this is where we're meant to be
Quand on est petit, le monde il est beau, le monde il est rose. Bon, ce n’est surement pas une vérité universelle, et il doit y avoir une multitude d’exemples qui détruisent cette belle théorie, mais moi, je trouve que c’était comme ça chez moi. Mon père, ma mère, ma sœur, mes copines et les baisers volés derrière le pommier de la cour de récré avec mon amoureux (mais chut, c’est un secret !), c’était tout ce que je connaissais. Ici, c’est pas comme dans les grandes villes, les limites du monde étaient vachement limitées, mais quand on ne sait pas qu’il existe mieux ailleurs, on se satisfait facilement de ce que l’on a. En fait, j’étais carrément chouchoutée par tous les parents, et puis toutes les filles voulaient être amies avec moi, et oui, Velvet, c’était la plus cool. Leurs mères, elles m’adoraient. J’ai jamais bien compris pourquoi… J’étais loin d’être la plus intelligente, ni même la plus douée à l’école. Ma sœur, elle était vraiment forte là-dedans, à croire que tout lui est revenu à ce niveau-là. Heureusement pour moi, mes parents, ils en avaient rien à faire de ce genre de trucs, ils préféraient ma petite bouille d’ange, comme tous les vioks du coin. Du coup, un petit sourire, un air triste et le monde m’appartenait, c’était puissant, vous imaginez même pas. Pour revenir aux autres mères, parce que la mienne n’avait jamais été comme toutes ces autres, elles étaient jalouses de n’avoir pas eu une Velvet comme fille. En fait, je leur vendais leur dose de rêve quotidien, j’étais tout ce que leurs coincées de filles ne deviendraient jamais, et ce qu’elle n’avait jamais réussi à être ces grosses truies. A cet âge-là, je peux pas dire que je les détestais. Au contraire, j’adorais avoir tout les regards braqués sur moi, de toute façon. J’étais la reine du bac à sable.

Puis j’ai grandi, dans cette ville où je me faisais royalement chier, pour ne pas mâcher mes mots. Alors bon, évidemment, j’avais des copines, mais elles étaient bêtes comme leurs pieds, de vrais cruches, des futurs bonnes sœurs ! Ma sœur, c’était à croire si à 16 ans, elle ne demandait pas à mes parents de l’envoyer au couvent. Totalement incompréhensible cette meuf. On avait pas vraiment eu une éducation très pieuse, et à vrai dire, mes parents étaient cools, sans tabou, je m’entendais merveilleusement bien avec eux, ils me comprenaient. Moi, en revanche, je ne voyais et je ne vois toujours pas ce qui l’a rendu comme cela. Prude, chaste, sérieuse, pur produit de cette petite ville minable… C’était frustrant, et des fois, j’ai presque envie de la plaindre. Je sais pas comment elle fait, enfin, certains disent qu’elle, elle réussira dans la vie, mais moi j’y crois pas. Déjà quand j’étais petite, c’était moi qui devais la défendre des débiles de sa classe. Ils lui piquaient toujours son goûter, et elle, elle partait dans son coin en silence, les larmes aux yeux. Ne pas savoir se défendre, c’est pas bon dans la vie. Ici, c’est bien innocent, elle ne craint rien, mais quand elle devra partir ailleurs ? Au fond, ouais, bien sûr que je l’aime elle aussi. C’est pas comme une vraie grande sœur, c’est un peu comme l’inverse, comme si j’avais une petite sœur. Ouais, elle est mature et digne de confiance, mais elle se laisse marcher sur les pieds, c’est une putain de soumise !

Passons au collège. C’était l’école primaire avec les poussées d’hormones en plus. Pathétique, mais tellement drôle. En fait, c’est pendant cette période là que j’ai vu vraiment ce que je ratais en vivant dans ce trou. Pendant quelques temps, mes parents se sont offerts des petites vacances tranquilles en Nouvelle Calédonie. Alors direction New York chez ma vieille tante pendant ce temps, pour moi, ma sœur, et nos valises. Le paradis, l’éclate totale. Pas de mots pour décrire ça. J’ai adorait ces mois passés là-bas autant que ma sœur les a haïs. Ma tante, c’était une putain de vieille barge, l’avantage c’était qu’elle était pétée de tunes. Elle adorait le shopping, et puis elle pensait que je pourrais être mannequin plus tard, « aussi surement que ta sœur sera une vieille bibliothécaire aigrie et poussiéreuse » qu’elle disait. Alors pendant que ma coincée de sœur lisait, nous on allait faire les boutiques. Dior, Chanel, YSL etc. Le but, c’était de me montrer, m’habiller, me coiffer, me maquiller, elle aurait pu faire que ça de ses journées. Moi j’aimais bien, parce que tout le monde me faisait des compliments, et c’est fou comme c’est kiffant ! Là-bas, les gens étaient différents. Ils sortaient, s’amusaient ! Ca m’a carrément surprise. Bon, ils baisaient, buvaient, se droguaient et pleuraient aussi, mais ils avaient une vie au moins. Au final, je me suis laissée entraînée, j’ai pris ma première cuite à un brunch, j’ai fumé ma première cigarette sur les marches du MET et j’ai passé ma première nuit avec un mec au Plaza. Qui ici peut en dire autant ? Haha, surement personne. Bon, j’avoue, rien de bien sensas, que des trucs à deux balles, et sans vraiment de conséquences. Sauf quand ma salope d’aînée à tout balancé aux vieux dès notre retour. Du coup, bye bye la Big Apple et la super tata, quelle merde. Et puis, ils ont continué à être cool, mais ils me surveillaient tout le temps. Parce qu’en fait, ils étaient cools que parce qu’ils avaient bien capté qu’il y avait rien à foutre ici. Du coup, ma vie est redevenue chiante, sauf que maintenant je le savais…

Aujourd’hui, enfin maintenant quoi, c’est fun. Ca fait 2 mois que je vis avec ma sœur dans l’appartement, rien que nous deux, parce que mes parents sont encore en voyage. Je crois que cette fois c’est un tour du monde, des fois ils appellent, mais souvent je suis pas à la maison. Du coup, ma sœur donne des nouvelles pour deux, seule chose qu’elle fait entre deux révisions. L’avantage, c’est qu’elle fait à manger, qu’elle fait le ménage et qu’en plus, elle a arrêté d’essayer de me raisonner, je suis libre ! Autant dire que c’est la fête, et que j’en profite bien. Le trip total, dommage qu’il y est aussi peu de personne qui nous suive. Enfin bon, je me fais une raison, plus qu’un an, et puis j’ai plus tellement de temps que ça pour y penser !