Tout s'est envolé. Il ne reste rien. Absolument rien de toutes ces choses que j'ai pu vivre et de ces émotions qui ont jadis possédé mon âme. Je me suis forcé à oublier le visage de mes parents. Ceux de mes amis. J'ai brisé les chaînes qui me rattachaient à l'homme que j'avais été tout simplement parce que ce n'était pas moi. Pendant toutes ces années, je n'ai cessé de jouer un rôle pour entrer dans les critères de la normalité. Pourtant, je pouvais sentir au plus profond de mon âme remuer une force. Elle semblait si grande et si forte que je n'ai jamais essayé de la délivrer, de peur qu'elle détruise tout, peut-être. C'était un démon, un véritable monstre qui s'était incrusté dans mon entre, engloutissant un à un mes organes pour ne laisser derrière lui que les cendres de sa rage. Je le comparais souvent à une maladie, sauf qu'on ne pouvait pas la soigner. Parce qu'il n'existe aucun remède contre la folie.

Ma vie a réellement commencé il y a dix ans de ça, à un enterrement. Pendant que nous mettions sous terre le corps de ma sœur, je faisais la connaissance d'une petite fille rousse, ma nièce. Je me souviens de l'intensité avec laquelle mon regard avait plongé dans le sien. Et, pendant que des flots de larmes coulaient autour de nous deux, moi, je contemplais ce visage. L'innocence qu'il portait. Mais aussi sa beauté. Un sourire, large et rassurant était ancré sur mes lèvres lorsque j'ai attrapé sa main glacé pour la guider vers la grande voiture noire. La porte du carrosse claqua froidement derrière elle, comme pour prévenir le monde entier du malheur qui l'attendait. Mais personne n'avait réagit à cela. Je peux d'ailleurs encore redessiner à la perfection le sourire de cette femme. « Mon père. » Empêche le d'embarquer cette gamine. J'avais lentement tourné mon visage en sa direction. « Oui ? » Sa main, posée sur mon épaule, me massait légèrement depuis qu'elle avait su capter mon attention. « La petite sera bien avec vous. Vous me donnerez des nouvelles, j'espère ? » Elle va en enfer, putain, sauve la. D'un mouvement bref de la tête, j'avais répondu affirmativement pour la conforter dans ses idées. Suite à ça, une masse de sanglots se figea en ma direction. Je n'avais rien trouvé de mieux que de les saluer d'un geste de la main avant d'entrer à mon tour dans la voiture. Impatient, mon regard transperça celui de la petite alors que prenait place sur mes lèvres le plus carnassier des sourires. C'est à travers ses yeux qu'une nouvelle dimension s'offrait à mon futur. S'était réveillé en moi une force qui jamais ne pourrait être rassasié. Un putain de démon qui causerait le chaos à en épuiser les ressources d'une vie humaine en elle-même. Subitement, la croix attachée à une fine ficelle autour de mon cou et mon habit de curé n'étaient plus qu'un simple costume. J'inspirais la sécurité mais je n'étais qu'enfer et damnation. Mes prières n'avaient plus aucunes valeurs et me déchiraient la tête rien qu'à y penser. Il n'était plus question d'états, de valeurs, de sentiments ou même de pitié. Il n'était plus question de rien. Tout avait soudainement disparu, cette gosse avait aspiré par ses deux orbites bleus les débris de mon humanité. « Hello Little Mermaid. » Elle était belle. Belle à croquer. Je désirais déjà chaque parcelle de son corps. Ce jour-là, en l'emportant avec moi dans cette voiture, je m'étais promis de tout lui voler. De ne rien lui laisser, si ce n'est assez d'oxygène pour vivre. Le reste me reviendrait, inévitablement.

« Tu es à moi. » C'est ce que je lui avais dit avant de la jeter tel un vulgaire chiffon dans sa chambre. Ou du moins, ce qui lui servait de chambre. Une simple pièce emménagée d'un matelas et d'un chiotte à la turc sans aucune source de lumière. Je ne voulais pas qu'elle voit l'espoir dans un rayon de soleil. Nan, la vérité c'est que je désirais qu'elle ne voit que mon visage. Uniquement mon corps collé au sien et rien d'autre. Oui, c'est ça, je voulais la nourrir de nous, en lui en faire faire une overdose. Et je ne cessais de lui répéter inlassablement qu'elle était à moi. Que ce soit le matin, lorsque je lui apportais son petit déjeuner, le soir ou pendant l'un de nos actes sexuels, jusqu'à l'imprégner totalement de cette idée. Elle était à moi, ma poupée et personne, oh non personne n'aurait l'occasion de me l'arracher. Les démons n'ont pas de limites et ce n'était pas la justice qui m'empêcherait de la garder à mes côtés. Ni la justice, ni même vous.

Et maintenant, après lui avoir volé sa liberté. Après lui avoir dit comme le monde autour d'elle pouvait être fourbe et dégueulasse. Après lui avoir pris sa virginité et toutes traces d'innocence, elle est toujours à mes côtés. Ma petite sirène. Si belle et envoûtante, toujours prête à assouvir mes pulsions, aussi folles soient-elles. Je l'aime à travers mes coups, cette séquestration, ma violence. Je l'aime comme personne ne peut l'aimer. D'une intensité si forte que jamais je ne la laisserai quitter cette chambre sans moi. L'agonie lui va si bien. De toute façon, maintenant, il est trop tard pour me l'enlever. L'enfer lui colle à la peau comme son corps est taillé pour le mien. Et vous, vous êtes quoi dans tout ça ? Pendant que je la torture, vous faîtes quoi pour elle ? Je vais vous le dire moi, rien. Vous entendez ? Rien du tout.