Tijuana (Basse Californie), Mexique, 1993. △ A la fin de chaque été, les jeunes et riches Américains venus fêter la fin de l’été de l’autre côté de la frontière sont tous d’accord sur un point : Tijuana est une ville parfaite. Merci ses chers clubs, ses bars et ses pharmacies où ils peuvent se procurer tout ce qu’ils souhaitent tant qu’ils ont l’argent pour payer. Seulement, ils nient tous, autant qu’ils sont, l’existence d’un prix à payer pour toute cette mise en scène. Un prix parfois trop élevé. Bianca soupira, puis empoigna fermement la bassine d’eau qu’elle venait tout juste de remplir à la pompe commune. La jeune femme commença à marcher le long du chemin boueux, où grouillaient d’autres personnes dans le même état qu’elle ; habits certainement trop usés, mains meurtries par les travaux manuels, cheveux emmêlés par le temps. La Mexicaine salua deux ou trois personnes et se fraya un chemin parmi les habitations précaires, la plupart construites grâce à des cartons ou d’autres objets récupérés au fur et à mesure des semaines. Tandis qu’elle avançait lentement à cause de la charge qu’elle portait, elle observa tout autour d’elle la misère qui s’était installée : la situation était alarmante, mais il n’y avait que les habitants du Bidonville qui pouvaient le constater. La municipalité de Tijuana fermait les yeux sur leurs conditions de vie, préférait s’adonner aux activités comme le tourisme plutôt que de s’occuper des problèmes locaux. Et à cause de cela, chaque jour, le nombre de décès augmentait. Les conditions sanitaires épouvantables n’y étaient pas pour rien. Bianca bifurqua, et finit par s’arrêter devant une construction à l’image des autres : sale, instable, principalement faite à l’aide de plastique et de tôles. Bianca avait fait de son possible avec son fiancé, Gabe, pour tenter de l’améliorer et la rendre plus accueillante pour leur fille, mais rien n’avait réussi à masquer la réalité ; ils étaient pauvres, miséreux, et ils allaient le rester malgré tous leurs efforts et leurs volontés. No future. « Mamá ! » lança une petite voix, alors que Bianca posait avec précaution à sa place initiale, non loin des quelques mètres carrés protégés par une bâche. La jeune femme sourit à sa fille et ouvrit les bras pour la serrer contre elle. La petite se précipita contre elle, et sa mère lui caressa avec tendresse ses cheveux. Elle s’en voulait de n’avoir que cela à lui offrir ; de l’affection et une famille. Aucune trace d’argent, juste des câlins et aucun avenir. Toute cette vie avait commencé il y a maintenant un peu plus de quatre ans. A ce moment là, Bianca était âgée de dix-neuf ans, était femme de ménage dans un hôtel de Tijuana et avait un minuscule appartement écarté du centre-ville. Gabe était mécanicien. Ils avaient un toit, étaient sur le point de se marier et de fonder une famille… Puis la réalité les rattrapa. Lorsque Bianca tomba enceinte, elle fût mise à la porte aussi vite qu’il faut de temps pour le dire ; il ne leur fallut que neuf mois pour se retrouver dans cette situation : quelques semaines après l’accouchement, le garage où Gabe travaillait ferma à cause de la concurrence des firmes multinationales, et la décente aux enfers commença. Du jour au lendemain, plus rien, hormis un nourrisson à nourrir et leur courage pour se relever, peu importe comment, mais le faire. « Andrea, il faut que tu boives. Où est ton père ? » La petite fille pointa du doigt l’intérieur, puis mit ses mains en coupe pour récupérer un peu d’eau de la bassine. Bianca ébouriffa les cheveux de sa fille. Les journées, pour elle, se résumaient à aller fouiller un peu partout pour trouver des pequeños tesoros, jouer avec les enfants de la communauté, et s’amuser avec toutes les trouvailles que ses parents avaient pu faire dans les décharges. Parfois, sa mère l’emmenait jusqu’au centre-ville quand, après s’être soigneusement lavée et avoir mis de beaux vêtements (délaissés généralement par de riches personnes), elle allait chercher un job sans grand succès. Généralement, quand Andrea attendait sagement sa mère dans la rue, des touristes lui donnaient des sucreries, ou quelques pièces. Pour la petite fille qu’elle était, tout cela était amusant. Pour ses parents, chaque jour était devenu un combat. Tijuana (Basse Californie), Mexique, 1995. △ « Quelqu’un peut m’expliquer d’où vient cette gosse ?! » Réunion entre le représentant d’une grande entreprise pharmaceutique et l’équipe de Medecins sans Frontieres. Andrea se cacha la tête entre les mains, sachant pertinemment que cela ne changera rien à la situation. Si elle ne parlait pas l’étrange langue que le monsieur utilisait, elle savait très bien qu’elle s’était attiré des ennuis. Comme quoi, échapper à l’attention de la secrétaire et pénétrer dans la salle qui lui était interdite n’avait pas été la meilleure idée qui soit, à la réflexion… « Elle s’appelle Andrea Sanchez, elle vient du Bidonville à l’entrée de la ville. Ses parents sont tous les deux morts d’une Fièvre Typhoïde il y a quelques semaines, on est arrivé trop tard… Nous la gardons avec nous pour lui donner le traitement préventif le temps de lui trouver un foyer. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser… » Le médecin qui avait pris la parole se leva, laissant ses collègues négocier des antibiotiques avec cette vipère d’homme d’affaire. Il se devait d’éloigner la petite, et surtout, d’échapper à cette atmosphère qu’il l’enrageait plus qu’autre chose. Il attrapa Andrea par la main, tandis que celle-ci levait son regard vers lui, puis l’attira à l’extérieur de la salle, prenant soin de ne pas trop la brusquer. Ils parcoururent ainsi quelques couloirs, le temps de l’éloigner suffisamment du lieu de réunion pour qu’elle ne revienne pas une seconde fois. Docteur Zachariah Wilde s’accroupit pour être à la hauteur de ses yeux, puis soupira. « Andrea, tu savais que tu ne devais pas aller dans cette pièce. » dit-il d’une voix douce. « J’avais soif. » « Tu n’aurais pas pu demander à Meredith ? Elle est gentille, elle t’aurais donné un verre d’eau. » Andrea grimaça. La petite fille détestait tout simplement la secrétaire, et ce sentiment était partagé : ladite Meredith détestait les enfants – surtout les enfants Mexicains qui venaient des Bidonvilles, Andrea en était persuadée – et il avait été hors de question qu’elle lui demande quoi que ce soit. La petite était suffisamment têtue du haut de ses six ans pour ne pas changer ses opinions aussi facilement qu’un verre d’eau pouvait être servi. Zachariah esquissa un sourire, puis se releva avant de l’accompagner jusque dans son bureau provisoire. Cela faisait que trois mois qu’il était en mission au Mexique, après avoir parcouru le monde depuis à peu près sept mois, pourtant, l’endroit était déjà envahi par les dossiers et les cas à traiter. Tout juste diplômé d’une université de médecine, cet Américain avait voulu faire du volontariat dans une organisation pendant un an, le temps de consacrer son temps à des personnes qui en avaient vraiment besoin… Des personnes comme les Sanchez avaient pu l’être. La petite demoiselle était son premier cas de conscience. Leur rencontre remontait il y a deux mois, alors qu’il avait pris son courage à deux mains pour s’enfoncer dans le Bidonville qui décorait l’entrée de Tijuana, son matériel de premier secours dans une main, d’autres choses qu’il considérait comme utiles dans l’autre. Si Zachariah avait été confronté à la misère de certains pays Africains, s’il avait aidé les populations de certains Etats en guerre, il avait particulièrement été frappé par la pauvreté de ces personnes, par l’exclusion qu’ils connaissaient. Il les avait observé, impuissant, arrivant au milieu d’une épidémie contre laquelle il ne pouvait pas lutter avec ses collègues : il y avait eu bien trop peu de médicaments, bien trop peu de mains pour les aider dans leur tache. Le docteur Wilde avait fini par tomber sur la mère d’Andrea, parmi une trentaine d’autres personnes, au stade final de l’infection, et celle-ci lui avait confié sa fille dans son dernier soupir. Il avait eu des dizaines de patients comme celle-ci. Il avait essayé de les aider jusqu’à la fin, avait vu leurs problèmes, cependant, le visage de Bianca Sanchez ne réussissait pas à s’effacer de sa mémoire. Elle l’avait marqué, elle et sa fille. « Tu veux de la grenadine ? » demanda-t-il en prenant le sirop dans les mains. Andrea hocha la tête avec excitation. Le médecin versa un peu de grenadine dans un verre, puis ajouta de l’eau, avant de tendre la boisson à la petite Mexicaine. « Merci docteur Wilde ! » répondit-elle dans sa langue natale, avant de boire à grand trait son verre. Il la regarda avec tendresse. Il savait pertinemment que s’attacher autant à un enfant miséreux était mal. Zachariah avait parfaitement conscience que jamais ils ne lui trouveraient de foyer, qu’il n’y aurait pas d’orphelinat qui l’accueillerait, qu’elle finira par retourner là où elle avait vécu toute sa vie, à être élevée par ses anciens voisins, être la fille de la communauté. Pas d’avenir, rester dans cette condition toute sa vie, et très certainement mourir à l’âge de quinze ans empoisonnée par l’eau… Cette idée lui faisait mal. Tellement mal.
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Arrowsic (Maine), États-Unis, 2011.△ Ici, tu nous racontes ta petite vie. Si tu veux la rendre plus passionnante, il t'est permis d'ajouter des gifs ou des bannières, ainsi que de la musique. N'oublie pas de créditer les œuvres des autres en revanche. Pour ce qui est du contenu, on est très libéral sur ce forum. Tu fais comme l'inspiration te vient : en anecdote, en texte suivi, tu peux même nous confier une petite séance chez le psychologue de ton personnage s'il suit une thérapie. Les journaux intimes sont à la mode, alors tu peux aussi nous en montrer des extraits. C'est comme tu veux. Tant que tu atteins les trente lignes, on sera très heureux de t'accueillir parmi nous. |