« Ici, ton nuage de poisse, il peut encore nous attaquer ? » Je secouai la tête négativement en souriant. Franchement, je ne pensais plus du tout à ce fichu nuage de poisse là, et puis j'avais tout intérêt à lui répondre par la négative si je voulais le convaincre de venir. Dans le bain, il n'y avait plus beaucoup de risques après tout, si nous nous tenions tranquilles tous les deux ? J'avais juste envie que Felix me rejoigne, parce qu'il ne manquait plus que lui pour que tout soit parfait. C'était trop romantique, il suffisait de rajouter des pétales de roses, des bougies, et l'on se serait cru dans une série américaine pour ados… mais comme j'étais aussi chanceuse que ma mère avec les bougies, il valait mieux que je n'en mette pas, et puis de toute façon nous n'étions pas le soir. En tout cas, c'était encore confirmé : j'avais d'excellentes idées parfois, mais il faut dire aussi que Felix m'inspirait beaucoup à les trouver. Je le regardais se déshabiller avec un petit sourire en coin et repliai un peu mes jambes pour le laisser s'installer face à moi. Il me prit la main et je n'eus pas besoin qu'il me fasse un dessin pour comprendre qu'il souhaitait que je me tourne pour me coller à lui. Je lui souris avant d'obéir à sa demande silencieuse, me tournant et posant doucement ma tête contre son torse. Là, je me disais simplement que j'avais de la chance. De la chance de l'avoir retrouvé, d'être seule à seule avec lui, dans ses bras, d'autant plus que je savais qu'un bon nombre de femmes auraient rêvé être à ma place.

Il y eu un grand silence entre nous, comme hier dans la piscine, avant qu'il ne soit brisé par nos 'je t'aime'. Bien entendu, il était encore une fois loin d'être pesant. Je profitais de ce nouveau moment de répit pour réfléchir à tout ce qu'il m'avait dit pendant toutes ces heures passées ensemble, et notamment le fait qu'il se sentait capable de vivre avec moi pour les soixante prochaines années. Voilà quelque chose qui ne m'avait pas laissée indifférente, ce n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde ! Soixante ans. C'était énorme, autant dire que c'était quasiment toute une vie... Je ne savais pas vraiment s'il s'était rendu compte de ce qu'il m'avait dit, et pourtant venant de Felix, je doutais fort que ce soit des paroles en l'air, surtout quand il s'agissait de ce genre de paroles là. Cependant, j'avais besoin d'en être certaine, sinon, je me connaissais, j'allais encore tourner sa phrase dans ma tête pendant des jours. J'allais ressasser ça en long, en large et en travers et m'en faire dix mille interprétations. Une vraie malade. Tout en caressant doucement la mousse au-dessus de l'eau, je me décidais à lui poser la question qui me tiraillait tant. « Tu crois vraiment pouvoir m'aimer pendant soixante ans ? » lui demandais-je finalement en souriant doucement après avoir pris quelques secondes de réflexion. Felix avait sûrement dit ça comme ça, mais depuis qu'il l'avait dit, cela me travaillait un peu. J'étais une fille sensible, très fleur bleue, et prenant les choses parfois trop à cœur. « Je veux dire, ça te fait pas peur ? » Je ponctuai ma question d'un petit rire histoire de détendre l'atmosphère, parce que je ne voulais pas du tout le mettre mal à l'aise avec mes questions. J'étais curieuse, tout simplement, et je trouvais ce moment opportun pour en discuter. « Parce que je tiens à préciser que tu n'étais pas encore bourré quand tu m'as dit ça. » Je ris de nouveau en tournant mon regard vers lui. De toute façon je crois que je me serais souvenue de ce genre de remarque de sa part même dans mon état pitoyable d'hier soir. Quelque part, je cherchais un peu à savoir le fond de sa pensée, sans pour autant le mettre dans l'embarras comme tout à l'heure par rapport au bébé et au mariage. Mais oui, je devais avouer que j'attendais qu'il le répète, pour être sûre que j'avais bien entendu, pour être sûre que ce que nous ressentions était réciproque. Est-ce qu'il avait dit ça comme ça, sur un coup de tête, pour me faire plaisir ? Est-ce qu'il se rendait vraiment compte de ce que ça représentait soixante-ans de vie commune, avec une femme qu'il ne connaissait véritablement que depuis quelques semaines ? Est-ce qu'il n'allait pas regretter sa vie d'avant ? Après tout, avant de me connaître, j'avais compris que Felix était un jeune homme assez fêtard, dragueur, bref, loin de se caser avec quelqu'un, et encore moins pendant le reste de sa vie. Je voulais être sûre de tout ça, parce que ses mots m'avaient énormément touchée et que je les avais pris à cœur, comme tous les mots qui sortaient de sa bouche d'ailleurs, alors, je voulais juste m'assurer de ne pas me faire de faux espoirs pour l'avenir. Moi, je savais que Felix était un coup de foudre sérieux, un peu comme une révélation, quelque chose que je n'avais jamais ressenti avec les autres hommes que j'avais pu croiser auparavant, et j'avais le sentiment que, comme ma mère le disait si bien, c'était le bon. Si elle elle le sentait aussi pour la première fois, je me disais que j'avais là plusieurs signes qui ne trompaient pas. Alors évidemment, passer soixante ans avec lui, voire même plus, je m'y sentais prête. Parce que j'étais bien à ses côtés, j'étais moi-même, et c'était essentiel si je souhaitais passer le reste de ma vie avec lui.

Spoiler:

Une fois Neela contre moi, j'avais abandonné l'idée des morsures... Nous étions déjà dans un sale état, il était inutile de l'empirer. À la place, j'optai pour de simples bisous sur sa joue. C'était peut-être ici, finalement, que nous devrions passer toute la semaine. L'idée du bain était une merveilleuse idée : elle nous permettait d'être ensemble, et en même temps au calme, comparée à ce que nous avions fait hier soir. Il y eut un nouveau blanc entre nous, duquel je profitai pour continuer à l'embrasser. « Tu crois vraiment pouvoir m'aimer pendant soixante ans ? » Je lui jetai un regard étonné qu'elle n'avait sûrement pas pu voir, étant donné qu'elle était de dos.

« Pourquoi ? Tu trouves que ce n'est pas assez ? Soixante-dix ça va aussi... Ça nous ferait... Ouais pas loin de cent ans, c'est un bel âge non ? »

Je souris légèrement, puis mon sourire se transforma en rire quand elle m'annonça que je n'étais pas encore bourré en disant cette phrase. Oh non, je m'en souvenais très bien, et je me souvenais également parfaitement du sens qu'elle avait. Et paradoxalement à ma réaction par rapport au mariage, vivre soixante-ans, ou plus, avec Neela ne me faisait pas du tout peur. Au contraire. Ma phrase était tout ce qu'il y a de plus sincère.

« Pourquoi ? Ça te fait peur à toi ? »

L'art de répondre à une question par une autre. J'avais forcément du laisser ma vie encore un peu adolescente, avec les soirées entre amis qui se multipliaient, les soirées drague... Mais je ne regrettai rien, car je savais que ce sacrifice me permettait de voir Neela et de passer du temps avec elle. Notre toute première nuit ensemble, il y a dix ans, en disait long sur notre relation. Elle synthétisait parfaitement le fait que nous avions tous les deux besoin d'avoir l'autre proche de soi, si pas contre soi, pendant toute la journée. Mais la question de Neela me paraissait étrange d'un coup. J'avais l'impression qu'elle doutait de quelque chose... De moi ?

« Si ta question cachée était “Est-ce que tu ne penses pas que tu seras tenté d'aller voir ailleurs en soixante ans ?”, la réponse est non. Un gros non. Tu le vois là le non ? »

Avec un sourire, je traçai “N-O-N” avec mes doigts, dans le vide. Soixante ans avec Neela, c'était juste du rêve, alors il me serait de toute manière inutile d'aller voir ailleurs, puisque j'aurais déjà tout avec elle.

Spoiler:

Je me serais bien laissée bercer toute la journée par ce silence amoureux et les doux baisers de Felix sur ma joue, mais j'avais eu besoin d'éclaircir quelque chose, c'était plus fort que moi. « Pourquoi ? Tu trouves que ce n'est pas assez ? Soixante-dix ça va aussi... Ça nous ferait... Ouais pas loin de cent ans, c'est un bel âge non ? » Je me tournai un peu plus pour pouvoir le regarder. Non, ce n'était pas assez soixante ans. C'était bien, mais je voulais plus que ça effectivement. Je hochai la tête en guise de réponse à la proposition de mon cher et tendre. Si j'allais vivre encore tout ce temps, qui plus est avec Felix, lorsque mon heure serait venue, je pourrais aisément me dire que j'aurais eu une très belle vie, et mourir tranquille. « Cent ans, j'aimerais pouvoir y aller avec toi oui. Mais tu te sentirais prêt ? Prêt à me supporter pendant toutes ces années, à voir ma tête tous les jours, tous les matins en te levant et tous les soirs en rentrant du travail, à n'embrasser plus que moi, à ne manger que mes plats cramés ? » Autrement dit, tu n'en auras pas marre à force ? Je souris en le regardant d'un air de défi, amusée par toutes les questions complètement stupides qui se bousculaient tout à coup dans ma tête. Heureusement que je les accompagnais d'un ton humoristique avec Felix, parce que sans, elles auraient été un peu étranges.

« Pourquoi ? Ça te fait peur à toi ? » Peur ? Je lui jetai un regard étonné. Bien au contraire, ça me faisait plutôt rêver oui, mais je comprenais qu'il me retourne la question. « Oh non, pas du tout. » J'avais lancé cette conversation pour savoir si l'idée de continuer sa vie avec moi ne l'effrayait pas, s'il n'allait pas regretter de ne plus pouvoir profiter des autres filles en soirée, de s'amuser tout simplement... Je ne souhaitais que son bonheur, alors Felix pouvait tout me dire, au risque de me faire mal. Je préférai qu'il s'en rende compte maintenant qu'après plusieurs années de vie de couple, ma chute serait moins douloureuse. « Si ta question cachée était “Est-ce que tu ne penses pas que tu seras tenté d'aller voir ailleurs en soixante ans ?”, la réponse est non. Un gros non. Tu le vois là le non ? » Avant même que je n'ai pu démentir le fait que ma question en cachait une autre, Felix se mit à dessiner un non avec son doigt devant moi pour appuyer ses paroles et être sûr que je comprenne bien. Je me mis à rire doucement en le voyant faire. Au moins, c'était clair ! « Oui oui je le vois, je le vois. » Je hochai la tête en continuant de sourire. Message reçu cinq sur cinq ! L'idée qu'il aille voir ailleurs me terrorisait, comme pour toute femme un tant soit peu amoureuse de son petit-ami, et pourtant, j'avais entièrement confiance en lui. Ma question n'en était donc pas une autre déguisée. En quelques semaines, nous nous étions énormément rapprochés tous les deux, rattrapant le temps perdu autant que possible, et j'avais développé une grande confiance autour de notre lien. D'ailleurs, je m'empressai de le rassurer par rapport à ça. Je ne doutais en aucun cas de sa fidélité, car cela signifierait que je n'avais pas confiance en lui, et sans confiance, nous n'irions pas bien loin ensemble. « J'ai confiance en toi. C'est juste que, enfin, tu sais, il y a la routine qui peut s'installer, est-ce que tes sentiments pour moi resteront les mêmes toutes ces années ? » Je poussai un petit soupir en gardant mon sourire. Je commençais à me fatiguer moi-même avec toutes mes questions existentielles auxquelles ni Felix ni moi ni personne d'ailleurs n'avait de réponse, à moins d'être voyant. D'ailleurs, cette question n'en était pas vraiment une, et je commençais à me dire que je me tracassais vraiment pour rien au lieu de profiter de l'instant présent. Après tout, Felix ne pouvait pas savoir d'avance si ses sentiments pour moi resteraient aussi forts pendant au moins soixante ans. « On ne peut pas savoir de toute façon. » concluais-je en haussant doucement les épaules. Il pouvait se passer n'importe quoi au cours de nos vies qui débouche sur une altération de nos sentiments l'un pour l'autre. J'avais peur de ça, mais pour le moment, il n'en était pas question. Pour le moment, j'étais dans ce bain, dans ses bras, couverte de ses baisers, et en plus de ça, Felix venait de m'assurer qu'il n'irait jamais voir ailleurs. Honnêtement, que demander de mieux ? Pourquoi j'avais toujours besoin de me travailler avec quelque chose ? On avait bien le temps de se préoccuper de notre futur en temps voulu. « Oh et puis on s'en fou, je préfère profiter du présent avec toi, on verra bien ce qui nous arrivera... » Je pris ses mains dans les miennes tandis qu'un nouveau petit silence s'installa rapidement. En fait, je me rendais compte que je pensais tout haut avec Felix, donc je balayais le sujet aussi vite que je l'avais amené sur la table. N'importe quoi. Mais bon au moins, il ne pouvait pas me reprocher d'être spontanée, et puis l'avantage était qu'il connaissait le fond de ma pensée maintenant.

Spoiler:

« Cent ans, j'aimerais pouvoir y aller avec toi oui. Mais tu te sentirais prêt ? Prêt à me supporter pendant toutes ces années, à voir ma tête tous les jours, tous les matins en te levant et tous les soirs en rentrant du travail, à n'embrasser plus que moi, à ne manger que mes plats cramés ? »  Je n'avais pu m'empêcher de rire en entendant tout ce que j'étais censé “subir” pendant les soixante prochaines années. Rien de tout cela ne me faisait peur, au contraire. J'étais totalement prêt à vivre tout cela avec Neela, parce qu'en plus son nuage de poisse me faisait rire... même quand il me touchait.

« Prêt à te supporter toutes ces années oui ! Et puis, pour les plats cramés, au pire je partirai discrètement au restaurant avec Carlie, l'air de rien tu vois. »

Je sentais surtout que j'allais faire la cuisine dès que j'allais m'installer ici. Je savais assez de recettes pour pouvoir survivre et ne pas toujours manger la même chose, alors même si ce n'était pas de la cuisine gastronomique, c'était le minimum vital... et pas brûlé. Je la laissai prendre mes mains dans les siennes en souriant. Puis, tout en écoutant les questions que Neela se posait, j'attrapai le savon qui était juste à côté de mon épaule droite. Je n'avais même pas le temps de lui répondre qu'elle enchaînait déjà sur une autre. Sauf que j'avais les mains mouillées, et que le savon avait apparemment servi à Neela hier pour sa douche et n'était donc pas tout à fait sec. Si bien qu'il m'échappa des mains. J'essayai de le rattraper comme je le pouvais, passant d'une main à une autre, mais il glissait à chaque fois... pour finir sa course sur le haut de la tête de Neela, puis dans l'eau. D'un air désolé, je posai ma main sur sa tête pour la masser un peu.

« Oh pardooooon !!! Je suis désolé ! »

Mais finalement, je n'avais pu m'empêcher de pouffer discrètement. Elle avait raison. Son nuage de poisse me touchait déjà après seulement une semaine de couple. Je l'embrassai sur la joue en souriant.

« De quelle routine tu parlais ? Y'a pas de routine ici ! Toujours un événement... frappant ! »

Je ris légèrement en la regardant se masser à son tour le haut de la tête. Le savon se baladait tranquillement dans l'eau, pendant que nous essayons tous les deux de retrouver nos esprits après cette fuite soudaine. Eh bien une chose est sûre, les soixante ans à venir seront forts en émotions !

Spoiler:

« Prêt à te supporter toutes ces années oui ! Et puis, pour les plats cramés, au pire je partirai discrètement au restaurant avec Carlie, l'air de rien tu vois. » J'ouvris la bouche d'un air choqué, même si j'avais bien su détecter son ironie. Ah oui, donc si j'étais bien en train de comprendre ils me laisseraient toute seule pour échapper à mes plats immangeables et s'offrir un moment rien qu'à deux ? « Je resterais à la maison et je mangerais mes plats cramés toute seule alors, c'est pas grave. » Dis-je en baissant la tête d'un air faussement triste et déçu, espérant déclencher un peu de compassion chez lui.

Je n'avais même pas remarqué qu'une de ses mains avait lâché la mienne à tel point j'étais dans mes pensées. Je n'avais pas non plus fait attention quand son autre main m'avait lâchée pour rattraper le fameux savon, mais avait été forcée de sortir de ma bulle lorsque je sentis un objet assez dur me frapper violemment la tête. Quelque chose d'assez petit visiblement, mais puissant ! Peu de temps après, je compris mieux ce qui m'était arrivé en voyant le savon plonger à une vitesse folle dans l'eau du bain, juste devant moi. Immédiatement je me retournai vers Felix en fronçant les sourcils, une main posée sur la zone douloureuse de ma tête. Il se mit alors à me masser le crâne comme pour se rattraper, si bien que je compris assez vite le pourquoi du comment j'avais mal. C'était la première fois que je me faisais attaquer par un savon, mais pas la première fois que je me faisais attaquer par Felix - il suffisait de regarder mon cou pour le comprendre - … mais j'étais en train de rêver ou mon nuage de poisse avait changé de bouc émissaire ? Apparemment, Felix était sa nouvelle victime … cela dit, il ne m'oubliait pas pour autant, puisque c'était moi qui était touchée. « Oh pardooooon !!! Je suis désolé ! » J'affichais un petit sourire, peu convaincue par ses excuses, j'étais même persuadée qu'il l'avait fait exprès au fond, et qu'il ne fallait pas s'en prendre qu'au nuage de poisse qui avait bon dos ! Il avait dû préparer son coup pour espérer me faire taire alors que mes questions qui lui étaient destinées fusaient aussi vite dans ma tête que dans ma bouche. Il m'embrassa sur la joue ... ouais, rattrape-toi ! Je préparais déjà mentalement ma vengeance. « De quelle routine tu parlais ? Y'a pas de routine ici ! Toujours un événement... frappant ! » C'est le moins que l'on puisse dire ! Sans attendre, je pris le flacon de shampoing qui se trouvait par là et le pressa pour faire gicler le produit à l'aveuglette sur Felix.  A l'aveuglette, mais quand même suffisamment haut pour éviter de lui en envoyer directement dans les yeux. Je pensais donc ne toucher que ses cheveux, ou du moins son front mais c'était uniquement ce que je croyais, parce qu'en réalité j'en avais mis partout. Il y en avait déjà plein sur le plafond, le mur et inutile de dire que Felix était dans un sale état. J'avais d'ailleurs presque terminé le flacon en seulement quelques pressions. « Ohh, pardon ! Je suis désolée ! Pardon ! Oula excuse-moi ! » m'exclamais-je faussement en continuant de lui envoyer du shampoing en plein dans la figure. J'aggravais sérieusement mon cas là. Puis je me retournai finalement pour le regarder, et étouffa un rire en découvrant sa tête avant de prendre un air plus grave face à la situation. Le pauvre, il n'arrivait presque plus à ouvrir les yeux, le liquide dégoulinant de ses cheveux à son menton, et le mur avait pris la couleur du shampoing. J'étais vraiment embêtée, j'y étais allée beaucoup trop fort, c'était même complètement disproportionné par rapport à son petit coup de savon dans ma tête. Cette fois, je ne pouvais pas trop lui lécher le visage comme hier dans la cuisine, je préférais mourir dans d'autres conditions qu'ici, avec Felix, empoisonnée par du shampoing. Avec mes mains je lui retirai donc tant bien que mal le produit du visage pour le ramener sur ses cheveux et rattraper ma connerie. Puis je lui fis une sorte de shampoing en massant sa tête alors qu'il n'arrivait plus à voir quoi que ce soit. Felix avait maintenant une grosse touffe de mousse sur la tête, et comme je me rendais compte qu'il fermait les yeux depuis un bon moment et qu'il se plaignait qu'ils lui piquaient, je me mis à lui envoyer des petites vagues d'eau du bain dessus avec mes mains. Une catastrophe. Je me forçai à ne pas rire parce que je l'avais mis dans une situation vraiment désagréable, qu'il n'avait pas trop l'air d'apprécier, forcément. Finalement, je réussi à lui enlever la totalité du savon qu'il avait dans les yeux, et Felix retrouva peu à peu une vue normale. Avec toute cette mousse sur les cheveux, il était vraiment magnifique ! Je pris doucement son visage dans mes mains tandis qu'il ouvrait correctement les yeux, et lui tendis un petit sourire crispé. « Non cette fois je suis sincèrement désolée par contre. » Pour le lui prouver, je l'embrassai tendrement. Je me sentais mal, je lui avais envoyé de grosses giclées de shampoing dans les yeux sans prévenir alors qu'il ne pouvait plus bouger derrière moi. J'étais vraiment une femme affreuse, mais j'espérais cependant qu'il ne décide pas de se venger de moi... Quand un seul d'entre nous s'y mettait, ça allait, mais quand c'était nous deux en même temps qui étions touchés par la poisse, il valait mieux ne pas trainer dans les parages je crois. « Et je confirme, la routine ne pourra pas s'installer, c'est impossible. » ajoutais-je en riant doucement.

Spoiler:

« Je resterais à la maison et je mangerais mes plats cramés toute seule alors, c'est pas grave. » Je ris doucement en voyant sa réaction, puis relevais son menton pour j'avais l'habitude de le faire depuis hier pour l'embrasser, à moitié à l'envers. Puis, le savon  m'échappa malencontreusement des mains. J'avais essayé de le rattraper du mieux possible, mais il me glissait à chaque fois des mains, on aurait dit un numéro de jonglerie dans un cirque. Finalement, malgré mes efforts, il atterri sur la tête de Neela. Et alors que je m'étais platement excusé, je n'avais même pas eu le temps de la voir attraper une bouteille de shampooing. Elle me l'envoya dans la tête à plein jet, si bien que j'en attrapai un peu dans les yeux avant d'avoir eu le réflexe de les fermer. Je ne voyais plus rien autour de moi, et pourtant je sentais le shampooing continuer à être envoyé vers moi, puis couler de plus en plus sur mon visage, dans mon cou, et sur le haut de mon corps.

« Mais enlève ça ça pique ! »

Je sentais mes yeux piquer, puis brûler, mais j'avais déjà les mains pleines du savon que j'avais tenté de sauver dans son vol plané. Je sentis ses mains passer sur mes yeux pour enlever le shampooing, puis sur mes cheveux, qu'elle commença à masser. Mais mes yeux me piquait toujours, si bien que je la repoussais pour me retourner, ouvrir le robinet et balancer le plus d'eau possible dans mes yeux. « Non cette fois je suis sincèrement désolée par contre. » 

« Ouais ben pour le coup moi je ne l'avais vraiment pas fait exprès. »

Je lui avais répondu peut-être un peu plus froidement que je ne l'avais pensé, mais elle pensait sûrement que je lui avais volontairement lancé le savon sur la figure, alors que ce n'était pas le cas, et du coup moi je m'en prenait plein la tête. Quand elle m'embrassa, je ne réagis pas vraiment. J'avais du shampooing partout, les murs en étaient aussi tapissés, c'était un massacre total.

« Bon courage pour le nettoyage. »

Je lui jetai un simple regard puis me frottai doucement les yeux du revers de la main.

« Mais enlève ça ça pique ! » J'avais beau l'écouter et lui obéir en écartant le liquide de ses yeux, il me poussa de ses mains pour s'asperger lui-même d'eau. D'accord, il m'en voulait carrément là... Normal, mais ça faisait mal de le voir me repousser de cette façon, je n'étais pas du tout habituée, et heureusement d'ailleurs. Je le laissais donc faire, il s'y prendrait certainement beaucoup mieux que moi. J'avais pensé qu'en lui passant moi-même de l'eau sur les yeux, en lui retirant le shampoing du visage, cela irait mieux, mais apparemment, il y avait encore des restes qui lui piquaient atrocement, et je ne pouvais que comprendre et partager sa douleur. Felix se chargea alors d'évacuer le shampoing de ses yeux à l'aide du jet d'eau, tandis que j'attendais qu'il se retourne pour savoir si ça allait mieux. J'étais très inquiète, et si je me retenais pour ne pas rire tout à l'heure, là, l'envie m'avait complètement passée. J'avais vraiment peur de lui avoir abîmé les yeux, surtout à l'allure où j'y étais allée, le pauvre. « Ouais ben pour le coup moi je ne l'avais vraiment pas fait exprès. » Je me mordis la lèvre inférieure, comprenant que j'avais fait une belle connerie. J'étais vraiment bête parfois, cela en devenait même dangereux. Je l'interrogeai du regard en prenant une petite voix. « Ah mais … tu … tu l'as pas fait exprès ? Je voulais pas toucher tes yeux … je pensais que … » Je n'arrivais même pas à terminer ma phrase tellement j'étais sur les fesses, ce qui me rendait encore moins maline. Encore un malentendu entre nous, et je détestais ces moments de tension qui pouvaient parfois apparaitre entre lui et moi. J'observais Felix en me pinçant les lèvres, extrêmement gênée. Je n'avais pas de mots pour lui faire comprendre ô combien j'étais mal à l'aise, ô combien j'aurais voulu me rattraper, et de n'importe quelle façon. Felix avait l'air furieux contre moi. Ok, là je me sentais mal. Très mal. J'aurais voulu me confondre en excuses, mais après ce que j'avais dit et fait, ce n'était plus vraiment approprié. Je m'en voulais tellement. Même mon baiser pourtant tendre et passionné n'avait rien pu y faire. Évidemment, j'avais agi comme une gamine, lui avait envoyé du shampoing en plein dans les yeux, alors il n'était pas prêt de répondre à mes câlins. A sa place, je n'aurais pas eu envie non plus. En tout cas, c'était la première fois que Felix était froid avec moi, et même si je comprenais sa réaction, c'était assez dur à encaisser. Encore une fois, je passais pour une idiote devant lui, à dire et faire des choses dont je ne mesurais pas immédiatement les conséquences et que je finissais par regretter. Je le vis s'essuyer les yeux d'un revers de main, avant qu'il ne me lance : « Bon courage pour le nettoyage. » Il avait dit ça sur le même ton glacial, un ton qui ne me plaisait pas du tout, mais je n'étais pas vraiment en position pour la ramener là. « Oh je m'en veux si tu savais … » C'était plus que sincère. Lui faire du mal, c'était bien la dernière chose que je souhaitais ! Je ne focalisais plus mon attention que sur Felix. « Ça va mieux ? » J'avais esquissé un mouvement de main pour caresser sa joue, mais je l'avais finalement ramenée vers moi comme si de rien n'était. Je n'osais même pas  poser une main sur son visage, je n'osais pas le toucher tout court, par peur de me faire repousser une seconde fois. Et puis, il fallait peut-être que je le laisse tranquille, il devait en avoir marre de mes bêtises et de mes excuses auxquelles il ne devait même plus croire à la longue. « Dis-moi comment je peux me rattraper … si je peux encore me rattraper. » Je baissais les yeux. C'était pas gagné, parce que vu l'expression de son visage, j'avais facilement deviné que je commençais à l'énerver et qu'il était grand temps que je me fasse oublier un peu.

Je me levai finalement du bain dans un silence pesant cette fois, et lorsque j'en fus sortie, enroulai une serviette autour de ma poitrine. « Je vais … nettoyer tout ça. » dis-je d'une petite voix en désignant le mur du doigt. M'exprimer correctement sans bafouiller était devenu impossible. Je ne savais plus quoi dire à tel point j'étais dans l'embarras. Lui formuler des excuses n'était pas assez évidemment, le problème était que je ne savais pas comment m'y prendre autrement. Alors forcément, nettoyer le mur, c'était une sorte d'échappatoire au silence et à la gêne. Je pris alors une éponge et commençai à nettoyer le mur se trouvant à côté de Felix et qui avait lui aussi reçu une sacrée dose de shampoing. Il y en avait vraiment partout, et je me disais que la moitié de la bouteille de shampoing avait dû atterrir dans les yeux de mon amoureux indépendamment de ma volonté.

« Ça va mieux ? »  Sans même la regarder, trop occupé à me frotter les yeux dans l'espoir d'arrêter cette sensation de picotement et de frottement, j'émis un simple petit “hum”. Je lui en voulais un peu d'avoir fait cela, déjà car elle m'avait fait mal, même si je me doutais que ce n'était pas sa première intention, mais surtout car je ne l'avais pas mérité pour une fois. Si j'avais tendance à la taquiner et à chercher les petits pics qu'elle me lançait en retour, sur ce coup le savon m'avait vraiment glissé entre les mains et j'avais été incapable de le rattraper avant qu'il ne termine sa course sur la tête de Neela. « Dis-moi comment je peux me rattraper … si je peux encore me rattraper. » Je lui jetai juste un petit regard sans rien répondre. Je n'en avais aucune idée moi-même. Parce qu'il fallait avouer que ce n'était pas non plus une faute grave et qu'elle s'était déjà excusée. En tout cas, elle se leva de la baignoire, attrapa une serviette qu'elle enroula autour d'elle et commença à nettoyer le mur, tapissé par le shampooing. Je la regardai pendant quelques secondes avant de soupirer discrètement et de tirer doucement sa serviette pour attirer son attention.

« Arrête on fera ça plus tard. »

Je lui adressai un petit sourire, espérant être assez convaincant pour la faire revenir dans le bain. J'étais bien incapable de lui faire la tête plus de cinq minutes de toutes manières... Avant qu'elle ne revienne contre moi, j'attrapai fermement le savon qui flottait dans l'eau, à deux mains cette fois, pour éviter qu'il ne glisse et aille blesser quelqu'un. Je le reposai ensuite dans le porte savon, où je l'avais pris il y a quelques minutes et où je n'aurais jamais du le prendre pour éviter cette scène.

« Je crois que le savon dur comme ça c'est pas le bon plan... »

J'embrassai Neela sur la joue. Au fond, même si je n'avais pas fait exprès de lui balancer le savon sur la tête, je regrettai de m'être énervé de cette façon, parce que ce n'était qu'un malentendu entre elle et moi, et puis simplement car je détestai être en froid avec Neela. C'était la première fois que cela nous arrivait, et j'avais tout de suite compris que je ne voulais plus jamais vivre ce genre de situation pesante avec elle.

Je continuais de nettoyer les traces de shampooing sur le mur dans un silence atrocement lourd, jusqu'à ce que je sente quelque chose me tirer la serviette par le bas. « Arrête on fera ça plus tard. » Je reposai alors mon éponge sur le rebord, un peu perdue et perplexe face à sa réaction. Il affichait un petit sourire, comme pour me convaincre de retourner à ses côtés dans le bain. J'avais vraiment de la chance, il n'était pas si rancunier que ça... Je lui rendis alors timidement son sourire, avant de défaire ma serviette pour me rallonger contre lui en silence. J'avais comme l'impression de ne pas avoir réussi à m'être faite entièrement pardonnée. Certes, je n'avais pas commis une erreur grave, mais je lui avais fait mal, j'avais voulu jouer avec lui et ma taquinerie débile avait mal tourné... alors je me sentais ridicule. Je m'en voulais toujours, un peu comme si je l'avais déçu par mon comportement, et il ne me le disait pas, mais je voyais bien que c'était bel et bien le cas. J'aurais tant voulu effacer ce petit quiproquos qui avait assombri notre belle journée, mais voilà, le mal était déjà fait. « Je crois que le savon dur comme ça c'est pas le bon plan... » Non, ce n'était pas le bon plan, mais apparemment le savon liquide non plus ! Je fus largement rassurée en sentant son baiser contre ma joue, et me retournai doucement pour le regarder, comme pour être sûre qu'il était bien sérieux, que je ne rêvais pas, et qu'il m'avait bien pardonnée. « Je m'en veux de t'avoir fait ça. C'était con, immature … bref complètement débile. Pardonne-moi. » Je me revoyais presser plusieurs fois cette foutue bouteille de shampooing en direction de Felix, et je n'en revenais encore pas d'avoir été aussi nulle, d'avoir cru qu'il l'avait fait exprès de me balancer un savon sur la tête. N'importe quoi, surtout que même pour rire, ce genre de réaction n'est pas vraiment drôle, c'est même carrément dangereux, et sur le coup je n'avais pas du tout mesuré le risque. Bref, je n'étais pas prête de lui refaire un shampooing de si tôt ! Tant que j'étais retournée vers lui, je posais ma main sur sa joue pour l'embrasser doucement, lui prouvant alors que mes paroles étaient bien sincères. Cet homme était vraiment exceptionnel, mais quelque chose me disait que si mon père avait été là, il aurait poussé Felix à se venger, il n'en serait pas resté à de simples réponses glaciales. Mais mon père n'était pas là, et je me rendais compte avec surprise que mon Felix ne m'en voulait déjà plus, qu'il semblait même avoir déjà tout oublié de ce malentendu... En tout cas, cela ne m'empêcherait pas de m'en vouloir  pendant encore un bon bout de temps. J'étais légèrement têtue comme fille, surtout que je n'étais pas du tout fière de ce que je lui avais fait, même sans le vouloir.

Finalement, ce petit moment en amoureux dans le bain s'était terminé dans un échange de baisers, de câlins, bref, beaucoup plus calmement que lorsqu'il avait commencé. Nous étions sortis de la baignoire et avions passé tout l'après-midi sur le lit, à discuter de tout et n'importe quoi, mais surtout n'importe quoi, à grignoter n'importe quoi aussi. Un peu comme deux adolescents qui ne se préoccupent pas du temps qui passe, qui arrêtent le temps à leur manière, sans se soucier de ce qui peut se passer à l'extérieur de leur petite bulle. J'avais donc appris à le connaître encore plus, à en savoir encore plus que je n'en savais déjà sur lui. La journée avait passé à une vitesse de folie. Il était dix-neuf heures, et nous avions fixé le rendez-vous chez ses parents à vingt heures. Enfin, Felix était censé y aller seul, mais nous avions décidé au dernier moment que je viendrais également. Surprise totale pour eux, enfin, surtout pour sa mère. J'appréhendais pas mal sa réaction, déjà qu'elle avait des a priori sur moi malgré le fait que notre dernière journée ensemble ne se soit pas trop mal passée, je savais que ma présence imprévue la dérangerait un peu. J'avais la désagréable impression qu'elle était jalouse de moi, de tout le bonheur que je partageais aujourd'hui avec Felix. Oui, je lui avais volé son fils, mais elle ne comptait pas non plus le garder à la maison éternellement, si ? De toute façon, j'étais en couple avec son fils, et notre relation n'était pas prête de s'arrêter en si bon chemin, alors il allait falloir qu'elle se fasse à cette idée tôt ou tard. Maintenant, inviter son fils signifiait aussi inviter sa "belle-fille", puisque nous étions devenus inséparables tous les deux. J'avais finalement choisi la robe que je porterais pour cette visite. C'était la deuxième fois seulement que je les voyais, alors rien n'était encore gagné, même si avec son père je sentais que c'était déjà le cas. Mais avec sa mère, j'avais tout intérêt à me faire bien voir, et à arriver dans une tenue et attitude impeccables devant elle, au risque de tout foutre en l'air. Maquillage, parfum, coiffure, escarpins … Je n'avais négligé aucun détail, tout en veillant à rester assez naturelle bien sûr, comme toujours. J'étais presque mieux que pour ma toute première rencontre avec eux, mais il y a une semaine, je ne connaissais pas encore le caractère de sa mère. Là, je savais à quoi m'attendre au moins. Une fois prête, je m'avançais vers Felix en souriant. « Tu me trouves comment ? C'est le style " coucou belle-maman accepte-moi s'il te plait " ... » Je ris doucement en me tournant pour lui montrer l'intégralité de mon allure. Puis je découvris qu'il s'était rhabillé, mais forcément, avec ses vêtements de la veille qui avaient été plongés dans la piscine, et qui du coup, sentaient le chlore à trois kilomètres. « Euh, on va peut-être passer chez toi, non ? » demandais-je en souriant. Après tout, il n'y en aurait pas pour très longtemps, les trois habitations n'étant pas loin les unes des autres. Mon attention se porta ensuite sur ses morsures, puis les miennes pour finir, et j'ouvris de grands yeux. J'avais oublié ce petit détail là. Immédiatement, j'entrainais Felix avec moi dans la salle de bain, m'armant du tube de fond de teint. Je commençais à rire en lui appliquant de petites couches discrètes sur le cou et l'oreille, sauf que la couleur de ma peau étant légèrement plus foncée que la sienne, on aurait dit qu'il avait bronzé uniquement sur quelques endroits du corps. Une catastrophe. Je fis la même chose sur moi, même si les morsures étaient trop rouges pour que le fond de teint ne parvienne à les camoufler complètement. De toute façon, l'heure tournait, il était temps de partir.

Comme je m'en doutais, je n'en voulais rapidement plus à Neela. À partir du moment où j'avais réussi à extirper la mousse et le shampooing de mes yeux, et donc à enlever la sensation de picotement, j'étais redevenu presque le Felix d'avant cette catastrophe savonneuse. Neela revint dans la baignoire, contre moi, et cet événement fut bien vite oublié. Après tout, nous n'avions qu'une semaine rien qu'à nous. C'est mieux qu'une seule journée. Mais nous allions devoir reprendre nos activités après cette semaine de repos non prévue et non autorisée, alors autour profiter des moments que j'avais avec Neela sans créer ce qui serait notre première dispute. Après le bain, nous avions passé la journée rien qu'à deux. D'abord à remettre un peu en état le rez-de-chaussée, qui comportait encore quelques traces de notre folle soirée alcoolisée, puis à nous reposer des questions comme nous l'avions fait la veille, pour apprendre à nous connaître encore mieux. Car si je devais rattraper les dix années de retard avec Carlie, c'était aussi le cas avec Neela : on ne peut pas vraiment dire que nous avions fait connaissance lors de notre première rencontre. Nous avions réussi à trouver une solution alternative pour Carlie, qui rentrait de l'école en milieu d'après-midi : elle était partie chez les parents de Neela, l'excuse étant que nous devions aller chez les miens pour parler de ma première rencontre avec eux. Cette journée était passée très rapidement, si bien que nous avions remarqué qu'il allait être temps de nous préparer pour aller chez mes parents. Alors que Neela était partie vers la salle de bain, j'avais rapidement enfilé mes vêtements de la veille, grimaçant légèrement à l'odeur du chlore qui m'agressa une nouvelle fois les narines. C'est vrai qu'ils avaient bien mariné dans la piscine... « Tu me trouves comment ? C'est le style " coucou belle-maman accepte-moi s'il te plait " ... »  Je m'approchai d'elle en riant, puis posai mes mains sur ses hanches avant de l'embrasser.

« Mais tu sais très bien que tout te va. »

Elle était tout simplement magnifique, comme d'habitude. De toute manière, c'était Neela, elle était déjà très belle à l'origine, alors peu importe ce qu'elle mettait, elle le serait toujours à mes yeux, et sûrement aux yeux des autres hommes aussi. Je hochai simplement la tête à sa question. Oui, nous allions passer rapidement chez moi, l'odeur était juste insupportable. Neela m'attira dans la salle de bain. Le font de teint n'était peut-être pas une si bonne idée finalement.

« Euh toi qui a fait des études de médecine... Physiquement, c'est possible de bronzer en petits cercles comme ça ? Chez toi ça peut passer, mais là j'ai bien l'impression que ça va encore plus attirer leur regard... »

Nous sortîmes finalement de la maison pour rejoindre ma voiture, garée juste en face hier soir. Nous arrivâmes rapidement chez moi, où je laissais Neela quelques instants dans le salon le temps d'aller me changer. Une fois avec des vêtements qui sentaient le parfum, et non plus le chlore, nous étions repartis vers la maison de mes parents. Ils avaient apparemment imité ceux de Neela hier, puisque j'avais à peine sonné que la porte s'ouvrit, les laissant apparaître presque sur leur trente-et-un. Je laissais Neela passer devant moi, passant une main dans le creux de son dos, et refermai la porte derrière moi. C'est parti pour une deuxième rencontre !

Spoiler:

« Euh toi qui a fait des études de médecine... Physiquement, c'est possible de bronzer en petits cercles comme ça ? Chez toi ça peut passer, mais là j'ai bien l'impression que ça va encore plus attirer leur regard... » Excellente question. Je commençais à chercher un alibi en or pour que ces espèces de petits cercles foncés sur son cou deviennent autre chose qu'un moyen de cacher notre folle soirée de la veille. Une idée fabuleuse me vint tout à coup en tête, et j'affichais un grand sourire fier. « Non je crois pas. Tu sais quoi ? on a qu'à dire que c'est des tâches de naissance … ah bah non on va chez tes parents ça marchera pas... » Mon sourire disparut, cette excuse aurait marché avec mes parents, mais sûrement pas avec les siens, car si Felix avait eu des tâches de naissance, ils auraient quand même été les premiers au courant ! Le temps pressait, et je me voyais mal débarquer chez les beaux-parents en retard, déjà que ma présence n'était pas censée être au programme... A défaut de trouver une idée spontanément, je pris Felix par la main pour l'attirer hors de la salle de bain. « Bon, on improvisera ! » Et comme nous étions toujours très forts question improvisation, ça promettait d'être comique !

Nous étions passés aussi vite qu'un éclair chez lui le temps qu'il se change, et étions retournés à la voiture pour filer chez ses parents. En route je n'avais pas pu m'empêcher de rire doucement de temps en temps en observant l'état du cou de Felix. J'entendais déjà les commentaires taquins de son père ! Comme d'habitude avec nous, la ponctualité était de mise puisqu'au moment où nous nous apprêtions à franchir la porte je vis que ma montre affichait vingt heures pile. Felix sonna, et j'avais soudain l'impression de revivre ma toute première rencontre avec ses parents. Le stress était bien là, mais je n'eus pas le temps de dire ouf que la porte s'ouvrit immédiatement, laissant apparaître les parents Moorgate. Évidemment, je pus lire toute la surprise que leur provoquait ma présence sur leurs visages. Oui ils étaient tous les deux surpris, la différence c'était que son père semblait ravi de cette surprise, et sa mère un peu moins. Il n'y avait qu'à voir à quelle vitesse son joli sourire s'était estompé lorsque son regard avait dévié sur moi, et quelque chose me disait que mon style "coucou belle-maman accepte-moi s'il te plait" n'y changerait rien. Intérieurement, j'essayais de me persuader que tout allait bien se passer en gardant un sourire radieux, même si ça sentait déjà le roussi à des kilomètres. « Neela ! Felix, tu nous avais pas dit qu'elle venait aussi ? » demanda t-elle en se tournant vers son fils. Mais quelle charmante façon de me recevoir belle-maman ! Moi aussi je suis très heureuse de te voir ! En général, dans ce genre de moment, il est préférable de rester poli en affirmant que cette visite imprévue fait toujours plaisir, même si ce n'est pas le cas en réalité. « Oui, on voulait vous faire une petite surprise... » Je vis le regard de sa mère qui signifiait très clairement que cette surprise n'en était pas une très bonne, du moins pour elle. « Mais quel petit cachotier Felix ! En tout cas ça nous fait vraiment plaisir de vous revoir, on se demandait quand vous alliez repasser ! » Comme toujours, il savait trouver les mots pour rattraper les petits loupés de sa femme et me rassurer sur le fait que j'étais la bienvenue chez eux quoiqu'il arrive. D'ailleurs, il m'enlaça dans ses bras comme s'il ne m'avait pas vue depuis des années, et nous fit entrer. Je pénétrai la première dans la maison, et saluai alors sa mère, un salut qui était resté très froid. J'avais l'impression que ce n'était plus du tout la même femme qu'il y a une semaine lors de notre sortie à la plage où elle s'était un peu lâchée et où nous avions d'ailleurs pas mal discuté. A peine arrivés dans le salon qu'elle s'approcha de Felix en fronçant les sourcils. « Mais … Felix qu'est-ce que tu as sur le cou ? » Ça commençait bien ! Il eut à peine le temps de réagir qu'elle posa son doigt sur l'un des fameux petits ronds de fond de teint qui parsemaient son cou. Évidemment, la couleur s'y déposa et elle pu découvrir la morsure qu'il y avait dessous, tandis que j'ouvrais de grands yeux. Oui, j'avais un peu abîmé son fils chéri, effectivement. Son père détecta tout de suite ce qu'il s'était passé, mais sa mère semblait encore ne pas comprendre, et elle se tourna vers moi comme si elle venait de découvrir que j'étais une criminelle. L'air de rien je passai une main dans mes cheveux en regardant autour de moi pour éviter de croiser son regard accusateur. Pour détendre l'atmosphère, beau-papa se mit à pouffer de rire. « Eh bien je vois qu'en une semaine vous n'avez pas chômé et que vous avez eu le temps de faire un petit frère ou une petite sœur pour Carlie ! » C'était une obsession ! Et qu'est-ce que ça pouvait être lourd ! Mais bon, il fallait s'y attendre … Je souris doucement, extrêmement gênée. « Oh non ce sont juste des brûlures en fait, oui … il s'est passé un petit incident chez mes parents hier, un rideau a pris feu à cause d'une bougie restée un peu trop près, et du coup Felix s'est improvisé pompier. » Je leur souriais, comme si c'était mon seul moyen d'être convaincante. Voilà, j'avais trouvé une excuse qui, au fond, était plutôt crédible, ou en tout cas beaucoup plus que celle du cirage du bois de l'escalier. Enfin, elle était moyennement crédible, parce qu'on pouvait parfaitement voir les traces de dents sur sa peau. D'ailleurs beau-papa, loin d'être dupe en la matière, explosa de rire en m'écoutant. « Felix ? Pompier ? Déjà qu'il est mort de trouille à la vue d'une araignée ! » Allez, prends-toi ça ! Je souris à Felix, amusée par cette réponse. Bon après tout, pourquoi leur cacher ? C'était naturel. Oui, nous avions pris du bon temps cette semaine, enfin surtout sur la fin, et alors ?

Spoiler:

Neela m'avait fait rire avec son idée des tâches de naissance. Entre ça et le fait que je sois en train de cirer le bois de l'escalier, ses excuses du jour avaient bien subi l'effet de la bouteille de champagne de la veille. Mais elle avait raison, nous n'avions qu'à improviser, même si cela se terminait toujours de façon assez étrange et si nous avions beaucoup de mal à trouver des excuses sans créer d'autres sous-entendus. Nous arrivâmes rapidement chez mes parents, et tout juste à l'heure, comme d'habitude. « Neela ! Felix, tu nous avais pas dit qu'elle venait aussi ? » Je lui adressai un regard lourd de sens. Elle n'allait pas recommencer avec ses aprioris ! En tout cas, je hochai positivement la tête pour approuver ce que venait de dire Neela. Mon père la prit soudainement dans ses bras, si bien que j'écarquillai légèrement les yeux. Ah oui, mes parents étaient vraiment aux extrêmes ! Mon père semblait l'adorer, tandis que ma mère était toujours un peu réticente à voir son fils chéri avec une femme et une fille. Nous avançâmes dans le salon... et à peine entrés ma mère s'approcha de moi, écartant le col de ma chemise pour poser le doigt sur une de mes morsures.

« Non mais c'est rien maman je... »

 « Eh bien je vois qu'en une semaine vous n'avez pas chômé et que vous avez eu le temps de faire un petit frère ou une petite sœur pour Carlie ! »  D'accord. Ça c'est fait. Je jetai un petit regard à Neela. Chez elle, le fond de teint étant réparti sur tout son visage, les morsures ne se voyaient presque plus. Par contre, ses bleus aux genoux se voyaient encore assez bien malgré le fait que sa robe en cache une partie. Nous étions vraiment dans un sale état... Mais mes parents ne semblaient pas avoir remarqué les blessures de Neela pour le moment, et heureusement que ma mère n'avait pas vu en plus celle que j'avais sur la hanche.

« Papa s'il te plaît, arrête avec ça... »

Neela avait trouvé une nouvelle excuse. C'était à moitié vrai. J'avais failli me lever en voyant que sa mère s'apprêtait à lancer un verre de vin sur le feu. Mais elle avait finalement opté pour l'eau, à la demande de sa fille. Ma mère jeta un regard à Neela, un regard qui signifiait clairement qu'elle pensait que j'avais passé la soirée à me faire frapper par Neela, sans réussir à me défendre. Mon père, comme à son habitude et avec son esprit mal tourné, avait déjà compris. J'ouvris de grands yeux en le regardant.

« Non mais... C'est de ta faute en plus, si tu ne m'avais pas lâché une araignée dessus quand j'avais sept ans. »

Cette expérience m'avait profondément traumatisé. J'avais refusé de lui parler pendant deux jours, persuadé qu'il allait me refaire un coup du genre, et les araignées étaient devenues mes pires ennemies. Je vis ma mère retirer doucement son doigt de mon cou et afficher une mine choquée. Je regardai tour à tour Neela et mon père.

« Oui ben ça va on a compris ! »

J'affichai un petit sourire, qui cachait en réalité mon envie de rire, puis je pris Neela par la main et avançai un peu plus dans la pièce... sauf que je me pris une chaise de plein fouet, pile au même endroit qu'hier soir. Posant ma main sur la partie douloureuse, je la regardai avec un petit sourire.

« Je confirme pour hier soir. Je viens d'avoir un flash, je me suis bien pris une chaise. »

Mes parents nous rejoignirent au salon, et pendant que mon père demandait à Neela ce qu'elle voulait boire, ma mère se pencha vers moi.

« Tu m'avais dis que tout s'était bien passé hier soir... Il y a eu un feu ??? »

Et c'est reparti...

Spoiler:

C'est vrai que je voyais mal Felix devenir pompier, parce que ce métier ne collait pas vraiment avec sa personnalité. Et puis, effectivement, comme disait son père, il avait déjà la phobie des araignées, pour aller décoincer un chat dans un arbre il n'aurait pas eu trop de soucis, mais alors je l'imaginais très mal monter la grande échelle pour aller sortir une personne des flammes. « Non mais... C'est de ta faute en plus, si tu ne m'avais pas lâché une araignée dessus quand j'avais sept ans. » J'affichais une mine à la fois choquée et amusée en regardant tour à tour Felix, puis son père. Ah, c'était donc là que lui venait sa peur terrible des araignées ! C'était donc de la faute de son père ! Enfin, vu son caractère taquin, cela ne m'étonnait qu'à moitié. Je n'avais pas pu m'empêcher de rire discrètement en l'entendant se plaindre, suivie de son père. Enfin, pas assez discrètement visiblement, puisqu'il nous avait bien entendus quand même. « Oui ben ça va on a compris ! » Oups, je me faisais remonter les bretelles par Felix, ça ne rigolait pas ! J'essayais donc de camoufler mon envie de rire comme je le pouvais.

Alors qu'il me prit la main pour nous diriger vers le salon, je le sentis buter contre une chaise et provoquer un grincement pas possible sur le carrelage. Je le regardais d'un air surpris, ne comprenant pas comment il avait fait pour ne pas voir cette chaise plantée en plein milieu, et surtout pour foncer droit dessus. « Mais … t'es bourré ou quoi ? » lui demandais-je en riant à moitié. Dans ces moments là, je me rendais compte à quel point notre relation était unique, et aussi à quel point Felix me faisait rire, surtout quand il ne le faisait pas exprès. « Je confirme pour hier soir. Je viens d'avoir un flash, je me suis bien pris une chaise. » J'éclatai de rire en le regardant se masser la hanche, qui en avait déjà pris un sacré coup hier soir. Le pauvre ! Si déjà sobre il me faisait des coups comme ça, alors finalement heureusement que je ne me souvenais pas de ses exploits de la veille en étant complètement éméché ! Ses parents nous regardèrent perplexes sans comprendre pourquoi nous nous mettions soudainement dans cet état, et finalement, je parvins à reprendre peu à peu mon sérieux en rejoignant le canapé. Son père vint me demander ce que je souhaitais boire en apéritif. Alors que j'étais complètement indécise, il me proposa du rosé, ce qui me convint parfaitement. Puis j'avais écouté la question de sa mère en tendant un peu l'oreille, et même si elle ne m'était pas destinée, je m'empressai de lui sourire pour la rassurer. « Ah non mais ne vous inquiétez pas, c'est juste un rideau qui a commencé à prendre feu à cause d'une bougie, mais ma mère et Felix ont vite réglé ça. » Et si elle savait comment ! Je revoyais la scène... le rideau en feu, la tête de ma mère, le verre de vin, la tête de Felix, et finalement ma mère accompagnée de son fameux seau d'eau. Cet épisode nous avait fait peur, mais pour ma part, il me faisait beaucoup rire en y repensant aujourd'hui. En tout cas, sa mère n'avait pas vraiment l'air plus rassurée, on aurait dit qu'elle ne me croyait pas, et qu'elle cherchait la confirmation de son fils adoré. C'est bon, la maison n'avait pas brûlé non plus, et Felix n'était pas entre la vie et la mort ! Elle commençait réellement à me taper sur les nerfs, même si je m'efforçai de ne pas le montrer. Une fois tout le monde servi, je vis le père de Felix lever son verre et là, je pris vraiment peur. Qu'est-ce qu'il allait encore nous sortir ? Mariage ? Bébé ? Oui, ça allait sûrement être l'un des deux, pour changer ! « A votre amour, qu'il dure le plus longtemps possible ! » Comme c'était mignon ! Nous l'avions échappé belle pour cette fois, mais j'étais persuadée qu'il allait nous en toucher deux mots plus tard au cours du repas. « Elles sont quand même vachement impressionnantes tes morsures Felix ... » Et encore, il n'avait pas vu les miennes ! Mais je détournai le regard comme pour persister à lui faire croire que je n'y étais pour rien, même si je savais que derrière cette remarque, il voulait me signifier que je n'y étais pas allée de main morte. « Et Neela mais qu'est-ce que vous avez aux jambes ? C'est des bleus ? » demanda t-elle en observant les fameux coups, dont certains étaient d'ailleurs passés du violet au jaune pendant la nuit. En tout cas, j'avais oublié ce détail, j'aurais du mettre des collants opaques pour éviter leurs insinuations douteuses, au risque de crever de chaud. Elle tourna son regard sur son fils d'un air choqué, presque même dégoûté, comme si l'idée qu'il puisse lever la main sur moi lui était passée par la tête. « Non Felix tu ... » Là, j'hésitai entre être ravie qu'elle s'inquiète enfin pour moi ou qu'une telle idée lui vienne à l'esprit par rapport à son propre fils. J'étais en train de boire et m'étais contentée de froncer les sourcils en secouant négativement la tête devant mon verre pour qu'elle comprenne assez vite.

Spoiler:

« Mais … t'es bourré ou quoi ? » Mon rire s'accentua un peu. J'avais bien l'impression d'avoir quelques restes de notre soirée oui ! Si l'aspirine avait fortement diminué mon mal de crâne ainsi que les symptômes de la gueule de bois, il en restait cependant quelques traces, et je n'avais pas tout à fait les yeux en face des trous. La preuve, je venais de me prendre une chaise, qui était quasiment au milieu de la pièce et que j'aurais pu facilement éviter dans mon état normal. Nous étions partis dans une sorte de mini fou rire, et mes parents devaient sûrement nous prendre pour deux fous. Nous avançâmes finalement dans le salon, où ma mère restait inquiète. Je m'étais douté que lorsque je lui avais dis la veille au téléphone que “je lui raconterai demain” ma rencontre avec les parents de Neela, cela signifiait que j'allais devoir venir jusqu'ici pour lui raconter en face, qu'elle puisse voir ma tête et donc voir si je lui mens ou non. Neela avait apparemment entendu sa question, puisqu'elle s'empressa de dédramatiser la situation. Ma mère reporta son regard sur moi, attendant sûrement une confirmation, puisque sa tête voulait dire “elle me raconte des bobards ou c'est vrai ?”. Je hochai simplement la tête pour lui assurer que c'était la vérité. Vint ensuite mon tour d'annoncer à mon père ce que je voulais boire.

« Euh ce que tu veux... Du moment que c'est sans alcool... Un soda ou quelque chose du genre. »

J'avais l'impression que si je reprenais une seule goutte d'alcool pendant les jours qui venaient ma tête allait exploser et j'allais encore être dans un état pitoyable. Mon père me dévisagea un moment, peu habitué à ce que je ne prennes pas un verre alcoolisé lors de mes visites ici, souvent les visites plus “festives”, comme lorsque je venais avec Neela par exemple. « A votre amour, qu'il dure le plus longtemps possible ! » J'attendis un instant, persuadé qu'il allait nous reparler bébé ou mariage... mais non ! Rien d'autre ne sortit de sa bouche, et je lui en fus assez reconnaissant. Nos parents étaient tous les quatre ligués pour un mariage ou un autre bébé apparemment... « Elles sont quand même vachement impressionnantes tes morsures Felix ... »  J'affichai un petit sourire à la fois gêné et moqueur et tournai mon regard vers Neela. Oui, elle n'y avait pas été doucement, et apparemment cela se voyait bien ! Mais de mon côté je ne l'avais pas ménagée non plus, surtout sur la table de la cuisine.

Alors que j'avais commencé à boire, ma mère dévia la conversation sur les jambes de Neela. J'y jetai un nouveau coup d'œil : effectivement, assise avec sa robe qui remontait donc légèrement, ses bleus étaient bien visibles. Je sentis finalement le regard de mes parents sur moi, notamment celui dégoûté de ma mère, qui s'accompagna d'un : « Non Felix tu ... » J'écarquillai les yeux. Merci la confiance !

« Hey j'ai rien fais moi ! T'inquiète pas, elle a pas besoin de moi pour se faire mal. Elle y arrive touuuute seule. Hein Neela ?»

Je la regardai en souriant. Vu toutes ses gaffes de la soirée, dont le bout de verre dans le pied, elle était très autonome niveau blessures. Pourtant, je n'en revenais pas que ma mère ait pu penser une seule seconde que j'avais frappé Neela. Je n'avais jamais levé la main sur une seule de mes copines, et je n'étais sûrement pas prêt de le faire, encore moins sur Neela. Tout ce que j'étais capable de faire avec elle, c'était l'embrasser et la serrer contre moi. « Bon bon... Et... Alors comment ça s'est passé hier ? » Son regard passa alternativement de Neela à moi. Elle avait horriblement envie de savoir, ça se sentait, comme si j'allais lui annoncer son cadeau d'anniversaire un an à l'avance.

« Maman, arrête de paniquer, je suis en vie non ? Ça s'est bien passé je t'assure. On a parlé, on a mangé, on a été se promener, exactement comme ce qu'on a fait ensemble la semaine dernière. Et... »

J'hésitai à leur parler des petits problèmes avec le père de Neela. Je jetai d'ailleurs un regard à ma princesse, certain qu'elle me comprenait sur ce point et cherchant à savoir si elle pensait bien de dire cela. Après tout, elle n'avait pas parlé des difficultés avec ma mère à ses parents.

Spoiler:

Felix était totalement incapable de faire du mal à une mouche, encore moins à une araignée, alors il ne risquait pas de me faire du mal, je pouvais être sereine par rapport à ça. Je regardais sa mère avec un petit sourire qui se voulait rassurant, jusqu'à ce que Felix se manifeste. « Hey j'ai rien fais moi ! T'inquiète pas, elle a pas besoin de moi pour se faire mal. Elle y arrive touuuute seule. Hein Neela ? » Alors que mon sourire disparut, je me tournai vers Felix qui me regardait avec un petit air malicieux. Bon, c'était vrai, j'étais vraiment très douée pour me faire mal toute seule comme une grande, j'avais même développé un certain talent pour ça. Enfin non, je crois que chez moi, c'était inné. Je plissai les yeux en pinçant les lèvres comme pour chercher à me venger de lui avec classe devant ses parents. Il m'avait cherchée, mais il allait me trouver ! Je repris mon sourire pour m'adresser à ses parents. « Oui et d'ailleurs tant qu'on parle des prouesses de chacun, Felix arrive très bien à monter un escalier en ayant un petit coup dans le nez. A quatre pattes, ça marche mieux. Hein Felix ? » Allez, mange-toi ça ! Je me retenais pour ne pas rire, et affichait à mon tour un petit sourire fier en me tournant vers lui. J'avais encore du mal à le revoir gravir mon escalier éméché et à l'aide de ses deux jambes et deux mains, mais en l'imaginant, j'éclatais de rire toute seule, alors que ses parents étaient complètement neutres, enfin plutôt sur les fesses. Voyant que j'étais la seule dans mon petit délire, et que Felix me lançait un regard menaçant, je fus forcée de reprendre mon sérieux en me raclant la gorge. « Pardon. » J'étais vraiment gênée, d'autant plus que je devais leur envoyer une image un peu étrange de leur fils, et un long silence s'installa entre nous quatre. Sa mère avait dû frôlé l'arrêt cardiaque, mais son père, après avoir mis quelques secondes à réagir, afficha un petit sourire en coin. « Non elle plaisante là ? Felix ? Alors que toute l'attention était focalisée autour de lui, je me tournai finalement moi aussi vers l'intéressé, impatiente de savoir ce qu'il allait répondre à son père. En tout cas, je l'avais mis dans un sacré embarras ! Mais bon, il m'avait cherchée, et il fallait qu'il comprenne que c'était un jeu risqué.

« Maman, arrête de paniquer, je suis en vie non ? Ça s'est bien passé je t'assure. On a parlé, on a mangé, on a été se promener, exactement comme ce qu'on a fait ensemble la semaine dernière. Et... » Maman arrête de paniquer enfin, j'ai juste frôlé le coma éthylique chez Neela, c'est pas grand-chose ! Une horrible envie de rire me reprit, et je repassais toutes les scènes de la journée d'hier dans ma tête, notamment celle où mon père avait cru que Felix s'adressait à lui en affirmant que le nettoyage du sol inondé aurait pu être beaucoup plus excitant dans d'autres circonstances. Toujours est-il qu'il m'interrogea du regard, si bien que je fus un peu prise de court. Je l'interrogeai moi aussi brièvement des yeux histoire de deviner ce que j'étais censée dire, jusqu'à ce que je comprenne et que je me tourne vers ses parents. Oui, complète les mots manquants Neela, en résumé, c'était ce que me demandait Felix. Même si son rapport avec mon père avait été quelque peu houleux au départ, tout s'était bien terminé. Il lui avait admirablement prouvé qu'il était le petit-ami idéal pour moi, le père dont tous les enfants rêvent aujourd'hui pour Carlie, et aussi qu'il avait énormément appris de son erreur d'il y a dix ans. Je préférais donc leur épargner son accrochage avec mon père, quitte à leur mentir carrément, puisque maintenant nous pouvions tous enterrer cette petite mésentente. Même si je savais que mon père resterait encore avec ses doutes et réticences pendant quelques années par rapport à Felix, il m'avait montré qu'il était tout de même prêt à l'accepter. De toute façon, il savait que, prêt ou pas à l'accepter, c'était lui que je voulais, pour la vie, et il ne pourrait jamais rien faire contre ça. Felix était aux petits soins pour nous deux désormais, et au quotidien, il nous rendaient heureuses, tout simplement, alors autant dire qu'il avait largement rattrapé son erreur, du moins selon moi. Je me chargeai alors de compléter sa phrase en mentant un peu, espérant ne pas être trop en décalage par rapport à ce qu'il attendait de moi. « Et … et puis Felix s'est tout de suite très bien entendu avec mes parents, mais je vous rassure l'épisode des escaliers à quatre pattes, c'était bien après. » Oui bon, je m'étais aussi chargée d'y ajouter ma touche personnelle, ça, c'était cadeau. Décidément, sa petite pique m'avait mise d'humeur taquine, et je sentais que je n'étais pas prête de m'arrêter.

Spoiler:

« Oui et d'ailleurs tant qu'on parle des prouesses de chacun, Felix arrive très bien à monter un escalier en ayant un petit coup dans le nez. A quatre pattes, ça marche mieux. Hein Felix ? » J'ouvris légèrement la bouche d'un air choqué en tournant doucement mon regard vers Neela. Alors là... Pour le coup elle m'avait bien rabattu le caquet, je ne savais plus du tout quoi dire sur le moment. D'ailleurs, il y a eut un petit blanc, durant lequel je vis mes parents assez étonnés, notamment ma mère, et qui fut brisé par le rire de Neela. « Non elle plaisante là ? Felix ? » Alors... Si quelqu'un a une idée... ? Je me voyais mal lui dire clairement “oui on s'est enfilé une bouteille de champagne à deux, on était complètement déchirés, du coup on s'est dit que ce serait rigolo de monter l'escalier à quatre patte”. Pourtant, autant mon père avait un petit sourire en coin, mais ma mère me regardait comme si j'avais treize ans et qu'elle venait d'apprendre que j'avais pris la première cuite de ma vie. Non, ce n'était - malheureusement ? - pas la première.

« Euuuh... Non.... Euh... Mais c'était son idée, et elle l'a fait aussi de toute façon, alors... ça va hein. »

Quelle argumentation ! J'étais tellement pitoyable en excuses que j'avais soudainement envie de rire de ma propre bêtise. Je vis ma mère bouger légèrement la bouche, comme si elle cherchait à parler mais que les mots ne venaient pas. Finalement, les sons sortirent : « Mais vous... vous avez bu ? » Non, à peine. Nous étions dans un sale état oui !

« Euh... Juste un peu de champagne. »

Juste une bouteille complète tu veux dire mon pauvre Felix ! Finalement, ma mère revint au sujet principal de cette visite, et ce qu'elle voulait le plus savoir : ma rencontre avec les parents de Neela. Il y eut un petit silence, durant lequel je communiquai avec elle par le regard. Heureusement que nous nous étions découvert cette capacité, cela évitait parfois des mises au point qui paraîtraient étranges dites à l'oral. Sauf qu'elle en avait remis une couche sur nos exploits dans les escaliers. Il fallait que je trouve quelque chose à avouer sur tout ce qu'elle avait fait durant la soirée. Nos petites taquineries habituelles reprenaient le dessus, et la présence de mes parents ne semblaient finalement pas nous déranger plus que cela.

« Tenez, quand je vous disais qu'elle savait se faire mal toute seule : elle a réussi à se planter un bout de verre dans le pied. Elle a fait tomb... »

Tomber le vase en m'attirant contre elle sur la table de la cuisine, comme deux petits sauvages. Bravo. Je m'étais une nouvelle fois mis dans une situation étrange. J'avais parfois l'impression que la poisse de Neela avait quand même fini par me toucher en à peine une semaine de relation. « Tomber ? Tomber quoi ? » Je jetai un petit regard à Neela, cette fois-ci en ne parvenant pas à retenir un petit sourire qui s'afficha au coin de mes lèvres.

« Euuuh... Non.... Euh... Mais c'était son idée, et elle l'a fait aussi de toute façon, alors... ça va hein. » Je lui lançai un regard menaçant en entrouvrant la bouche, prête à répliquer, jusqu'à ce que sa mère prenne la parole. On aurait dit deux enfants en train de se chamailler, rejetant sans cesse la faute sur l'autre. « Mais vous... vous avez bu ? » Alors comment vous dire que ça a été bien plus que ça, qu'on a carrément failli aller à l'hôpital, au point de monter l'escalier à quatre pattes ? La pauvre, elle tremblait presque au niveau de la mâchoire, comme si elle était sous le choc. Elle n'aurait certainement pas survécu en voyant l'état dans lequel était son fils chéri hier soir. Parfois, je trouvais cette femme légèrement excessive sur les bords, un peu comme ma mère en fait, si bien qu'on aurait dit que Felix avait encore dix ans et qu'elle venait de découvrir qu'effectivement, il avait largement atteint l'âge de boire de l'alcool et donc de se prendre une énorme cuite. Certes, avec sa petite-amie c'était un peu bizarre, mais bon, on décompresse comme on peut hein ! « Euh... Juste un peu de champagne. » Juste un peu ? J'eus envie d'éclater de rire, encore une fois, mais je me retins. « Tenez, quand je vous disais qu'elle savait se faire mal toute seule : elle a réussi à se planter un bout de verre dans le pied. Elle a fait tomb... » Je vis Felix me regarder avec un léger sourire en coin. Oui, énième boulette de sa part que j'allais encore devoir rattraper ! « Tomber ? Tomber quoi ? » J'écarquillai légèrement les yeux. Elle semblait absolument vouloir savoir ce que j'avais fait tomber, et il allait falloir que je me débrouille pour lui expliquer ce qui nous était arrivés en lui épargnant l'épisode de la table. « J'ai fait tomber un vase par terre, mais comme on était trop occupés pour nettoyer, j'ai fini par oublier et plus tard j'ai marché sur un bout de verre. Voilà, c'est tout. » Voilà, la routine quoi. Je haussai les épaules comme pour montrer que finalement, ce n'était pas grand chose, et aussi qu'il m'était très facile de nous sortir du pétrin dans lequel Felix venait de nous mettre. Trop occupés pour nettoyer, c'était peu de le dire ! Je jetai à mon tour un petit regard à Felix en souriant, repensant à ce merveilleux moment de folie dans la cuisine, sûrement le plus beau de toute la soirée. « Ah oui, vous avez vraiment la poisse Neela ! » s'exclama son père, apparemment impressionné par ma poisse légendaire. « Euh oui, on me le dit souvent. » répondis-je avec un sourire amusé, quand même un peu gênée qu'il découvre cette facette de ma personnalité. Oui j'étais maladroite, oui j'avais un nuage gris plein de poisse qui me persécutait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, et alors ? « Vous étiez sûrement trop occupés à nous faire un deuxième petit-fils ou une deuxième petite-fille ! » Je levai discrètement les yeux au ciel. Non mais là, ça commençait à devenir sérieusement lourd, d'ailleurs je me rendais bien compte que cela agaçait de plus en plus Felix. J'avais l'impression que les rôles étaient inversés et qu'il était devenu le père. Face à son regard insistant, il se rattrapa bien vite. « Oui j'arrête, j'arrête. Mais tu sais que comme tu es notre seul fils, nous on attend que ça, des petits-enfants. » Ah oui, on avait remarqué ! On se serait cru au Moyen-Age, à l'époque où il fallait absolument donner un hériter à la couronne. Ridicule, d'autant plus qu'il avait déjà Carlie en petite-fille. Je ne me fis pas prier pour le lui rappeler et calmer un peu le jeu. « Mais vous avez déjà Carlie, elle est mignonne, non ? » Je n'osais pas leur faire remarquer que cela faisait plusieurs fois qu'il nous avait demandé un petit-fils ou une petite-fille, parfois pas très habilement, et que nous en avions marre à la longue. Si ce n'était pas le mariage, c'était le bébé ! A croire qu'on ne servait qu'à ça, faire des enfants ! Surtout que je ne comptais pas avoir plus de trois enfants, et que deux, ce serait déjà très bien. « Oui elle est adorable, mais on a pas eu l'occasion de profiter d'elle étant bébé... » Il pinça les lèvres en baissant légèrement les yeux, comme s'il regrettait de ne pas avoir pu connaître Carlie plus tôt. Ça, c'était pas faux, et Felix non plus d'ailleurs. En attendant, ils voulaient à tout prix voir un bébé arriver dans la famille, mais ce n'était pas eux qui allaient devoir supporter les pleurs en pleine nuit, se ramasser de la bouillie, vomi et autres substances gluantes sur la figure, ou encore changer les couches pendant plusieurs années... Bref, j'avais le sentiment qu'ils ne voyaient que les aspects positifs d'une prochaine naissance, et plus du tout les négatifs. Moi, je voyais très bien les deux, et bien que cette idée ne me déplaisait pas, il était clair que ce n'était pas le moment. Nous n'allions tout de même pas concevoir un autre enfant juste pour faire plaisir à nos beaux-parents respectifs ! « On est pas du tout prêts pour ça. » répondis-je finalement, espérant clore enfin cette conversation. « Oui, arrête d'insister. De toute façon, Felix doit se concentrer sur son travail. » Je hochai positivement la tête comme pour appuyer ses propos, quoique bébé ou pas bébé, il devait toujours se concentrer sur son travail.

Après avoir terminé l'apéritif, nous nous dirigeâmes vers la salle à manger, et je pris place en face de Felix. « Mais d'ailleurs, vous ne devriez pas être au travail tous les deux aujourd'hui ? «  Je crois que nous allions encore devoir communiquer par le regard, et d'ailleurs c'est ce que je m'empressai de faire … Mes yeux l'interrogeaient et lui signifiaient clairement : On leur dit qu'on est tellement dingues l'un de l'autre qu'on invente des trucs complètement cons à ton patron pour avoir une semaine tranquille en amoureux ou pas ?

« J'ai fait tomber un vase par terre, mais comme on était trop occupés pour nettoyer, j'ai fini par oublier et plus tard j'ai marché sur un bout de verre. Voilà, c'est tout. » Oui, finalement j'aurais pu tourner ça de cette manière. On ne pouvait pas deviner ce que nous étions en train de faire... Quoiqu'avec le “occupés”, il y avait de quoi se poser des questions. En tout cas, je hochai positivement la tête quand mon père dit à Neela qu'elle avait la poisse. Oh oui ! Un beau gros nuage de poisse à chaque action qu'elle faisait. C'est d'ailleurs à cause de cela qu'elle s'était pris un bout de verre dans le pied, qu'elle avait cassé un œuf sur le mur, qu'elle cuisait cramé, qu'elle avait fait sauter les plombs au sens propre du terme... En y repensant, Neela avait fait tellement de gaffes dans une seule soirée que cela en devenait presque inquiétant... Mais je fus coupé par mon père, qui apparemment n'avait pas eu de mal à trouver le sens caché des propos de Neela. Je lui jetai un regard lourd de sens. Ces insinuations sur les bébés ou le mariage devenaient vraiment insupportables, et j'espérai que nos parents le comprendrait rapidement, sans que nous ayons forcément besoin de leur signifier clairement. « Oui j'arrête, j'arrête. Mais tu sais que comme tu es notre seul fils, nous on attend que ça, des petits-enfants. »

« Ce n'est pas faute de vous avoir demandé un frère ou une sœur... »

Je leur adressai un petit sourire satisfait. S'ils avaient accepté d'avoir un second enfant, Neela et moi aurions peut-être été plus tranquilles au niveau des bébés. Je n'aurais pas été la seule ressource et machine à enfants de la famille. « Oui elle est adorable, mais on a pas eu l'occasion de profiter d'elle étant bébé... » Je grimaçai aussi légèrement. Après tout, c'était de ma faute si ni eux ni moi n'avaient eu l'occasion de connaître Carlie bébé, de pouvoir la prendre dans les bras comme le font tous les parents et grands-parents. Je m'en voulais encore. Je m'en voudrai toujours je crois. En tout cas, je confirmai ce que venait de dire Neela, nous n'étions pas prêts pour ça.

« Je viens de rencontrer Carlie. Je ne pense pas qu'elle voudrait déjà me partager avec un autre enfant, et moi non plus de toute façon. »

Je voulais être là pour elle, rattraper le temps perdu, la connaître et passer le plus de temps possible avec elle. Si un bébé arrivait, je devrais diviser ce temps par deux, voire plus au début, car Carlie pouvait se débrouiller toute seule pour certaines choses, alors qu'un bébé ne le pouvait pas. Nous passâmes à table. Ma mère avait malheureusement réalisé que nous n'étions pas au travail, comme prévu avec nos horaires tardifs. Je communiquai une nouvelle fois du regard avec Neela. Non, il valait mieux ne rien dire.

« Neela est en repos aujourd'hui, et moi j'ai fini ce que j'avais à faire plus tôt que prévu. »

Mon excuse semblait fonctionner. Mon père afficha un sourire en nous regardant.

« C'est que ça travaille dur la jeunesse ! »

Mon esprit traumatisé par sa lubie de bébé voyait bizarrement une autre allusion dans cette phrase... mais je ne dis rien. C'était sûrement moi.

« Je viens de rencontrer Carlie. Je ne pense pas qu'elle voudrait déjà me partager avec un autre enfant, et moi non plus de toute façon. » Finalement, je me disais que nous avions tous les deux exactement le même point de vue sur le sujet, mais je ne comprenais toujours pas pourquoi il avait préféré éviter cette conversation avec moi la veille. Toujours est-il que nous n'étions pas prêts tous les deux à accueillir un deuxième enfant, et que ses parents devraient encore patienter quelques années. C'est vrai que c'était bien envoyé de la part de Felix, après tout ils n'avaient qu'à faire plusieurs enfants eux-aussi pour ne pas avoir à attendre et à compter sur le seul de la famille pour espérer avoir un jour un tas de petits-enfants ! Enfin, apparemment, concernant le prochain bébé, le message était enregistré, mais jusqu'à quand ?

« Neela est en repos aujourd'hui, et moi j'ai fini ce que j'avais à faire plus tôt que prévu. » J'acquiesçai en les regardant tous les deux. Effectivement, il valait mieux  éviter de leur raconter ce qui nous avait pris, ils nous auraient sûrement regardés comme si nous étions deux fous furieux et nous auraient fait la morale comme à deux enfants. « C'est que ça travaille dur la jeunesse ! » Je le regardais avec insistance quelques secondes, essayant de comprendre le sens caché de cette remarque - parce que venant de lui je sentais bien qu'il y en avait encore un - puis tournai mon regard vers Felix en arquant un sourcil. J'avais moi aussi l'impression qu'il voulait insinuer quelque chose, mais comme je n'étais pas sûre de quoi, mieux valait l'ignorer. En tout cas, il y eu un blanc, durant lequel on aurait dit que chacun d'entre nous était en train de comprendre le sens caché de sa blague. Flop total pour beau-papa, qui ne pouvait pourtant pas s'arrêter de sourire, fier de lui malgré tout.

Alors que je continuais de regarder Felix, mes yeux dévièrent sur son épaule, où s'était installée une araignée, assez petite, mais quand même bien noire et avec un abdomen assez important par rapport à la taille de ses pattes. J'écarquillai les yeux en voyant l'affreuse bestiole se diriger droit sur le cou de Felix. Comment le lui faire remarquer sans qu'il frôle l'arrêt cardiaque ? Il fallait que je fasse quelque chose, il fallait que j'agisse, et très vite, mais je ne savais pas quoi faire, craignant de faire peur à Felix. J'avais pensé lui dire de ne surtout pas bouger, que ce n'était pas grave et que j'allais m'en charger, mais à mon avis cette idée était un échec d'avance, connaissant Felix. Immédiatement, j'analysais tout ce qui était sur la table et qui aurait pu m'être utile. Je regardais mon verre d'eau, puis me dis que finalement, ce n'était pas la meilleure des idées. La fourchette ? Euh non plus, le couteau ? encore moins. Ses parents continuaient de parler de tout et de rien, et je faisais mine de les écouter, jetant de temps en temps un œil inquiet sur l'épaule de Felix. Plus les secondes défilaient, et plus je paniquais pour lui, d'ailleurs cela devait se lire sur mon visage, mais son attention était plutôt portée sur ses parents, alors il ne le voyait pas, et heureusement, sinon je pense qu'il aurait sauté au plafond en suivant mon regard. Voyant que l'araignée était sur le point d'atteindre sa peau et qu'aucune idée plus lumineuse ne m'était venue à l'esprit entre temps, je lui lançai pour détourner son attention : « Regarde derrière toi, un kangourou ! » Avant même qu'il n'ai eu le temps de se retourner vers la baie vitrée, je pris mon verre et lui balança l'eau sur la partie gauche de son cou. Ne me demandez pas pourquoi le choix du kangourou, c'était tout ce qui m'était passé par la tête sur le moment. Un réflexe complètement stupide, surtout que l'araignée n'allait pas se noyer avec un verre d'eau... Je la vis dégringoler sur le pantalon de Felix, trempé sur tout un côté de sa chemise et une partie du visage. La catastrophe totale. Ses parents ne comprirent pas tout de suite, et sa mère me dévisageait, choquée. « Non mais vous êtes pas bien ! » Elle allait très vite comprendre, et je n'eus même pas besoin de lui préciser ce qu'il se passait, puisque quelques secondes plus tard, j'entendis Felix crier en découvrant la bête qui parcourait sa cuisse. Je crois que malheureusement ce passage là était inévitable, quoique je fasse, parce que je pense que je serais venue doucement vers lui pour le lui dire calmement, sa réaction aurait été la même, et comme je me voyais mal venir écraser l'araignée avec mon verre sur sa belle chemise … Moi, j'observais la situation, la main plaquée sur la bouche, ayant un peu de mal à découvrir Felix dans cet état, car c'était quand même la première fois que je le retrouvais confronté à sa phobie... Ah, je savais à quoi m'attendre, c'était encore pire que ce que je m'étais imaginée ! J'avais plutôt intérêt à veiller à ce que la maison soit impeccable, et surtout à ce qu'il n'y ai pas de visiteuses de ce genre dans les parages... « Mais c'est rien ça ! » s'exclama son père tout en se baissant pour récupérer dans sa main la petite bête bien velue et bien noire, visiblement toujours vivante. Je croyais qu'il allait l'écraser, mais non, il se leva et s'approcha de Felix, qui était à deux doigts de l'arrêt cardiaque, et blanc comme un cachet d'aspirine. « Regarde comme elle est belle, elle a une petite tâche jaune sur le ventre ! Je comprends pas cette phobie moi... » Euh d'accord, non mais vu sa tête, je crois que ça ne sert strictement à rien d'insister là, et même avec une jolie petite tâche jaune sur le ventre, ce n'est pas ce qui la rendra plus sympathique à ses yeux...

L'excuse du congé pour Neela et du travail terminé plus rapidement que prévu pour moi semblant bien fonctionner, nous avions pu changer de sujet. Enfin presque. Car ma mère semblait toujours vouloir avoir tous les détails de mon après-midi chez les parents de Neela. « Et comment ont réagi ses parents en te voyant ? Parce que c'était la première fois qu'ils te voyaient non ? » Ils ont hurlé en espérant me faire fuir. Non vraiment, si telle avait été leur réaction, je crois que je n'aurais pas pu le cacher à mes parents. Et puis je n'aurais pas été le seul homme sur cette planète a ne pas être apprécié et accepté par ses beaux-parents. En même temps, ma mère venait de me rappeler ma rencontre avec Neela. Nous en avions pourtant reparlé hier soir, mais j'adorais toujours autant y repenser, surtout depuis que j'avais retrouvé mon “canon” et qu'elle passait ses journées avec moi.

« Oui c'était la première fois, vu que l'on s'est rencontrés à New-York et qu'elle était toute seule. Euh sinon ben... Contents je pense... Enfin ils avaient des grands sourires donc je pense que ça devait être ça. »

J'avais à peine terminé ma phrase que j'entendis Neela parler à une vitesse assez folle à côté de moi en me demandant : « Regarde derrière toi, un kangourou ! » Comme un idiot, je m'étais retourné. Comme s'il y allait avoir un kangourou dans la maison, ou même dans la rue. Je n'eus même pas le temps de réagir que je sentis de l'eau m'atterrir dans le visage, puis dégouliner le long de mon cou. J'étais une nouvelle fois bien trempé, en tout cas sur le côté de ma chemise. Je gardai un instant les yeux fermés, le temps de réaliser, puis me tournai vers Neela d'un air accusateur. Pourquoi elle a fait ça franchement ? Entre le verre d'eau et le shampooing, elle adorait me voir avec des trucs dans les yeux aujourd'hui ! « Non mais vous êtes pas bien ! »  Non effectivement, je ne sais pas ce qu'elle a aujourd'hui à m'envoyer des liquides dans la figure. Sauf qu'en me tournant vers elle, je vis quelque chose tomber sur ma cuisse. Je posai donc mon regard dessus... et me levai brutalement en criant, faisant grincer la chaise sur le carrelage. Comme par instinct de survie, je pris ma fourchette et enlevai rapidement l'araignée avec le manche. Elle se retrouva sur le sol, tandis que je faisais un pas en arrière, et elle continua pourtant à avancer un peu vers moi. Mais qu'est-ce que je lui ai fais ? Pourquoi elle ne va pas voir quelqu'un d'autre ? À force de reculer, je finis par me retrouver contre Neela. Et bien tant pis, elle reculerait avec moi ! Heureusement, mon père s'approcha de l'araignée et... et la prit dans ses mains. Je frissonnai rien qu'à l'idée qu'il touche cette chose horrible et pleine de pattes et de poils. Je crois que dans la minute qui va suivre, je vais faire une crise cardiaque... Surtout que mon père s'approcha de moi avec cette chose dans les mains et me la montra, bien en évidence, alors qu'elle était en train de grimper sur ses doigts pour essayer de s'échapper. J'essayai de reculer un peu plus, sauf qu'il y avait Neela, contre laquelle j'étais maintenant bien collé, qui ne paraissait pas vouloir bouger.

« Bouge ce truc !! Non sérieusement papa, recule, je m'en fous qu'elle ait une tache jaune, tant mieux pour elle ! Aaaah mais recule elle va sauter !!! »

Voyant ma tête, probablement déconfite et proche du malaise, ma mère réussit à convaincre mon père d'arrêter de me taquiner et de reculer. Il s'en alla mettre l'araignée dehors. Bon débarras ! En attendant, j'étais toujours collé contre Neela. Je la regardai avec un petit sourire. Bon, on se calme...

« Ta tactique a raté, mais merci quand même. »

Je réalisai petit à petit l'image qu'elle avait du avoir de moi. C'était tellement phobique que j'avais tendance à ne plus me contrôler, à me foutre complètement de ce qui pouvait se passer autour de moi et de la réaction des gens tant que l'araignée était toujours là. J'embrassai Neela sur la joue. Maintenant que je comprenais le verre d'eau, je n'avais plus de raison de lui en vouloir, au contraire. Ma mère aussi apparemment. Elle ne fusillait plus Neela du regard. Nous nous étions finalement tous rassis à table, moi en faisant très attention où je mettais les jambes et en inspectant mes vêtements pour être sûr qu'il n'y ait pas d'autre araignée.

« Tu voulais savoir ce que ça me faisais hier, tu as vu là je crois ? »

Je ris légèrement. C'était encore un rire un peu nerveux, mais je finis par me calmer petit à petit. Finalement, elle aussi remise de ses émotions, ma mère partit dans la cuisine et revint avec les premières assiettes de la soirée.

Spoiler:

Plus Felix criait, plus l'araignée se dirigeait vers lui, comme si ses cris l'attiraient. Mais heureusement, ou plutôt malheureusement, son père l'attrapa dans sa main pour nous la montrer de plus près. Terrorisé, il reculait à mesure que la bête s'approchait de son visage, si bien que je fus plaquée contre le mur, Felix collé à moi pendant un bon moment, du moins le temps que son père arrête son petit jeu sadique. « Bouge ce truc !! Non sérieusement papa, recule, je m'en fous qu'elle ait une tache jaune, tant mieux pour elle ! Aaaah mais recule elle va sauter !!! » Je n'avais pas pu m'empêcher de rire en écoutant sa réaction complètement disproportionnée. Parce que c'était quand même bien comique de le voir s'agiter pour si peu. Sauter ? Une araignée ? Je ne sais pas si on avait affaire à une araignée sauteuse, mais à mon avis, il criait tellement que la pauvre devait être plus terrorisée que lui, alors je crois qu'elle était bien loin de se jeter sur son visage. Jamais je n'avais vu quelqu'un être aussi effrayé par une aussi petite chose. Certes, une pas très jolie chose, mais apparemment, ma technique 'ce n'est pas la petite bête qui va manger la grosse' n'y arrangeait rien, surtout qu'on avait déjà du lui dire plusieurs fois pour le rassurer par le passé, mais rien à faire, c'était bel et bien une phobie qui n'était pas prête de le lâcher. Il était le premier homme que je connaissais à avoir une peur aussi tétanisante des araignées, mais c'était pour cela que je l'aimais. Parce qu'il était lui-même, qu'il se démarquait des autres et qu'il avait ce genre de petites faiblesses qui me faisaient littéralement craquer. Je sentais bien qu'une nuit j'allais le découvrir en sueur, après un cauchemar dans lequel il aurait vu une énorme mygale courir sur son bras ... En tout cas, je ne pouvais pas plus reculer, j'étais déjà au maximum, contre le mur, et Felix m'écrasait sans s'en rendre vraiment compte.  

« Ta tactique a raté, mais merci quand même. » Je souris quand même lorsqu'il embrassa ma joue. Il m'avait bien fait rire, j'aurais presque voulu dénicher une autre araignée juste pour avoir le plaisir d'observer une nouvelle fois sa réaction. Malgré tout, je m'en voulais de lui avoir balancé ce verre d'eau en pleine figure, alors que finalement ça n'avait pas servi à grand chose. « Je veux pas être pessimiste mais je pense que n'importe quelle tactique aurait raté là … » Parce que tôt ou tard il aurait fini par voir la bête et se mettre dans cet état. Je savais à quoi m'en tenir maintenant en tout cas... Nous nous rassîmes à table après que le père de Felix ai remis l'araignée dehors, et qui devait d'ailleurs être aussi traumatisée que lui. Tout le monde reprit alors doucement ses esprits, et le visage de belle-maman se radoucit un peu. Oui ma réaction avait été un peu étrange, mais elle avait été justifiée. « Tu voulais savoir ce que ça me faisais hier, tu as vu là je crois ? » Je le vis rire nerveusement, ce qui me provoqua un fou rire. Effectivement, j'avais bien vu, et c'était une catastrophe. Je me repassais la scène dans la tête, et franchement, entre maintenant et il y a à peine une minute, j'avais l'impression de voir deux personnes différentes. Felix avait repris un peu de couleurs, affichait une mine plus détendue, souriait même, bref, il avait l'air clairement plus à l'aise. Une fois remis de nos émotions - enfin  à moitié pour moi -, sa mère apparut avec les assiettes, et nous commençâmes alors à manger tranquillement. « Et vos parents acceptent bien cette relation ? » Un silence assez gênant s'installa, tandis que j'avalai difficilement, en la regardant étrangement, sourcils froncés. C'était quoi cette question ? Et surtout, c'était quoi cet air méfiant qui trainait sur son visage ? On aurait dit qu'elle voulait absolument que je lui réponde par la négative pour la rassurer sur le fait qu'ils pensent la même chose qu'elle à notre sujet. Dommage pour elle, ce n'était pas le cas, ou du moins pas vraiment. Mon père avait encore un peu de mal, mais il allait pleinement l'accepter avec le temps, et ma mère, quant à elle, était très heureuse pour nous, au point qu'elle voulait déjà nous voir fiancés ! En tout cas, j'étais affreusement mal à l'aise. « Euh … oui oui, bien sûr. Ah l'ambiance s'était quand même bien retendue en deux minutes ! Mon envie de rire m'était bel et bien passée. Mais je la voyais venir, et elle n'allait pas encore venir tout gâcher avec ses questions louches voire blessantes. Je choisis donc de rentrer dans son jeu pour comprendre le fond de sa pensée. « Pourquoi ils ne l'accepteraient pas ? » Oui, pourquoi ils ne l'accepteraient pas ? Elle avait l'air d'en avoir fortement envie en tout cas. Parce qu'avec ce ton là, c'était ce que je comprenais.

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Nous avions réussi à revenir à table et à commencer à manger tranquillement, en tout cas plus tranquillement qu'il y a quelques minutes à cause de cette fichue araignée. C'est dingue comme je pouvais détester ces bestioles... C'est poilu, c'est plein de pattes, c'est moche, ça va trop vite pour les attraper, ça pique... Ça n'a franchement rien pour plaire. Enfin je me disais que la situation s'était calmée... c'était sans compter sur ma mère. « Et vos parents acceptent bien cette relation ? »  Je relevai doucement mon regard de mon assiette pour le poser sur Neela. Vraiment, si ma mère n'avait pas été ma mère, je n'aurais pas hésité à lui rabattre le caquet. Mais je ne pouvais pas me permettre ça... Et pourtant je détestai voir Neela confrontée à ce genre de situation assez gênante. On aurait dit que c'était la première rencontre et que ma mère avait encore besoin de la tester. 

« Euh … oui oui, bien sûr. Pourquoi ils ne l'accepteraient pas ? » Parce que ma mère ne voulait pas qu'ils l'acceptent peut-être ? Je n'eus même pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle répondit : « Peut-être qu'ils en veulent à Felix de vous avoir laissée ? » Je posai assez bruyamment mes couverts sur mon assiette. Non là elle va trop loin ! Pourquoi tout le monde a besoin de me rappeler cela ? Oui, c'était ce que j'ai fais de pire dans ma vie, mais c'est du passé maintenant. Je n'avais qu'une envie : que tout le monde nous laisse tranquilles avec cette histoire.

« Merci maman, on a compris là je crois. Tout s'est bien passé, je t'assure. »

D'autant plus que je m'étais déjà pris une assez grosse soufflante de la part de mes parents lorsque j'avais du leur annoncer l'existence de “Carlie, ma fille de... de dix ans”. Je crois que j'avais assez eu de reproches de leur part sur ce point... Et le pire, c'est que ma mère avait raison. C'était la raison pour laquelle le père de Neela avait eu beaucoup de mal avec moi lors des premières heures de notre rencontre. Heureusement, tout s'était arrangé. Peut-être pas à cent pour cent, mais c'était un bon début. « Le principal c'est que ça se soit bien passé. Ils ne l'ont pas mis à la porte en moins de deux ? » Je souris légèrement. Mon père avait toujours le mot pour détendre l'atmosphère. Comme si j'avais fais le gamin bruyant et insolent devant les parents de Neela ! J'aurais pu devant les parents de mon pire ennemi, mais pas devant les siens. Surtout pas devant les siens. Au contraire, je voulais qu'ils m'acceptent dès le départ, car je n'étais pas prêt de laisser leur fille une seconde fois.

« On a même eu le droit à un gâteau typique mariage. »

Mon sourire s'était transformé en rire en regardant Neela, tandis que je repensai au gâteau que sa mère avait préparé pour le dessert. Oui, un vrai gâteau de mariage !

Spoiler:

« Peut-être qu'ils en veulent à Felix de vous avoir laissée ? » Je sursautai légèrement en entendant Felix poser bruyamment ses couverts pour montrer son énervement. J'en avais franchement ras le bol moi aussi que tout le monde remue le couteau dans la plaie à la moindre de nos visites. J'avais l'impression qu'elle voulait que l'on se sépare, mais là, elle se mettait le doigt dans l'œil. Elle pouvait même toujours rêver. Mais avant que je ne lui réponde pour la remettre à sa place, son mari prit la parole. « Le principal c'est que ça se soit bien passé. Ils ne l'ont pas mis à la porte en moins de deux ? » Il me faisait rire. Ah non, quand même pas ! Après tout ils l'avaient invité, alors le mettre à la porte n'aurait pas été très logique de leur part. Encore une fois, beau-papa venait apaiser la tension en jouant la carte de l'humour. En plus, il avait entièrement raison, et pour le coup belle-maman s'en prenait plein la figure, car nous étions tous les trois contre elle. Peut-être qu'à force, elle comprendrait que cela ne sert à rien de continuer de me mettre mal à l'aise. De nous mettre mal à l'aise. « On a même eu le droit à un gâteau typique mariage. » Je ris doucement en regardant Felix, et d'ailleurs heureusement que lui et son père s'efforçaient de détendre un peu l'atmosphère, parce qu'avec une femme comme elle, il y avait de quoi faire une dépression. Je revoyais très bien l'allure du gâteau, sa taille impressionnante et ses décorations complètement kitch. Mais apparemment, cela n'avait pas l'air de plaire à sa mère, qui prit un air étonné. « Ah oui ? A ce point ? Moi ce sera une tarte aux pommes. » D'accord. Pour résumé, ma mère était ravie pour nous au point de vouloir nous voir mariés, la sienne, pas du tout, mais au point de vouloir nous voir séparés. Non pas que j'aurais voulu qu'elle nous prépare elle aussi un gâteau digne d'un grand mariage, mais j'avais comme l'impression que derrière cette remarque glaciale, elle voulait nous faire passer un message. Ou peut-être que je me faisais juste des idées. Je ne savais pas ce qui lui prenait, ce qu'elle avait à vouloir toujours tout gâcher, à tout faire pour tendre l'atmosphère. Elle m'exaspérait, mais j'avais vite compris qu'il valait mieux l'ignorer que de persister à rentrer dans son jeu. Si mon père avait un peu du mal avec Felix, elle, c'était encore pire avec moi. J'avais beau faire mes preuves en tant que petite-amie correcte, elle n'avait pas l'air prête à voir son fils s'en aller. C'est fou ce qu'elle pouvait être bornée !

« Et Carlie n'est pas venue ? » Voilà une question pertinente venant de belle-maman, bien plus que la précédente en tout cas. « Non, elle est chez mes parents. » répondis-je en souriant. « Oh j'espère que je ne l'ai pas traumatisée la dernière fois en la menaçant de la jeter à l'eau ? » demanda t-il d'un air faussement inquiet avec un petit sourire. Je le revoyais courir à fond la caisse derrière elle pour lui faire peur, ce qui avait parfaitement fonctionné. Non, cela ne l'avait pas plus perturbée que ça, surtout quand elle avait vu ses parents tomber à l'eau ensemble deux secondes après ! « Ah non non elle s'en est vite remis ne vous en faites pas ! » Même si ma fille était un peu rancunière sur les bords, elle aimait quand même beaucoup s'amuser, et ce petit moment en famille lui avait fait beaucoup de bien, je l'avais senti. C'était quand même la première fois qu'elle rencontrait les parents de Felix, et dès que nous étions tous ensemble réunis, qui plus est à la plage, Carlie était aux anges. Depuis qu'elle avait retrouvé Felix et ses nouveaux grands-parents, la famille, c'était sacré. « D'ailleurs il faudra qu'on se refasse une après-midi à la plage tous les cinq, non ? » Je lançai un petit regard à Felix histoire d'obtenir son avis, mais visiblement tout le monde avait l'air d'accord. J'avais vraiment adoré cette journée, malgré mon petit accrochage avec la baby-sitter – ou plutôt l'ex baby-sitter – de Carlie et son espèce de tas de muscles. « Oh oui, mais cette fois Neela, il faudra porter autre chose qu'une robe blanche je crois ... » Je les entendis rire, tandis que je lançai un regard accusateur mais tout de même gentil à Felix. Oui, tout ça, c'était de sa faute, s'il ne m'avait pas entrainée dans sa chute en perdant l'équilibre, ma robe ne serait pas devenue transparente ! En tout cas apparemment, ce passage avait marqué tout le monde ! Même Carlie n'avait pas arrêté de me narguer avec ça durant toute la semaine. Pour me rattraper, je déclarais en ne lâchant pas Felix du regard. « Mais de toute façon Felix sait ce qui l'attend si il trempe encore ma robe ... » J'affichais un sourire coquin en repensant à la tête qu'il avait fait sur le coup. Une bonne douche d'eau salée oui, c'était ce qui l'attendait ! C'était simple, il me mettait à l'eau, et je lui essorais tous mes vêtements trempés dessus comme si de rien n'était … de quoi le dissuader de trop jouer avec moi à la mer.

Spoiler:

« Ah oui ? A ce point ? Moi ce sera une tarte aux pommes. » Voilà, ça c'est fait. Je regardai Neela en levant les yeux au ciel et en souriant sans que ma mère ne le voit. Apparemment, Neela avait compris qu'il valait mieux l'ignorer lorsqu'elle faisait des remarques de ce genre, ou bien s'arranger pour que mon père la remette à sa place. C'était le seul dans cette pièce qui pouvait lui exprimer plus ou moins franchement ce qu'il pensait sans trop se faire envoyer sur les roses. Pour Neela, cela aurait empiré son cas. Pour moi, elle m'aurait trouvé insolent et irrespectueux, et “on ne t'a pas élevé comme ça”. Ma mère s'en alla quelques instants dans la cuisine et revint avec le plat principal, déposant les assiettes devant chacun d'entre nous. Non, Carlie n'avait pas eu l'air trop traumatisée par cet épisode de la plage ! Elle m'avait même paru assez heureuse d'avoir rencontré ses grands parents et en avait parlé pendant quelques jours. Encore une fois, c'est ma mère qui lui avait le moins parlé. D'accord c'était difficile pour elle de se retrouver grand-mère du jour au lendemain, mais mon père l'avait accepté sans trop de difficultés, et puis c'était surtout pour moi que ça devait être difficile. C'est moi qui me retrouvait avec une fille de dix ans à élever avec Neela, pas elle. Même si aujourd'hui j'avais pleinement conscience que ce n'était que du bonheur !

 « D'ailleurs il faudra qu'on se refasse une après-midi à la plage tous les cinq, non ? » Je hochai la tête en souriant. Bien sûr que j'étais pour ! J'avais toujours adoré les après-midis en famille, alors si en plus il y avait ma propre famille, celle que j'avais commencé à construire depuis à peine quelques semaines, j'étais encore plus partant. « Oh oui, mais cette fois Neela, il faudra porter autre chose qu'une robe blanche je crois ... » Je ne pus m'empêcher de rire légèrement. Mais bizarrement, j'avais également le souvenir de la robe de Neela hier soir, dans la piscine. En tout cas, je réalisai bien vite que mon père ne s'était pas gêné pour jeter un petit œil masculin à Neela à la plage... Je n'eus pas le temps de lui dire quelque chose que Neela m'adressa une petite mise en garde. « Mais de toute façon Felix sait ce qui l'attend si il trempe encore ma robe ... »  J'affichai une petite mine choquée avant de sourire.

« Mais de toute façon Neela sait ce qui l'attend si elle essaie encore de me tartiner de crème fraîche... »

Autrement dit, la piscine ! Nous avions finalement le même genre d'armes pour nous défendre : l'eau. Au moins, nous ne nous faisions pas mal - quoi que j'étais censé avoir un traumatisme crânien pour m'être cogné contre le rebord de la piscine - et puis la vue de Neela avait sa robe blanche trempée et moulante me satisfaisait parfaitement. Face au regard de Neela, et aussi celui de mes parents, mon sourire s'agrandit.

« Bah quoi ? Je ne fais qu'appliquer les conseils de ton père, je m'impose. Et puis si tu n'avais eu de piscine, tu ne m'aurais pas donné l'idée. »

C'était presque la faute de la piscine. Ou de Neela d'avoir construit cette piscine. Mais elle allait sûrement nous permettre de passer de bons moments avec Carlie. « Mais qu'est-ce que vous avez fait hier soir tous les deux ? Depuis tout à l'heure, vous nous parlez d'alcool, de piscine, d'escaliers, de crème fraîche, de vase cassé... » Oh mais rien papa, on a juste fait les gamins le temps d'une soirée ! Je retins un petit rire en regardant Neela. On peut dire que nous nous amusions bien tous les deux, comme deux enfants. Et encore, ils n'étaient pas au courant des œufs cassés, du certificat médical, et de nos nombreux exploits personnels.

« Rien, rien... »

C'était tout ce que j'avais trouvé à répondre, et mon sourire trahissait clairement ma réponse. Au contraire, il s'était passé beaucoup de choses, et j'avais hâte de recommencer ce genre de soirée en amoureux avec Neela... enfin peut-être sans la bouteille entière de champagne, et sans les blessures en tous genres.

« Mais de toute façon Neela sait ce qui l'attend si elle essaie encore de me tartiner de crème fraîche... » J'ouvris la bouche d'un air ébahi. Euh ouais, mais il oubliait qu'avant ça, il m'avait clairement fait comprendre que j'étais totalement incapable de porter des œufs sans qu'ils finissent éclatés par terre. Bon, il avait eu raison, j'en avais éclaté un mais contre le mur, il fallait le faire d'accord, mais toujours est-il que je n'avais pas voulu me laisser marcher dessus. En tout cas, j'aurais pu regretter de ne pas avoir fermé les rideaux pour lui cacher cette fabuleuse piscine, mais ce n'était pas le cas. Nous n'aurions jamais vécu ce petit moment amoureux dans l'eau si je l'avais fait, nous n'aurions jamais pu nous embrasser sous l'eau comme dans les films. Finalement, tout s'était enchaîné merveilleusement bien, et je n'étais pas prête d'oublier cette soirée, tout comme la précédente d'ailleurs. Ses parents nous regardaient tour à tour comme s'ils assistaient à un match de tennis. J'avais voulu rétorquer que j'allais prendre un grand plaisir à recommencer la tartine et le léchage de crème sur son visage, peu importe la punition qu'il m'infligerait, sauf que ce n'était pas vraiment approprié là. De toute façon, je n'eus pas du tout le temps de répliquer quoi que ce soit que Felix réagit en découvrant ma mine choquée. « Bah quoi ? Je ne fais qu'appliquer les conseils de ton père, je m'impose. Et puis si tu n'avais eu de piscine, tu ne m'aurais pas donné l'idée. » Ma bouche s'entrouvrit davantage. J'avais l'air vraiment très intelligente pour le coup. Il se moquait de moi là, franchement ? C'était donc la faute de la piscine maintenant ! Ou de mon père, aussi. Il n'était pas non plus obligé de l'écouter ! « Fais gaffe, je serais capable de retourner le jardin pour retrouver cette araignée et te la jeter sur le cou... » Je le regardais d'un air de défi en arquant un sourcil avec un petit sourire, tandis que ses parents avaient l'air étonnés. Ça, c'était la menace de la mort qui tue ! Mais avant qu'il n'ai eu le temps de me renvoyer la balle, son père nous interrogea. « Mais qu'est-ce que vous avez fait hier soir tous les deux ? Depuis tout à l'heure, vous nous parlez d'alcool, de piscine, d'escaliers, de crème fraîche, de vase cassé... » Je ne savais pas où me mettre... Qu'est-ce qu'on a fait hier soir ? Tellement de choses, malheureusement je ne m'en rappelais que de la moitié. Ou plutôt heureusement en fait, parce que je me serais souvenue de mon état après ma cuite au champagne, notamment de mon hoquet persistant qui interrompait chacune de mes phrases, je pense que j'aurais été morte de honte devant Felix. Et encore, s'il n'y avait eu que ça... « Rien, rien... » Ah oui, il était vachement crédible avec ce genre de sourire qui signifiait plutôt clairement 'oula, pleins de trucs si tu savais comme on s'est éclatés' … « Ouais, c'est ça ! » Son père n'avait pas l'air très convaincu, évidemment, et arborait un petit sourire qui voulait tout dire. Il avait très bien compris ce qui s'était passé hier, ou du moins il s'en était fait une petite idée. En tout cas, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire moi aussi en repensant à toutes les bêtises qu'on avait fait en quelques heures. De vrais gamins ! Je crois que Carlie tenait son côté clown de nous deux en réalité. Cependant, c'était dans ces moments là que je regrettais encore énormément de ne pas l'avoir rappelé il y a dix ans. Si je l'avais fait, ou s'il était resté, nous aurions davantage eu le temps de profiter l'un de l'autre, de faire les fous comme hier, sans être empêchés par le travail ou notre rôle de parents, bref, de vivre notre vie de jeune couple. Mais nous ne pouvions nous en prendre qu'à nous-mêmes si cela n'avait pas pu se produire. Pourtant, même en ayant grillé une énorme étape, j'étais on ne peut plus heureuse, et tout ce que je voulais maintenant, c'était savourer ce bonheur avec les deux amours de ma vie. Enfin, comme d'habitude, la situation ne nous faisait rire que tous les trois. De nouveau, le caractère de cochon de la mère de Felix revenait au galop. « Et Carlie dans tout ça ? N'oubliez pas que vous avez vos responsabilités de parents quand même, vous devez lui montrer l'exemple. » Mon sourire s'éclipsa aussitôt. Je rêvais ou elle était en train de nous faire la morale là ? Cette femme oubliait que nous n'avions plus quinze ans, mais bien trente, et surtout que j'avais su élever ma fille seule pendant dix ans. « Carlie a dormi chez une copine hier, et je pense qu'il n'y a pas de mal à s'amuser pour décompresser de temps en temps, même en tant que parents. » J'étais froide, parce qu'elle m'énervait sérieusement. Cela faisait plusieurs fois qu'elle me lançait des petites piques, et j'avais de plus en plus de mal à les encaisser sans rien dire. Là, j'avais la forte impression qu'elle remettait en cause mon rôle de mère, tout comme le rôle de père de son fils, et je ne pouvais pas laisser passer ça. Je trouvais que nous nous en sortions bien pour l'instant avec Carlie, et elle n'avait pas à se mêler de ça.

Une fois le plat principal terminé, j'aidais la mère de Felix à débarrasser et ramener les assiettes dans la cuisine, en tant que belle-fille modèle. Quand nous nous retrouvions toutes les deux dans cette pièce, c'était mal barré en général. Je reposais volontairement les assiettes un peu bruyamment sur le plan de travail. « Vous croyez qu'on est incapables d'élever Carlie c'est ça ? Qu'on a besoin de vos leçons de morale ? » Elle ne s'était probablement pas attendue à ce que je la coince, mais elle allait trop loin, et comme la méthode douce ne marchait plus, j'employais les grands moyens. « Je peux savoir quel est votre problème exactement avec moi ? Qu'est-ce que je vous ai fait ? Non parce que j'avais cru entendre le mot 'efforts' la dernière fois, mais j'ai du mal comprendre... »

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