voulait croire avec plus de force que les autres, qui aux fils des ans arrêtaient simplement de croire en l'impossible... Amy n'y pouvait rien, Keira se le répéta quelque fois avant de se racler la gorge. « Avant tout, remet ta jupe comme il faut, elle remonte... » lui fit remarquer Keira en surprenant certains regards masculins sur sa soeur... elle détestait ça, elle les fusilla du regard. « Et oui... oui j'en ai pris... je... hum, ça fait longtemps que je l'ai plus vu dans la baraque... il est venu quand ? » demanda-t-elle la mâchoire serrée... il devait être venu manger, dormir, changer de vêtement, leur piquer un peu d'argent avant de se plaindre et de repartir payer de quoi boire avec ce qu'il venait de voler à ses filles... le sentiment de colère balaya tout et elle plissa les yeux, incapable de retenir la remarque suivante. « Enfin, de toute façon, c'est pas comme s'il avait envie de rester avec nous, on représente tout ce qu'il a appris à détester ! » lâcha-t-elle de façon acerbe. Elle était presque persuadée qu'il les voyait comme un boulet, comme une sorte de poids qu'il devait se trimballer... alors que la métaphore allait dans l'autre sens, dans la famille Halesmess, c'était les enfants qui traînaient les parents.

Elle était habituée au regard des hommes sur sa personne, loin e la déranger, au contraire, cette attention particulière lui faisait un bien fou. Elle adorait marcher dans la rue, passer devant un homme et s’apercevoir grâce au reflet des vitrines qu’il se retournait sur son passage. Elle savait pertinemment qu’elle était belle, enfin, elle n’avait pas non plus l’allure des grands mannequins internationaux, mais sans vouloir se vanter, elle se détachait de la masse. Ou dans tous les cas, elle essayait le plus possible de le faire. Elle était habituée aux tenus provocateurs et aux robes aguicheuses. Elle était devenue pro dans l’art de se faire remarquer. Elle savait, évidemment, que ses habitudes dérangeaient ses soeurs (et encore, elles n’étaient pas au courant de la moitié de ses frasques.), mais elle ne pouvait tout simplement pas s’en empêcher. Au lycée, elle essuyait régulièrement des commentaires stupides et faciles du genre “pute” ou bien “agace”, lancé à tous les vents et elle savait qu’il y avait plusieurs rumeurs qui la qualifiaient (pour être polie) de ‘fille aux moeurs légères ’. Mais tant pis. Rien de ça ne la touchait vraiment. Elle était plus que consciente de l’image qu’elle projetait. Mai elle gardait la tête haute et savait ignorer, ce qu’elle considérait ‘indigne’ de son attention. Vrai, elle n’avait pas beaucoup de copine de son age, mais ce n’était pas vraiment ce qu’elle cherchait non plus, ce n’était pas ce dont elle avait besoin. Elle voulait des hommes et leurs attentions, pour quelque minutes ou quelques jours et la réputation qu’elle c’était crée lui en apportait à la pelleter. Elle se plaisait donc à jouer le jeu. Habituellement, sa soeur lui aurait demandé de replacer sa jupe proprement, elle l’aura probablement envoyé promener, mais comme elle se sentait déjà mal à l’aise d’avoir amené le sujet de leur paternel, elle s’exécuta sans passé de commentaires. Le sujet de leurs parents avait toujours été tabou sur leur toit. Disons qu’avec quatre filles à la tête fortes et à l’opinion bien trempée, ce genre de discussion ne finissait jamais avec des arcs-en-ciel et des licornes qui donnent des friandises gratuites. «« Et oui... oui j'en ai pris... je... hum, ça fait longtemps que je l'ai plus vu dans la baraque... il est venu quand ? » Elle haussa les épaules, gainées. « Il y a deux ou trois jours environs, j’étais seule à la maison. » Langage collé pour ; j’avais sécher mes cours pour dormir toute l’après-midi. « Enfin, de toute façon, c'est pas comme s'il avait envie de rester avec nous, on représente tout ce qu'il a appris à détester ! » Amy pris une grande inspiration et regarda ailleurs. La vérité était que, contrairement à ses soeurs, elle n’en voulait pas tant que ça à son père. Oui, ça la frustrait qu’il soit jamais à la maison, oui elle lui en voulait que Mary et Key aient été obligés de bossé depuis aussi longtemps qu’elle soit capable de s’en survivre pour les faire vivres, oui ça la gênait quand la police cognait à la porte et leur ramenais leurs pères frôlant le coma, avec une odeur épouvantable d’alcool, de vomis et d’urine. Mais elle se souvient aussi de deux ou trois jours, plus jeunes, où pour une raison quelconque John avait été sobre et elle avait pu apercevoir une idée du père qu’elle aurait réellement mérité. C’était stupide, quelques jours perdu, éparpillé, contre 17 ans d’hostilité, mais elle se rattachait à l’idée. « Dis pas ça. Ils ne nous haïssent pas, il est juste...» Elle ne se donna même pas la peine de finir sa phrase, ne sachant pas trop où elle s’en allait avec ça. Pour compenser, elle prit une nouvelle poignée de chips et manqua de s’étouffer avec. « Ça pourrait être pire. »

Key soupira, Amy était encore tellement... pas innocentes, plus aucune Halesmess ne l'était depuis des années. Elles étaient... différentes. Débrouillardes. Elles n'étaient pas plus adultes que les filles de leur âge, mais elles avaient un fardeau plus lourd qui les avait rendu complètement indépendante. Mais Amy avait encore cette chose que ses soeurs avaient perdu : l'espoir. Amy avait encore cette étincelle de croire que les choses pouvaient changer, aller mieux, que leur parent pourrait un jour changer, elle s'y accrochait avec tellement de force que Key n'avait ni le courage, ni la force de lui ouvrir les yeux. Mais elle savait que la chute serait lourde, que quand elle allait ouvrir les yeux, elle se prendrait une claque.

En tout cas, en un sens, ça rassurait quand même Key que la benjamine des filles soit encore... à croire aux choses, qu'elle ait encore cette force qui avait abandonné ces soeurs. Mais en même temps, il était difficile de rester normale quand on savait que Key savait gérer une maison et son argent depuis de nombreuses années, elle ne comptait plus sur ses parents depuis plus de 10 ans déjà. Entre l'alcoolisme de son père et les crises existencielle de sa mère, il y avait de quoi pêté un câble et commencer à faire n'importe quoi. Sauf que Key n'avait jamais pu faire totalement n'importe quoi. Il fallait être honnête avec sois-même, le fait d'être l'aînée avec Mary les avait rendu plus responsable rapidement, si elles s'étaient mise à déconner à proprement parlé, elles auraient été éparpillées définitivement dans des foyers. Elles étaient devenues contre leur gré le ciment de leur famille.

Quand sa sœur mit tant de cœur à défendre leur parent, Keira la regarda juste du coin de l’œil tout en écoutant sa remarque. « Dis pas ça. Ils ne nous haïssent pas, il est juste...» indéfinissable... leur père... était juste un pauvre con qui ne s'intéressait à elles que dans l'optique de l'argent... la brune détourna le regard en se mordant l'intérieur des joues. Parfois elle avait envie de crier, de hurler sa rancœur... parfois quand elle voyait son père étendu sur le sol de leur cuisine mort bourrée, elle avait juste envie de le prendre, de le secouer, de lui foutre des baffes, lui dire qu'il avait gâché leur vie, qu'il les avait rendu misérable et qu'elles étaient incapable désormais de s'en sortir, qu'à cause de lui, elles allaient souffrir toute leur vie. Parfois, elle avait envie d'aller voir sa mère juste pour lui dire qu'elle était inconsciente et inconsistante, que sa pitoyabilité n'avait d'égal que sa lâcheté... mais elle ne le pouvait pas et elle gardait enfermé tous ces non-dits et interdits qui ne demandaient qu'à sortir. « Ça pourrait être pire. » « Vraiment ? Tu le penses réellement Amy ? » finit par dire Keira en s'arrêtant au milieu de la route. Elle bouillonnait maintenant, elle n'avait pas su garder le silence. Pire ? « Qu'est-ce qu'il nous reste Amy ? Regarde-nous, obligé de voler pour se nourrir. Obligé de mettre des tenues courtes en espérant pouvoir avoir de l'argent ! Nous n'avons plus de dignité. Mary et moi ont a dû... tout laisser tomber et... on n'a jamais pu rêver, on n'a jamais pu espérer le moindre changement ! Comment est-ce que tu peux dire ça ! Pire pour qui ? Toi, oui, ça pourrait être pire ! Mais regarde-nous le reste de ta famille ? Bonny est intelligente et ne pourra jamais faire d'étude, elle continuera de travailler dans un putain de magasin de seconde zone toujours traité comme une parfaite idiote ! Kendra se fait payer pour sortir avec des garçons, t'appellent comment ce genre de filles ? Andromedra va plus à l'école, elle travaille toute la journée dans une putain d'usine dangereuse ! Ouvre les yeux, on le dit pas, mais on toutes conscientes des sacrifices qu'on fait pour cette famille ! Même Harry ! Je l'ai déjà vu raquetter d'autres gamins, il a 5 ans et il est obligé de ça pour avoir toutes ses fournitures scolaire ! En quoi ça pourrait être pire de voir sa propre famille n'avoir aucun honneur et fermer les yeux là-dessus parce qu'on n'a pas le choix ? » tout était sortit, d'un coup, tous les non-dit, tout ce qu'elles taisaient. Keira leva les yeux au ciel, elle ne voulait pas pleurer, elle ne voulait pas craquer, avoir déballé tout ce qu'elle avait sur le coeur lui faisait du bien... mais Amy n'était sans doute pas la bonne personne... mais qui d'autres pourraient avoir envie d'entendre ce cris d'une Halesmess, une petite renégate de la ville ?

Elle ne remarqua pas tout de suite que sa soeur avait arrêté de marcher, Key avait pratiquement fini sa tirade quand Amy se retourna pour lui faire face. Elle avait l’impression que sa soeur venait de la gifler et du serrer les courroies de son sac en toile dans ses poings pour ne pas sauter sur son ainé et la frapper le plus fort qu’elle pouvait. “Vraiment? Tu penses VRAIMENT que je ne suis pas au courant de ça ? Que sa me fais rien de me réveiller à quatre heures du matin parce que j’entends Mary rentrer de travailler, de devoir attendre qu’elle s’effondre sur le canapé épuisé pour lui enlevée ses bottes et la trainer dans son fucking-lit en paix? Que ça ne me fait rien de devoir entourer les souliers d’Harry chaque matin avec du scotch gris parce qu’il perd ses semelles depuis deux mois et qu’il doit passer l’hiver avec les mêmes chaussures aux pieds? Tu penses que sa ma jamais rien fait que ça soit Mary ou toi qui se pointe a l’école pour parler en tant que mes parents? Tu penses que ça me fait plaisir peut-être de voir les bassesses qu’on est obligés de faire? Tu penses que je ne sais pas qu’on est condamnée ? ‘Pire pour moi’, FUCK. Parce que je suis pas Mary, parce que je suis tellement conne que j’avais pas envie d’aller au collège peut-être, parce que je suis tellement stupide que rester dans ce trou perdu toute ma vie, je trouve sa géniale comme seule option. Parce que wow, si personne ne mérite de travailler et de subir ça, moi par contre, ça me plait de me faire chier et me faire attraper le cul par des prêtes quand j’essaye de ramener un chèque même pas assez gros pour nous payer l’électricité! Tu penses vraiment que je ne suis pas au courant de ma vie, de ce qui va m’arriver? J’ai dix-sept ans et je sais déjà, je sais déjà que dans une couple d’années, je vais me retrouver enceinte d’un marmot, alors que le père va être déjà loin, qu’à vingt-cinq ans je vais avoir l’air d’en avoir 36, tellement que je vais être fatiguée et épuiser, que mon enfant aura pas une vie plus rose que celle qu’on a eue, que je verrais jamais fucking rien d’autre que c’te ville de pourrie ! Fuck ! J’ai dix-sept ans et je sais que ma vie est finie, que je n’ai plus rien d’autre à faire que survivre, mais oui t’as raison, c’est fucking simple, fucking facile, je suis la fucking chanceuse du groupe! FUCK YOU.” Elle s’était mise à trembler et les larmes lui montaient aux yeux. En colère, elle laissa tomber son sac de provisions par terre et certains trucs que Key avait volés roulèrent sur le plancher. Elle était consciente de tout ce que ses soeurs avaient fait pour elle, elle savait qu’étant la petite dernière (mis à part Harry), elle l’avait eu plus facile pendant un moment, mais “plus facile” chez les Halesmess était déjà un gros coup à avaler. Ce qu’elle avait voulu dire, c’est qu’elles étaient encore là, encore ensemble, encore en vie, ça aurait pu être pire oui, elles auraient pu tomber sur des tuteurs qu’on voyait parfois à la télé et qui lui donnait la chair de poules quand elle plus petite. Et pas seulement ça, au moins son père se donnait la peine de se souler pour les oubliés, leur mère ... Une nouvelle vague de colère s’emparera de la brune quand elle pensa à sa mère au chaud, nourri, vêtu dans son stupide hôpital psychiatrique que ses enfants étaient obligés de payer pour elle. Leurs mères étaient lâches et la dégoutaient. “Si tu n’es pas contente, pars. On est tellement un poids pour toi, pis ton fucking honneur, de toute façon.” Son ton était acide. Mais Key l’avait tellement mis en colère qu’elle s’en foutait. Il y avait trop de choses qu’elle n’avait jamais dites à personne, trop de choses dont elle ne parlaient jamais et sa soeur venait d’appuyer sur le mauvais bouton. Elle avait grandis chouchouter par ses ainés et jamais elles ne l’avaient fait sentir de trop ou bien pesante avant aujourd’hui.

Keira écouta la plainte de sa soeur, son coeur se broyant plus Amy déversait tout ce qu'elle avait sur le coeur. La brune se sentait coupable d'avoir blessé sa soeur, son instinct l'avait poussé à protéger de façon inconditionnelle ses soeurs et elle se traîtait mentalement d'idiote d'avoir finalement craqué. Et devant Amy, le bébé de la famille en plus. Quand finalement, le dernier fuck you d'Amy résonna, Keira se sentait prise au dépourvue et elle ne savait absolument pas quoi répondre. Elle était tremblante, elle se sentait tellement... coupable. Mais elle savait que si elle faisait un pas en direction de sa sœur, Amy la frapperait dans le meilleur des cas.

Keira la regarda simplement dans les yeux, incapable de bouger ou de briser le silence qui s'était installé. Elle s'en voulait tellement. Elle se sentait tellement coupable pour le coup. Si Mary était là, elle lui aurait foutu une baffe... si Bonny était là... gosh, Bonny était tellement protectrice avec Amy qu'elle lui aurait retournée une baffe. Sans même le vouloir, Key venait de faire ce qu'elle s'était juré de ne jamais faire : blesser une de ses soeurs. Elle était déçue d'elle-même, déçue de n'être au final pas mieux que ses parents, d'avoir donné un tel sentiment de colère chez sa petite soeur lui retournait les entrailles. “Si tu n’es pas contente, pars. On est tellement un poids pour toi, pis ton fucking honneur, de toute façon.” Keira se mangea une claque en pleine face. Elle déglutit. Amy ne pouvait pas croire qu'elle regrettait ? Si c'était à refaire, tous les sacrifices, tous les mauvais plans... Keira l'aurait fait sans la moindre once d'hésitation. Parce qu'elle ne l'avait pas en pensant qu'elle sacrifiait sa vie. Dans sa tête ça avait été très clair immédiatement, si elle avait fait tout ça c'était uniquement pour être avec elles toutes. Pour avoir ce foyer que jamais leurs parents n'avaient pu leur donner.

« Amy ! Ne pense jamais que mon honneur passe avant vous ! Ne pense pas que vous êtes un poids c'est juste... démentielle ! Vous êtes ma famille, je ferais tout pour vous ! Si j'avais pu vous offrir ne serait-ce qu'une chance de vous échapper... je l'aurais tellement fait ! Je m'en fiche de moi ! Tant que Bonny, toi, Dora, Kendra & Harry avez une chance même minime de ne pas... connaître tout ça. Crois-moi qu'aussi longtemps que je vivrais, je ferais tout pour... pour être cette mère que Jane n'a jamais su être pour nous... je ne voulais pas te blesser, jamais. Pardon Amy je me sens tellement... » Keira inspira, elle ne voulait pas craquer, elle ne voulait pas être faible. Elle avait trop vu sa mère éclater en sanglot, elle avait trop vu sa mère devenir hystérique en pleurant... que ça avait une sorte d'effet néfaste dans son coeur... pleurer c'était se rapprocher de la folie de leur mère. « Je t'aime plus que tout Amy... je ne voulais pas te faire du mal. Jamais. »

Elle avait toujours été celle au dessus de ses affaires. Celle que rien n’atteignait vraiment, qui feignant l’indifférence et le détachement face à tout ce qui pouvait lui arriver. Ça faisait longtemps qu’elle avait accepter son sors, l’impossibilité de s’en sortir. Pleurer sur son sort ou bien se tuer à la tâche pour essayer de la changer ne changera rien. À la place, elle haussait les épaules et laissait le monde tourner autour d’elle. Elle jouait tellement facilement ce rôle, elle était devenue presque stoïque. Voler, mentir, se laisser tripoter, ça ne lui faisait plus rien, elle le faisait sans même y penser, par habitude. Elle connaissait que ça et pas autre chose. C’était sa manière d’être forte, alors que toutes ses soeurs s’efforçaient de la protéger, elle se cachait derrière une carapace à toute épreuve. C’était aussi sa manière des protégées, si elle se montrait inetereser, intouchable, ses soeurs auraient moins à se soucier d’elle. Mais parfois, elle avait l’impression qu’au lieu de couler sur son dos, les problèmes, les insultes, les bassesses, la honte, la peur, la fatigue, tout ça s’accumulait et formait un poids énorme sur ses épaules. Un rien pouvait déclencher ce sentiment, un appel des services sociaux, une phrase de son petit frère lancé à la légère, un rappel de sa vie misérable qui la prenait par surprise. Ces jours-là elle devenait particulièrement maussade et instable. Ces jours-là, comme aujourd’hui, elle pouvait se mettre à hurler contre sa soeur sans voir qu’elle avait autant de peine qu’elle.
« Amy ! Ne pense jamais que mon honneur passe avant vous ! Ne pense pas que vous êtes un poids c'est juste... démentielle ! Vous êtes ma famille, je ferais tout pour vous ! Si j'avais pu vous offrir ne serait-ce qu'une chance de vous échapper... je l'aurais tellement fait ! Je m'en fiche de moi ! Tant que Bonny, toi, Dora, Kendra & Harry avez une chance même minime de ne pas... connaître tout ça. Crois-moi qu'aussi longtemps que je vivrais, je ferais tout pour... pour être cette mère que Jane n'a jamais su être pour nous... je ne voulais pas te blesser, jamais. Pardon Amy je me sens tellement... » Elle ne bougea pas, ne cilla même pas, se contenta de soutenir le regard de son ainée le plus longtemps possible. Une chance de ne pas connaitre tout ça... C’était trop tard, c’était tellement trop tard, elles étaient damnées depuis la naissance et même si l’une d’entre elles était capable de s’en sortir un jour, il y a des choses qui ne s’effacent pas. Comme le fait de laisser une prête la toucher sous ses vêtements pour qui la laisse repartir avec l’argent de la quête du dimanche. Elle avait acheté à souper cette journée-là, elle se souvient que personne ne lui avait demandé d’où l’argent venait, c’était une question risquée autour de leur table. « T'es pas ma mère Key. T'es ma soeur. T'as le droit de partir quand tu veux. Si t'étais sensé tu l'aurais fait y a longtemps même. » Elle l’aurait fait. Surement, peut-être... Probablement pas.... Elle était tellement certaine que sa vie ne changerait jamais, qu’elle resterait toujours aux mêmes points qu’elle n’imaginait jamais ce qu’elle ferait si elle avait une chance de partir... La réalité de sa vie était tellement pesante qu’elle l’empêchait même de rêver à quelque chose de mieux. C’était inutile, épuisant et ça faisait trop mal. « Je t'aime plus que tout Amy... je ne voulais pas te faire du mal. Jamais. » Elle haussa les épaules pour montrer son éternelle indifférence, pour dire que ce n’était rien, pratiquement déjà oublier. Ce qu’avait dit Key allait tourner dans sa tête pour des semaines, elle ne pensait pas oublier la tristesse de son ainée aussi facilement. Mais elle ferait comme çi, c’était son rôle après tout. Elle se tourna lentement et ramassa tout ce qui s’était répandu sur le sol, remettant tranquillement leur précieux butin dans son sac trop lourd. « Je t'aime aussi. Et si tu pars, personne ne va t'en vouloir. T'en as plus que fait pour nous déjà. »