Ashton se sentait ridicule mais il ne voyait pas du tout comment faire, il n’avait pas trouvé d’autre solution, il posa son stylo sur la table avant d’aller dans sa chambre, papier à la main. Il posa ce fameux papier, cette fameuse lettre sur son lit avant de prendre son sac de sport et d’y foutre quelques affaires au hasard, des pyjamas, des caleçons, quelques jeans, quelques t-shirts, quelques parce qu’à tous les coups, il n’allait pas pouvoir les mettre, il allait devoir mettre cette blouse affreuse et dégelasse de patient ridicule qu’offrait l’hôpital. Il passa ses mains dans ses cheveux, hésitant un instant à reposer ses affaires déchirer cette lettre et rester bien au chaud chez lui mais, il ne fit rien, parce qu’il savait qu’il devait le faire, il ‘était temps.

Il y a une semaine, Ashton avait appelé l’hôpital pour prendre rendez-vous pour sa putain d’opération la douleur l’avait fait entendre raison, il n’avait rien pu préparer comme il l’aurait voulu mais il avait dû le faire, il avait dû prendre ce putain de rendez-vous. Il s’était saoulé la gueule le soir pour oublier, oublier que bientôt sa vie ne serait qu’une putain de dépendance aux autres ainsi qu’une dépendance à la maladie, que bientôt marcher serait un calvaire pour lui, il avait bu pour oublier toute cette douleur externe et interne qu’il pouvait bien ressentir, il avait bu pour quelques secondes de répit, il avait bu parce qu’il n’avait rien trouver de mieux. Aujourd’hui, il faisait son sac et il avait terriblement envie d’un verre pour prendre son courage à demain et avouer à sa sœur qu’il allait devoir se faire opérer plutôt que de poser cette putain de lettre sur cette putain de table, il préférait trouver le courage dans l’alcool pour lui dire les yeux dans les yeux ce qu’il avait pour affronter sa peine plutôt que de lui écrire mais, rien à faire, il devait être sobre et lui, il avait tellement mais tellement peur qu’elle craque, tellement peur de lui faire du mal, de la bouleverser, il tenait tellement à elle qu’il voulait la protéger de tout, de lui, lui et son putain malheur, et sa putain d’opération. Elle était maman, il ne pouvait se permettre de la faire pleurer, parce qu’elle devait rire, rire pour son bébé, rire pour son petit ami qui lui-même en avait besoin en ce moment. Elle avait suffisamment de problème, elle avait trop de problème pour qu’il en rajoute, elle avait trop fréquenté l’hôpital pour qu’il lui donne le droit de savoir, elle avait trop à s’inquiéter pour qu’il se permette d’être la cause. Il ferma son sac soufflant un coup, il allait partir sans dire le moindre mot, putain c’était un connard de gros lâche ! Capable de se battre avec plus fort que lui mais incapable de voir des larmes dans les yeux de sa sœur. Il tâcha de laisser cette pensée de côté, mettant alors son sac sur l’épaule, les yeux rivés sur le sol, marchant direction de l’entrée.

Il allait mettre ses chaussures quand la porte d’entrée s’ouvrit, il releva soudainement la tête priant de toute ses forces pour que ce soit Mattia. Mais non…c’était bel et bien sa petite sœur… comme si la vie voulait le rattraper.

Il avait espéré pour rien, c’était bien Ella qui venait de rentrer avec Lleyton dans les bras et un beau sourire. Un sourire qui ne dura pas cependant, dès qu’elle vu le sac de son frère –et sans doute son visage déconfit du mec prit sur le fait- son visage se ferma. « Ash qu’est-ce que tu trafiques ? ». Bonne question, qu’est-ce qu’il trafiquait ? Plus rien maintenant mais sinon il avait l’intention de se barrer comme un voleur pour se faire massacrer le genou. Il la regarda sans pouvoir rien répondre, il n’y avait rien à dire, du moins il ne pouvait rien dire sans lui mentir. « Y a quoi dans ce sac ? ». Elle le connaissait, son visage décomposé elle ne devait avoir que cette image en tête, image qui avait suffi à la persuader que quelque chose n’allait pas. Et puis c’était Ella, elle avait toujours lu en lui comme dans un livre ouvert, ce n’était pour rien que ces derniers temps il la fuyait au maximum… et qu’elle lui avait fait la remarque. On ne s’est jamais aussi peu vu qu’en vivant sous le même toit. Voilà ce qu’elle avait dit la jolie blonde.

Il n’ajouta toujours rien, augmentant visiblement son angoisse, il ne le voulait pas mais, il ne savait pas comment agir normalement et simplement sans risquer de la mettre hors d’elle. « Je vais mettre Lleyton dans son berceau… ne bouge pas. ». Il regarda Lleyton, pauvre bébé à cause de son oncle il allait se retrouver dans l’endroit qu’il aimait le moins, dans son berceau. Il la regarda partir sans bouger, pourtant ça aurait pu être le moment de s’éclipser en douce de se barrer en courant… mais, il n’allait pas aller jusqu’à là, il n’allait pas laisser sa petite sœur dans cet état, il allait tout bonnement assumer ses conneries.

Sa petite sœur se retrouva à nouveau devant lui alors que son fils pleurait, Ashton aurait voulu prendre son neveu dans ses bras, ne pas lui imposer ça mais là c’était peut-être mieux que d’assister à ce qui allait suivre. « Tu m’expliques ? ». Lui expliquer, en effet ça serait sans doute une excellente idée, oh oui vraiment mais, avait-il seulement le courage ? Rien n’était moins sûr mais, avait-il le choix ? Il était certain que non. « Tu vas me détester Ella. ». Oui, elle allait le détester, lui en vouloir énormément, il le savait pertinemment, il sentait déjà ses tympans vriller… super une dispute avec sa petite princesse avant de se faire opérer, il avait vraiment merder, il avait abusé. « Je vais à l’hôpital… ». Il s’arrêta un instant… il avait vraiment lâché ça le plus naturellement du monde ? Sans une explication de plus ? Alors qu’elle en avait déjà gros sur la patate que Mattia y soit ? Oh putain, il était con jusqu’au bout des ongles ou plutôt jusqu’au bout de la langue. « Enfin rien de grave… tu sais c’est juste mon genou enfin… hum… ». Il se racla la gorge, se sentant mal à l’aise… merde merde et merde, il n’avait vraiment pas prévu de lui dire.

Il le voyait parfaitement, les traits du visage d’Ella qui se tendaient, l’agacement qui commençait à se marquer, l’agacement, quelle connerie ! Non, c’était de l’énervement. Il avait l’impression qu’elle allait exploser, que tout ce qu’elle retenait allait sortir d’un coup. Putain qu’est-ce qu’il avait fait… merde de merde… il avait vraiment abusé, un petit con, un gros con même ! Elle s’approcha de lui avec un regard qui lui donnait des frisons, elle était flippante et elle ne l’avait jamais ô grand jamais regardé de la sorte. Son pas n’était pas tout léger tout mignon comme d’habitude, non, il était bien trop assuré pour que ce soit une bonne chose, merde qu’allait-elle faire ? Ella n’avait jamais autant fait peur que ce jour-là, Ashton le jurait sur sa vie, même à l’hôpital après avoir accouché de Lleyton, elle était plus plaisante à voir –et pourtant c’était un zombie, un vrai de vrai !-. Elle inspira un grand coup, il pensait qu’elle allait se mettre à lui hurler dessus mais manqué ! Il sentit sa joue le brûler soudainement, une douleur violente et inexpliquée… il n’avait même pas vu la main de sa sœur lui venir en pleine figure tant elle avait été rapide. Et bordel de merde, ça faisant mal, sans plus attendre, il passa sa main sur sa joue –comme si ça pouvait changer quelque chose tiens !-.

« Et tu comptais te barrer comme ça ? Sans m’en toucher un mot ? Merde ! T’es mon frère ou un connard d’abrutit doublé d’un gros porc ? » Il ouvrit grand les yeux, ne sachant et ne pouvant absolument pas répondre, elle ne l’avait jamais autant insulté et… il ne l’avait jamais vu aussi énervé, il avait réveillé le…dragon qui sommeillait en elle et elle allait lui cramer les fesses bordel de merde ! Il aurait vraiment dû lui dire ou se barrer très très très vite et utiliser l’excuse de pauvre malade pour éviter cette furie –encore que vu comme elle le prenait mal… même en fauteuil roulant il y aurait eu le droit-. Le pire c’est qu’il voyait qu’elle serrait les poings, serait-elle capable de lui en remettre une ? Pitié non, ça faisait déjà assez mal… non mais vraiment. « Si ce n’est pas grave pourquoi tu ne m’en a pas parlé hein ? Tu me prends vraiment pour une gosse sans cervelle ou quoi ? Ne me dit que c’était pour ne pas en rajouter avec l’accident de Mattia… parce que je suis certaine que tu savais bien avant. Et quand bien même, j’avais le droit de savoir ! » Là, il commençait presque à comprendre pourquoi il faisait peur quand il cirait ses monologues… Ella était flippante quand elle prenait son rôle. D’ailleurs il se rendait compte que… c’était le grand frère qui se faisait disputer par la petite sœur… le monde à l’envers ! Mais, pour le coup, il n’avait pas matière à s’opposer, valait mieux qu’il fasse profil bas.

Il plongea son regard dans celui de sa sœur, un regard désolé avant de prendre la parole. « Je n’ai pas d’excuse… j’ai fait l’enfant, je ne voulais pas accepter la réalité et puis à la base je ne voulais pas me faire opérer… mais mon genou ne me laisse plus le choix et puis j’ai eu peur de ta réaction… c’est idiot et j’en suis désolé Ella. ». Il avait l’air tout con à dire ça, un gamin de dix ans pris en flagrant délit de dessin sur les murs ou après avoir fait pipi au lit, vous voyez le truc… « Cette opération est pratiquement sans risque… seulement comme ça touche le genou, la rééducation va être longue… ». Très longue, et il allait avoir besoin d’Ella, il aurait vraiment dû la prévenir, mais, lui demander d’être là pour le voir si affaibli c’était trop dur… il préférait fuir que d’apparaître faible aux yeux de ceux qu’il aimait.

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Qu’est-ce tu aurais dû me dire encore et que tu ne m’as pas dit ? ». Qu’avait-il de plus pour l’achever ? Tout un tas de chiffres qui n’était pas vraiment agréables à entendre. Il fallait qu’il lui dise qu’il n’a pas resté une nuit ou deux à l’hôpital mais bien deux semaines, parce que pendant deux semaines, ils ne pourraient pas poser les pieds au sol, rajouter à cela deux mois de béquilles à la suite desquels il fallait rajouter trois mois de rééducation pour marcher comme un canard boiteux. Enfin voilà, il fallait juste qu’il lui dise ça, il fallait simplement qu’il rajoute ça, le truc le plus facile à dire, surtout quand on voyait sa tête ! Il ne l’avait jamais vu aussi énervé, du moins… non, même par quelqu’un d’autre, il ne l’avait jamais vu aussi énervé.

Il ne disait rien, il la regardait faire les quatre cent pas dans le salon, il avait tellement peur qu’elle se mette à péter un câble, qu’elle lui en colle une à nouveau qu’il n’osait rien même pas répondre à ses questions, non mais vraiment, il s’était rarement sentit si con… surtout face à Ella quoi ! D’habitude c’était lui qui faisait la loi et on ne l’avait pas prévu de l’inversion des rôles… Il s’était toujours dit que Mattia était tombé sur la femme la plus compréhensive et la plus douce du monde, il avait toujours penser qu’elle le laisserait tout faire mais… là, il commençait à se dire que si Ella était douce et compréhensive… elle était quand même loin d’être du genre à se laisser marcher sur les pieds, un vrai caractère –oui, à vingt-sept ans il arrivait encore à être surpris par sa sœur, par des aspects d’elle-même qu’il oubliait-. « Bon allez… arrête de tourner autour du pot, dis-moi tout. ». Il la regarda s’installer sur le canapé, soufflant alors un grand coup, il allait devoir prendre son courage à deux mains là, l’épreuve lui semblait bien plus terrible que l’opération en elle-même, ouais, voilà, finalement il voulait y aller à l’hôpital et viiiiite !

« C’est une opération par rapport à mon arthrose au niveau du genou, la même que celle qui m’a empêché d’aller plus loin dans le basket. Mon genou me fait mal au point qu’il est préférable que je sois opéré… cependant, cette opération signifie deux semaines d’hospitalisation… ». Il releva les yeux vers sa sœur, il était vraiment désolé de lui dire ça comme ça, de lui apprendre si soudainement que pendant deux semaines il n’allait pas pouvoir prendre soin d’être, elle avec elle, la soutenir –notamment par rapport à Mattia-, s’occuper de Lleyton si besoin, pendant deux semaines, il allait la laisser seule mais, en plus ce n’était pas tout. « En revenant j’aurais deux mois de béquilles…et après ces deux mois seulement je pourrais réapprendre à marcher… ». Là, il aurait voulu se cacher sous le canapé pour ne pas apercevoir son regard, il s‘apercevait que ce qu’il lui disait là, c’était vraiment mais alors vraiment dégueulasse. « Je suis vraiment désolé de ne t’avoir rien dit Ella… vraiment. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop. ». Regardant l'heure, Ashton capta qu'il était déjà en retard, normal il n'avait pas prévu d'arriver en avance -et donc pas non plus de croiser Ella-. Il se leva alors pour aller chercher la lettre, celle qu’il lui avait écrite pour lui expliquer, il la glissa simplement entre ses doigts. « Je vais vraiment devoir y aller, mais s’il te plaît, lis cette lettre… elle t’expliquera tout. ». Il déposa un baiser sur le sommet du crâne de sa petite blondinette « Je t’aime petite sœur. » Et là tout simplement, il prit ses affaires, se dirigea vers la porte accordant un dernier regard désolé à Ella.