« Au fond, j'crois qu'la terre est ronde pour une seule bonne raison : après avoir fait le tour du monde, tout c'qu'on veut c'est être à la maison. »

« Mikala ? MIKALA ? J’ai une surprise ! Où es-tu ? » Une jeune femme venait d’entrer en trombe dans son appartement, le sourire aux lèvres, à la recherche de l’homme de qui elle était tombée amoureuse. « Dans la salle de bain ! » C’est en rigolant naïvement que la même jeune femme alla rejoindre celui qui venait de lui répondre. Elle avait oublié qu’elle lui avait demandé de repeindre sa salle de bain en vert anis et blanc. Il avait accepté sans rechigner, par amour. « J’ai entendu le mot surprise ? » Ils s’embrassèrent amoureusement, leur sourire ne voulant pas se délocalisé. « Oui, tu as bien entendu. Tu te souviens quand tu m’as demandé si je voulais venir vivre chez toi, à Hawaii ? » Elle s’était assise sur le bord de la baignoire, en faisant bien attention à ne pas tacher son joli pantalon. « Oui, tu m’as dit que tu préférais qu’on reste à Arrowsic, pour ton travail et ta famille. » Il y avait un brin de tristesse dans la voix de Mikala, mais il n’en voulait pas à sa petite amie, Joan. Il la comprenait, même. « Et bien, figure-toi que… J’ai démissionné ! » Elle avait levé les bras au-dessus de sa tête, toute fière d’elle. « Quoi ? Mais pourquoi ? Es-tu folle ? » Sa fierté baissa d’un cran, elle ne s’attendait pas à cette réaction. « J’ai réfléchis, Mikala. Je veux vivre avec toi, à Hawaii. Je veux rencontrer ta famille, finir ma vie à tes côtés, avoir des enfants avec toi. Et si pour ça, je dois quitter mon travail, alors il n’y a aucun problème ! » Son sourire doubla d’intensité, elle voulait le convaincre grâce à sa jolie dentition et son sourire enjôleur. « Et ta famille ? » La jeune femme haussa les épaules. « Je reviendrais les voir. Allez, me dis pas que tu n’es pas content ! Montre-moi un peu d’enthousiasme ! » Le jeune homme s’approcha de sa bien-aimée et lui fit un simple baiser sur la bouche. « Ma chérie, je suis plus qu’heureux de ce que tu m’annonces mais je dois t’avouer que j’en suis plus que surpris, également. Tu sais, je m’étais fait à l’idée de rester dans le Maine, avec toi. Tu es sûre de ce que tu fais ? Tu ne vas pas le regretter ? » Joan, la jeune femme, sauta au cou de son homme en rigolant. « On va à Hawaii, mon chéri ! En fait, tu as repeint la salle de bain pour rien ! »

« Joan Haleigh Fever, veux-tu devenir ma femme ? » Nous retrouvons nos deux jeunes gens, Johanna et Mikala, sur une plage d’Honolulu, capitale d’Hawaii. Cela fait maintenant un an qu’ils se sont installés sur l’île et leur amour n’a fait que s’accroître. « Tu ne me demandes pas ça parce que je suis enceinte, quand même ? » Jeune femme au caractère fort, Joan posa ses mains sur ses hanches, voulant s’assurer que son bien-aimé ne se sentait pas obligé de l’épouser par sa grossesse. « Bien sûr que non ! Ça fait un bout de temps que j’y pense. Je t’aime sincèrement, enceinte ou non. » Il avait peur. Cherchait-elle des excuses pour refuser ? Trouvait-elle qu’ils étaient trop jeunes pur s’engager ? Après tout, ils n’avaient que 21 ans. « Joan Haleigh Kawena-Fever, ça sonne plutôt bien, non ? » Un grand sourire barra son visage. Elle savait que Mikala prendrait du temps à réaliser. « Ça veut dire oui ? » Comme souvent, Joan sauta dans les bras de son –désormais- fiancé. « Oui, gros bêta ! »

« ‘Lani… Je crois que… Qu’on s’est décidés trop vite… On n’est pas prêt. » Mon cul, ouais ! On doit se marier dans deux jours, tout est payé, réservé, non remboursé et tout ce que ce con trouve à me dire c’est « on n’est pas prêt » ? Il se fout de ma gueule, j’espère sincèrement qu’il se fout de ma gueule. Peut-être qu’il veut me tester ? Voir si je suis VRAIMENT prête. Franchement, au début j’ai trop cru à la thèse de la blague-pas-drôle. « Ahahah, trop bonne ta blague Keona ! Bon allez, déconne pas, on doit commencer à nettoyer la salle pour la réception. » Comme une abrutie, j’ai mis mon manteau, et j’me suis mise à l’attendre dans l’entrée. Au bout de trois minutes trente-six, j’me suis quand même dis que c’était pas normal et j’suis retournée dans le salon. « Tu comprends pas Aelani… Je suis sérieux. » Oh.Mon.Dieu. Il était vraiment sérieux. Ce con était vraiment sérieux. Genre, il voulait annuler le mariage. Genre, il n’est pas prêt. Genre, il ne m’aime plus. C’est pas comme si on était fiancés depuis un an et demi et qu’on allait se marier dans deux jours. Non non non, pas du tout ! « On n’est pas prêt ?! Tu ne veux pas plutôt dire que TU n’es pas prêt ! Ou attend, je sais ! Putain j’suis vraiment conne ! » Là, je suis énervée. Autant contre lui que contre moi. J’aurais dû le voir venir, c’était là, sous mes yeux ! Il était pas mal distant ces derniers temps, mais comme il se montrait très excité, pressé et content quand il parlait du mariage, alors je n’ai rien vu. « Non, Aelani… Arrête, ne dis pas ça… C’est moi le problème, j’ai peur, je crois. L’engagement, c’est… effrayant. » J’ai tellement envie de lui rire au nez que les larmes coulent. Ouais, ce n’est pas logique mais là, j’ai le droit. Je pleure comme une vieille meuf. « BAH BIEN SUR QUE C’EST TOI LE PROBLEME ! TU CROIS QUOI PUTAIN ? » Je commence à sérieusement m’énerver. Je fais de grands gestes comme si je jouais à fruit ninja grandeur nature. Il s’approche de moi mais je recule automatiquement. « ET TU L’AS DIS A TA CHELSEA BLONDASSE J’SAIS PAS QUOI QUE T’AS PEUR DE L’ENGAGEMENT ? ELLE EN DIT QUOI ELLE ? » Là, je suis à un taux de colère tellement élevé que je ne contrôle même plus le son de ma voix. Il s’approche de moi plus vite que je ne l’avais estimé et me prends dans ses bras. Non, mais pour qui il se prend ? Il croit que parce qu’il me prend dans ses bras je vais oublier ce qu’il tout juste de me faire. Il croit qu’instantanément, genre au contact de ses bras, ma colère va s’évanouir ? Il se fourre le doigt dans l’œil, mais bien profond ! « ‘Lani, tu dis n’importe quoi… Ne met pas Chelsea dans l’histoire. C’est entre toi et moi. » C’est que ça m’énerve encore plus. Si mes bras ne ressemblaient pas à deux petits spaghettis trop cuits, je l’aurais étranglé. Je le repoussais violemment. « NE ME TOUCHE PAS ! Mais c’est que tu la défends en plus ! » Maintenant que je le disais, cette éventualité me paraît tellement évidente que je me redemande pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt. C’est quand cette vieille meuf de Los Angeles de mes deux avait débarqué dans nos vies que tout avait changé. J’aimerais l’étrangler elle aussi. « Tu viens de faire la plus grosses erreur de ta vie. J’espère que tu vas regretter et que ce regret va te bouffer. On ne lâche pas une Kawena-Fever pour une… UNE CHELSEA BLONDASSE AMERICAINE DE MES DEUX ! » Connard.

« ‘Lani ? T’es où ? » Je grommelle. Pourquoi est-ce qu’on me rend visite ? C’est qui d’abord ? Et comment cette fille –parce que c’est une voix féminine- est rentrée dans mon appart ? Je ne réponds pas. J’ai envie qu’on me fiche la paix. C’est trop difficile à comprendre ? « Ah, t’es là ! Pourquoi tu… Aelani ?! » Quoi encore ? Je relève légèrement la tête pour voir qui me parle. COUSINE. Qu’est-ce qu’elle fout là ? « Quoi ? On t’a pas dit que le mariage a été annulé ? Tu peux rentrer chez toi, merci. Au revoir. » Je me recouche comme je l’étais avant qu’elle ne vienne m’interrompre. En fait, j’étais couchée là depuis plusieurs heures. Je ne pourrais pas dire combien, j’ai perdu la notion du temps, mais j’ai vu le jour se coucher, puis se lever. « Et toi ? On t’a pas dit que le mariage était annulé ? Qu’est-ce que tu fous dans ta robe de mariée ? » Connasse. Ça s’fait pas de s’attaquer à une femme qui s’est fait larguée deux jours avant son mariage. Mariage qui aurait dû avoir lieu aujourd’hui. Putain. « Aelani, tu te fais du mal bêtement. » J’hausse les épaules tant bien que mal. C’est pas facile de le faire coucher. « Rien à foutre. Comment t’es rentrée ? » Je la sens chercher une place pour s’asseoir à côté de moi. C’est vrai que ma robe est encombrante. Et alors, j’vous un mariage de princesse, moi ! « Bah euh… Tes parents m’ont dit que tu ne voulais voir personne, alors j’ai été voir Keona et… il m’a donné ses clés. » Je soupire comme si je voulais évacuer tout l’air de mes poumons. J’ai envie de pleurer. J’ai une très furieuse envie de pleurer. Mais pas devant elle, pas devant COUSINE. Cette fille, je l’adore, c’est ma cousine. Mais pleurer devant elle, c’est mal. Elle se souvient de tout et pourrait s’en servir contre moi. « Pourquoi t'es là ? Le mariage a été annulé, putain ! Annulé ! T’aurais pu rester dans ton Arrowtruc et faire comme si tout ce machin n’aurait pas dû avoir lieu, mais non ! T’as décidé de venir quand même et me rappeler que ce putain de connard de merde m’a lâchée deux jours avant qu’on se marie. LE MARIAGE EST ANNULE, TU PEUX PARTIR ! » Ouais, j’m’énerve contre elle mais si elle est pas contente, elle n’avait qu’à pas venir. Et puis merde, je pleure maintenant. « AELANI KAWENA-FIELDS ! Tu vas me faire le plaisir d’arrêter de me gueuler dessus, okay ? Et ensuite, tu vas arrêter de pleurer comme une merde pour cette merde ! Oh, ça fait beaucoup de merde, tu trouves pas ? » Et comme une abrutie… je rigole. Ouais, je rigole. Parce que COUSINE elle sait pas s’énerver et c’est toujours drôle. Je ressemble à rien. Je pleure et je rigole en même temps. « T’es bête. » « Ouais, mais t’as rigolé. Enfin j’crois parce que ça ressemblait à une grimace. T’es moche quand tu pleures, meuf. » « J’ai le droit d’être moche. J’ai le droit de pleurer. Il m’a larguée. Aujourd’hui, j’aurais dû être à l’église, en train de me marier et au lieu de ça j’suis en train de faire l’étoile de mer qui pleure dans mon lit. J’suis amoureuse de lui et ça fait très mal. Trop mal. Putain. En plus, j’vais le voir tous les jours. » Oui, parce que j’ai fait la connerie de tomber amoureuse d’un mec qui travaille avec moi. J’vous explique, j’ai abandonné mes études de médecine pour essayer de trouver ma voie. Et lui, c’est un peu le mec qui m’a engagée dans son magasin quand j’étais à la recherche d’un emploi. Vous voyez ? Donc j’peux pas ne pas le voir. Putain. « Bon, tu sais quoi ? » Elle attend une réponse, je crois. Réponse qui ne viendra pas. Je suis bien trop occupé à pleurer, en fait. Elle se lève et se met debout au-dessus de moi. Genre avec ses pieds sur ma robe. SES PIEDS SUR MA ROBE. J’vais la tuer. « Tu salis ma robe, grosse vache. » « J’m’en fou. Je disais donc : tu sais quoi ? On va emballer tes affaires, mais genre pas tout parce que t’en as beaucoup. Et j’vais t’emmener avec moi à Arrowsic. Tu vas vivre avec moi, tu vas oublier ce connard et tout va aller mieux, d’accord ? Non, en fait, c’est pas une question. Tu viens à Arrowsic, avec moi. Et puis, c’est pas comme si t’avais un super travail à responsabilités ici ! » Elle commence à danser comme une folle alors que moi percute seulement sa proposition-ordre. Moi ? Aller dans son village ? Jamais de la vie ! « Ok. » Finalement, Arrowsic, ça doit être cool. Tant que je suis loin de Keona.