Je pourrais rester des heures à le regarder. D'ailleurs, c'est ce que je fais. Je reste des heures devant cette couveuse, dans cette salle de soin pour bébé prématuré. Et quand je ne suis pas avec lui, à m'en occuper, je migre vers la chambre d'Ella pour lui montrer les dernières photos que j'ai prise de son fils, pour lui faire part de ses progrès et lui apporter les bonnes nouvelles. Lleyton. Le plus beau des bébés. J'rentre pratiquement plus chez moi, simplement pour prendre une douche ou me changer. J'dors à l'hôpital. Je mange à l'hôpital. Je vis à l'hôpital. Entre la cafétériat, la salle de repos, la chambre d'Ella et l'unité de soin des prématurés. Le docteur Cohen a accepté de me confier le dossier. Enfin du moins de me laisser m'occuper de Lleyton avec quelques petits contrôles de sa part de temps en temps. Il sait que ça me tenait à coeur, il sait que j'avais vraiment envie et besoin de m'occuper de lui. Je lui avais sauvé la vie après tout. J'avais mis au monde cet enfant.

Doucement je repose le petit garçon dans sa couveuse et je place délicatement son petit masque sur sa bouche. C'est pour l'aider à respirer quand il est endormi. Maintenant il n'en a plus besoin constament. Juste quand il dort. Parce qu'il n'a pas encore tous ses réflexes. Il fait des progrès incroyables. Chaque jour, il devient un peu plus autonome. J'espère qu'il pourra bientôt rejoindre la chambre d'Ella. Je l'espère vraiment pour elle. Pour lui. Pour eux. Elle n'a plus voir son fils qu'en photo. Elle en a beaucoup entendu parlé, mais ce n'est pas... réel. Du moins pour elle. J'aimerais tellement transgresser les règles, j'aimerais tellement le porter et l'emmener dans sa chambre. Je pourrais. Mais je me ferai virer. À coup sûr. Il est trop fragile selon les docteurs pour être pris en charge par quelqu'un d'autre qu'un médecin. Mais bon sang, c'est sa mère. Au fond, ils ont juste peur de le lui confier. Car, certes, il est fragile, mais n'importe qui peut le porter. C'est simplement qu'il considère Ella encore trop fragile émotivement pour prendre soin de lui. J'ai débattu des heures avec eux, mais sans succès. Je sais qu'elle ne lui ferait rien, elle ne lui apporterait que de l'amour. Et il en a besoin ce petit ange. Je le regarde avec un regard attendri, rempli d'amour. Je me suis tellement attaché à lui, et en si peu de temps. C'est certainement du à sa naissance si particulière. À ce jour qui a changé ma vie. J'aurai toujours ce lien, si spécial avec Lleyton.

Au bout d'un certain temps. Je remarque que nous ne sommes pas seul. J'entends quelqu'un respirer derrière moi. Je me retourne. Je connais cette personne. Très bien même. Il s'approche. Il me regarde, il regarde le bébé, l'air un peu désorienté. « Mattia ? » Je suis plutôt surpris moi aussi, de le voir là, dans la section prématuré. Il s'est peut-être perdu après tout. Ca ne m'étonnerait pas. Je ne fais pas le lien avec Lleyton. Je ne pense pas non plus qu'il soit venu me voir moi, quoi que. Ca fait depuis cette fois à la pizzeria qu'on s'est pas vu. Même si on semblait avoir brisé l'absès, peut-'être que les choses sont toujours encore un peu compliquée de son côté. J'en sais rien, c'est pour ça que j'ai pas voulu l'appeler, que j'ai pas voulu lui courir après. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Je lui adresse un sourire, histoire de brisé la gêne. Ca ne marche pas du tout. Ca a même tendance à l'intensifier. Ce que, pour le coup, je ne comprends pas du tout. Quelque chose m'échappe, vraiment. Et je ne tarderai pas à comprendre. Et quelle histoire...

Tout en enfilant la superbe blouse bleue obligatoire pour se rendre dans cet endroit tant surveillé, Mattia se surprit à se demander ce qu'il faisait là. Etait-ce un regain de paternité? Impossible. Il ne se sentait pas père. Pas même après l'avoir vu pour la toute première fois. Il avait ressentit quelque chose d'étrange; il s'était senti vaseux pendant tout ce temps, mais pas une seule fois, il ne s'était dit qu'il était papa. Que ce bébé était son fils. Que ce bébé était la chair de sa chair. Non. Pour lui, Lleyton était clairement le bébé d'Ella, le petit bout qu'elle avait mis au monde, et qui, aujourd'hui, faisait de son mieux pour s'en sortir. Il était fou de voir ce petit bout réussir à survivre, à se battre comme un lion. Il faut dire qu'il avait Ella comme maman. Ca aidait. Elle ne baissait jamais les bras; il devait clairement tenir d'elle..

Il se sentit tout fiévreux, lorsqu'une fois habillé comme un schtroumpf -c'était l'impression que ça lui faisait avec cette blouse bleue, ce masque sur sa bouche, et ses sur-chaussures au-dessus de ses baskets-, il pénétra dans la salle. Pour ne pas se faire trop de mal, il baissa les yeux, connaissant parfaitement le chemin pour aller jusqu'au petit bébé qui l'intéressait. Il ne voulait pas voir les autres gamins présents, tuyautés de partout, parfois même beaucoup plus petits que Lleyton. Ca lui faisait mal de voir ça. De voir que certaines personnes passent leur journée à se plaindre, et de voir qu'ensuite des gamins luttaient courageusement. Inconsciemment, ces petits anges donnaient une belle leçon, et en sortant de là, Mattia ne voyait plus les choses pareilles.

Il arriva rapidement devant la bonne couveuse. Quelqu'un était déjà là, devant lui. Lui, le petit bout. Lui, avec un masque sur le nez. Lui, avec ses petits yeux qui les regardait, Mattia et l'autre bonhomme, et qu'il tentait de rester ouverts. Ce fut trop dur. Ses petits yeux se fermèrent. Il venait de rejoindre Morphée. Cette façon d'avoir essayé de garder les yeux ouverts, comme pour être connecté sur la réalité, comme pour vouloir rester avec eux, fit sourire Mattia derrière son masque.

C'est là que la personne devant lui, sans doute un médecin, se retourna. Ils échangèrent un regard et aussitôt, Mattia le reconnut. Fernando. Qu'est-ce qu'il foutait là? Devant Lleyton? C'était lui qui s'occupait de lui? Il semblait aussi attendri que Mattia.. Fronçant les sourcils, Mattia regarda une nouvelle fois le bébé. Il l'aurait reconnu parmi tant d'autres. C'était bien Lleyton, dans sa couveuse. Il n'y avait pas d'erreur là-dessus. Alors, il regarda de nouveau Fernando. « Mattia ? » Lui aussi semblait surpris. Normal. Qu'est-ce que Mattia foutrait ici en temps normal? D'ailleurs, il n'hésita pas à poser la question. « Qu'est-ce que tu fais là ? ». Ouais, qu'est-ce qu'il faisait là.. Reportant son attention sur le petit bout de chou, Mattia hésita un instant. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui répondre? Qu'il était venu voir le gamin que son ex-petite-amie avait mis au monde? Qu'il était venu voir son fils dont il ne voulait rien savoir? Qu'il était venu voir le fils d'une amie? Ca semblait mieux, ça non? Il l'observa un instant dormir, avant d'ouvrir la bouche. Sa voix était toute douce, toute petite. Un peu comme si il ne voulait pas que le petit l'entende.

« Je suis venu voir le petit..- il s'interrompit un instant, cherchant bien ses mots, essayant de ne pas bouleverser les choses- C'est le fils d'Ella. » Il s'en voulut de dire ça. Même très bas. Même dans un murmure. Qu'il le dise devant Fernando, ça ne le dérangeait pas. Mais là. Il avait osé dire ça, devant Lleyton. Devant le petit. S'il l'avait entendu. S'il savait déjà ce que Mattia pensait de lui. Pauvre gamin.. Tout en disant ça, tout en ayant son regard posé sur lui, il se dit que ce bébé avait un géniteur bien horrible..

Je ne saurai décrire l'atmosphère qui règne dans cette pièce, mais tout ce que je peux dire c'est que visiblement, aucun de nous deux ne s'attendait à trouver l'autre dans cette endroit. Et d'après ce que je peux sentir, Mattia aurait préféré que je ne sois pas là, pas dans cette pièce. Mais il faut bien briser la glace. Donc j'essaye le sourire, j'essaye la manière douce, le "comment ça va, ça fait longtemps!" Puis je vais droit au but, et je lui demande tout simplement ce qu'il fait ici. Comme ça, tout naturellement. Pourquoi tourner autour du pot lorsqu'on veut poser une question si simple, qui j'imagine, requiert une réponse toute aussi simple. « Je suis venu voir le petit.. Il marque une pause, mais déjà, je sais de qui il parle, ses yeux sont rivés sur lui. Ses yeux sont rivés sur Lleyton. C'est le fils d'Ella. » Ca, ce n'est pas Mattia qui me l'apprendra. Je le sais mieux que personne, que c'est son fils, son bébé, la chair de sa chair, son sang. Je le sais parce que c'est moi qui l'ai mis au monde. Oui, je me répète, mais je crois que je ne pourrais jamais entièrement assimilé cet évènement si particulier. Dans ma tête, c'est plus comme un cauchemar.

« C'est moi qui ai mis au monde Lleyton. Donc maintenant, c'est moi qui m'en occupe, la plupart du temps... » dis-je comme pour justifier ma présence. Alors qu'il n'en avait certainement rien à foutre de mes prouesses médicales. En disant ça, je reporte mon regard sur le petit garçon. Décidemment, je pourrais rester des heures, là, à le regarder. Il ressemble tellement à sa mère. Oui, je sais que c'est quasiment impossible de voir des traits de ressemblances sur un si petit bébé, mais moi, je peux le voir. Et même si c'est peut-être simplement mon imagination, j'aime ressentir cet amour si fort qu'il porte déjà pour sa mère. Je le regarde simplement et tout se confond dans ma tête. Il y a ce lien, indestructible qui me relira toujours à lui. J'espère qu'il pourra le sentir et le comprendre en grandissant. J'espère vraiment. J'espère que je pourrais avoir une part importante dans sa vie. J'espère que je pourrais être présent pour lui, lui enseigner tout un tas de choses et lui rendre tout ce qu'il m'a donné. Parce que oui, il m'a tellement donné. Chaque battement de coeur est un cadeau. Il est en vie. Il respire. Son coeur fonctionne comme il faut. Oui, un enfant en bonne santé, c'est vraiment un cadeau.

Les mots de Mattia résonnent encore dans ma tête. Le fils d'Ella. Donc il connait Ella. Etrange. Je ne les aurai pas imaginé amis. Peut-être est-il un ami de son ex-petit ami chargé de voir à quoi ressemble le bébé. Ou alors peut-être est-il simplement un camarade de classe ? Ou bien un ami, oui après tout ils pourraient bien être amis. Au fond, j'en sais rien et j'ai pas envie de jouer aux devinettes. « Donc tu es un ami d'Ella, c'est ça ? » Il semble hésiter, ne pas être trop à l'aise. Nous sommes à plusieurs mètres l'un de l'autre ce qui peut sembler plutôt ridicule pour deux mecs qui sont sensés être potes. « Approches, c'est bon c'est qu'un bébé, il va pas te bouffer. » Je rigole un peu. Lui pas du tout, toujours aussi gêné. Cependant, il s'approche et ouvre la bouche pour parler.

Spoiler:

Les yeux de Mattia étaient rivés vers cet enfant. Le petit bébé essayait de dormir. Ses yeux étaient lourds, et petit à petit, ils se fermèrent. Mattia ressentit une vive douleur à l'estomac. Il se sentait coupable. Coupable de ce qu'il venait de dire. Coupable de voir le petit bonhomme fermer les yeux juste après qu'il eut dit ça. Qu'il eut dit qu'il était venu voir le fils d'Ella. C'était un peu comme si le petit bébé avait entendu ces mots, s'était dit mon père ne veut pas de moi, et avait décidé de ne plus lutter pour rester éveillé. Après tout, il n'avait pas à l'observer si il ne voulait pas de lui..
Mattia culpabilisait comme un fou. Il s'en voulait terriblement de ne pas pouvoir assumer. C'était peut-être pour ça qu'il venait, pour se rendre compte qu'au moins, il allait bien. Qu'il n'aurait peut-être pas l'amour d'un père, mais qu'il était bien vivant. Et en bonne santé. Ca aussi, ça comptait. Il ne voulait pas que le petit n'aille pas, qu'Ella soit embêtée par un problème de santé.
« C'est moi qui ai mis au monde Lleyton. Donc maintenant, c'est moi qui m'en occupe, la plupart du temps... » Fernando justifia sa présence aussitôt, sans que Mattia n'ose demander quoi que ce soit. Mais ce qu'il lui dit tiqua. Ainsi, c'était lui. Lui qui avait fait cette prouesse d'accoucher Ella. Il en avait vite fait entendu; il n'avait pas été totalement réceptif à l'histoire. Tout ce qui comptait à ses yeux c'est que les deux aillent bien. C'était le cas. Grâce à lui.. A Fernando. A un interne. A un pas tout à faire docteur. Parce qu'il était heureux, heureux et fier de ce qu'il avait fait, parce qu'il avait sauvé leurs vies, Mattia murmura alors un seul mot. « Merci. » Pour Ella. Pour Lleyton.

Et aussitôt, il reporta son regard sur le petit bout de chou. Il dormait paisiblement, ne semblant pas se soucier de tout ce qui se tramait autour de lui. Son petit ventre se soulevait au rythme de sa respiration. Chaque soubresaut était une preuve de sa vie. De sa petite vie qui commençait. Le tennisman sortit de son admiration lorsqu'il entendit Fernando de nouveau. « Donc tu es un ami d'Ella, c'est ça ? » Il le regarda un instant, avant de reporter son attention encore une fois sur le bébé, se contentant juste d'un imperceptible petit mouvement de tête. Un mouvement qui ne voulait ni dire oui, ni dire non. « Approches, c'est bon c'est qu'un bébé, il va pas te bouffer. » il rit. Pas lui. Il se sent gêné. Il ne devrait même pas être là. Il ne devrait même pas s'occuper de ce gamin. A quoi ça servait que ce gamin sente sa présence si c'était pour disparaître après? Oui, mais voilà; le tennisman n'était pas insensible à l'arrivée d'un petit être vivant.

Alors doucement, Mattia s'approcha. Le regard rivé sur le bébé, il l'observait toujours se bercer dans les bras de Morphée. « Il est magnifique.. » souffla-t-il doucement. Magnifique. Comme sa maman. Il lui ressemblait déjà.
Doucement, Mattia repensa à sa présence ici, près de ce bébé qui n'était pas le sien. Est-ce que Lleyton pouvait l'entendre là? Est-ce que dans sa couveuse il entendait ce qui se disait à l'extérieur? Non, sûrement pas. Mais en tout cas, il ne pouvait pas prendre ce risque, le risque de blesser cet enfant. Alors Mattia ouvrit doucement la bouche, il avait choisit les bons mots. Il les murmura, de sorte que ces mots n'atteignent pas les oreilles de Lleyton. « Je ne suis pas vraiment un ami d'Ella.. » Il s'arrêta un instant, inspira un petit coup et cracha le morceau. « Je suis son ex-petit-ami.. » Voilà, c'était dit, c'était sorti. La raison de sa présence ici était révélée. Même s'il flippait face à la réaction de Fernando. Il ne voulait pas être jugé. Il ne pouvait pas s'en occuper, il n'y pouvait rien. C'était comme ça. C'était plus fort que lui.

Spoiler:

Je me retrouve là, face à un Mattia que je ne reconnais pas: gêné, mal à l'aise, presque timide. Et ça me laisse, moi aussi dans une position pas très agréable. J'essaye d'orienter la discussion, de la débloquer, de briser la glace, mais c'est comme si quoi que je dise les choses ne font qu'empirer. Et je ne tarderai pas à comprendre pourquoi.

Il vient voir Lleyton. Il connait Ella. Il veut voir son fils. J'essaye de comprendre quel relation ils peuvent bien avoir. J'ai beaucoup de mal à les imaginer amis, peut-être à cause de leur grande différence de caractère et de goûts. Donc je demande, ce qu'il vient faire là, s'il est amis avec la petite blonde. Et parmis ces questions, je lui fait part de ma part de responsabilité dans la naissance du petit garçon. « Merci » Je ne sais pas réellement pourquoi il me remercie. Il doit réellement tenir à Ella. Il semble emu. Le lien ne se fait pas dans ma tête. Je fais un signe de tête, je réponds rien. Je lui propose de s'approcher, parce qu'il ne pourra pas voir le bébé s'il reste à cinq mètres de distance du berceau. Il s'approche. Il le regarde. J'ai du mal à expliquer ce que je lis sur son visage, son expression, tout. « Il est magnifique... » Oui, il l'est. Comme sa maman. Ils seront magnifiques tous les deux, quand ils seront enfin réunis.

Le silence plane durant un court instant. Juste avant que Mattia ne le brise, avec une première révélation: « Je ne suis pas vraiment un ami d'Ella.. » Qu'était-il alors ? La réponse ne tarde pas. « Je suis son ex-petit-ami.. » Je reste là, scotché, choqué. Ella et Mattia, ensemble ? Alors ça, j'aurai jamais pu m'en douter. Mais pourquoi est-ce qu'il viendrait voir le fils de son ex petite amie ? NON, IMPOSSIBLE. Je regarde Lleyton, et je regarde à nouveau Mattia, comme pour trouver des points de ressemblance ou plutôt comme pour trouver quelque chose dans le visage de l'un des deux qui pourraient prouver qu'ils ne sont absolument pas reliés. Mattia, le papa de ce bébé, non, je ne peux pas l'imaginer. Pour moi, l'ex petit d'ami d'Ella, celui qui lui avait fait un gosse et qui l'avait lâché comme une pauvre merde c'était un connard fini. Et dans ma tête, ça pouvait pas être Mattia. Et pourtant, c'est Mattia, du moins je crois. « Attends... Quoi !? Tu es son... » dis-je en montrant du doigt Lleyton, sans terminer ma phrase, même si lui comme moi savons exactement quel mot vient ensuite.

Je ne sais même pas comment j'ai pu manqué une telle chose. Mattia, un pote. Ella, ma meilleure amie. Eux, qui sont sortis ensemble. Eux, qui ont fait un gosse. Eux, qui sont aujourd'hui séparés. J'ai jamais trop posé de questions à Ella sur "l'ex", parce que je voulais pas qu'elle se sente obligée de m'en parler si elle n'en avait pas envie. Mais d'après ce que j'avais pu comprendre, les choses de s'étaient pas très bien terminée entre eux, et le père n'avait pas envie d'avoir un quelconque lien avec l'enfant. Mais maintenant, maintenant que je vois Mattia ici, face à son fils, tout se bouscule dans ma tête et plus rien ne fait sens. Beaucoup de questions, et aucune réponse.

Il savait bien qu'un jour ou l'autre, il devrait faire face à ses responsabilités. Le moment était maintenant venu. Mais ce n'était pas pour autant qu'il était prêt. Surtout que là, il se trouvait face au petit bonhomme. Encore heureux que Lleyton ait décidé de fermer les yeux. Il n'aurait pas à dire qu'il est son père, qu'il n'en veut pas, tout en sentant le regard du petit bout sur lui. Ca lui aurait fendu le coeur ; il n'était pas si insensible que cela.
Après avoir osé dire ces quelques mots, le regard de Mattia resta rivé sur Lleyton. Incapable de voir en face Fernando, il le sentait pourtant totalement perdu.. Normal.. Aux yeux de tout le monde, l'ex petite amie d'Ella n'était qu'un salaud. Un type odieux qui avait juste baisé. Un mec horrible sans coeur qui ne voulait plus entendre parler d'elle ou de lui. Il pouvait le comprendre. Il pouvait comprendre que le jeune interne soit choqué à son tour. Qui ne le serait pas? Il sentait son regard dévié de lui, à Lleyton, puis de Lleyton à lui, essayant sans doute de trouver un petit air de ressemblance entre eux deux. Ca n'était pas facile de trouver un point en commun. Mais il le laissa faire, sans rien dire, préférant porter ses mains dans les poches de son jogging -il était encore venu en tenue de sport-, plutôt que d'approcher ses mains de la couveuse. « Attends... Quoi !? Tu es son... » Du coin de l'oeil, il voyait le doigt de Fernando pointé sur le bébé. Il n'avait pas terminé sa phrase. Il n'en avait pas eu besoin de toute façon. Mattia avait parfaitement compris. Il voulait dire père. Alors, il hocha doucement la tête de haut en bas. Non, il n'était pas son père, au sens propre du terme. Mais physiquement, ADNement parlant, il l'était. C'était pour ça qu'il murmura alors un simple « ouais ».

Les yeux toujours vers le petit bonhomme, la chair de sa chair, Mattia n'ajouta rien de plus. Il préférait observer la douceur d'un nouveau-né plutôt que d'entendre la brutalité des adultes. Il sentait bien Fernando perdu, il sentait bien que d'ici peu, il finirait par poser cinquante milles questions. Des questions auxquelles il n'aurait pas envie de répondre évidemment. Alors, plutôt que d'attendre qu'il retrouve enfin ses esprits et que sa bouche ne commence à s'activer, Mattia prit la parole. « T'es en train de penser que je suis un connard.. » Il ne l'observait toujours pas, préférant regarder le bébé. Préférant s'assurer qu'il dormait. Que ses oreilles soient bouchées. Qu'il ne puisse rien entendre de tout ce qui se disait à côté de lui. Il reprit alors doucement la parole. « C'est comme ça Fernando. J'y peux rien. Je peux pas me retrouver p.. -il s'interrompit un instant. Il avait faillit dire encore ce mot, ce mot qui sonnait terriblement mal à ses oreilles; père.- à m'occuper de lui. » En disant ces mots, il se rendit compte qu'il commençait à être fatigué. Il répétait sans cesse ces mots. Inlassablement, il donnait cette raison, et finalement, il finissait par s'en lasser.

Et pire que tout, pire que l'idée d'être un père exécrable, il se remettait sans cesse en questions. Il avait embrassé Ella. Ils avaient échangé des baisers. Mais il ne pouvait toujours pas s'occuper de Lleyton. Sa fragilité, sa douceur, et sa petitesse l'effrayaient. Or, Ella n'allait pas sans Lleyton ; l'un n'allait pas sans l'autre. Il ne pouvait pas se contenter d'embrasser Ella, et de balancer Lleyton loin de sa vue. Il ne le pouvait pas. Moralement parlant. Et pourtant, c'était ce qu'il avait l'impression de faire..

Mattia + Ella = Lleyton. Mattia et Ella en couple. Mattia papa. Mattia et Ella plus ensemble. Mattia qui refuse d'être papa. Ella qui est toute seule. Ella qui est malheureuse. Ella qui s'est fait lâchement abandonné par son ex, son ex qui n'a pas assumé, son ex que j'ai destesté sans le connaître. Mais en fait, c'est Mattia cet ex. Et ça change tout. J'commence à comprendre, les liens se font dans ma tête. J'imagine pas Mattia papa, tout comme j'imaginais pas Ella maman. Ils sont jeunes, si jeunes. Je ne peux pas le blâmer, je ne peux pas lui en vouloir. Mais j'aimerais comprendre, comprendre pourquoi il est là, comprendre le fond de l'histoire parce que quelque chose m'échappe.

L'équation s'est fait dans ma tête et je résonne à haute voix. Je demande s'il est bien celui que je crois. Je ne finis pas ma phrase, ce n'est pas nécessaire. Son père, je sais qu'il est son père. « ouais » Confirmation. J'ai du mal à le cerner, là tout de suite. J'ai envie de poser dix mille questions mais je ne sais pas par où commencer, je n'ai pas envie d'être indiscret mais en même temps j'ai besoin de savoir. Je n'ai même pas le temps d'y réfléchir, même pas le temps de formuler une question dans ma tête que déjà, le blond prend la parole. « T'es en train de penser que je suis un connard... » Un connard ? Oui, je l'ai pensé, je l'ai pensé que je ne savais pas encore qui était le père. Ce type qui n'avait pas assez de couille pour supporter Ella. C'est toujours plus facile de blamer un inconnu. Mais que faire, lorsqu'il s'agit en réalité d'un ami ? Ce qui me faisait me demander comment j'avais pu passer à côté d'un tel élément. « Non, je ne pense pas que tu es un connard. » Puis j'y réfléchis et je me dis, qu'au fond, s'il pense ça c'est qu'il n'est pas si sûr de lui. Il a conscience que son comportement n'est pas forcément correct, et malgré lui il a des remords, il s'en veut. Ca crève les yeux.

« C'est comme ça Fernando. J'y peux rien. Je peux pas me retrouver p.. » Il marque une courte pause. Comme si le mot "père" était imprononcable. Il grimace, avant de continuer: « à m'occuper de lui » Je fais un signe de tête. Oui, je comprends qu'il ne soit pas prêt, je le comprends tout à fait. « Je vais pas te blamer pour avoir fait ce choix. Tu as le droit, tu as tout à fait le droit. » Je le sens crisper, peut-être parce qu'il sent le "mais" venir, et oui, il va venir. « Je dois t'avouer que je maudissais cet imbécile qui avait laissé tomber Ella. Mais ça, c'était avant de savoir que c'était toi. Parce que j'avais pas pensé au fait que toi, de ton côté, tu n'étais pas maître de la décision, toi, tout comme elle, tu n'avais rien demandé. Et maintenant, tu es père, tu es relié à Lleyton pour le restant de tes jours, que tu le veuilles ou non. » Je pause mes yeux sur le petit garçon qui dort profondément. Il ne sait pas encore grand chose de la vie. Il ne sait pas encore grand chose de sa famille, de ses parents. Tout ça, il a le temps de l'apprendre. Il a bien le temps. « J'vais pas te faire la morale, je vais pas te dire ce que tu dois faire. Tu es jeune, c'est normal que tu penses à toi, c'est normal que tu ne te sentes pas capable de t'en occuper, crois moi je le comprends totalement. » J'esquisse un maigre sourire et je me rapproche doucement de lui, pour lui montrer que je suis sincère, que je n'ai aucun ressentiment. « Mais sois bien conscient d'une chose... Jamais tu ne pourras renier ce lien qui vous unit lui et toi, il existe. Et je pense que tu le sais, je pense que tu le sens, ou alors tu ne serais jamais venu ici, pour le voir. » C'est ma vision des choses, mon analyse de l'histoire. La raison exacte de sa venue ici, je ne la connais pas. Je peux la deviner, mais je ne la connais pas. Et je ne sais pas si je le saurai un jour.

C'était un connard. Même si Fernando n'osait pas vraiment le dire, et prétextait plutôt un « Non, je ne pense pas que tu es un connard. ». Il le savait, Mattia. Il savait qu'au fond de lui, Fernando n'en pensait pas moins. Qu'il haïssait le type qui avait abandonné Ella. Qu'il détestait le type qui ne s'occuperait pas de son enfant. Franchement, il pouvait le comprendre. Si on lui racontait une histoire comme ça, Mattia se rangerait forcément du côté de la fille. Pas du côté de l'homme. Mais là, ce n'était pas pareil. C'était lui. C'était sa vie. C'était son histoire. C'était lui, le centre de cette histoire, lui qui allait devoir assurer. Alors, ouais, il pouvait bien taper sur le dos d'un autre qui faisait ça, mais lui, il ne se sentait pas capable d'avoir un tel rôle. Ses épaules étaient bien trop frêles pour cela..

Le regard toujours rivé sur Lleyton, Mattia n'avait rien ajouté d'autre. Il préférait se taire, laisser le temps à cette information de monter au cerveau de Fernando. Il savait d'avance que ce n'était pas quelque chose de facile à accepter. De réaliser toute l'étendue des dégâts. De se faire à l'idée que celui qui a engrossé une de ses amies était un ami. Parce qu'il n'avait pas envie de voir ça, parce qu'il n'avait pas non plus envie de voir le regard interrogateur de l'interne, Mattia se taisait. Son regard restait plongé sur le petit bonhomme qui dormait. Il rêverait de retrouver à cette époque de sa vie. A l'époque où seul dormir et manger lui importaient. Il était heureux à ce moment-là. Il avait tout ce dont il rêvait. Il ne vivait pas avec l'idée qu'un gosse allait vivre sans lui. « Je vais pas te blamer pour avoir fait ce choix. Tu as le droit, tu as tout à fait le droit. » en entendant ces mots, Mattia releva doucement la tête vers lui. Sans pour autant dire quelque chose. Bien que l'idée lui en venait. Il sentait venir le 'mais'. Il sentait que ce n'était pas fini. Il savait d'avance que de toute façon, ce n'était pas le fin mot de ses pensées. « Je dois t'avouer que je maudissais cet imbécile qui avait laissé tomber Ella. Mais ça, c'était avant de savoir que c'était toi. Parce que j'avais pas pensé au fait que toi, de ton côté, tu n'étais pas maître de la décision, toi, tout comme elle, tu n'avais rien demandé. Et maintenant, tu es père, tu es relié à Lleyton pour le restant de tes jours, que tu le veuilles ou non. » Le voilà le 'mais'. Il maudissait l'imbécile qui avait abandonné Ella. Et tout ça parce que c'était lui, il lui en voulait un peu moins d'un coup. Comme si connaître l'enfoiré l'aidait à comprendre. Il haussa les épaules, et reporta son attention sur le petit. Il dormait. Toujours aussi paisiblement. « J'vais pas te faire la morale, je vais pas te dire ce que tu dois faire. Tu es jeune, c'est normal que tu penses à toi, c'est normal que tu ne te sentes pas capable de t'en occuper, crois moi je le comprends totalement. » Il vit du coin de l'oeil Fernando se rapprocher de lui. Le comprenait-il vraiment? Il en doutait. Il avait tellement l'habitude d'entendre les gens prendre parti d'Ella -il ne pouvait pas les blâmer pour ça- qu'entendre quelqu'un lui dire Je te comprends lui paraissait totalement impossible. Et pourtant, par ce petit geste, ce petit pas en avant, c'était bien ce qu'il montrait. « Mais sois bien conscient d'une chose... Jamais tu ne pourras renier ce lien qui vous unit lui et toi, il existe. Et je pense que tu le sais, je pense que tu le sens, ou alors tu ne serais jamais venu ici, pour le voir. » Non; Ce n'était pas ça. Il n'y avait pas de lien entre lui et le bébé. Il était juste son géniteur, celui qui avait aidé à sa naissance. Et encore Aider est un bien grand mot. Mais il n'avait pas conscience du lien; il ne pouvait pas en avoir conscience puisqu'il n'y en avait pas.

« Non. Tu te trompes Fernando. » dit-il, la voix toute rauque. Sa gorge s'était serrée. Son timbre de voix s'en ressentait. « Si je suis venu aujourd'hui, c'est parce que j'avais envie de voir comment il allait. Je voulais m'assurer qu'il aille bien, pour qu'Ella n'ait pas trop de soucis à se faire. » C'était vrai. C'était sa véritable raison. Il n'était pas là juste pour voir son fils. Puisque de toute façon, ça ne l'était pas. Il n'était peut-être pas un gamin parmi tant d'autres; il était le fils d'Ella. Il se devait de voir comment il allait, pour pouvoir la rassurer, encore et encore. Lui dire que tout irait bien. Qu'il allait s'en sortir sans séquelles. C'était ça le plus important. C'était pour ça qu'il venait le voir. Il n'avait en aucun cas l'envie de rentrer dans sa vie. Le porter dans ses bras lui semblait bien plus difficile que de pousser une montagne.
Jetant un regard à Fernando, il lui fit un petit sourire, un genre de sourire qui tient plus d'une grimace. « et puis, tu sais, je suis pas prêt à être un.. -il s'interrompit alors; il n'arrivait toujours pas à dire ce mot- Enfin tu sais quoi. Je sais, je le redis, mais c'est comme ça.» Non. Père, il ne le deviendrait jamais. Oui. Il était ennuyé de laisser Ella face à ses responsabilités. Mais non. Il ne pouvait rien faire pour elle. « Puis, j'ai rien à lui offrir à ce gamin. Je vis chez Ashton. J'ai plus de famille. Et je suis toujours barré. » Mattia fourra alors ses mains dans ses poches, reposant son regard sur Lleyton. Il ressemblait à un petit ange. Il dormait profondément. Ses petits poings serrés. Ses petites mains en l'air. Il fit sourire le tennisman. En se rendant compte de son sourire, Mattia s'arrêta, reprenant un visage très sérieux. Il ne fallait pas qu'il craque devant. Ce gamin n'était rien pour lui. Il ne fallait pas qu'il oublie ce détail, super important. Il y avait Lleyton. Il y avait Mattia. Il n'y avait pas de père et de fils. « Il a pas besoin de moi. » Il avait murmuré ces mots. Tout bas.

Cette situation est irréelle. Mattia et Ella, tout juste dix huit ans, parents d'un petit bébé prématuré. L'un totalement perdu apparemment, l'autre totalement désespérée par sa séparation d'avec son fils. Je ne les comprenais tout les deux que trop bien. Je ne pouvais pas prendre parti, non pas du tout. Ils avaient tous les deux de très bonnes raisons d'agir comme ils agissaient. Mattia se berne, il a peur, très peur. Je le vois, je le sens. Il est perdu. Il ne sait même pas très bien lui même ce qu'il vient faire ici. Il s'invente des raisons pour se rassurer, c'est ce que je pense. « Non. Tu te trompes Fernando. » Le déni, c'est toujours la phase numéro deux après un choc. Mattia avait eu sept mois et demi pour se faire à l'idée qu'un jour prochain un petit garçon sortirait du ventre de son ex petite amie. C'est bien trop court. Donc évidemment, ça fait un choc. Comment accepter que ce petit ange est relié à lui pour toujours ? « Si je suis venu aujourd'hui, c'est parce que j'avais envie de voir comment il allait. Je voulais m'assurer qu'il aille bien, pour qu'Ella n'ait pas trop de soucis à se faire. » Ca je n'en doute pas, mais bien sûr il n'y a pas que ça. Il y a la curiosité aussi, cette curiosité qu'il ressent à l'égard de son fils et qu'il ne pourra jamais nier, même si aujourd'hui il a bien du mal à s'en rendre compte. « et puis, tu sais, je suis pas prêt à être un..- Et toujours pour lui cette même impossibilité à dire ce mot, le mot père. Cette impossibilité que je traduis comme une peur. Mattia a peur, l'évidence est si grande. -Enfin tu sais quoi. Je sais, je le redis, mais c'est comme ça.»

Puis, il marque une pause. « Puis, j'ai rien à lui offrir à ce gamin. Je vis chez Ashton. J'ai plus de famille. Et je suis toujours barré. » Faux, faux. J'ai toujours eu besoin de mon père. Il était là, dans la même maison que moi. Il était là, seulement physiquement. Son attention m'a toujours manqué, j'avais besoin de quelqu'un qui m'aide à avancer dans la vie, pas d'un père qui me façonne à son image. Et c'est ce qui est arrivé. Je serai là pour Lleyton, mais je ne pourrais jamais être un père pour lui. Il en aura toujours besoin, toujours. « T'as pas besoin d'argent, t'as pas besoin de savoir comment t'en occuper, t'as besoin de rien pour avoir quelque chose à lui apporter. Rien que le laisser te connaître, ça lui apporterait beaucoup. Mais je ne dis pas que c'est ce que tu dois faire, si tu veux garder tes distances, tu en as le droit. »

« Il a pas besoin de moi. » dit-il tout bas, pour lui même. Difficile de le croire quand on sait qu'il est là, à quelques mètres de son fils, à le regarder. « Mattia, ta décision c'est à toi de la prendre, mais je me soucis néanmoins du bien de ce petit bonhomme. Si tu décides que tu ne veux rien avoir à faire dans sa vie, très bien, je le respecte, mais ne restes pas le cul entre deux chaises, ne viens pas le voir, tient en à ta décision. Parce que ce n'est bon ni pour lui, ni pour toi... » Leur bien à tous les deux me tient à coeur. Et je ne veux pas pour Lleyton d'un père hésitant qui ne sait pas ce qu'il veut, qui le rejète mais qui vient le voir le lendemain. Ce n'est pas bon, ce n'est pas sain. Mais au fond, je sais, je sens que Mattia a simplement peur, peur de ne pas être à la hauteur, mais que finalement il pourrait très bien être son père. Je suis sûr qu'au plus profond de lui il l'aime déjà.

C'est dingue comme un petit être peut vous faire valser dans vos sentiments. Un coup Mattia souriait, un coup il s'arrêtait, devenant plus triste. Il ne savait quoi faire. Craquer ou rester stoïque. Les deux lui semblaient impossibles. Lleyton n'était pas son fils. Lleyton ne le sera jamais. Mais parce qu'il était le fils d'Ella, il ne pouvait pas s'empêcher de le regarder. De l'admirer. De voir ses petites mains se serrer. De regarder sa petite bouche. D'observer ses petits yeux clos. Et de l'autre côté, il n'avait pas envie de rester stoïque. De ne pas le voir. De le rayer définitivement. Parce que le rayer lui, de sa vie, c'était rayer Ella. Ne plus voir Lleyton. Ne plus la voir, elle, celle qui n'avait jamais autant aimé.. Quand on lui avait annoncé au téléphone que l'accouchement avait été très difficile, sa première pensée avait été pour elle. Il avait eu peur de la perdre. Peur qu'elle s'en aille, vers une destination inconnue.

Il tentait, par tout les moyens, de se justifier. Il n'avait guère envie de passer pour l'enfoiré qui avait abandonné 'femme et enfant'. Il était peut-être un connard, mais il avait ses raisons. Et c'était bien ça qu'il essayait de faire passer à son ami. Alors, il balançait tout, prétextant qu'il n'avait ni argent, ni toit, ni temps pour s'occuper de lui. C'était vrai ça. Sa vie de tennisman lui prenait un temps fou. C'était une chance qu'il ait pu être se libérer pour venir quand Ella avait accouché. Une chance et une horreur. Car maintenant, il se trouvait là, face au petit. Il ne pouvait plus le renier définitivement de sa vie. « T'as pas besoin d'argent, t'as pas besoin de savoir comment t'en occuper, t'as besoin de rien pour avoir quelque chose à lui apporter. Rien que le laisser te connaître, ça lui apporterait beaucoup. Mais je ne dis pas que c'est ce que tu dois faire, si tu veux garder tes distances, tu en as le droit. » Malgré ses propos, malgré tous ces mots, Mattia appréciait Fernando. Il ne le jugeait pas. Il essayait de lui ouvrir les yeux avec des mots simples, et un ton de voix sympathique. En l'écoutant, il n'avait pas l'impression d'être ce connard.
Ce connard qui disait de la chair de sa chair Il a pas besoin de moi. « Mattia, ta décision c'est à toi de la prendre, mais je me soucis néanmoins du bien de ce petit bonhomme. Si tu décides que tu ne veux rien avoir à faire dans sa vie, très bien, je le respecte, mais ne restes pas le cul entre deux chaises, ne viens pas le voir, tient en à ta décision. Parce que ce n'est bon ni pour lui, ni pour toi... » Le regard rivé vers Lleyton, Mattia ne répondit pas tout de suite. C'était faux. Il n'était pas coincé entre deux chaises. Il avait choisi sa chaise. Mais parfois, elle tanguait, et il se retrouvait à se tenir accroché sur la deuxième. Sur celle où il y avait Lleyton; et Ella. Comment pouvait-il espérer une histoire avec Ella sans s'occuper de Lleyton? Comment pouvait-il espérer ne pas la faire souffrir une fois de plus? Rien de tout cela n'était possible.
Observant une dernière fois le bébé qui dormait paisiblement, Mattia se retourna alors. Pour la première fois, il faisait face à Fernando. « Je te remercie de prendre soin de lui. » Il s'arrêta un instant, cherchant ces mots. Il en avait voulu à ce gamin. Il l'avait détesté, hait. Parce qu'il avait foutu en l'air leurs vies. Mais maintenant qu'il l'avait vu, il se demandait comment avait-il pu lui en vouloir. Ce n'était qu'un bébé. Ce n'était qu'une petite âme innocente. « J'ai pas le cul entre deux chaises Nando. J'ai pris ma décision. Je me sens pas capable. Je vais essayer de ne pas le voir. Mais là, pour le moment, ça change rien. Ce n'est qu'un bébé. Il n'a pas du tout conscience de tout ce qui l'entoure. » Il avait dit ces derniers mots en tendant doucement la main vers la couveuse du bébé. Se rendant compte qu'il avait peut-être été un peu trop cru, un peu trop sec, Mattia fit un sourire à Fernando. « En tout cas, c'est sympa de pas me juger.. » En le voyant là, aux petits soins de Lleyton, il avait envie de lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur. Lui parler d'Ella. Lui dire qu'ils étaient de nouveau ensemble. Il avait envie de lui dire tout ça, de chercher un peu d'aide. Mais au lieu de cela, il se taisait.

J'explique à Mattia mon point de vue sur la situation. Je sais que quoi que je dise, quoi que je fasse la situation ne changera pas. Je l'avais accepté, ça ne m'avait pas pris tant de temps que cela. Mattia et Ella ont été ensemble. Ella est tombée enceinte. Mattia a pris peur, ils se sont séparés. Ella a gardé le bébé contre l'avis de son ex-petit ami. Mattia est aujourd'hui curieux de voir cet enfant qu'il refuse catégoriquement de désigner comme étant le sien et qui l'est pourtant. Tout ça, c'était assimilé maintenant et je fais mon possible pour ne pas juger, pour ne pas sembler prendre parti pour l'un ou pour l'autre. Car après tout, il n'y a pas de parti à prendre. Les dés sont jetés aujourd'hui et rien ne changera. Accepter, c'est tout ce que l'on peut faire, et vivre avec. « Je te remercie de prendre soin de lui. » Il me sort ça comme ça, certainement avant de réagir sur ce que je viens de dire, probablement pour me montrer qu'il apprécie que quelqu'un s'en occupe "à sa place". « Je pense que le bonheur d'Ella me tient tout autant à coeur que toi. J'ai promis que je serai là pour eux, je le serai tu n'as pas à te faire de soucis. » dis-je avec un sourire. Ce que je venais de dire pouvait eventuellement être pris pour ce que ce n'était pas. Genre je vais prendre ta place petit raté, je vais te remplacer. Mais ça n'est pas le cas. Et je suis sûr que Mattia le sait très bien.

« J'ai pas le cul entre deux chaises Nando. J'ai pris ma décision. Je me sens pas capable. Je vais essayer de ne pas le voir. Mais là, pour le moment, ça change rien. Ce n'est qu'un bébé. Il n'a pas du tout conscience de tout ce qui l'entoure. » Je ne sais pas pourquoi mais j'ai du mal à le croire. Son expression, ses mimiques, et ses paroles, rien ne concorde. Je ne sais pas, je sens juste qu'il manque quelque chose à l'équation. Mais en plein doute, je préfère ne pas le traiter de menteur tout de suite. « Oui, bien sûr. Je l'ai bien compris. Mais tu sais, je disais surtout ça pour toi, tu ferai mieux de t'éloigner de lui. C'est juste un conseil que je te donne... Après tu le suis ou pas, c'est à toi de voir. » Lleyton n'a peut-être pas encore grande conscience de ce qui se passe autour de lui, mais Mattia lui est assez grand pour comprendre ce qui se passe. Voir sa chair, son sang, de temps à autre, lui rendre visite, même s'il ne le considère pas comme son fils forcément sans s'en rendre compte, il créera des liens avec lui. Du moins, c'est comme ça que j'imagine les choses, je me trompe peut-être.

« En tout cas, c'est sympa de pas me juger.. » Je souris. Il semble soulagé un peu, d'être compris par quelqu'un. J'imagine qu'il a été beaucoup jugé, mal jugé et que toute cette affaire n'a pas été plus facile pour lui que pour Ella. Je pense qu'ils en ont tous les deux beaucoup souffert, mais que Mattia a eu bien du mal à trouver du soutien. Ca se sent. « C'est normal. Je vous apprécie beaucoup Ella et toi. Vous êtes des amis... Et, tout ce que je veux, c'est que vous soyez heureux et même si c'est pas ensemble, le résultat est que vous fassiez les choses comme vous le sentez. »

Il avait vraiment grandement envie de lui dire. Les mots luis brûlaient la gorge. Il avait la bouche en feu. Il avait une forte envie de déblatérer, et de lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur. Ella. Il n'avait que ce prénom en bouche. Ella. Ella. Ella. Quel avenir avait le couple? Probablement aucun. Tant qu'il n'accepterait pas Lleyton, leur couple était voué à l'échec. Et il ne pouvait pas l'accepter; c'était beaucoup trop fort pour lui. Il ne se sentait pas prêt; il n'était pas un homme, encore moins un père. Il se sentait un peu perdu dans ce monde. Si il n'y avait pas eu Ted, et Michael ses entraineurs, il aurait été encore plus perdus. Et il se serait carrément noyé dans l'océan humain si Ashton n'avait pas été là. Et pour être un père, il fallait déjà réussir à survivre dans ce monde. Ce n'était pas son cas. Il ne pouvait donc pas le montrer à Lleyton. A son fils.

Mattia le remercia de prendre soin de lui. Voir Fernando venir ici, l'observer, s'occuper de lui lui faisait plaisir. Au moins, ce gamin ne serait pas perdu. Il avait déjà quelques personnes sur qui compter. « Je pense que le bonheur d'Ella me tient tout autant à coeur que toi. J'ai promis que je serai là pour eux, je le serai tu n'as pas à te faire de soucis. » Il lui fit un sourire, auquel, Mattia répondit. Il savait très bien que Fernando ne prendrait pas la place d'un père. Il le savait. Il ne sait pas comment, mais il le savait d'avance. Ce n'était pas le genre de l'interne. Il savait rester à sa place. Et même si.. Même si un jour, il devenait très proche de Lleyton, à tel point que ce dernier le considèrerait presque comme son père, qu'est-ce que ça ferait? Lui, de toute façon, il ne voulait pas ce rôle. Autant que quelqu'un de convenable le prenne non?
Et puis, après, il lui annonça qu'il n'avait pas le cul entre deux chaises. Sa décision était prise. Il ne s'occuperait pas de lui. Du moins, il le pensait. « Oui, bien sûr. Je l'ai bien compris. Mais tu sais, je disais surtout ça pour toi, tu ferai mieux de t'éloigner de lui. C'est juste un conseil que je te donne... Après tu le suis ou pas, c'est à toi de voir. » Il ferait mieux de s'éloigner de lui? Pourquoi? Parce qu'il risquait de se faire du mal en le voyant, là? Impossible! Le voir lui faisait du bien; il allait bien. Il respirait. Il vivait sa petite vie de bébé. Il était là, bien au chaud, bien vivant. C'était ce qui importait. Ella n'avait pas à s'en faire comme ça. « Ne t'inquiète pas pour ça, je gère. »
Et juste après, il le remercia de ne pas le juger. « C'est normal. Je vous apprécie beaucoup Ella et toi. Vous êtes des amis... Et, tout ce que je veux, c'est que vous soyez heureux et même si c'est pas ensemble, le résultat est que vous fassiez les choses comme vous le sentez. » Le regard rivé vers lui, il lui fit un petit sourire. Vraiment, il était bien content que pour une fois on ne le juge pas comme le salaud qui a abandonné Ella. Parce que souvent, c'était ça l'histoire. C'était lui l'imbécile, le connard, le salaud. Ils avaient probablement raison; lui-même aurait pu dire ça avant. Mais pas maintenant, pas depuis qu'il avait endossé ce rôle. « Je sais pas trop ce que ça va donner.. » Il avait lâché ces quelques mots, sans s'en rendre compte. Il avait dit ça, juste parce qu'il avait bien entendu le même si ce n'est pas ensemble. Il rebondissait là-dessus, comme si Fernando savait tout. Comme si il savait qu'Ella et lui s'étaient embrassés. Et quand il se rendit compte de sa bourde, quand il se rendit compte que Fernando allait le prendre pour un fou parce qu'il ne comprendrait rien, c'était déjà trop tard. Alors, plutôt que de devoir s'exprimer, Mattia fit alors un pas en avant, et se retourna vers Fernando. Vite. Vite. Vite! Il fallait qu'il lui demande quelque chose, quelque chose qui lui ferait oublier ces mots, et quelque chose qui lui tenait à coeur. « Il va bien Lleyton, là, non? » Même si cette question était posée dans la précipitation, il voulait savoir. Il voulait savoir que son fils allait bien, qu'il n'aurait pas de séquelles, qu'Ella n'avait vraiment pas de soucis à se faire. « Je m'adresse au médecin, là!» dit-il en souriant.

« Ne t'inquiète pas pour ça, je gère. » Alors pourquoi j'ai l'impression du contraire ? Mattia semble peu sûr de lui lorsqu'il prononce cette phrase. Je le sens, qu'il doute, mais il veut faire bonne figure et je respecte. Je ne le pousserai pas à dire ce qu'il ne veut pas dire, alors j'acquiesse simplement de la tête. Lui, il semble songeur et visiblement préoccupé. Il marmonne doucement: « Je sais pas trop ce que ça va donner.. » Je reste silencieux quelques secondes, n'étant pas sûr d'avoir bien entendu. De quoi parle-t-il ? Quelle est cette chose qu'il ne sait pas ce que ça va donner ? J'aimerais comprendre, j'ai beau réfléchir mais je ne vois pas. Je cherche, je ne trouve pas. La situation avec Ella ? Je m'apprête à lui demander lorsqu'il fait un pas vers moi et demande: « Il va bien Lleyton, là, non? » Il veut changer de sujet, il veut éviter la question. D'accord. Lleyton. J'ai presque oublier qu'il est là, à côté de nous à dormir paisiblement, sans se douter de ce qui se discute au dessus de son berceau. « Je m'adresse au médecin, là!» précise-t-il avec le sourire. « Oui, j'avais bien compris.. »

Je lui tourne le dos et je m'éloigne de quelques mètres pour chercher le dossier médical de Lleyton. Je reviens vers Mattia en tournant les quelques pages déjà classé dans le maigre dossier qui témoigne de la maigre vie de cet enfant. « Alors, depuis trois jours la plupart de ses organes vitaux se sont stabilisés, on va bientôt pouvoir le débrancher. Il a eu une petite infection jeudi dernier, mais rien de très grave, ça a vite passé. » dis-je en refermant le dossier. Je regarde Mattia, puis Lleyton. « T'inquiètes pas, il ira bien. » Je sais qu'au fond, il s'en fait. Même s'il ne veut pas l'admettre, même s'il ne le dira probablement jamais, il s'intéresse à ce petit et il veut qu'il ait une belle vie. Il pense simplement ne pas être capable de pouvoir la lui apporter cette belle vie. Il pense que Lleyton sera mieux sans lui. Mais il n'est pas indifférent, ça j'en suis sûr.

Mais il y a toujours cette question. Cette question qui me brûle la langue. J'ai envie de la poser. J'ai envie de savoir. Ma curiosité l'emporte sur mon calme. Je sens bien qu'il y a quelque chose qu'il ne me dit pas, et dont il ne veut pas forcément me parler. Mais j'ai envie de savoir, besoin de savoir. Je devrai respecter son silence mais là, sans savoir pourquoi, j'en suis incapable. « Pourquoi tu as dit avant que tu ne savais pas ce que ça allait donné ? De quoi tu parlais ? » dis-je avec mon regard planté dans le sien. Mattia semble un peu pris de court par la question. Un léger silence s'installe avant qu'il le brise...

Mattia n'était pas du genre à faire des bourdes, mais ces derniers temps, il avait tendance à toujours mettre les deux pieds dans le plat. Comme là. Il avait tenté alors de changer de conversation, de détourner l'intention du jeune interne. Il ne fallait pas qu'il lui pose des questions. Alors, il avait demandé comment allait Lleyton, ajoutant qu'il demandait ça au médecin, et non à son ami. « Oui, j'avais bien compris.. » Mattia sourit, regardant Fernando lui tourner le dos. Reposant son regard sur le bébé, Mattia l'observa. Il était si mignon, si petit, si chou. Il semblait déjà avoir une féroce envie de vivre; ça se voyait. Il se battait jour après jour pour bien grandir, pour bien récupérer ses petites forces. En le voyant ainsi dormir, poing serré, yeux fermés, Mattia ne put s'empêcher de sourire. Vraiment, le fils d'Ella était très beau. Comme elle.

Ses yeux se posèrent alors sur Fernando; il revenait, avec entre les mains, un dossier. Sans doute le dossier médical de Lleyton. Bien que n'ayant que quelques pages, et étant tout petit, il semblait gros aux yeux du tennisman. Tout ça? Rien que pour ces quelques jours de vie? C'était impressionnant.. Même si, on était d'accord, c'était maigre comme dossier. « Alors, depuis trois jours la plupart de ses organes vitaux se sont stabilisés, on va bientôt pouvoir le débrancher. Il a eu une petite infection jeudi dernier, mais rien de très grave, ça a vite passé. » Il referma alors le dossier. Ok. Tout allait bien. L'infection était venue, mais l'infection était repartie. Ca s'en va et ça revient. Il allait bien là. « T'inquiètes pas, il ira bien. » Les yeux rivés sur le petit bonhomme, Mattia avait grandement envie de lui dire Non, je ne m'inquiète pas. Mais les mots ne réussirent pas à sortir de sa gorge. Ils restaient coincés. Bloqués dans ses cordes vocales. Alors, pour le contenter, il lui fit un petit sourire, et réussit à lâcher quand même deux mots. « tant mieux. » Ella paniquait, elle stressait, elle avait peur. Normal. Depuis qu'elle avait expulsé le bébé de son ventre, elle était devenue une maman. Une maman à part entière. Elle ne voyait plus qu'avec ses yeux, elle voyait à travers Lleyton maintenant. Le monde était bien différent.

Un silence s'installa entre eux. Un silence durant lequel Mattia observait le petit prématuré. Il respirait bien, toujours branché à cette machine qui stressait Mattia en faisant ce petit bruit. Il pensait que Fernando faisait la même chose; que lui aussi il admirait le bambin. Mais pas du tout. « Pourquoi tu as dit avant que tu ne savais pas ce que ça allait donné ? De quoi tu parlais ? » Il sentait son regard rivé sur lui, et il eut le malheur de poser le sien sur l'interne. Là, il était pris. Pris dans ce regard curieux. Curieux, mais gentiment. Il voulait savoir parce qu'ils étaient amis. Il ne voulait pas savoir pour avoir un potin de plus à raconter. Mais Mattia ne sut pas quoi dire, pris au dépourvu. Pour lui, cette question était passée. Il pensait que Fernando l'avait oublié. Après tout, lui-même l'avait zappé. Les yeux du tennisman se reposèrent alors sur Lleyton. Il souffla un petit coup avant d'ouvrir la bouche. « Parce que j'aimerais bien ressortir avec Ella. » Voilà, c'était dit. Qu'à moitié, mais c'était dit. Il y avait une nuance entre ce qu'il disait et ce qui se passait vraiment. « Ok.. On s'est embrassé. De nouveau. »

Lleyton dort, paisiblement. Il commence petit à petit à se débrouiller seul. Il est si petit, si frêle et pourtant, c'est déjà un battant et je suis persuadé de savoir de qui il tient ça: de ses parents, de l'un tout comme l'autre. Tout fait sens à présent. Si c'était clair depuis le début qu'il était le fils d'Ella, désormais je ne peux nier l'évidence de la paternité de Mattia. Ca se voit, même si il cherche à le nier. Ca crève les yeux même. Mais je peux comprendre, sa peur de s'engager, sa père d'être relié à ce gamin pour la vie. Je comprends son besoin de liberté, son besoin d'indépendance. Comment peut-on être réellement libre quand quelqu'un compte sur nous ? Ce n'est pas possible. Cependant, je ne peux m'empêcher de penser qu'il ressent une certaine curiosité quant à ce petit bout de chou. Ce qui, à nouveau, est totalement normal. Il prétend le faire pour Ella, il y a certainement beaucoup de ça, même si je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé entre eux deux, mais également comment ne pas se poser des questions à propos de la chair de sa chair ? Il me demande comment va Lleyton et je le "rassure" sur son état. Ce petit est robuste et il fait des progrès tous les jours. « tant mieux ! »

Mais malgré tout, je reste un peu perturbé par la petite réflexion qu'il a fait un peu plus tôt. Ce n'était pas clair et j'avais vu qu'il souhaitait changé de sujet. Je devrais respecter, mais non, j'étais trop curieux sur ce coup là. Un court silence s'installe, puis il déclare: « Parce que j'aimerais bien ressortir avec Ella. » Ca, je le sentais pas venir. Cette révélation me laisse sans voix, incapable de répliquer quoi que ce soit. Même mon cerveau a du mal à fonctionner correctement. Ca fait trop d'information d'un coup. Ella + Mattia ont été ensemble, puis Ella est tombée enceinte, puis Mattia a décidé qu'il n'assumerait pas, puis ils n'étaient plus ensemble, Lleyton est né, Mattia veut retourner avec Ella, mais n'est toujours pas prêt à assumer Lleyton. Situation compliquée, situation mal saine. Mais qu'en pense Ella dans tout ça ? À ça aussi, Mattia a une réponse à m'apporter. « Ok.. On s'est embrassé. De nouveau. » Les dés sont jetés, la machine déjà enclenchée. « Vous êtes de nouveau ensemble ? » Je retrouve l'usage de ma voix et la question sort d'elle même. Je suis plus sûr de rien, je suis plus sûr de comprendre quelque chose à la situation. Là, tout de suite, j'ai besoin de clarifié les choses. « Donc, si je comprends bien, tu es toujours amoureux d'Ella, tu veux être avec elle, mais tu préférerais qu'il n'y ait pas de bébé... ? Tu ne veux pas en être responsable, mais tu ne peux pas renoncer à Ella... ? » Je parle sans vraiment le regarder, mes yeux balayant la pièce de droite à gauche et de gauche à droite. Je me tiens la menton, essayant de réfléchir, essayant de garder ma position neutre, de ne pas juger. Leur bien m'importe tellement, mais maintenant il n'y à plus qu'eux. Il y a Lleyton aussi, et je ne peux pas le négliger là. Cette situation n'est pas saine pour lui, aboslument pas saine... Il est encore trop jeune maintenant, mais qui sait comment les choses vont évoluer par la suite ?

Pourquoi avait-il balancé ces mots? Pourquoi avait-il fallut qu'il ouvre sa grande gueule? D'habitude, il se taisait. D'habitude, il gardait tout au fond de lui, à tel point qu'il avait parfois l'impression de s'autosuicider. Un suicide à petits feux, juste parce qu'il n'osait rien dire. Mais là, pour une fois, les mots avaient dépassé sa pensée. Ils étaient sortis de sa bouche bien trop rapidement, sans passer par la case cerveau. Il n'avait pas réfléchit, et maintenant Fernando allait être complètement perdu. Il avait de quoi l'être. Il n'avait jamais rien su de toute leur histoire amoureuse, à Ella et à lui. Maintenant qu'un bébé était né, maintenant qu'il savait que le père de cet enfant ne voulait pas de lui, il apprenait qui c'était. Pire encore, il apprenait qu'ils avaient envie de se remettre ensemble. Dur dur.. Et là, Mattia avait envie de disparaître dans un petit trou. De se faire tout petit, de se cacher, de ne pas à devoir subir ses interrogations. Et d'essayer de comprendre ce qui se passait chez lui.
Il venait voir Lleyton. Il ne le disait pas, mais il avait l'impression que ce n'était pas forcément pour Ella qu'il faisait ça. Et maintenant, ils s'étaient embrassés. Qu'est-ce qu'ils allaient devenir? Des idiots incroyables qui ne pensaient pas à leur gamin? Ou des parents incroyablement amoureux? Il n'en savait rien. Il ne savait plus. Il était totalement perdu. Un jeune perdu dans un monde d'adulte. Un poussin perdu en pleine ville, entouré d'une hordes de coqs et de poules en tout genre.

« Vous êtes de nouveau ensemble ? » Il parlait. Se retournant doucement vers l'interne, Mattia l'observa un instant. Il était complètement perdu, lui aussi. Il ne semblait pas comprendre, et il faut bien avouer que Mattia n'avait pas l'impression de pouvoir beaucoup l'aider là-dessus. Il n'osait rien dire. Parce qu'après tout, est-ce qu'ils étaient de nouveau ensemble? Ou est-ce qu'ils s'étaient juste embrassés comme ça? Il n'en savait rien. Rien de rien. « Donc, si je comprends bien, tu es toujours amoureux d'Ella, tu veux être avec elle, mais tu préférerais qu'il n'y ait pas de bébé... ? Tu ne veux pas en être responsable, mais tu ne peux pas renoncer à Ella... ? » Tu. Tu. Tu. Tu. Il avait l'impression d'être le fautif dans la salle. Celui qui a joué de ses sentiments. Celui qui n'arrive pas à se contrôler. Celui qui refuse un lien évident. Il avait l'impression d'être l'accusé qu'on tente de condamner. Ce n'était pas de la faute de son ami évidemment, mais ça faisait l'effet là. Secouant la tête, complètement perdu, Mattia finit par lâcher quelques mots. « J'en sais rien Fernando, j'en sais strictement rien. C'était peut-être rien, c'était peut-être juste comme ça.. » Le pauvre. Il lui faisait faire le yo-yo des sentiments là. Secouant encore un peu la tête, Mattia finit par poser ses yeux sur le petit. Sur ce gamin minuscule qui se battait pour la vie. Il eut un léger sourire en l'observant. Il eut même l'envie de poser sa main sur la couveuse, mais non.. Il recula un peu, pensa très fortement à un A plus tard bonhomme, avant de se retourner vers Fernando. « Je.. Je vais te laisser. Prends soin de lui. ». Il voulait prendre la fuite. Quitter cet endroit. Essayer de trouver un coin tranquille. Ne pas devoir répondre à diverses questions. Et surtout, essayer de comprendre ce qui se passait chez lui..

J’en apprends de belle ce matin. Comment avais-je pu ignorer la relation entre Ella et Mattia. En même temps, ça avait du sens. Je n’avais plus trop de contact avec Mattia pendant un moment et j’ai rencontré Ella au moment de leur rupture et je ne crois pas que ni l’un ni l’autre ne savait que je connaissais l’autre. Bref, tout ça est bien complexe et je me sens un peu dépassé. L’important est de ne pas prendre parti et d’essayer de ne pas juger. Parce que je ne peux pas me mettre à leur place et je n’ai jamais vécu de situation similaire. Mais ma curiosité, même si je ne devrais pas, l’emporte. Je pose des questions et je mets, de toute évidence, Mattia mal à l’aise. J’essaye de comprendre, je m’emporte. Mes questions se font trop pintilleuses, trop aggressives, ce n’est pas le but pourtant, mais c’est ce qu’il parait.

« J'en sais rien Fernando, j'en sais strictement rien. C'était peut-être rien, c'était peut-être juste comme ça.. » Evidemment, à quoi je m’attendais. Le pauvre semble aussi perdu que moi. Enfin, bien plus évidemment. Dans sa situation, rien ne doit être clair. Et il a plus besoin d’un ami qui le soutient plutôt que d’un type qui le presse avec ses questions à la con, ce qui est exactement ce que je suis en train de faire. « Pardon, j’aurai pas du demander ça. » Il pose les yeux sur son fils, une dernière fois. Puis, son regard se reporte sur moi, et il dit: « Je.. Je vais te laisser. Prends soin de lui. »

Mattia s’éloigne déjà, sans se retourner. « Attends ! » je dis prestemment. Il s’arrête, il se retourne. Je fais quelques pas dans sa direction, parce que je n’ai aucunement l’envie de crier. « Mattia, tout ce que je t’ai dit, au restaurant, je le pensais. T’étais un ami, un super ami, et j’aimerais vraiment te retrouver. » Je soupire, car je n’aime pas vraiment ces petites déclarations amicales pas très masculines. « Et là, je n’ai pas agi comme un ami, j’aurai pas du t’embêter avec ces questions. J’étais juste... choqué. Mais ne crois pas que je te juges, ne crois pas que je ne suis pas là. Si tu veux parler, je suis là. Si tu as besoin de conseil, je suis là. Mais si tu veux juste trainer, rire et ne justement pas parler, je suis là aussi. » J’esquisse un mince sourire et je lui serre la main. « Lleyton m’attend, je dois le nourrir. Appelles moi, n’hésites pas. » Et je le laisse là, en silence, ne lui permettant pas de répliquer quoi que ce soit. Parce que j’aimerais vite retourner à mes affaires et laisser de côté cette petite séquence émotion que je viens de lui offrir.