Le défilé venait à peine de se terminer que déjà la seconde partie de la soirée Halloween avait débuté. Déjà on pouvait apercevoir les groupes d'amis, et surtout les gens que je ne supportaient pas, m'enfin je ne supporte pas grand monde dans ce bled. Je vis les gens arrivés un par un, se retrouver pour discuter et parler du défilé qui avait été assez décevant vu la tenue de certaines personnes. Enfin qui suis-je pour juger les autres ? Sheila biensûr. Je regardais du coin de l'oeil, fixant chaque personne pour tomber sur Abbey, ma petite soeur. Génial la soirée commençait à merveilles avec cette vue épouvantable. Elle avait une robe de mariée, enfin c'est ce que je devinais de loin. Entouré par une jeune brune avec le costume de Cléopâtre, puis par Tonia et ensuite par Joy. Je ne connaissais pas Tessa, et très peu Tonia mais je savais beaucoup de choses sur Joy. D'ailleurs elle me faisait drôlement pitié cette nana, elle s'invente une personnalité pour se rendre intéressante, ou alors peut-être qu'elle est vraiment comme elle dit être et qu'elle assume vraiment le fait d'être la personne qui n'a pas d'amis ici. Non, cette fille n'a rien à voir avec moi, même si les caractères sont presque semblable je suis dix fois moins pathétique. Trop de blabla pour peu d'action. J'écoutais d'une oreille la discussion des jeunes filles, mais sans grand intérêts, je glissais juste une petite phrase qui provoqua Abbey, comme d'habitude. Vous êtes pathétiques les filles. Rien de méchant, c'était juste réaliste. Puis une première réponse. « Merci... Je dirais même pitoyable. » C'était Joy, j'écouta d'une oreille et cela sortait de l'autre. Elle aurait aussi pu éviter de polluer l'air. Et puis il fallait bien mettre un peu d'action dans la soirée sinon on pouvait carrément rentrer chez nous. « Toujours aussi agréable à ce que je vois. » Je me retourna vers elle. Madame savait enfin répondre à une provocation. Alors qu'elle avait deux conversations en même temps, avec Tessa et Joy, je squatta entre tout ce beau monde, et cela même si ça gêne quelqu'un. « Je ne suis qu'agréable avec les gens que j'apprécie. Tu n'en fais pas partis. » Au loin j'aperçu Robyn. La blondinette avait un drôle de déguisement, en fait je ne pensais pas qu'elle pouvait sortir dans cette tenue, la connaissant. Je me rapprocha d'elle, mais pas pour aller lui demander pardon après notre violente dispute, violente est le mot. Je lui en veut encore. « T'es tellement en manque que tu t'es déguisée en lapin pour te faire sauter plus facilement ? » Ce n'était pas une plaisanterie, ni une taquinerie. Je savais qu'elle pouvait retourner cette remarque contre moi, mais moi je m'en fichais, elle me connaissait. En fait, dans le fond je voulais qu'elle me parle, même si elle vint à m'insulter ou autre, je voulais juste entendre sa voix. Le reste, ses mots m'importaient peu.

Joy se donnait en spectacle. Joy empoisonnait les gens qui se trouvaient à côté d'elle avec sa méchanceté et son arrogance. Elle s'amusait d'eux, comme elle l'avait fait avec moi. Elle se croyait encore être la meilleure, elle se croyait encore à New York. Mais ici elle était à Arrowsic, et la façon dont elle s'appropriait cet endroit me dégoutait. « Oh, oui, tu sais comme j'aime la souffrance, la douleur, la peine ... Oui, tu sais. » Bien sûr. Il fallait bien que je m'attende à cette réponse. Joy était de marbre. Joy buvait cette souffrance comme on buvait de l'eau. Je ne comprenais pas. Et je ne comprendrais sans doute jamais. Je la regardais, sans rien dire. Elle me donnait mal au ventre. Sa simple présence m'exaspérait. Je ne voulais pas passer ma soirée avec elle. Elle m'était trop insupportable. « Halloween ne fait rien ressortir du tout si tant est que tout était déjà présent. Ouvre les yeux Barbie, le monde dans lequel tu vis n'existe pas. Et, je parle à Abbey, Casse-toi. Si seulement tu savais vraiment qui je suis ... » Elle s'adressait à Tonia d'une façon que je n'appréciais pas. Vraiment pas. J'avais du mal à cacher l'attirance que je portais pour Tonia. J'avais du mal à ne pas être touchée par ce qui la touchait elle. Mais je ne dis rien, parce que je ne voulais pas attirer les soupçons. Et puis Sheila fit à nouveau une brève apparition, histoire de mettre un peu de son venin elle aussi. « Je ne suis qu'agréable avec les gens que j'apprécie. Tu n'en fais pas partis. » Je soupirais. Combien de temps cette guerre allait-elle durer ? Éternellement ? Peut-être bien. J'avais mal à la tête. J'étais venue à cette fête pour m'amuser, mais pour l'instant je n'avais croisé que des personnes que je n'avais pas envie de voir. Comme si le sort s'acharnait contre moi. Alors sans réfléchir, je les laissais là, emportant un verre de champagne au passage, avant de me faufiler à travers la foule à la recherche d'un peu d'air. Quand soudain, je heurtais un Frankenstein laissant mon champagne s'étaler sur son déguisement pourtant très réussi. Confuse, je le regardais, avant de dire doucement : « Oh mince je suis vraiment désolé. »

« Salut, Tessa. Ton costume de dictatrice antique te sied à merveille. Joy, tu as l’air encore plus détestable dans cette robe. » « Je pourrais en dire autant de ton costume. Si tu veux, je t'arrange ça pour que ce soit réaliste. » ajouta-t-elle du tac au tac alors qu'elle détestait devoir se coltiner celles qui étaient disparues de sa vie il y a déjà bien longtemps. « Vous feriez un couple merveilleux, deux sorcières pleines de plans démoniaques pour détruire le monde. Ravie qu’Halloween ait eu le don de faire ressortir votre vraie nature. » « Dommage que ton costume ne soit qu'un costume, en ce qui te concerne. » « Halloween ne fait rien ressortir du tout si tant est que tout était déjà présent. Ouvre les yeux Barbie, le monde dans lequel tu vis n'existe pas. Et, je parle à Abbey, Casse-toi. Si seulement tu savais vraiment qui je suis ... » Tessa faillit pouffer de rire sous la puérilité de telles paroles. Joy apparaissait et pensait réellement pouvoir jeter tout le monde de cette façon en prenant la place qui lui revenait et celle de toutes les autres? Elle se foutait le doigt dans l'oeil. D'ailleurs, la soeur d'Abbey ne devait certainement pas la chercher pour vrai, telle qu'elle la connaissait, et Tessa leva les yeux au ciel sans plus faire attention aux babillages intempestifs.

« Vous êtes pathétique les filles. » Fronçant les sourcils en croisant les bras, Tessa porta son attention sur la soeur d'Abbey, la toisant du regard. « Pas autant que toi. Tu joues l'âme en peine à la recherche d'un ami imaginaire ou quoi? » Haussant les épaules en attrapant un verre d'une boisson alcoolisée pour en prendre une gorgée, son regard fut néanmoins attiré par la tête de Leandro, qu'elle avait vite fait d'oublier lorsqu'il l'avait saluer. Décidément, ce mec était sexy. Se détournant des filles pour lesquelles elle n'avait de toute évidence aucun intérêt, elle vint se planter aux côtés d'Abbey alors que ses prunelles déviaient sur les épaules musclées du frère de Graziella sans qu'elle ne prenne la peine de cacher son intrusion. Le détaillant du regard, elle ne fit pas vraiment attention à ce qui se passait autour et préféra focaliser son attention sur lui et sur la douce et naïve princesse qui se trouvait à ses côtés. Franchement, Abbey était pathétique à croire qu'on pouvait tout pardonner et à se dire que toutes deux auraient pu recommencer comme avant. C'était impossible et elle le savait. Pourtant, l'altercation entre Abbey et sa soeur suffit à Tessa pour que cette dernière se retourne, énervée. « Fous-lui la paix, bordel. » Non-dit: C'est moi qui la fait chier, ce soir. Et pourtant, Abbey disparut ensuite en les plantant là, comme elle savait si bien le faire. Tessa poussa un soupir, mais se rapprocha de Leandro jusqu'à venir frôler sa cuisse de la sienne. « On dirait presque que tu m'évites. C'est le cas? » demanda-t-elle, sensuelle, alors qu'elle savait pertinemment que Leandro n'avait pas aimé ses tentatives d'approche par le passé.

Debout de la foule, bousculé par les gens et à peine remarqué, Colton laissait son regard courir sur les silhouettes avec crainte et appréhension. Il ne savait pas ce qu’il faisait là, quelle mouche l’avait piqué. Autrefois, lorsqu’il vivait à New-York, jamais il n’aurait osé assister à un tel événement. Et pourtant, ici à Arrowsic, il avait l’effort surhumain de se déguiser. Mais cela ne l’amusait pas comme il avait pu le penser. À vrai dire, bien qu’il connaisse un bon nombre des participants, il lui sembla être incroyablement seul. Il chercha dans la foule quelqu’un capable de le distraire, mais ils étaient déjà tous en grande discussion. Alors silencieux et observateur, un verre de champagne à la main, il se contentait d’attendre. Indéfiniment et comme à chaque fois, il attendait. Dans sa tête, un entremêlement de pensées se chevauchait. Il pensait à la raison ridicule qui l’avait poussé à faire ça, il pensait à Tessa qu’il avait vu défilé sur le podium avant de prendre les jambes à son coup, il pensait à cette coupe de champagne dans laquelle il osait à peine tremper ses lèvres. Il ne tiendrait pas la soirée. Il n’aurait même pas le courage d’attendre les résultats. Il allait partir. Maintenant ! Et ce fut au moment même où il prenait cette décision qu’une jeune fille le heurta. Le contenu de son verre se déversa sur lui alors qu’il se mordillait la lèvre inférieure, gêné par ce contact. Son regard parcouru la silhouette de la jeune femme et il lui sembla qu’il avait déjà vu ces deux prunelles quelque part. Mais où ? « Oh mince je suis vraiment désolé. » Colton sourit au joli fantôme qui lui faisait face, un sourire bienveillant et compréhensif. Après tout, il fallait bien que ça lui arrive. Il était habitué à ce genre de chose. « Oh, ce n’est pas grave ! Ce n’est pas comme si j’avais prévu de rester de toute façon. » Fallait-il toujours qu’il fasse ça ? Dire aux autres ce qu’ils n’avaient pas besoin d’entendre ? Il se serait bien cogné la tête au mur pour être aussi débile. Embarrassé et confus, il se gratta la nuque à la recherche d’une phrase un peu plus intéressante que ce qu’il venait de dire. « Joli costume… Effrayant… » Colton Aames, ou l’art d’être d’une éloquence inexistante. Aurait-il réagit autrement s’il s’était rendu compte qu’il s’agissait d’Abbey ? Son Abbey ? Sans doute que oui. Ses mains seraient devenues moites et son cœur se serait affolé au point de se rompre. Heureusement pour lui, le mystère restait entier. Pour combien de temps, seulement ?

Halloween, c'est le monde des enfants. Celui des petits monstres courant dans les rues sous leurs masques de sorcières ou de morts-vivants, réclamant bonbons et friandises. Rhapsody peinait à croire qu’on puisse y prendre plaisir lorsqu’on est adulte. Les responsabilités pesant sur les épaules de la raison ne peuvent pas être oubliées, même sous les traits de Jack l’Éventreur ou de Pocahontas. Et pourtant, elle était là, bras croisés, un peu en retrait du reste des gens qui discutaient, s’amusaient. Et plus les secondes passaient, plus la jeune avocate se disait qu’elle aurait mieux fait de rester planquée chez elle devant les diffusions de vieux films d’épouvantes qui passeraient en boucle ce soir pour l’occasion. Il ne faut pas croire que la petite brunette était une jeune femme ennuyante et dénuée d’intérêt dont la vie sociale n’était rien d’autre qu’un vide interstellaire. Ce serait se mettre le doigt dans l’œil. Mais disons simplement que Rhapsody n’avait jamais aimé cette période de l’année et encore moins le principe de l’Halloween, même enfant. Peut-être parce qu’elle n’était jamais dans la même ville que ses copines pour cette période de l’année. Elle n’avait jamais passé une Halloween à Arrowsic avant d’être adulte, elle retournait dans le froid Canadien bien avant. Pourtant, elle était bien là, cette fois-ci, regrettant déjà sa décision de pointer le bout de son nez. Rhapsody avait assisté au défilé, elle avait regardé toutes ces têtes folles et remplies de rêves éphémères se pavanés comme si le monde leurs appartenaient en sachant qu’un après les autres, ils se planteront lamentablement en réalisant que leurs ambitions n’étaient que gaminerie. Enfin, certains plus que d’autres. Oui, elle était pessimiste, elle faisait avec. Avec la grâce de ceux qui n’ont pas conscience d’avoir une once de cette même grâce, la jeune femme de loi passa une main dans ses mèches brunes avec un ennui marqué, ce demandant pourquoi elle était venue, au bout du compte. Pour se fondre dans le lot? Ce n’était pas dans ses habitudes. Avec un soupire agacée, elle observa le liquide ambré dans son verre, une petite moue sur les lèvres, comme un enfant à qui ont viendrait d’apprendre qu’elle ne peut pas manger de gâteaux avant le repas. Rhapsody était bien décidée à tourner les talons quand un petit attroupement attira son attention. Arquant un sourcil finement dessiné, la jeune femme observa les jeunes individus avec un intérêt blasé.

Halloween avait été une fête que je n’avais jamais fêtée. Je n’avais jamais compris le principe d’aller mendier des bonbons aux voisins et de se déguiser pour faire peur aux autres. Moi, j’avais toujours été le garçon solitaire qui s’enfermait chez lui et qui gardait les bonbons pour lui. L’éternel exclu. L’éternel incompris renfermé sur lui-même, et impassible au reste du monde. Comme tous les ans, les rues d’Arrowsic se remplissaient d’enfants idiots et insouciants à l’affut de confiseries qui étaient aussitôt avalées après les avoir demandés. Comme tous les ans, Arrowsic avait fait son taux de citrouilles et autres babioles inutiles d’Halloween. Mais cette année, le maire avait jugé de bon de créer un événement plus important, presque égal au bal de la commémoration du bal d’Arrowsic. Un concours de déguisement, c’était ce qui avait été annoncé. Inutile de signaler que je n’allais certainement pas participer à ce concours débile et sans aucune importance. Je marchais nonchalamment vers la place de la mairie. Je n’étais pas déguisé, je n’en voyais pas l’intérêt. Je regardais autour de moi : tous étaient vêtus de costumes, aussi ridicules les uns que les autres. Au moins, ils avaient l’air de s’amuser. Je ne savais pas ce que je faisais ici. Je n’avais pas ma place. Je n’avais jamais eu ma place à Arrowsic, de toute façon. Je cherchais quelqu’un du regard, quelqu’un que je pourrais embêter le temps d’une soirée. Histoire de faire passer le temps et de m’extirper de l’ennui dans lequel je baignais constamment. C’est là que je la vis. Leona, du sang sur le visage, et une silhouette incroyablement attirante. Je me dirigeais alors vers elle, emportant un verre de vodka au passage. « As-tu trouvé ta victime ou pas encore ? » demandais-je, d’un air négligeant. J’appréciais la présence de Leona parce qu’elle aimait s’amuser, et qu’elle ne se prenait pas la tête. J’appréciais Leona parce qu’elle me rendait fou et que le jeu auquel nous jouions m’amusait beaucoup.

C'était idiot. Les gens étaient idiots. J'étais à l'écart pour ne pas me mêler à ce genre de personne que je trouvais drôlement minable, préférant regarder de l'autre côté pour pouvoir trouver quelqu'un de passable. Malheureusement, personne d'assez bien à l'horizon. La soirée allait être longue. C'était sans compter sur mon ami depuis quelques temps, sur le plus fidèle des potes : l'alcool. C'était interdit, tout était interdit pour les mineurs, mais je m'en foutais royalement, je n'avais pas besoin d'une autorisation pour me mettre bien et à l'aise dans une soirée, surtout dans cette soirée où l'ambiance n'était, franchement, loin d'être fun. Mon verre dans la main, je me sentais assez mal à l'aise. Quelques adolescents de mon âge étaient présents, mais c'était loin d'être les personnes avec qui je souhaitais passer le reste de ma soirée. C'est vrai quoi, ils craignent ces gamins, ils n'ont pas les mêmes idées que moi. En même temps, j'ai envie de dire, que je n'étais pas la fille qui avait le plus de potes dans l'enceinte du lycée. On dirait que ça les gênes d'avoir une fille libéré sur les idées et sur les sujets sexuels. Enfin, que voulez-vous ? Soudain, une voix vint me faire frissonner. C'est que je ne m'attendais pas à ce qu'on m'adresse la parole. Une voix masculine, que je pouvais reconnaître à des kilomètres de là. J'adorais son brin de voix, elle était sensuelle, peut-être moins que la mienne, mais sensuelle quand même. Rien qu'en me parlant il arrivait à me faire vibrer. Jay. Jay Walker. Le mec qui me ressemble le plus, celui avec qui je me suis entendue dès le début. « As-tu trouvé ta victime ou pas encore ? » Je me tourna vers lui, lui adressant un jolie sourire. Il faut le dire, je n'étais pas vraiment à mon avantage avec mon déguisement de vampire. « Je n'ai mordu encore personne. » Une petite plaisanterie faisant référence à mon costume. « Je suis bien contente de te voir, je commençais vraiment à désespérer. » J'aimais bien Jay, même si on ne passait pas beaucoup de temps ensemble. Il faut dire que sa copine Sharly ne m'apprécie pas beaucoup, peut-être parce que je chauffe son mec sans cesse et que je fais tout pour qu'il rompe avec elle, mais ceci entraîne cela. Cependant, je comptais bien profiter de ce garçon tant que sa blondasse n'est pas dans le coin.

« Ça peut aller et toi ? » Abbey me fit un sourire qui ne sonnait pas vraiment vrai. Je savais que ce n’était pas le fait de me voir qui lui faisait cet effet. En fait, j’ai bien remarqué qu’elle n’était pas à l’aise au milieu de toutes ces filles, et à vrai dire, j’étais dans le même cas qu’elle. Je lui répondis par un grand sourire. « Tu fais dans l’originalité ou c’est juste qu’il y avait rupture de stock en magasin ? » Je rigolais légèrement et je m’apprêtais à répondre lorsque Sheila, la grande d’Abbey fit son apparition. A ce moment-là, j’ai préféré m’effacer. Non pas que ces filles m’intimidait mais je voyais bien qu’elles ne s’entendaient pas et que ça pouvait partir en dispute et franchement, n’importe quel mec normalement constitué sait qu’il ne faut pas s’interposer dans une dispute entre filles. Alors je pris mon petit verre de soda et je me fis le plus petit possible, espérant que Tennessee, Graziella ou même Jenna arrive dans les prochaines secondes. Au lieu de ça, ce fut la petite Tessa qui vint se coller à moi, voulant certainement mettre en pratique l’une de ses nombreuses techniques d’approche. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est qu’elle ne m’attire mais alors pas du tout. « On dirait que tu m’évites. C’est le cas ? » Je soupirais tout en posant mes mains sur épaules afin de la repousser, assez fort pour lui faire comprendre de ne plus se coller à moi de la sorte. « Pourquoi je t’éviterais, Tessa ? » Si ce n’est parce que ses avances ne me plaisent pas du tout et parce que j’ai l’impression qu’elle se sert de ma petite adorée ?

Heureusement pour moi, Frankenstein ne s’était pas énervé et ne m’avait pas poursuivi avec son masque effrayant. « Oh, ce n’est pas grave ! Ce n’est pas comme si j’avais prévu de rester de toute façon. » Un léger sourire s’afficha sur mes lèvres. Je n’étais pas la seule à me sentir inconfortable dans cette soirée visiblement. « Moi non plus. Trop de monstres d’un coup, ce n’est pas bon pour le moral. » Je pensais notamment à Joy. Elle était le diable en personne. Et bien plus. Combien de temps allait-elle rester ? Quand s’épuiserait-elle ? Quand me laissera-t-elle enfin tranquille ? Une chose était sûre : sa présence me serrait l’estomac et me donnait la nausée. « Joli costume… Effrayant… » « C’est le but, merci. Le vôtre n’est pas mal non plus. » C’était étrange. La voix de cet inconnu sonnait comme une jolie mélodie, comme une mélodie douce et calme, comme une mélodie que je ne connaissais. Comme une chanson vieille comme le monde. Cela eut le don d’interpeller ma curiosité. « Moi c’est Abbey, enchantée. » Je souris, tout en tendant ma main vers cet inconnu peut-être pas si inconnu que ça. Et puis je détournais le regard. Autour de nous les gens s’amusaient, ils buvaient aussi, le sourire aux lèvres. Moi aussi j’aurais aimé faire partie de ces gens. Faire partie de ces gens qui s’enivraient d’insouciance et qui profitaient de chaque seconde comme si c’était la dernière. Oui, j’aurais aimé. Mais il y avait toujours des personnes pour gâcher mon bonheur, comme Joy, ou Sheila. A croire qu’on ne souhaitait pas mon bonheur. Comme si on voulait m’empêcher d’être heureuse. Je soupirais. Je n’avais plus tellement l’esprit à la fête. Finalement, je reposai mon regard sur cet inconnu mystérieux, avant de lui dire en désignant la tâche de champagne sur ses vêtements : « Si vous voulez je peux aller chercher quelque chose pour vous nettoyer. » Je me sentais un peu gênée d’avoir été si maladroite, mais par-dessus je me demandais qui pouvait bien se cacher derrière cette tête de Frankenstein.

Colton regretta le moment où cette fille l’avait percuté. Il allait devoir se montrer sociable. Faire la conversation. Être à l’écoute, répondre, etc. C’était quelque chose qu’il pratiquait peu souvent. Surtout avec des inconnus. Surtout lorsqu’il repensait à sa dernière rencontre surprise. Avec cet imbécile de Brésilien, qui lui avait des discours assez étrange sur la glace chocolat. Bref, mauvais souvenirs. . « Moi non plus. Trop de monstres d’un coup, ce n’est pas bon pour le moral. » Colton sourit, amusé de la réplique. C’est vrai que les vilains petits monstres qui se trouvaient dans la foule ne l’était pas que d’apparence. C’était beaucoup plus profond que ça, pour certain. « La prochaine fois, on attendra le carnaval. On se sentira plus en sécurité avec les cowboys, Spiderman et autres futilités du genre ! » Le jeune homme se surprit lui-même d’avoir osé répondre quelque chose du genre. Mais au moins, il essayait. On ne pourrait pas lui reprocher de n’avoir fait aucun effort pour se montrer aimable et plaisant à cette soirée. Non pas que quelqu’un lui ferait cette remarque, de toute façon. « Moi c’est Abbey, enchantée. » Le cœur de Colton se contorsionna douloureusement. Mais il ne laissa rien transparaître, attrapant la main de la jeune fille pour la saluer. Au contact de sa peau, de léger frissons le parcouru en repensant à son enfance passé à ses côtés. Abbey avait changée. Elle n’était plus exactement comme il se l’imaginait. Même ces lettres ne l’avaient pas rendue aussi belle. « Ravi de faire votre connaissance. » marmonna-t-il, prenant bien soin de garder son identité pour lui. Pendant que la jeune fille détailla l’assemblée du regard, lui se contenta de n’observer qu’elle. Ses yeux braqués sur cette silhouette qu’il avait tant craint de revoir. Et voilà qu’il lui face. A Abbey. Son Abbey. Celle qu’il avait rangée dans un coin de sa tête à New-York, celle a qui il avait écrit en arrivant ici, celle à qui il répondait toujours qu’il n’était pas prêt. Et il ne l’était visiblement pas. Tendu au possible, la gorge serré, il l’observait incapable de bouger. Lorsqu’elle reporta son attention sur lui, il eut l’impression que son regard le transperça. Il ne pouvait pas lui dire qu’il s’agissait de lui. « Si vous voulez je peux aller chercher quelque chose pour vous nettoyer. » Colton secoua la tête, perturbé, en signe de négation. « Oh non. Ne pars pas… » Les mots lui avaient échappé sans qu’il ne puisse les retenir. Il ne voulait pas que le joli mirage qu’elle lui offrait disparaisse aussi facilement. Caressant des yeux son visage, il sourit et déclara timidement : « J’ai peur de rester tout seul… Il y avait souvent des monstres dans mon placard, lorsque j’étais enfant. » Il voulait lui donner des pistes, il voulait essayer de lui faire comprendre qui il était sans avoir à le dire. Le dire serait beaucoup plus difficile. Beaucoup plus douloureux que plaisant.

La personne qui se trouvait en face de moi me semblait bien sympathique. Enfin j’allais peut-être avoir une conversation à peu près normale avec quelqu’un. « La prochaine fois, on attendra le carnaval. On se sentira plus en sécurité avec les cowboys, Spiderman et autres futilités du genre ! » Je souris. « On risquera juste de se prendre une étoile d’araignée dans la tête. Je préfère ça au sang des sorcières. » Joy, joy, joy. Toujours elle. Halloween était vraiment sa fête, celle qui lui correspondait le mieux en tout cas. Je la regardais alors furtivement. Elle baignait dans son élément. L’horreur, la peur, l’épouvante, l’angoisse. Le rouge, le sang, le noir. Joy était Halloween. A elle seule elle pouvait effrayer une ville entière. Elle semblait bien s’amuser, et son sourire mesquin qui était collé à ses lèvres m’exaspérait. A côté je pouvais voir Tessa qui semblait faire des avances à Leandro. Toujours la même. Je me retournais alors, me promettant de ne plus pointer mes iris sur la personne épouvantable de Joy. L’inconnu devant moi me serra alors la main. « Ravi de faire votre connaissance. » « Moi de même. » Un bref sourire s’afficha sur mon visage. Je ne savais pas qui était devant moi. Je ne savais rien de lui, mis à part le fait qu’il n’avait pas envie de rester ici et qu’il aimait sans doute le personnage de Frankenstein. Son attitude entière m’intriguait. Que pouvait-il bien se passer dans sa tête ? Pourquoi le mystère qu’il dégageait m’attirait autant ? Pourquoi son attitude, ses gestes et ses paroles me semblaient incroyablement familiers ? C’était sans doute une impression, une illusion due aux bulles de champagne. « Oh non. Ne pars pas… » Je fronçais les sourcils. Cette façon de parler, cette façon de tutoyer tout en exigeant quelque chose avec une jolie résonnance, je l’avais vu, je l’avais entendu. Mais où ? Perplexe, je restai alors devant cet homme dont l’identité m’échappait encore, mais dont l’aura m’était extrêmement singulière. « J’ai peur de rester tout seul… Il y avait souvent des monstres dans mon placard, lorsque j’étais enfant. » Je souris à cette confession. Je souris parce que je me retrouvais incroyablement dans les mots de cet inconnu. C’est là que je compris. Colton. Colton et sa peur des autres. Colton et sa timidité et sa douceur éclatante. Colton et sa façon de parler si particulière et si calme. Colton et sa façon de se rendre discret comme une poussière. Je savais que c’était lui. M’avait-il reconnu lui aussi ? Je voulais en être persuadée. « Moi aussi. Et j’avais tellement peur que je dormais dans la chambre de ma sœur, en secret. » Il le savait. Je le lui avais déjà dit. Il savait tout de moi, et je savais tout de lui. « J’adorais dessiner quand j’étais petite. » dis-je, d’une voix douce. J’essayais de plonger mon regard dans le sien, à la recherche d’une lumière, d’un signe me disant qu’il comprendrait ce que je voulais lui dire. Mes muscles se raidirent tout d’un coup, et mon cœur manqua un battement. Colton était en face de moi. Cela faisait des semaines que j’avais attendu ce moment avec une impatience fébrile. Ses lettres m’avaient réchauffé le cœur. Ses lettres m’avaient donné un second souffle. Savait-il à quel point ses lettres m’avaient remontées le moral ? Savait-il combien il me manquait constamment ? Et maintenant, nous étions là. Tous les deux. Comme on le voulait. C’était la réalité, et j’avais tellement du mal à le croire. « Tu me reconnais n’est-ce pas… Colton ? » J’inspirais l’air d’un seul coup. Voilà je l’avais dit. Une bouffée de liberté et de bonheur vint alors m’envahir. Mon Colton. Mon doux Colton. Plus rien ne serait comme avant à présent qu’il était là.

« On risquera juste de se prendre une étoile d’araignée dans la tête. Je préfère ça au sang des sorcières. » Colton avait sourit face à cette réplique. Au vue du regard de la jeune fille, elle devait parler de Joy. Mais contre toute attente, lui, il s’entendait plutôt bien avec elle. Bien sûr, il s’agissait d’une amitié assez étrange vu que la jeune femme entretenait ses travers mais… Une soirée avec Joy lui faisait du bien, elle lui faisait oublier sa vie pathétique et morne au profit de l’alcool à flot et des quelques taffes sur une charmante Marie-Jeanne. Toutefois, Joy n’était pas au centre de ces attentions ce soir. À vrai dire, depuis qu’il avait reconnu Abbey, il ne pouvait détacher son regard d’elle. Cherchant à transpercer le masque pour la voir la beauté de son âme. Une âme pareille à la sienne, si facile à comprendre. Souvent, il se demandait si ce n’était pas elle son âme sœur. Ce truc bizarre qu’on raconte dans les livres. Quand deux personnes sont irrémédiablement et incompréhensiblement attirée l’une par l’autre. Leur relation n’avait jamais été platonique et il ne lui sembla pas avoir voulu plus un jour, mais tout de même, c’était étrange. Elle le comprenait mieux que quiconque et il se reconnaissait dans ses yeux. Lorsqu’elle lui écrivait, il avait l’impression se sentir enfin entier. Comme si il était enfin compris et que le monde entier ne lui tournait finalement pas le dos. « Moi aussi. Et j’avais tellement peur que je dormais dans la chambre de ma sœur, en secret. » Colton sourit, se remémorant le moment où elle lui avait raconté cette histoire. Que c’était bon de la retrouver, d’entendre le son de sa voix. Elle était semblable un chant de carillons, doux, délicieusement étourdissant. « J’adorais dessiner quand j’étais petite. » Cette réflexion fit s’estomper le sourire qui lui bordait les lèvres. Il savait qu’elle avait compris. Il n’avait pas eu à dire grand-chose pour qu’elle le reconnaisse, il aurait du s’y attendre. Ils étaient comme ça. Immanquablement obligé de se retrouver, se reconnaître et s’adorer. Comme deux enfants en plein été, joue du lever au coucher, avec pour seul pensée la personne qui l’a accompagné. Abbey était son soleil. Que ce soit l’hiver ou non, sa présence le réchauffait. Parce qu’il n’était plus seul. Plus totalement. Il ne répondit rien pourtant, incapable de lui glisser quelques morts, sa gorge serré, craintif. Et si… « Tu me reconnais n’est-ce pas… Colton ? » Son cœur se serra douloureusement à l’entente de son prénom. Comme il sonnait terriblement doux entre ses lèvres, comme il se faisait caresse. Pour répondre à la question qui lui était posée, Colton s’empara de la main d’Abbey et la caressa du pouce. Silencieusement il déposa ses prunelles dans les siennes, refusant de briser ce moment. Son cœur cognait contre sa poitrine avec une certaine violence. Ça ne ressemblait pas à ce qu’il avait imaginé comme retrouvaille. « J’ai toujours su que c’était toi. » souffla-t-il en secret. Dès le premier instant, dès le premier moment… Il avait su parce que ça ne pouvait pas être quelqu’un d’autre, parce qu’il voulait que ce soit elle. Ses yeux s’humidifièrent, en proie aux larmes. Mais il se retint de les laisser couler. Il ne voulait pas lui faire cet affront. « Comme tu m’as manqué… Je… Mon dieu, c'est bien toi, Abbey. Ma belle Abbey… » Les mots s’étranglaient dans sa gorge alors qu’il refusait de lâcher cette main dans la sienne. Il ne savait pas quoi dire de plus, n’osait pas la prendre dans ses bras, seul son regard embué de larme parlait pour lui.

« Je n'ai mordu encore personne. » Je souris à cette réflexion. C’était pourtant étonnant. Leona était une de ces filles qui adorait mettre son grain de sel partout et qui était souvent à l’origine de discordes. D’ailleurs, si Sharly venait à la soirée, elle n’aurait sans doute pas apprécié le fait que je traine avec Leona. Mais Sharly n’était pas là. Pas ce soir, ou pas encore, je n’en savais rien. Depuis la fête foraine, nos échanges s’étaient faits très furtifs. C’était comme si elle m’en voulait. Mais de quoi exactement ? Soupçonnait-elle quelque chose ? Zephyr lui avait-elle parlé ? J’avalais difficilement ma salive. Depuis que Zephyr m’avait avoué ses sentiments, je me sentais incroyablement gêné face à elle. Je ne savais plus quoi faire. Oui elle m’aimait. Je l’aimais aussi, mais pas de la même manière. Toute cette histoire m’avait fait mal au crâne. J’avais mal pour elle. Elle allait souffrir à cause de moi. Et je m’en voulais terriblement. Et puis il y avait Sharly. Ma douce Sharly. Elle me manquait. Mais ce soir-là, j’étais en compagnie de Leona, qui n’était pas une mauvaise compagnie. Au contraire même. Au moins, avec elle, je pouvais oublier tous mes soucis. « Je peux être ta proie si tu le souhaites. » dis-je, un sourire négligé sur les lèvres. Entre nous, tout avait toujours été un jeu. Un jeu de séduction, sans doute. Et ce n’était pas pour me déplaire. « Je suis bien contente de te voir, je commençais vraiment à désespérer. » « Pourquoi, tu trouves cette fête trop ringarde ? » Je regardais alors autour de moi. Ils étaient tous idiots avec leur costume ! Comme si enfiler un stupide déguisement pouvait tout changer. « Je suis bien d’accord en tout cas. » Puis je regardais à côté de moi, à la recherche d’une bouteille. J’en avais terriblement envie. Je pris alors une bouteille de vodka même pas ouverte et la montra fièrement à ma camarade. « Ça te dit ? Ce n’est pas avec ton tout petit verre que tu vas t’amuser hein. » Je souris, satisfait, puis j’attrapai sa main afin de l’embarquer dans la foule. Je n’avais même pas attendu sa réponse : je la connaissais déjà. Je partis dans un coin plus isolé, là où personne ne nous dérangerait. De toute façon, ils étaient tous ignorants. Je n’avais pas besoin d’eux pour m’amuser. La présence de Leona me suffisait amplement. Alors j’ouvris la bouteille de vodka et versa le liquide dans deux verres que j’avais attrapé au passage. « Bon alors, on boit à quoi ? » J’attendais sa réponse sagement, fixant le fond du verre avec attention. Peu importe ce qui pouvait bien se passer ce soir-là, tout ce que je voulais, c’était oublier cette putain de vie.

La présente de Jay était surement la meilleure chose qui pouvait m'arriver à ce moment là. La soirée battait à son plein, mais franchement ce n'était pas le top. J'avais connu largement mieux. Enfin, je n'avais pas à me plaindre, au pire des cas je pouvais foutre mon nez dans quelques histoires mais mes victimes préférées n'étaient pas encore présente ce soir. Valentyne était surement la numéro une de mes victimes. Elle en aura vu de toutes les couleurs avec moi et je ne m'en lasse pas. Je ne l'ai jamais apprécié cette fille, elle est trop différente de moi, elle ne m'aime pas, elle n'aime pas ma façon d'être. Par contre, son demi-frère, je ne m'en plains pas, loin de là. Sharly faisait aussi partie de mes victimes. La blondinette c'est la copine de Jay. D'ailleurs, je me pose toujours la question : Qu'est-ce qu'il lui trouve ? Elle est différente, droite, coincée alors que lui baise avec tout ce qui a un trou. Mon alter égo. Je l'aime bien ce type. Justement, il était à mes côtés. « Je peux être ta proie si tu le souhaites. » Un sourire vint s'installer sur mes lèvres. Avec lui, ça a toujours été la même chose, un jeu. Ce jeu est un jeu crétin, on se drague, on se taquine. On s'aime bien, on ne se prend pas la tête. On aime tous les deux les mêmes choses, les bonnes choses, alors ça ne pouvait que passer. « Pourquoi, tu trouves cette fête trop ringarde ? » Je lança un regard autour de moi. Je n'aimais pas ce que je voyais. Franchement, cette fête était ringarde pour des gens comme nous. Je n'étais pas à ma place, je le sentais dans le regard des autres. Il pouvait le comprendre lui-même. « Je suis bien d’accord en tout cas. » Je fis la moue. Je suivis du regard les gestes du garçon, le voyant prendre une bouteille de vodka pas encore entamée. Il la posa sous mon nez, avec un sourire fier. Je lui rendis. « Ça te dit ? Ce n’est pas avec ton tout petit verre que tu vas t’amuser hein. » « Je te suis avec grand plaisir. » Il m'attrapa par la main et m’entraîna loin des autres, dans un coin plus tranquille afin de profiter à notre façon d'une soirée. Il remplit deux verres. « Bon alors, on boit à quoi ? » « A toi, ma nouvelle proie. » Je lui sourie et lui fis un clin d'oeil. « Bon, t'as une idée pour la suite de la soirée ou t'as décidé de passer toute la nuit ici ? » Question tout à fait innocente. C'est que je n'avais nulle envie de rester ici toute la nuit, si la fête était ringarde maintenant, elle le serait encore après. Je jeta un regard vers la foule de gens.

« Pourquoi je t’éviterais, Tessa ? » « À toi de me le dire ! » fit-elle simplement en haussant les épaules alors que Leandro la repoussait avec un peu trop de force pour que ce ne soit qu'accidentel. Il n'aimait visiblement pas sa présence et sincèrement, elle ne pouvait pas vraiment l'en blâmer, s'il était ainsi pote avec Abbey. Pourtant, Abbey et Tessa avaient été amies autrefois, vraiment amies et ce, même dans la tête de Tessa, mais les circonstances avaient fait en sorte qu'elles avaient coupé le contact. À quoi bon lui en vouloir toute la vie pour ça? Franchement, c'était insensé. Néanmoins, Tessa croisa les bras sur sa poitrine en poussant un soupir alors qu'elle venait tout juste de terminer le verre de punch qu'elle avait pris un peu plus tôt. « Tu sais que je te vois de moins en moins? Fallait lui dire, à Grazie, si ça te dérangeait que je sois là! » maugréa-t-elle en cherchant des yeux un nouveau breuvage à déguster et qui n'était pas sur la table qu'elle venait tout juste de quitter, refusant de retourner parmi ces pimbêches aux allures bravaches. Elles étaient franchement puériles à se faire la tête pour des raisons qui n'en valaient pas la peine, d'autant plus qu'Abbey et Tessa avaient eu des choses à régler, toutes les deux, et qu'elles n'avaient fait que s'immiscer dans une conversation qui ne les concernait aucunement. Distinguant plusieurs verres, un peu plus loin, Tessa s'approcha de Leandro, féline, avant de déposer un rapide baiser à la commissure de ses lèvres et de s'éloigner. « Tu m'ennuies... » murmura-t-elle avant de disparaître et de demeurer béate devant la scène qui se déroulait devant ses yeux. Colton et Abbey. Vraiment? Pathétique. Elle tourna les talons, la tête haute, disparaissant entre la foule de gens venus assister au défilé, cherchant à se faire oublier, pour une fois.

Combien de temps tout cela allait durer ? Tout ce qui était en train de se passer ne me plaisait nullement. Je n’arrivais pas à m’amuser totalement et je savais, sans l‘ombre d’un doute que c’était par la faute ou plutôt par le manque de ma meilleure amie. Oui, la rouquine me manquait, toutefois, je ne pouvais me résoudre à faire comme avant, comme si ce qu’elle venait de me dire n’avait aucune importance. Oui, une vérité et tout avait changé, je n’avais malheureusement jamais su faire semblant et cela ne commencerait pas aujourd’hui. Prise de peur ou plutôt paniquée face aux horreurs qu’elle pourrait bien me lancer à la figure, je préférais rester dans mon coin, buvant un bon verre sans alcool et surtout m’amusant. Voilà ma mission de la soirée, passée un bon moment, ne penser à rien d’autre qu’à profiter de la vie, rien de plus simple ; sauf pour une personne telle que moi. Jamais je n’avais pris cette habitude, me souciant bien trop de tout ce qui m’entourait. Regardant les gens autour, je ne pouvais m’empêcher d’écouter du coin de l’oreille la conversation qu’entretenait Abbey et les autres demoiselles. De loin, je la plainais un peu, la voyant attaquer de tous les côtés et je ne comprenais pas vraiment. En effet, pour moi, il n’y avait pas plus adorable, sympathique et totalement gentille que la blondinette. La connaissant depuis peu de temps, je ne lui trouvais, pour l’instant que des qualités, elle était d’ailleurs à l’opposé de sa sœur. En parlant de cette dernière, je faisais vraiment tout mon possible pour ne jamais regarder dans sa direction. Je ne voulais en aucun cas qu’elle vienne cracher son venin sur ma tendre personne. J’en avais déjà trop entendu et ses mots étaient encore totalement ancrés dans ma tendre tête. Je fus presque contrainte d’afficher une moue un peu réprobatrice tandis que je l’entendais s’acharner sur sa sœur. Je n’avais jamais compris pourquoi elles se détestaient autant, je n’avais pas jamais osé demander. Sheila m’aurait totalement envoyé sur les roses et puis, nous nous serions sans doute encore disputées. Ce fut à cet instant précis, pendant ces quelque secondes au cours desquelles je l’observais, qu’elle décida de s’avancer vers moi ce qui ne m’arrangeait vraiment pas. Je voulais fuir, le plus loin possible, ne pas affronter sa fureur, ne pas me sentir une fois de plus mal par sa faute. « T'es tellement en manque que tu t'es déguisée en lapin pour te faire sauter plus facilement ? » Les mots avaient claqués comme des lames de rasoirs. Était-elle vraiment à ce point sans cœur. Je la regardais sans le voir, la tuant du regard, lui faisant comprendre que je n’aimais nullement sa façon de faire et que cela n’allait pas du tout changer. L’envie de la frapper me pris à nouveau toutefois, ce n’était pas vraiment une bonne technique et je ne pouvais en aucun cas me permettre d’agir de la sorte avec elle. Il fallait tout simplement que je m’habitue à la voir comme celle qu’elle était vraiment ou plutôt qu’elle s’efforçait de montrer à tout le monde. « Ne confonds pas les rôles Sheila. De nous deux, je ne pense pas être celle qui se fait sauter facilement. » Les mots étaient sortis tous seul non, je ne voulais pas me montrer méchante, je n’avais tout simplement pas envie de me faire crier dessus d’une façon aussi blessante. Oui, j’étais totalement déçue par sa façon d’agir. « Ecoute Shei, je n’ai pas envie de me disputer avec toi mais si c’est pour me dire des choses dans le genre, va chercher une autre victime. » J’étais sincère, en effet, je ne voulais pas me disputer avec elle, simplement lui parler, sans ses vilaines choses, la retrouver, rien qu’un petit peu.

Finalement, je ne m'amusais plus. Personne ne semblait vouloir jouer, et à part me dire que je vivais dans le " too much " dans la certitude que je dirigeais le monde, et ci, et ça, personne ne voulais me donner des fils à retordre. Et du coup, je ne m'éclatais pas. Mon sang venait de coaguler, les plaquettes faisaient leur travail correctement, parfait petit thrombocyte, je vous ai bien éduqué. Tu parles, avec toutes l'héroïne que j'ai pu prendre, c'est encore étonnant que mon système immunitaire marche encore. J'observais Abbey qui venait de partir. Qui était le jeune homme avec qui elle parlait ? Je me rappelais alors des multiples plans à trois que nous avions fait. Elle, moi, et tous ses chanceux inconnus. Un sourire au lèvre, je partis de ce groupe qui ne m’intéressais pas pour me mettre à l'écart, fumer mon joint tranquille, boire mon whisky sans qu'on m'interrompe. La musique changea alors de rythme et j'appréciais de mieux en mieux ce qu'on nous proposait...

Mon cœur battait tellement fort, que je ne le sentais même plus. Sa présence, sa douce voix, son souffle. Tout était réel. J’étais à la fois heureuse et tétanisée. Heureuse d’avoir retrouvé un ami qui m’était plus que cher. Heureuse d’être en face de celui qui m’avait toujours compris, celui avec qui j’avais partagé une enfance formidable. Mais j’étais aussi tétanisée. Nous avions tous les deux peur. Peur de ce qu’il pouvait bien nous attendre. « J’ai toujours su que c’était toi. » Un sourire s’afficha sur mes lèvres. Évidemment qu’il savait. Il était Abbey et j’étais Colton. Nous n’étions pas deux personnes, mais bien une. Nous avions une complicité qui ne pouvait se déchirer. « Comme tu m’as manqué… Je… Mon dieu, c'est bien toi, Abbey. Ma belle Abbey… » Ses mots hésitants et tremblotants caressaient doucement mes oreilles. Je sentais que l’émotion commençait à prendre dans son cœur, et dans le mien aussi. Je le fixai dans les yeux, incapable de me détacher de ses prunelles si précieuses et si belles. Je vis alors les larmes monter à ses yeux. Je restai silencieuse, quelques instants. Puis je le pris dans mes bras. J’en avais besoin. Tellement besoin. J’avais besoin de ce contact avec lui. J’avais besoin de le serrer dans mes bras, et me laisser aller à mes émotions. J’avais besoin de lui pour avancer. Il était ma moitié, mon ami de toujours, il faisait partie de moi. Alors les larmes coulèrent, emplissant mes joues d’humidité. Mais qu’importe. Il n’y avait que lui qui comptait à présent. Nous deux. Côtes à côtes. Avec nos peurs, nos espoirs, nos rêves, nos déceptions. Nous deux, malgré tout. Les paroles me manquaient. J’étais bien là, dans ses bras minces. Le seul contact avec lui me remplissait de bonheur. Peu importe ce qu’il pouvait bien se passer.

Ce soir était une soirée importante. Halloween. Je n'avais pas vu Loneleï depuis mon arrivée à Arrowsic. Pourtant, à chaque fois que je sortais de mon appartement miteux, j'ouvrais l'oeil, je dévisageais chaque brune qui croisait mon chemin. Sans résultat. Mais je savais que j'aurais plus de chance de la croiser à la soirée d'Halloween. Quelle gamine de son âge raterait ce genre de truc ? Cela ne m'enchantait pas vraiment de perdre mon temps aux soirées de ce genre, mais ma soif de vengeance était plus forte que tout. Aussi, s'il avait fallu que je me tape deux heures d'une réunion sur des produits de beauté pour retrouver la Davenport, et bien je l'aurais fait. Je l'aurais fait, pour lui faire payer. Lui faire payer tous ces foutus cauchemars. Et ces deux années de taule. La mort de mon frère. Et d'avoir saigné mon coeur. Je lui pourrirais la vie de toutes les manières. En lui rappelant chaque jours ô combien je la détestais. En la harcelant sans arrêt. En la suivant dans la rue. Elle devait payer, c'était seulement une question de justice. "Elle paiera Thibault. Elle paiera de m'avoir rendu si con, et de m'avoir poussé à prendre cette bagnole et à te tuer." Les yeux levés vers le ciel, je parlais à mon frère. J'avais passé ma tête par la fenêtre, le temps de fumer une clope. La journée était passée à vitesse grand V. Comme la vie de mon frère s'était terminée trop vite. J'écrasai ma cigarette sur le rebord de la fenêtre, avant de laisser tomber mon mégot, sans même prendre la peine de vérifier qu'aucun passant ne risquait de se le prendre. La soirée d'Halloween devait être en train de commencer, le monde devait arriver, petit à petit. Alors, j'ajustais les derniers détails de mon costume, bien que j'avouais ne pas m'être foulé du tout. Un masque de vampire, un pantalon noir, une chemise blanche, et une cape noire, avec le col relevé. J'avais choisi de porter un masque, de manière à ne pas être reconnu par Loneleï, ce qui serait beaucoup plus amusant. Une fois prêt, j'avais quitté mon appartement, pour me rendre au Central Square. La musique y était moins ridicule que je ne l'aurais pensé. Et il y avait toutes sortes de créatures étranges. J'espérais que ma victime soit reconnaissable. Mais je comptais bien être attentif à tout. J'allais peut-être devoir reconnaitre sa démarche, ou même son parfum (que je n'avais pas oublié), cela dépendait de son costume. Avant d'entamer mes recherches, j'avais attrapé un cocktail quelconque au buffet. Et tout en le buvant doucement, je me faufilais à travers la foule, aux aguets.

Pourquoi y étais-je allée ? Au moment où je passai la porte d’entrée tout en tentant de me souvenir des raisons qui m’avaient convaincue, je n’en trouvais plus une seule. A part peut-être celle de laisser Reeven et sa femme seuls. Reeven était en quelque sorte le grand frère que je n’avais jamais eu, celui qui me soutenait et tournait le dos au reste du monde pour essuyer mes larmes. Il m’avait proposé deux semaines plus tôt de m’installer chez lui et sa petite amie, parce que l’ambiance à la maison était des plus catastrophiques, et j’avais demandé à mes parents sans plus attendre. S’ils avaient accepté ? Oui, mais seulement parce que Reeven, bien que nouveau ici, avait la réputation d’être un bon prof au lycée et que mes parents avaient toujours vénéré le corps enseignant, espérant qu’il me pousserait à donner le meilleur de moi-même dans ce qui s’apparentait à leur rêve, dans ce qui représentait ma plus belle lassitude. Les points positifs sur ma venue ici s’étaient volatilisés, et pourtant, déguisée de la plus simple des manières, je me refusai finalement le départ. Alors voilà que je me mettais à traverser la foule, à attraper une coupe de cocktail sans alcool au passage et me dirigeais vers un coin de la salle, relativement ombragé, espérant ainsi passer la plus inaperçue possible.