On est dimanche et il est encore bien tôt. Nika Lorelai, mieux connu sous le surnom de Lory, a passé une bonne partie de la nuit dehors à marcher. Ce n’est qu’à huit heures vingt-cinq qu’elle se décide enfin à rentrer chez elle. Elle ouvre la porte de l’appartement et découvre qu’il est nickel, pas une seule bière vide qui traine par terre, aucune cochonnerie sur la table basse entre le canapé et la télé. Tiens, Maxence n’est pas rentré hier soir. Tant mieux, elle n’aura pas à se faire discrète. Ainsi elle va prendre sa douche. Elle ressort une demi-heure plus tard rouge comme une écrevisse –elle aime tellement sentir l’eau chaude ruisseler sur son corps qu’elle s’en brulerait la peau. Enroulée dans sa serviette bleue et rose, elle va dans sa chambre, enfile un slim noir, un débardeur blanc et un tee-shirt échancré au niveau des épaules. Elle se coiffe tranquillement puis attrape son sac dans lequel elle fourre son journal, sa pochette à dessins, ainsi qu’une trousse, un peu d’argent et une pomme. Une fois prête, elle enfile ses converses noires et part en direction de l’aire de jeux avec son MP3 aux oreilles. C’est presque si elle ne danse pas sur le chemin.

Arrivée au parc, elle jette son sac sur un banc et s’élance vers une barre suspendue à un peu plus de deux mètres du sol. Ses mains l’attrapent et la voilà qui remonte sur celle-ci pour prendre de l’élan et effectuer un tour puis deux, changer de prise et sortir en twist impeccable pour atterrir sur ses deux pieds en parfait équilibre. Son vrai plaisir restera à jamais la gymnastique. Un immense sourire s’affiche sur son visage et elle ne peut retenir un léger rire de bonheur. Elle part retrouver ses affaires et pause ses fesses sur le banc. Elle sort alors son journal et commence à écrire…

« Cher journal, je suis une gymnaste et ce n’est pas l’épilepsie qui va m’empêcher de faire ce que j’aime. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que même si je ne pourrai plus jamais participer à de grandes compétitions, je peux toujours m’exercer pour le plaisir. Oui, je sais… je n’ai pas mis les pieds dans un gymnase depuis très longtemps. Mais cette aire de jeux me convient. Après tout, lorsqu’il n’y a personne pourquoi est-ce que je devrais me retenir ? Si Maxence lisait ceci, il dirait que j’ai grandi mais c’est grâce à lui tout ça. Je crois qu’au fond, mon monde ne pouvait pas demeurer parfait jusqu’à la fin des temps, le vent tourne comme on dit. Oui, je l’avoue, j’attends toujours un véritable miracle. Mais dans un sens, je me dis : « à quoi bon ? ». C’est vrai, même si je récupère le feu vert des médecins pour la gymnastique, je ne retrouverai jamais mon niveau d’avant et encore moins ma place dans l’équipe nationale. Déjà, je ne suis plus en Roumanie et puis, il faut dire que pour une gymnaste sénior, je commence un peu à me faire vieille… Mon rêve serait donc alors bien terminé ? C’est dur d’y croire, c’est dur d’accepter… »

Lory ferme son journal et croque sauvagement dans sa pomme, elle se rend compte alors qu’elle a faim et qu’elle prendrait bien une boisson chaude. Elle part alors au café du coin. Elle s’achète ainsi un croissant et un grand « cup of coffee ». Après avoir payé, elle retourne s’assoir avec son calepin dessinant ce qu’elle voit en dégustant son bon café et grignotant sa viennoiserie. Elle reste là, assise dans le parc pendant des heures, si bien que les enfants commencent à affluer et elle ne peut résister à l’envie de les dessiner en train de s’amuser.