Je marchais lentement. J’aimais ces petits sentiers à la sortie d’Arrowsic. Il n’y avait jamais personne. C’était calme. C’était paisible. Beau à voir. J’avais laissé mon fils avec son papa. Il n’avait rien de prévu en théorie. Mais il trouverait forcément quelque chose à faire. Surtout avec Lleyton rien que pour lui. J’aurais pu rester avec eux. Qu’on fasse une sortie tous ensemble. Ou qu’on reste tous ensemble à la maison. Devant Gulli avec un chocolat chaud. Attendris devant Lleyton. On aurait pu faire ça. Mais aujourd’hui, j’avais prévu autre chose. J’avais prévu de prendre un bol d’air frai. De m’éloigner de la population. De me ressourcer. Et ce avec, un ami qui en avait bien besoin. Un ami que je ne voulais pas laissé seul. Un ami à qui je devais plus que la vie. Un ami qui était à un moment de sa vie où il avait besoin de moi. Et je voulais être là. J’étais là. Et je serais toujours là pour lui. Mattia n’avait eu aucun mal à comprendre mon choix je crois. Parce que lui aussi, il était capable de tout donner pour ses amis. Pour les sortir du gouffre. Ou simplement être présent s’ils en avaient besoin.

Je marchais lentement. Sur les sentiers des randonneurs. Aux côtés de mon ami. Au côté de Fernando. « Tu ne l’as pas revu depuis ? ». Il savait de qui je parlais. Il n’allait pas faire semblant de chercher. Il s’agissait de Kai. L’une de mes plus proches amies. Sa petite amie à lui. Enfin ex maintenant. Enfin, non. Bref. Elle était enceinte. Sans le vouloir pour autant. Et lui rêvant de devenir père. L’exact inverse du problème que j’avais traversé. Enfin… presque. Je n’avais pas sauté de joie en l’apprenant. Mais, bref. Ça faisait trois semaines je dirais. Que cette situation durait. Qu’il avait quitté le loft. Qu’il ne lui parlait plus. Et elle qui ne répondait plus aux sms. Ni aux appels. Ni à rien du tout. Les miens hein. Pas ceux de Ferny. Il n’essayait pas de la contacter.

Cette histoire était affreuse. J’avais le cul entre deux chaises. Entre le fait de comprendre que Kai ne voulait pas être mère. C’était un droit. C’était un choix. Nul n’avait le droit de la forcer à porter un enfant dont elle ne voulait. Malgré l’amour infini qu’elle portait à Fernando. Elle ne pouvait pas garder un enfant juste pour lui. Ou plutôt, elle ne devait pas. Et d’un autre côté, Ferny était fou d’elle. Il voulait en enfant d’elle. Il voulait tout d’elle. Je ne pouvais pas blâmer sa réaction. Elle était celle d’un homme amoureux. Brisé dans ses rêves. Dans ses idéaux. Je n’aurais pas pu réagir différemment de lui. Ni différemment de Kai.

Je me rapprochais de lui. Décidant de prendre son bras pour marcher. Un prétexte pour avoir un contact avec lui. Pour lui montrer que j’étais là. « Et tu te ne sais pas si elle a avorté ? ». Nul doute que si Kai l’avait fait, elle ne l’aurait pas fait ici. Alors, je ne voyais pas trop comment il pouvait savoir. Mais, je voulais être sûr.

Leur rupture me faisait mal. Oui, ça faisait mal. De savoir que deux personnes pouvaient s’aimer autant et se détruire de la sorte. Parce que c’était ça. En vivant de ce flou absolu. En vivant loin l’un de l’autre. Ils se détruisaient. Ils se faisaient du mal. Beaucoup trop de mal. « Non. Mais je dois la voir. Je dois lui parler. Absolument. ». Il tourne la tête. Me cache cette envie de pleurer. Cette douleur qu’il ressent dès qu’il pense à elle. Comme si je n’allais rien remarqué. Comme si le fait de tourner la tête pouvait m’aveugler. Il oubliait que malgré mes dix-huit ans, je le connaissais cette douleur. Il ne pouvait pas me cacher ses larmes aussi aisément. « Tu n’as pas besoin de tourner la tête tu sais, tu as le droit de pleurer. ». Ma main rencontre la sienne. Que j’attrape et que je caresse doucement. Je suis là Ferny. Je serais toujours là. « Je suis d’accord avec toi, tu dois la voir, lui parler, vous ne pouvez rester comme ça… mais tu as la moindre idée de ce que tu vas lui dire ? ». Non parce qu’après autant de temps, revenir sans savoir quoi dire, sans rien pour avancer c’était problématique. Je veux dire, il fallait qu’ils aient un dialogue constructif. Qu’ils ne s’emportent pas pour un rien. Qu’il n’aille pas la voir sur un coup de tête. Dans un moment de colère. En hurlant qu’elle ne pouvait pas avorter.

Et le silence s’installa à nouveau. Mais pas longtemps. Je voulais savoir s’il savait. Ce que Kai avait décidé. Et son visage surpris me fait comprendre qu’il pensait que je savais. « Tu n’as pas eu de contact avec elle ? ». Je bouge ma tête négativement. Non je n’ai eu aucun contact avec elle. Mais, ce n’est pas faute d’avoir essayé. « J’ai essayé de l’appeler, je lui ai envoyé des sms, j’ai été plusieurs fois jusqu’au loft mais… elle n’a jamais daigné répondre… ». Non, Kai n’avait pas envie de me répondre. Sans doute aucun envie de me voir. Peut-être parce que j’étais aussi proche de Fernando que je l’étais d’elle. Peut-être parce qu’elle avait peur que je lui parle de Lleyton. Que je ne sois pas objective. Que je me permette de juger. Ou peut-être ne ovulait-elle voir personne. Absolument personne. Je n’en savais rien. « Sinon... Je ne sais pas. Et honnêtement, je ne sais pas quelle solution est la pire. Qu’elle ait gardé un enfant dont elle ne veut pas pour me faire plaisir ou bien qu’elle ait avorté quand même. Dans tous les cas, cette situation craint. ». Oh oui cette situation craignait vraiment. Qu’elle est avortée ça serait forcément horrible. Injuste pour Fernando. Mais qu’elle le garde ? C’était injuste pour elle, pour cet enfant. Ça n’apporterait rien de bon. Aucune des deux situations ne serait positive. « Tu crois qu’elle pourrait vraiment garder un enfant pour te faire plaisir ? ». Je lui demandais parce que moi je n’avais pas de réponse à cette question. Moi je n’avais pas réussi à avorter pour faire plaisir à Mattia. Est-ce que l’inverse n’était pas aussi dur ? Même encore plus dur. Elle devrait porter ce gosse pendant neuf mois. Etait-elle capable de se sacrifier aussi longtemps ? J’aurais tendance à dire que non. Mais, en réalité, j’avais la sensation inverse.

Fernando voulait retourner voir Kai. Lui parlait. Et je ne pouvais qu’approuver cette idée. Tout du moins s’il savait quoi lui dire. Ça éviterait l’emportement. « Oui, je sais. Je sais ce que j'ai à faire. ». On aurait dit un robot. Un enfant ayant appris sa leçon par cœur. Je ne dis rien là-dessus. Je hoche simplement la tête en caressant doucement l’épiderme de ses mains. J’en viens à lui dire que je n’ai aucune nouvelle de Kai. Tout comme lui. Qu’elle ne répond pas. Ni aux appels. Ni aux sms. Ni à la porte de chez eux. Elle ne répond. Elle s’en referme sur elle-même. Elle se blottit dans sa solitude. Dans sa douleur. Fernando le savait. Et ceci sembla le décidé. « J'irai demain. ». Je lui tiens la main, tout en étant surprise. C’est comme devenu un impératif vital. Mais, je le comprends. Je le soutiens. Je suis là. Fernando je ne pourrais jamais le laisser seul. Je l’aime mon Ferny. Passionnément. De tout mon cœur. Autant que l’amitié puisse aimer.

Je lui demande alors s’il croit qu’elle la garder. S’il croit que c’est possible de faire une telle chose. « Je te mentirai si je disais non. Je le crois, oui. Et ça me détruit si tu savais. ». Je ralentis. Je le regarde. Ça le détruit ? De savoir qu’elle l’aime à ce point ? De savoir que son rêve de devenir papa n’est peut-être pas mort ? J’ai peur de ne pas comprendre. Parce que même si c’est affreux d’imposer ça à Kai, le détruire c’était trop. Trop pour que ce soit ce simple fait qui lui fasse cela. « Je ne peux pas la laisser avoir cet enfant Ella... ». Pourquoi ? Et ne fallait-il pas y penser avant ? Je me doutais que c’était plus qu’une prise de conscience. Il y avait autre chose. Ses larmes coulèrent d’un coup. Je serre sa main un peu plus fort. Je caresse chaque parcelle de cette main masculine. Et puis je m’arrête. J’allais le prendre dans mes bras. Mais sa voix tremblante m’arrête aussitôt. « Je ne peux pas la laisser déjà parce que ce n'est pas juste pour elle, mais surtout parce que... Parce que... J'ai un cancer. ». Là c’est moi qui pleure. Le mot cancer raisonne dans ma tête. Alors que je n’ai pas enregistré la réalité de la chose.

Je me jetais dans ses bras. Le serrant très fort contre moi. Les larmes dégoulinant en abondance sur mes joues. Un. Deux. Respire Ella. Un cancer. L’hôpital. L’opération. La mort. Je ne voyais cet endroit plus que comme cimetière vivant. Du moins la fabrique à cimetière. Il ne peut pas… pourquoi lui bordel de merde ? Qu’est-ce qu’il a fait de mal ? Il n’est pas mort dans la fusillade il faut forcément qu’il lui arrive quelque chose ? Non. Je ne pouvais pas l’admettre. « Mais ils vont te soigner hein Ferny, une opération et ça sera derrière toi, je t’en supplie dis-moi que tu ne peux pas mourir. ». Ma tête se colla contre son torse. Les larmes roulant, roulant toujours plus. Je le serrais aussi fort que je pouvais. Refusant de le lâcher. Comme s’il allait se désintégrer, là, sous mes yeux.

Oh oui, j’étais un plein dans le monde des bisousnours. On me disait cancer et moi j’espérais. J’espérais qu’une opération et hop plus rien. Que le cancer soit l’équivalent d’une petite gastro. Un mauvais moment à passer. La vérité c’est que l’idée de perdre Fernando m’était totalement insupportable. « C’est une tumeur cérébrale Ella... Ce qui veut dire que les choses ne sont pas aussi simples... Apparemment, ça fait déjà un bon moment que je l’ai, c’est assez avancé. ». Je le sers encore plus fort. Même si je le serrais déjà bien fort. C’était dégueulasse. Il était jeune. Il était amoureux. Séduisant. Presque futurement heureux et marié. Il avait des proches qui l’aimaient. Mais, non, le cancer était là. Pas qu’à moitié en plus. C’était impensable. Surréaliste. Dégueulasse. Fois deux. Injuste, fois mille. Même un milliard. « La première estimation des médecins est d’un an, voir un an et demi. Mais il faut voir comment ça évolue si je fais de la chimio. Ça peut rallonger mon temps de vie, un petit peu. ». Mes larmes coulent encore plus. Un an, c’est bien trop court. Un an. Un an de souffrance en plus. Je n’essayais même pas d’arrêter mes larmes. Mon visage n’était que ça. C’était une armée qui sortit de mes yeux sans crier gare. Pourquoi Fernando ? « Et il y a aucune solution ? ». Ma voix tremble. Je veux croire en un espoir. Je ne suis pas encore écroulé au sol parce que justement j’y crois. Je veux croire que tout n’est pas foutu. Et peut-être un peu que cette réalité n’existe pas. Ou n’existera plus. J’ai du mal à accepter la situation. A accepter le cancer. A accepter un an.

Cancer. Ce mot résonne dans ma tête alors que Fernando reprend la parole. « Comment je vais le dire à Kai ? Comment je vais faire ? Elle peut pas avoir ce bébé, elle peut pas... ». Il se détacha de moi. Pour se prendre la tête. Les larmes coulent. Oh Kai… Je ne pouvais même pas imaginer sa réaction. Cette jolie rousse si souriante. Qui ne l’étais plus ces derniers temps. Elle n’avait pas fini de sombrer. Il releva son regard sur moi. Tentant d’essuyer mes larmes. Mais rien à faire, elles partaient. Elles revenaient. « Ella promets-moi quelque chose s’il te plait. ». Mon cœur se serra alors que je le regardais droit dans les yeux. « Prends soin de Kai. ». Les larmes roulèrent encore plus fort. Prendre soin de Kai. Elle allait le perdre. Elle allait perdre l’amour de sa vie. Personne ne pourrait prendre soin d’elle. Parce que la seule personne qu’elle voudrait c’est lui.

Je retourne contre son torse, parce que moi, ça me rassure. « Tu le feras toi-même, parce que moi je veux croire que tu vas t’en sortir, je ferais tout pour. ». Je ne savais pas encore comment. Mais j’allais mettre mon grain de sel. Je ne pouvais pas rester sans rien faire. « Mais s’il t’arrives quelque chose, je te promets de tenter l’impossible. ». Parce que oui, Sa mission Kai était l’impossible. Elle ne voulait pas me voir alors qu’il était vivant. Alors imaginez si…non. Impossible. Mais j’étais prête à l’impossible pour mon meilleur ami.

Croire que tout était fini. Qu’il n’y avait aucune solution. Je n’en étais pas capable. Et pourtant Ferny était clair. « Non. ». Non. Il n’y avait aucune solution. Mais, non, pour moi ce n’était pas possible. Ce n’était pas une information enregistrée. Pour moi, il allait s’en sortir. Il ne pouvait que s’en sortir. Je le serrais très fort dans mes bras. Tentant de ne pas pleurer. De ne pas trop pleurer en tout cas.

Je lui promets de prendre soin de Kai. Du moins d’essayer. Parce qu’elle ne me laissera pas faire. Je lui promets que si le pire arrive, je ferais ça pour lui. Je lui promets sans croire que cela soit possible. Je lui dis aussi. Que pour moi, c’est lui qui prendra soin d’elle. Il va s’en sortir. On va trouver une solution. J’y croyais de tout mon cœur. En cet espoir que la vie reste en lui. « Merci. ». Je lui offre un sourire. Un tendre sourire amical. Je lui devais bien ça. Il n’avait pas à me remercier. « Moi aussi je vais tenter l'impossible, c'est promis. ». Oh ça j’y comptais bien. Qu’il se batte contre la maladie. Qu’il vive aussi longtemps que possible. « Merci… ». Oui, merci, de tenter ça. De penser à toutes les personnes qui avaient besoin de lui. Qui l’aimaient. Merci de se battre. Parce qu’il n’y avait que comme ça qu’il pouvait s’en sortir. Et une nouvelle fois j’avais cet espoir. Vraiment. Alors qu’il n’y avait pas de solutions.

Je me blottissais contre lui. Essuyant mes larmes. Il souffrait déjà assez. Je n’allais pas lui montrer à quel point je souffrais moi aussi. Que je ne voulais que pleurer et pleurer. Je voulais profiter du temps que j’avais avec lui. Je voulais lui apporter mon soutien. Et non ma tristesse. Même si les deux allaient un peu de pair. « Et tu crois pas que tu peux aller voir genre des chirurgien super renommés qui peuvent te sauver ? ». Bah oui, peut-être qu’à Arrowsic on ne pouvait pas. Peut-être qu’ailleurs il y avait des traitements expérimental. Il y avait peut-être une solution qu’on pouvait creuser tous les deux. Parfois, il fallait tout oser. Tout donner. Pour s’en sortir. Mais, en même temps, si Kai allait vraiment avoir cet enfant, il ne pouvait pas partir comme ça. Il devait tout donner pour lui. Il ne pouvait savoir que son bébé faisait ses premiers pas alors qu’il agonisait. Parce qu’il parait que les cancers ce n’est pas une fin en douceur. Mais plutôt dans la douleur. J’allais tout donner avec lui. Pour lui. Pour moi. Pour Kai. Pour son gosse. Pour je ne sais quoi. Mais moi, je refusais de le laisser seul dans cette galère. D’ailleurs, il fallait que je lui dise. « Je serais là pour toi tu sais, je te laisserais pas te battre tout seul, jamais. ». J’embrasse sa joue. J’ai jamais eu autant besoin de contact avec lui qu’aujourd’hui. C’est dingue mais c’est toujours quand on perd les gens qu’on aime qu’on exprime nos sentiments. On oublie de dire je t’aime parce qu’on croit qu’on a le temps. Et quand le temps nous manque… il ne nous reste plus qu’à pleurer.

Moi je voulais qu’il s’en sorte. Et j’étais prête à tout pour ça. Il fallait que je sache s’il n’y avait vraiment aucune alternative. S’il n’y avait une solution qu’on ne lui avait pas présenté. Un truc expérimental ou je ne sais quoi. « Je ne sais pas. ». Il ne savait pas. Ça voulait dire, que peut-être il y avait quelque chose. Je ne sais pas c’était mieux que non. Et je ne sais pas, ça voulait qu’on pouvait chercher. On allait chercher. Et surtout on allait trouver, je voulais y croire. « Eh bah on cherchera ensemble, y a surement une solution, un truc dont ils t’ont pas parlé… ». Je devais trop regarder House et grey’s anatomy moi. Et puis surtout, je croyais un peu trop au miracle. Mais, c’était moi. J’étais comme ça. Je ne pouvais pas arrêter d’espérer avant que tout soit finit. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Un peu débile comme phrase. Mais c’était un peu ça dans ma tête.

En tout cas je lui faisais la promesse d’être là pour lui. Ce n’était pas la première fois. Que je lui faisais cette promesse. Mais, je la tenais. Je serais là. Comme il l’avait été pour moi. Comme il l’était toujours pour moi. « Je sais. Et j’aurai besoin de toi Ella. Je pourrais pas... Je pourrais pas sans toi. J’aurai pas la force de me battre dans le vide. ». Je lui offrais un petit sourire réconfortant. C’était affreux de sourire là. Ce n’était pas facile surtout. Mais, ce que je voulais c’était lui offrir de l’espoir. Un peu de chaleur. « Je serai là, et je t’amènerai Lleyton, tu vas voir, mon bébé il te redonnera le sourire même quand moi j’y arriverais pas. »[/color]. Et puis c’était son parrain. Alors, je n’allais pas l’en priver. Je savais qu’il l’aimait. Et c’était aussi et surtout pour dire que rien n’allait changer. Que malgré la maladie, tout serait au maximum comme avant. Même si tout serait différent dans le fond. « J’ai besoin de Kai aussi, j’ai tellement besoin d’elle. ». Je serrais la main de mon ami. Je savais qu’il avait besoin d’elle. Tout comme elle avait besoin de lui. L’un sans l’autre, ils n’étaient rien. « Moi je le sais, mais, je ne suis pas certaine qu’elle, elle le sache. ». J’embrassais la joue de Fernando. « Il faut que tu lui dises, non seulement pour ta maladie mais aussi à quel point tu l’aimes, à quel point tu as besoin d’elle. Il faut qu’elle sache même si pour toi ça sera certainement la chose la plus difficile qu’il t’ait été donné de faire. ». C’était le moins que l’on puisse dire. Annoncer à Kai une telle chose c’était l’assurance d’un torrent de larmes. C’était aussi l’assurance de la faire souffrir au plus profond d’elle-même. Ce n’était pas seulement lui briser le cœur. C’était briser son être. Kai ne vivait pas sans Fernando, elle survivait. Ça faisait deux mois qu’elle survivait. Elle survivait parce qu’il était encore en vie. S’il venait à mourir ? Elle ne prendrait sans doute plus cette peine. En tout cas moi, c’était ce qui me faisait peur.

Un cancer, ce n’était pas rien. Et annoncer qu’on a cancer à ses proches, à ce qui nous aime, c’était sans doute ce qu’il y avait de plus difficile. Et je comprenais qu’il redoute de le dire à Kai. Elle l’aimait tellement. Elle l’aimait bien plus que n’importe qui. Et j’étais sûre qu’elle l’aimerait toujours. Elle l’aimait trop pour ne pas souffrir de cette nouvelle. Et Ferny ce n’était pas du genre à aimer voir son entourage souffrir. Encore moins Kai. A chaque fois qu’il la voyait pleurer, il était mal. Il s’en rendait malade. Je le savais. Je le connaissais. Alors la perspective de lui annoncer qu’il allait peut-être mourir n’avait rien de charmant. C’était certain. « J’ai tellement peur d’aller là-bas, de voir qu’elle a toujours ce bébé. Et moi... Et moi, je lui dis que bientôt, tout est fini... Je lui dis que je l’aime que j’ai besoin d’elle mais que notre amour à une date limite. Je lui dis qu’on peut être ensemble, heureux, mais que ce n’est que temporaire. Si ça se trouve elle me rejettera ou même pire, elle acceptera de me tenir la main tout du long et je la tuerai elle aussi... Ça craint tellement Ella. ». Il pleurait. Il pleurait tellement. Je ne tardais pas à le prendre dans mes bras. Caressant son dos. Cherchant à le rassurer. A le consoler. Avec les gestes. A défaut de trouver les mots. Les bons mots. Ceux qui soigneraient son cœur blessé. Mais y en avait-il seulement ? Dans cette situation je ne croyais pas. Du moins pas de ma bouche. Il avait peur de le dire à Kai. Et Kai était finalement la seule à pouvoir le rassurer. « J’ai tellement peur. ». J’embrasse sa joue sans desserrer mon emprise.

Ma bouche étant près de son oreille, je ne bougeais pas. Pas besoin de le lâcher. Je n’en avais pas envie. J’avalais difficilement ma salive. La faute aux larmes que j’étouffais. « Si elle garde un enfant pour toi, je crois qu’elle se battra avec toi, pour toi. Et tout n’est peut-être pas perdu mais si tel est le cas, dis-toi bien que quoique que tu fasses, tu ne pourras pas l’empêcher de laisser mourir une partie d’elle avec toi. Ne rien dire la fera davantage souffrir. Même si c’est affreux, même si égueulasse et injuste… elle doit savoir. ». Je versais quelques larmes. Malgré le fait que j’essayais de ne pas le faire. Je serrais Fernando un peu plus fort contre moi, encore une fois. C’était réellement affreux. Dégueulasse. Mais, il devait laisser le choix à Kai. De souffrir avec lui. Ou loin de lui. Dans tous les cas, elle allait souffrir. Et peu importe ce qu’elle choisissait si Fernando venait à mourir, une part d’elle allait mourir avec. Il ne pouvait rien empêcher. Il ne pouvait choisir. En fait dans l’affaire, il n’avait rien choisi. Il subissait sa vie. On lui imposait sans qu’il ne puisse rien y faire. « Mais tu ne vas pas mourir, tu vas t’en sortir… ». Je chuchotais ces quelques mots. Pour moi-même. Pour ne pas oublier cet espoir. Parce que parler de sa mort me faisait mal. L’envisager rien qu’une seconde était affreux. Il ne pouvait pas être autrement. Je voulais que la vie lui impose de s’en sortir.