« Rooney, casse toi. » Quinze ans. Sutton avait quinze ans, Addison, lui, en avait dix-huit. Ils avaient la maison pour eux seuls ce week-end là, les parents étant partis pour deux jours romantiques à Venise. Pour fêter leurs vasavoircombien années de mariage, si la jeune fille se souvient bien. Addie avait organisé une fête, pour célébrer son anniversaire, bien que cela fasse deux semaines qu'il avait atteint la date requise. C'était samedi soir, peu avant que tous les invités n'arrivent. La jeune fille cherchait son cousin, pour lui demander une faveur. Elle ne s'attendait pas à une telle surprise en poussant la porte de la cuisine. L'adolescent était visiblement en très très bonne compagnie. Cette compagnie s'appelait Sara, Samantha, ou Sasha... peu importe. En petite tenue, elle faisait visiblement plaisir à son cousin, agenouillée sur le sol, pendant que lui roulait un joint.
A la vue de cette scène, Sutton arqua un sourcil et éclata de rire. Le garçon, gêné, s'éloigna de sa compagne et hurla à sa cousine de sortir de la pièce. L'inconnue se releva d'un bond et, rougissant, remit en place son mini-short. « Oh ça va, déstresse chou. Dis, tu me prêtes ta mob' ce soir ? » Addison se remit à sa besogne, et tout en finissant de rouler son joint, jeta de brefs regards à sa cousine. « Euh... laisse moi réfléchir... Non. » Sans s'en rendre compte, Sutton éleva la voix « Vas-y t'abuses ! Sois cool. » Très calmement, il prit le briquet sur le comptoir et tira une latte, qu'il fit durer. « La dernière fois, tu t'es croutée comme une merde dans un virage et j'me suis fait engueuler par les vieux. Et tu me dois toujours cent dix dollars de réparations ! » Il ponctua sa phrase par un grand sourire, et tendit le joint à sa copine. « Pis t'es trop jeune ! » rajouta-t-il avec un clin d’œil, amusé. Fronçant les sourcils, un peu vexée par ces paroles, Sutton se jeta au dessus du comptoir, afin d'intercepter le colis. « Eh connasse ! ». La compagne avait ouvert la bouche, provoquant un nouveau rire de la part de Sue. Elle avait l'habitude des coups d'une fois de son cousin. Très jalouse, elle avait d'abord tenté de les pourrir une à une. Jusqu'à ce qu'elle se rende compte que le jeune homme était adepte du plaisir perpétuel, plutôt que de la mollassonne habitude. Aujourd'hui, elle se foutait de ces filles. Elles ne les reverrait jamais. Jamais elles n'auraient aucune importance dans le coeur de son grand frère adoptif.
Elle ne répondit donc pas à la brunette, leva l'objet, comme pour trinquer avec elle, et fini par le porter à ses lèvres. « Elle a besoin d'apprendre le respect, ta petite soeur. » lança Sasha, Samantha, Sara, Samachin quoi à Addison, sur un ton hautain. Il ne répondit point, ne portant aucun intérêt à ces paroles. Mais Sutton, oh Sutton, allait lui en faire baver. Elle tendit le joint à son cousin, qui l'accepta en soufflant, il savait exactement dans quel état sa cousine était, et à quel point sa copine allait prendre.
Puis, Sue s'approcha de Sa-lohpeuh (a)- et commença à la rembarrer, les yeux dans les yeux. « Pardon ? Tu disais ? C'est ta famille ? Ton cousin ? Ta baraque ? Ton joint ? Petite pute-euh va. Je suis sûrement bien mieux élevée que toi. Moi au moins, je taille pas des pipes à tout va à des mecs que je viens tout juste de rencontrer. Donc tu vas te calmer tout de suite, sinon tu vas prendre un poing dans la gueule, pét-ah-sse. » Ne voyant aucun soutien de la part d'Addison, la jeune femme partit, vexée, de la maison en claquant la porte.
Échec et mat. As usual.

Six heures et quelques du matin, la jeune femme d'aujourd'hui dix-sept ans ouvrit les yeux. Réveil difficile, sommeil dérangé par une vibration très -trop- sonore sur la table de chevet. Sutton prit son portable dans les mains. Quatre appels en absence. Un message. "T'es où bordel ? Mon avion décolle dans une heures Rooney. Vas-y t'abuses ! Je comptais sur toi, t'es vraiment qu'une lâche." Elle soupira, et posa l'objet à l'endroit où elle l'avait trouvé. C'était le grand jour. Ça y est, c'était pour de vrai. Il allait la quitter. Elle se sentit monter les larmes aux yeux. Elle voulut aller se rafraîchir dans la salle de bain, pour ne pas réveiller son compagnon d'une nuit, et pour éviter d'éclater en sanglots. Pleurer était pour les faibles.
Mais il grogna, visiblement tout juste réveillé par son départ du lit, et lui demanda où elle se rendait. Elle se résigna, se rapprocha du lit, et fini par se poser à califourchon sur lui. « Tais toi. ». Elle l'embrassa. Il lui fit des bises dans le cou. Et la rengaine de la nuit se remit en place. Baisers, câlins et sexe. Elle l'avait rencontré la veille, mais ça ne la dérangeait pas. L'amour n'était rien pour elle. Elle n'avait aucun sentiment pour personne. Elle le faisait, parce qu'il fallait le faire. Parce que de nos jours, quand on baise pas, on se fait chier. Mouton qu'elle était.
Petite affaire finie, il sombra à nouveau dans le sommeil. Elle avait réussi à oublier. Pour quelques minutes seulement. Le voyant ronfler, elle enfila un tee-shirt et se remit en quête de la salle de bains. Elle attrapa son sac au passage et ferma la porte de la pièce. Elle posa une ligne sur le rebord du lavabo, l'usa et se regarda quelques secondes dans la glace. Exténuée, elle se laissa lentement glisser contre le mur, en tournant et retournant la même image dans sa tête. Il partait. Il l'abandonnait. Et elle n'avait même pas le courage de lui dire au revoir correctement. Fuyarde qu'elle était.

∞ « Addie, j'ai essayé, j'y arrive pas. Ça fait un an et demi que tu t'es barré de la maison, sans trop d'explications. T'as abusé. T'avais tout pour toi ici. Je comprendrai jamais pourquoi tu t'es barré. J'ai essayé de comprendre, mais rien n'y fait. J'ai essayé de t'oublier, c'est impossible. J'ai essayé de penser à autre chose, en vain. J'ai essayé de me concentrer sur mes études, mais sans toi, j'arrive à rien. Te remplacer ? J'ai même pas essayé. C'est peut être la solution, mais la simple idée m'est écœurante. Explique moi. Reviens moi.
Miss you, buddy. Please, come back. Love ya, anyway. »
∞ « Rooney, je peux pas rentrer. Je suis bien ici. Mais promis, je viens, bientôt. Je t'expliquerai tout. Je te le promets. Et putain, arrête d'y penser et profite un peu ! J'te connais, je suis sûre que tu ne penses qu'à ça. Et je te déteste pour ça. Je passerai à NYC quelques jours plus vite que tu ne le penses. See ya. »
∞ Fuck you Addie.
∞ « Sutton-Rooney ? » lança un jeune homme dans le hall de l'aéroport du Maine. « Ouais. C'est toi l'un de mes nouveaux coloc' ? » Le jeune homme acquiesca. « Bienvenue à Arrowsic, ma jolie ! » dit-il, sourire jusqu'aux oreilles. Il prit sa valise, et ils montèrent dans la voiture, direction une nouvelle vie.