Je poussais la porte et jetais mon sac à l'entrée. J'étais ravie de ma séance. Je m'étais donné à fond. Et j'avais réussi mon nouvel enchaînement. Sans toucher le fond. Sans oublier une figure. En fait, j'aurais dû travailler les duos mais, Mila n'était pas là. Elle avait dit au coach qu'elle avait la grippe. Je savais qu'elle avait un concert. Mais, je ne lui en voulais pas. J'avais l'habitude. Ce n'était pas du temps perdu. C'était comme quand elle m'abandonnait les dimanches matins. Pour dormir. Parce qu'elle avait fait la fête. Ou pour une autre raison. Elle savait que je n'étais pas du genre rancunière. Et elle en profitait un peu. Mais, tant que ça ne nous pénalisait pas, ce n'était pas grave. Ma mère me tomba dessus alors que je venais juste de fermer la porte. Je la regardais. Elle avait l'air perturbée. Mal à l'aise. Inquiète. « Je vais ranger mon sac t'en fais pas. » Je voulais la devancer. Parce que même si je venais d'arriver, elle me faisait toujours cette remarque. Elle plongea son regard dans le mien. Elle avait vu un fantôme ou quoi ? « Je vais m'occuper de ton sac, va voir ton frère s'il te plaît. » Je haussais un sourcil. Ashton ? Je ne comprenais pas. Lui était-il arrivé quelque chose ? Il était à la maison ? « Ça fait des jours qu'il ne répond pas au téléphone et je suis sûre qu'il ne m'ouvrira pas la porte. » Je ne posais pas plus de questions. « Je vais y aller mais, je suis sûre qu'il va bien. » En fait, non, je n'en étais pas sûre. Parce que j'étais en froid avec mon frère. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il se passait.

Je marchais vite. Ma dispute avec Ashton ne changeait rien. C’était mon grand frère. Je l’aimais. Et il était hors de question que je le laisse seul. Que je le laisse dans la merde. J’imaginais un peu le pire. Mais, étrangement, j’étais certaine que ça concernait son mariage. Lou était peut-être partie ? En fait, c’était la seule explication que je trouvais. Ils s’étaient disputés, les mots avaient volé un trop haut. Mais, si c’était ça, j’étais certaine qu’elle reviendrait… bon, le mieux c’était de demander à mon frère. Tant pis si à la base, je ne voulais pas faire le premier pas.

La porte de son appartement était entre ouverte. J'entrais sur la pointe des pieds. Je découvrais le bordel de son appartement. C'était Bagdad. Il n'avait pas dû ranger depuis un moment. Preuve que Lou n'était plus là. Elle ne supportait pas ce bordel. Elle avait tout fait pour essayer de le convertir au ménage. Sans succès. J'évitais de glisser sur quelconque objet et/ou cochonnerie. Je me dirigeais jusqu'à sa chambre puisqu'il n'était ni dans le salon, ni dans la cuisine. Et là, je le voyais. Avec une fille. Autre que Lou. Le genre de fille qu'il ramenait à la maison durant son adolescence. Le genre de fille qu'il se contentait de baiser. A qui il disait bonjour et à jamais après avoir profité de leur corps. J'attrapais le soutien-gorge de cette fille du bout des doigts. « La fête est finie. » La demoiselle se retourna vers moi, lâchant les lèvres de mon frère. Cette situation avait quelque chose d'ironique. Une subtile inversion des rôles. Franchement, je m'en serais bien passée.

J'étais sortie de la pièce. Je n'allais pas les regarder se rhabiller. Et je savais qu'elle allait partir. Parce que mon frère viendrait forcément me voir. Qu'il soit ivre ou non. Et j'avais raison. Puisque quelques minutes après, la fille était sortie sans me regarder. Et Ashton avait fait son apparition dans le salon. Il s'était assis à côté de moi, visiblement gêné. « On va ranger ce bordel tous les deux et tu vas m'expliquer ce qui se passe dans ta tête. » Ce n'était pas une question. Mais bien un ordre. J'avais déjà la décence de ne pas l'assommer de remarques blessantes. Je faisais le premier pas. Alors, non. Il n'avait pas intérêt à faire le grand frère autoritaire. Je lui interdisais.

« On ne tire pas un trait sur toute une vie parce qu'elle est un peu cabossée. »

Ashton l’embrassais avec fougue et passion, comme si sa vie en dépendait, pourtant, il ne connaissait ni son prénom ni même la couleur de ses yeux, tout ceci ce n’était que l’œuvre de l’alcool et d’une peine de cœur idiote qui lui bouffait la vie. Peine de cœur idiote, c’était comme ça qu’il avait fini par qualifier son divorce, pour se permettre de croire que tout allait bien et que ce n’était pas grave, pour rester fier. Cependant, il suffisait d’observer le jeune professeur le soir pour comprendre qu’il sombrait, alcool et sexe à profusion ou alcool tout court quand la déprime était trop importante, le soir, il n’était plus le même, il le savait, mais, il s’en foutait, il ne voulait plus lutter contre ce mal être. Il jugeait que c’était le résultat de toutes les concessions et de toutes les souffrances accumulées durant son histoire avec sa femme –enfin ex-femme- qui le poussait à être comme ça. Il savait très bien que non mais, il fallait chercher des raisons, se trouver des excuses pour boire comme un trou pratiquement tous les soirs. Il ne prit même pas la peine de claquer la porte, trop pressé d’accompagner cette belle inconnue jusqu’à sa chambre, se lui retirer ses vêtements et de goûter aux délices charnels, trop pressé d’oublier les corps, les formes et les courbes de sa belle française, trop pressé de se protéger pour ne plus jamais connaître la douleur d’une fausse-couche.

Cependant, ces plaisirs-là ne serait pas pour ce soir puisqu’une petite voix qu’il connaissait bien ce fit entendre pour lâcher « La fête est finie. ». L’inconnue –que nous pouvons nommer Personne pour le fun- se détacha de ses lèvres pour observer la petite blonde qui venait de faire son apparition parce qu’Ashton savait qu’il s’agissait de sa sœur et personne d’autre, c’était d’ailleurs assez comique quand on pensait aux derniers évènements, il l’avait surpris avec Mattia et engueulé comme du poisson pourri et là, elle le surprenait avec Personne, il ne restait plus qu’à voir si elle avait plus de maturité que son frère ou non –même si Ash avait déjà sa petite idée sur la question-.

Malgré l’alcool qu’il avait dans le sang, Ashton se rhabilla en vitesse, laissant Personne se débrouiller comme une grande. Elle avait plutôt intérêt à se casser parce que là, ça allait virer à une réunion de famille –ou plutôt à une concertation puisqu’ils n’étaient que deux- et non pas à une partie de jambe en l’air. Personne avait d’ailleurs très bien compris les choses puisqu’elle avait quitté la pièce et l’appartement sans un mot alors qu’Ashton rejoignait sa sœur dans le salon où il s’assit sur le canapé, juste à côté d’elle. « On va ranger ce bordel tous les deux et tu vas m'expliquer ce qui se passe dans ta tête. » Il ne chercha pas à user de son pouvoir de grand frère, il se sentait trop honteux pour ça, il était comme un gosse pris en flagrant délit de vol de bonbons dans le placard. « J’ai simplement un peu trop bu et sauté sur la première inconnue, rien de plus Ella. » ça, elle s’en doutait, elle voulait sans doute savoir pourquoi mais, Ashton ne voulait pas se lancer dans de grands monologues et expliquer sa vie, même s’il savait qu’il n’aurait pas le choix, que d’une façon ou d’une autre elle parviendrait à lui tirer les verres du nez, c’était sa sœur et malgré tout il la connaissait par cœur.

Je regardais Ashton, dépitée. Il était vraiment dans un sale état. Il puait l'alcool à mille kilomètres à la ronde. Il avait une tête parfaite pour resident evil. Il était habillé... non, bon là je ne pouvais rien dire. C'était déjà pas mal. Je me levais du canapé pour aller chercher un sac poubelle. Hors de question que son appartement reste dans cet état. Hors de question que je quitte son appartement avant qu'il ait pris une douche. Putain mais, mon frère, sans une femme à ses côtés, il était perdu. Je l'avais toujours su mais, là j'en avais une nouvelle fois la confirmation. En même temps, ma mère l'avait toujours couvé. Bravo, on voit le résultat hein. Bref, je retournais vers mon frère. Qu'est-ce qu'il avait bien pu foutre pour que les choses tournent ainsi ? Je voulais bien le savoir. Mais, lui, il n'avait pas décidé d'éclairer ma lanterne. « J'ai simplement un peu trop bu et sauté sur la première inconnue, rien de plus Ella. » L'évidence même. Ça coulait de source. Il n'avait pas quelque chose d'un peu plus concret à me dire ? Une raison peut-être ? Ou ne pouvait-il pas m'expliquer pourquoi sa femme n'était plus là ?

Agacée, je commençais à ramasser ses cochonneries. Je n'avais pas de compassion là. Parce que je ne connaissais pas l'histoire. Parce que j'avais encore en travers de la gorge ses paroles blessantes. Parce que je n'avais pas aimé le voir avec une autre. Parce que je ne voulais pas retrouver un adolescent. Parce que je lui en voulais de ne pas être venu me voir. D'être trop têtu pour faire le premier pas. Trop fier. Je n'avais pas de compassion. Parce que ce soir j'aurais voulu voir mon frère. Pas son fantôme. Pas cette vieille loque. Parce que ce soir j'avais eu l'espoir que les choses rentre dans l'ordre. De pouvoir nicher ma tête dans son cou. Stupide espérance.

Je me tournais vers lui avec un regard noir. « Bouge tes fesses ! Je vais pas tout nettoyer toute seule. » Il ne devait pas savoir pourquoi j'étais aussi énervée. Mais, il devait savoir que l'étais. Il pensait certainement que c'était à cause de cette Marie couche-toi là. Mais, elle n'y était pratiquement pour rien. De toute façon, il était trop alcoolisé pour voir ma détresse. Pour voir que mon frère me manquait. « Je m'en fous de ça, tu le sais Ashton. Ce que je veux savoir c'est pourquoi ta femme s'est barrée ? » Je ramassais du bout des doigts une revue que je balançais dans la tête de mon frère. « Putain ! Mais Ash ! T'es en manque à ce point ?! » Une revue porno. J'espérais sincèrement qu'il n'y avait pas d'autres perles du genre. Ou alors, il avait plutôt intérêt à se bouger pour les ramasser. « Et le gosse, il est devenu quoi Ash ? » Parce que oui, Lou s'était barré, mais, elle portait son enfant. Et ce n'était pas rien. Elle n'avait pas le droit de partir et de retirer à Ashton le droit d'être père. Même si là... il avait surtout le droit de prendre une douche.

« On ne tire pas un trait sur toute une vie parce qu'elle est un peu cabossée. »

Ella se leva pour commencer à nettoyer, elle avait l’air en colère et Ashton ne savait même pas pourquoi, il ne savait pas et ne comprenait pas ce qu’elle pouvait ressentir, il n’avait pas conscience que le voir dans un état aussi pitoyable déchirait le cœur de sa sœur. Non, il ne voyait pas plus loin que son nombril et il était persuadée que c’était Personne –ah salope de personne tiens !- qui avait autant agacé la blondinette. Il était assis sur son canapé à insulter par la pensée Personne, dans sa tête, il se voyait tout à fait en train d’hurler à plein poumon sur la tronche de Personne qu’il avait déjà oublié. Le regard noir de sa sœur le ramena quelque peu à la réalité, quoi ? Il avait fait quelque chose de mal ? Pourquoi elle avait l’air de vouloir le fusiller sur place ? Il avait envie de lui dire soit gentille ma petite sœur d’amour, soit gentille je t’en prie, s’il te plaît redeviens un bébé, mon bébé, s’il te plaît. Ouais, il avait presque envie de se mettre à chialer pour ne plus voir se regard noir et redevenir un héros pour quelqu’un, avoir de l’importance pour quelqu’un, pathétique détresse, si’l avait pu être un héros aujourd’hui il n’était même plus bon à servir aux rats, personne ne voulait bouffer de la dépression, même en étant à l’agonie. « Bouge tes fesses ! Je vais pas tout nettoyer toute seule. » Hein ? Quoi ? Comment ? Qué pasà ? Nettoyer ! Ah oui, c’est vrai il fallait nettoyer, avec un balai, une brosse à chiotte, des sacs poubelles, des lingettes, il fallait que ça brille, comme cendrillon, non mais, franchement, elle avait vu sa tête ? Est-ce qu’Ashton Jaime Clarke en étant bourré était capable de nettoyer ? Même sobre il n’était pas foutu de mettre son assiette au lave-vaisselle ! Elle lui en demandait un peu beaucoup la petite jeune. Et pourtant, il se leva du canapé un riant pour rien pour se diriger vers l’évier et s’occuper de la vaisselle, finalement, peut-être que l’alcool le rendait docile avec sa sœur… ou peut-être qu’il voulait simplement qu’elle se casse au plus vite.

Le bruit de l’eau lui semblait harmonieux, calme et reposant, bien plus agréable que la voix de sa toute petite minuscule sœur qui était visiblement –enfin audiblement- toujours aussi agacée – et toujours sans qu’il ne sache vraiment pourquoi, après tout Personne était partie, elle avait qu’à courir après pour lui casser la gueule si elle l’énervait à ce point.- « Je m'en fous de ça, tu le sais Ashton. Ce que je veux savoir c'est pourquoi ta femme s'est barrée ? » Pourquoi ? Parce qu’elle en avait tiens ! Au fond ça devait faire mille ans qu’elle en rêvait. L’abandonner comme ça. Pourquoi ? S’il le savait. S’il avait compris. Il ne serait peut-être pas dans cet état. Elle était partie voilà. Partie sans vouloir partager la peine à deux. Partir comme s’il avait tué leur enfant. Partie, envolée, divorcée. « Pourquoi elle l’aurait pas fait hein ? J’en sais rien moi. Elle s’est barrée, elle demande le divorce, sur le papier y a pas écrit la raison, au fond, c’est sûrement parce que ça faisait presque trois ans et que de toute façon l’amour dure trois ans, c’est ça ? » De toute façon que vouliez-vous qu’il réponde à Ella ? Rien qui ne lui convienne puisque lui-même n’avait pas la raison, avoir subi une fausse couche ne l’autorisait pas à détruire un homme et un mariage, elle aurait dû énoncer ses raisons, mais, elle ne l’avait pas fait.

Soudainement, il reçut une revue porno en pleine figure sans trop comprendre ce qui lui arrivait. « Putain ! Mais Ash ! T'es en manque à ce point ?! » Il ne put s’empêcher de rire, ouais, il avait acheté une revue porno, pour voir si c’était vraiment utile mais, en fait, il préférait de loin la pratique en binôme être humain qu’en binôme avec sa main en gros, il préférait Personne que la branlette mais, cette revue, il pensait l’avoir jeté. « Oh ça va, j’avais plus de film. » il explosa de rire, il allait s’en prendre une à jouer sur ce terrain, il savait que sa petite sœur n’aimait ni les films ni les revues pornos, ça il était certain qu’elle ne changerait jamais d’avis là-dessus. Tout comme elle ne changerait pas cette manie de poser les questions qui font mal, -sauf que pour une fois, c’était un petit peu beaucoup intentionnel- « Et le gosse, il est devenu quoi Ash ? » Le gosse il était mort. Capoute. Y a plus. Crever. Enterrer. Même pas respirer. Anéanti. Il n’y avait plus de gosse, même plus dans le ventre de son ex-femme, Ashton avait envie d’exploser de rire en pensant que son propre gosse était mort avant lui, et qu’il n’avait même pas vécu d’ailleurs, comme quoi tout ce qui venait de lui était mauvais, prévu pour l’échec. Non, il ne fallait pas lui demander d’être optimiste en ce moment, même si sous l’effet de l’alcool il riait de tout, la douleur était bien là, prisonnière dans son corps, à deux doigts de le faire exploser. « Lou a fait une fausse couche » Lâcha-t-il sans regarder sa sœur, en se contentant simplement de continuer avec sa vaisselle.

Ashton s'était levé pour s'occuper de la vaisselle. C'était déjà pas mal. Il pouvait encore de lever du canapé. Je l'observais, tout en continuant à nettoyer. J'avais envie de le gifler. De lui rappeler qui il était. Et qu'il se devait d'être pour moi. Je voulais lui rappeler qu'il n'avait pas le droit de faire ça. De foutre toute sa vie en l'air. De me cacher des choses. Et d'agir comme un con. Parce qu'il était mon repère. Parce qu'il aurait dû faire le premier pas. Venir me voir pour me dire je suis désolée. Admettre qu'il avait besoin de moi. En fait, j'accumulais les déceptions. Je me mélangeais entre aujourd'hui et la dernière fois.

Je l'interrogeais sur Lou. Parce que malgré tout je voualis comprendre. Je voulais savoir ce qui se passait dans sa vie. « Pourquoi elle l'aurait pas fait hein ? J'en sais rien moi. Elle s'est barrée, elle demande le divorce, sur le papier y a pas écrit la raison, au fond, c'est sûrement parce que ça faisait presque trois ans et que de toute façon l'amour dure trois ans, c'est ça ? » Je regardais Ashton sans comprendre. Dépitée. Le divorce carrément ? Alors, c'était fini ? Définitivement ? Balayé trois ans de mariage ? Sept de vie commune ? Était-ce possible ? J'avais toujours vu Lou et mon frère comme le couple idéal. Le conte de fée des temps modernes. Avec des hauts. Des bas. Mais, un amour inconditionnel. Là, je tombais de haut. N'y avait-il rien qui durait ? Je ne voulais pas y croire. Il ne pouvait pas être séparé de sa femme. Non pas lui. Pas mon frère. Et pourtant, j'avais la preuve sous le nez. Ses paroles. Son appartement. Son ivresse. Je m'en voulais d'avoir osé lui en vouloir d'être dans cet état. Ce n'était que la peine d'un homme amoureux. Et je ne savais pas quoi lui dire. Quoi lui répondre. Je restais sans voix.

Je m'en voulais. Pourtant, je lui avais tout de même jeté sa revue porno en pleine figure. Je ne pouvais pas effacer ma rancoeur d'un coup d'un seul. Et il savait que j'avais horreur des revues et des films porno. Je trouvais ça puéril. Du goût des mecs du lycée. En fait, c'était vulgaire. Surtout quand les garçons comparaient les filles à ces actrices. « Oh ça va, j'avais plus de film. » Il explosa de rire. Je lui jetais un regard noir. Si je m'en étais voulu quelque peu précédemment, là beaucoup moins. Je n'avais pas envie de rester sur ce terrain-là. « Arrêtes ça ! » lâchais-je en continuant à ramasser toutes ses ordures.

Je préférais relancer la conversation. Comprendre un peu mieux. Ne pas me contenter du divorce. Il fallait que je sache pour l'enfant. « Lou a fait une fausse couche » Par contre, je m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me lâche ça comme ça. Et je pensais qu'il m'en aurait parlé avant. J'aurais cru l'apprendre comme ça. Je pensais qu'elle était partie avec l'enfant. Je posais délicatement le sac pour me diriger vers mon frère. « Ash, t'es sérieux là ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? » Je le regardais, peinée. Je posais une main rassurante sur son épaule. J'avais envie de le prendre dans mes bras. Et pourtant, j'étais là, interdite.

« On ne tire pas un trait sur toute une vie parce qu'elle est un peu cabossée. »

Sa petite sœur était sans voix face aux explications de son frère, il faut dire qu’elle avait toujours imaginé que le couple durerait toujours, un peu comme leur parent, elle croyait tellement en l’amour éternel que forcément, le terme divorce devait lui donnait la nausée. Mais, pour une fois ils étaient deux, lui aussi, il ne supportait pas se terme et encore moins ce bout de papier qui mettait une fin définitive sur sa plus belle histoire d’amour, sur sa seule histoire d’amour puisque le reste n’avait été que des histoires de fesses. Malgré ça, Ella s’énerva quand même sur les films pornos en lâchant un « Arrêtes ça ! » auquel Ashton eut un sourire amusé, quand elle s’énervait comme ça, il savait que c’était elle, que c’était son Ella, son petit bébé, tout prude qui n’avait jamais eu l’idée d’avoir un orgasme devant quelconque magazine ou film, ouais, là il savait que c’était son bébé qu’il pouvait et qu’il voulait protéger de tout.

Le truc c’est qu’Ashton ne garda pas ce sourire amusé bien longtemps, sa sœur préférant mille fois changer de sujet et lui poser les questions qu’il ne voulait pas entendre ce soir. Il faut dire que l’adolescente avait un don pour ça, pour poser des questions indiscrètes dans les moments le plus inappropriés –même si on pouvait très bien accorder à Ella qu’il n’y avait pas de bon moment pour parler de la perte d’un enfant-. Alors, il lâcha avec une sorte de rire triste, de rire mélancolique et douloureux, quelque chose d’indescriptible qui ne faisait que prouver sa douleur, il ria de cette façon en disant que son ex-femme avait fait une fausse couche. Voilà, sa sœur n’avait plus qu’à se débrouiller avec ça, elle en faisait ce qu’elle en voulait mais elle n’avait pas intérêt à poser des questions parce qu’Ashton, parce que son grand frère était au bord du gouffre et qu’il n’était plus tout à fait le même, il était pris d’une peine qu’il n’avait jamais connu et il y perdait tout, sa dignité, son courage, ses valeurs, ses croyances, ses certitudes, il perdait tout, il se perdait lui. La jeune fille posa délicatement son sac d’ordure pour se rapprocher de son grand frère, elle avait le regard peiné mais, elle ne pouvait pas souffrir autant que lui, ressentir ce qu’il avait perdu, non elle ne pouvait pas. « Ash, t'es sérieux là ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? » Elle posa une main rassurante sur l’épaule du brunet mais cela ne le priva pas pour autant d’une colère inexpliquée.

Il retira violemment la main de sa sœur avant de serrer fermement le bras de cette dernière et de la regarder avec une furie comme elle n’en avait probablement jamais vu.« Tu crois vraiment que je plaisanterais avec ça ! » Ce n’était même pas une question, il lui interdisait de penser ça, il lui interdisait de le croire si con, si immature pour jouer de ça, parce que la douleur était bien là et il en crevait, il en souffrait tellement qu’il ne s’était pas rendu qu’il ne cessé de serrer de plus en plus fort le bras de sa sœur. Il la plaqua violemment contre un mur en sentant ses larmes rouler sur ses joues, il extériorisait la colère qu’il avait contre lui-même sur sa petite sœur, chose qu’il n’aurait jamais osé faire d’habitude. « Pourquoi je t’en ai pas parlé avant ? » cette fois il lâcha son bras et fracassa un vase qui traînait là, sur la petite table à proximité avant de reprendre « parce que je suis trop fier et trop con pour te dire que je suis désolé et que je crève de ton absence, que j’aurais pas dû agir comme ça en te voyant avec Mattia mais tu es tout ce que j’ai de plus précieux ici-bas et tu m’échappes complètement. Je suis qu’un con incapable de te dire que je t’aime et que j’ai peur pour toi parce que t’es d’une naïveté effrayante et que même le plus gentil des hommes pourrait te faire du mal. Je ne t’en ai pas parlé parce que j’avais peur ! » Et là, il n’y avait plus d’homme simplement un tas de larmes effondré au sol, une horreur qu’Ella n’avait jamais vu.

Ashton retira violemment ma main. A croire que j’avais fait quelque chose de mal. Quelque chose de trop. Il attrapa mon bras. Il le tenait plus fermement que jamais. Ses yeux brillaient de colère. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Jamais. Même quand il m’avait giflé devant Mattia ce n’était pas comme ça. Je n’avais jamais connu mon frère aussi violent. Je sentais qu’il était capable de me broyer les os. Qu’il ne maîtrisait plus sa colère. « Tu crois vraiment que je plaisanterais avec ça ! » évidemment que non. Je savais bien qu’il en était incapable. J’avais simplement été abasourdie. C’était moi qui ne voulais pas y croire. Tout simplement. Je le regardais, apeurée. Je n’osais pas parler. C’était sûrement d’une inutilité déconcertante. Il serrait mon bras encore plus fort. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Lydéric. A ses gestes. A sa violence. Je savais qu’Ashton ne se permettrait jamais ça. Malgré toute sa colère. Malgré toute sa détresse. Il s’arrêterait avant. Je me rassurais comme ça. En pensant qu’il ne pouvait pas être aussi violent.

Une larme roula sur la joue de mon frère. Une larme ? Ça je n’y étais pas habituée. Ni à sa violence, ni à ses larmes. Il me plaqua contre le mur. « Pourquoi je t’en ai pas parlé avant ? » Il fracassa le vase qui était non loin de nous. Je tremblais comme une feuille. Il semblait tellement détruit. Je cherchais mon frère dans cette colère. C’était comme si Lou l’avait détruit. Comme si ce petit bébé l’avait détruit. Je ne pensais pas à mon bras douloureux. J’essayais de comprendre mon grand frère. Même si j’étais dans le flou total. Perdue devant ses larmes. Troublée devant cette violence. C’était un peu comme si mon héros venait de perdre sa cape. Comme si je voyais sous le masque. Je découvrais une facette de mon frère que je ne connaissais pas. Et lui ? Se savait-il comme ça avant une si grande peine. Sûrement pas. Comme quoi, la vie change les hommes. Enfin, Ashron repris la parole. « parce que je suis trop fier et trop con pour te dire que je suis désolé et que je crève de ton absence, que j’aurais pas dû agir comme ça en te voyant avec Mattia mais tu es tout ce que j’ai de plus précieux ici-bas et tu m’échappes complètement. Je suis qu’un con incapable de te dire que je t’aime et que j’ai peur pour toi parce que t’es d’une naïveté effrayante et que même le plus gentil des hommes pourrait te faire du mal. Je ne t’en ai pas parlé parce que j’avais peur ! » Il s’effondra sur le sol. Noyé dans ses larmes.

Je m’asseyais à côté de lui dans un silence de mort. Il n’y avait que ses sanglots pour le troubler. Je n’en revenais pas. J’avais du mal à croire ce que j’avais entendu. Oui, je savais que mon frère m’aimait. Mais, il est vrai qu’il me le disait rarement. Et je n’avais pas compris qu’il souffrait autant. Il ouvrait si peu son cœur. Et je n’avais pas su voir. Ou je n’avais pas voulu voir. « Je t’aime aussi Ashton tu sais ? Tu pourras toujours compter sur moi. Peu importe la situation, tu entends ça ? Je serais toujours ta petite sœur. » Je déposais un baiser sur le sommet de son crâne. Je n’avais pas conscience qu’une femme pouvait détruire un homme à ce point. Je n’aurais jamais cru voir mon frère pleurer de cette façon. Je restais à côté de mon frère dans le silence. Le ménage attendrait. Je voulais simplement être là pour lui.