« Fais gaffe, je serais capable de retourner le jardin pour retrouver cette araignée et te la jeter sur le cou... » J'affichai à mon tour une petite mine choquée. Un zéro pour Neela ! Je crois bien que sur ce coup là, elle avait trouvé la menace parfaite pour que j'arrête de la taquiner. Je préférai mille fois me retrouver trempé après qu'elle m'ait essoré sa robe sur la tête plutôt que de revoir cette chose pleine de pattes. En tout cas, mon père croyait peu à une soirée toute sage et calme entre nous. Et il avait bien raison ! Si un jour il était possible que nous ayons une soirée calme, c'est sûrement car nous serions grippés et au fond de notre lit. Mais, comme d'habitude, ma mère avait le don de tout gâcher et de faire disparaître la bonne humeur qui régnait autour de cette table. « Et Carlie dans tout ça ? N'oubliez pas que vous avez vos responsabilités de parents quand même, vous devez lui montrer l'exemple. »  Je hochai la tête à la réponse de Neela. Ma mère ferait bien de se défouler le temps d'une soirée, ça lui éviterait peut-être de passer ses nerfs sur Neela...

« On n'est pas irresponsables maman. Si Carlie avait été là, on aurait passé la soirée avec elle et, même s'il y avait des trucs inévitables, comme l'œuf sur le mur par exemple, on aurait sûrement pas passé la même soirée. »

J'adressai un petit sourire à Neela. Tiens ! Encore une allusion à notre folle soirée ! Avec ou sans Carlie, l'œuf aurait forcément fini sa course sur le mur de la cuisine. Et puis heureusement que nous n'aurions pas eu la même soirée si notre fille avait été là. La pauvre aurait été traumatisée de voir ses parents au bord de l'asphyxie dans une piscine, grimper sur une table comme deux sauvages et se bourrer la tête à coup de champagne. Finalement, Neela aida ma mère à débarrasser. J'imaginais que la situation s'était soudainement calmée entre elles... Mais je déchantai en voyant la porte de la cuisine se refermer derrière leur passage.

« Ouuuh ça sent mauvais ça... »

J'approuvai du regard. Nous restâmes donc dans le silence avec mon père, écoutant ce qui se passait dans la cuisine car, malgré la porte fermée, nous arrivions à entendre à peu près ce que les filles se disaient. « Je peux savoir quel est votre problème exactement avec moi ? Qu'est-ce que je vous ai fait ? Non parce que j'avais cru entendre le mot 'efforts' la dernière fois, mais j'ai du mal comprendre... » Dans ma tête, je priais pour que Neela arrête de s'énerver. Ce n'était pas forcément le bon moyen avec ma mère. « Le seul problème que j'ai c'est que vous avez couché avec un mineur, c'est-à-dire mon fils, et que ça n'a pas l'air de vous gêner plus que ça. Ah non j'en ai un autre aussi... Mais je ne sais pas vraiment ce que je dois penser... Est-ce que je dois aussi vous en vouloir de ne jamais lui avoir dit qu'il avait une fille, ou au contraire de lui avoir imposé sans qu'il ait vraiment le choix ? »

Je jetai un petit regard à mon père, lui aussi inquiet. Ça risquait de dégénérer. Et en plus, j'avais envie de débarquer dans la cuisine pour contredire tout ce que ma mère venait de dire. Oui j'étais mineur, mais Neela ne le savait pas, je lui ai menti sur mon âge. Elle avait toutes les raisons de m'en vouloir et de ne pas me rappeler, j'étais parti comme un voleur en lui laissant seulement un pauvre numéro de téléphone griffonné sur un tout petit bout de papier arraché. Et elle ne m'avait pas imposé Carlie. Ça c'était hors de question. Elle ne pouvait pas dire ça. Si j'avais vraiment pensé qu'elle me l'avait imposée, alors j'aurais sûrement refusé de la connaître et d'aller plus loin avec Neela. Finalement, je me levai, prêt à entrer dans la cuisine, mais mon père me rattrapa par le poignet en me faisant signe d'attendre encore un peu le reste de la conversation.

Spoiler:

Elle referma la porte de la cuisine derrière nous, et là, je compris que nous allions rester dans cette pièce un bon moment. Felix et son père allaient devoir prendre leur mal en patience avant l'arrivée de la fameuse tarte aux pommes. De toute façon, je pense qu'ils allaient avoir de l'occupation plutôt intéressante en attendant le dessert : écouter notre conversation. J'avais attaqué la première, parce que je voulais lui faire comprendre que ses insinuations étranges au sujet de notre couple ou de notre rôle de parents ne pouvaient plus continuer. Pour le coup, je préférais largement les insinuations douteuses de mon père ou de celui de Felix, elles étaient lourdes mais quand même beaucoup plus sympathiques à entendre. Je lui demandais donc enfin quel était son problème avec moi, espérant mettre fin à notre différend. Ouais, j'avais beaucoup d'espoir, parce que la situation paraissait complètement bloquée. « Le seul problème que j'ai c'est que vous avez couché avec un mineur, c'est-à-dire mon fils, et que ça n'a pas l'air de vous gêner plus que ça. Ah non j'en ai un autre aussi... Mais je ne sais pas vraiment ce que je dois penser... Est-ce que je dois aussi vous en vouloir de ne jamais lui avoir dit qu'il avait une fille, ou au contraire de lui avoir imposé sans qu'il ait vraiment le choix ? » Choquée par ce que j'entendais, j'ouvris de grands yeux avant de lui lancer un regard noir. Bon sang, elle remettait ce sujet sur le tapis, c'en était trop. J'avais l'impression qu'elle ne comprenait rien, que se mettre à ma place trente secondes était au-dessus de ses forces, et qu'elle ne pensait qu'à son fils chéri. Certes il était mineur, mais l'essentiel était que je n'étais pas au courant, et qu'à l'époque il faisait bien plus que son âge. J'aurais été au courant qu'il n'avait que dix-sept ans et non pas vingt-et-un, j'aurais compris ce genre de reproche, même si dix ans après, il me semblait qu'il y avait prescription quand même … mais là, elle n'avait pas à m'accuser pour ça. C'était injustifié. « Je n'étais pas au courant qu'il était mineur, il m'a menti ! Il y a dix ans que ça s'est passé, vous allez encore me rappeler cette histoire pendant combien de temps ? Jusqu'à ce que Felix et moi on se sépare ? C'est ce que vous attendez, vous en rêvez je le sais ! » Je m'emportais un peu, mais d'un côté, ça me faisait du bien de lui dire tout ça. Au moins, elle connaissait le fond de ma pensée, et je me sentais soulagée. J'espérais au moins qu'elle prendrait conscience du mal qu'elle me faisait. Je posais instinctivement une main sur ma poitrine en écoutant la suite de son explication. Elle m'accusait encore très clairement là, comme si j'étais la seule et unique fautive, la seule responsable de ma grossesse. C'était vraiment n'importe quoi, et je n'hésitai pas à hausser un peu la voix tellement ce qu'elle disait était ridicule. Encore une fois, je ne me fis pas prier pour lui mettre les points sur les i. « Imposé ? Je lui ai imposé sa fille ? Mais à ce que je sache, un enfant ça se conçoit à deux, je n'étais pas la seule responsable de cette grossesse, et Felix était parfaitement consentant. Si je ne lui ai rien dit toutes ces années c'est parce que je lui en voulais de m'avoir laissée, mais on est tous les deux fautifs dans l'histoire. Vous devriez plutôt vous réjouir qu'aujourd'hui tout soit rentré dans l'ordre... Il n'y a qu'à voir le visage de Felix quand il passe du temps avec sa fille pour comprendre que je ne lui ai rien imposé du tout. » Quel débit de parole ! Impressionnant. D'ailleurs je crois bien que je lui avais cloué le bec pour de bon là, vu sa tête. Mais je voyais tout notre entourage se réjouir pour nous, de nos belles retrouvailles, de notre vie heureuse avec Carlie, et elle, elle avait l'air de tout vouloir foutre en l'air. Pourquoi tant de haine ? tant de méchanceté ? Je ne comprenais pas. J'étais fatiguée et déçue de son attitude avec moi. « Eh bien … eh bien oui j'aimerais mieux vous voir séparés. Vous n'êtes pas faite pour mon fils, et après cette histoire je pense que vous n'avez plus rien à faire avec lui. » Je me recevais une nouvelle fois une claque monumentale. Je fronçai les sourcils en ayant un léger mouvement de recul, comme si je me prenais réellement une claque. De sa bouche, ces mots étaient vraiment douloureux, d'autant plus que je faisais tout pour lui plaire. Je sentais une colère monstre monter en moi, me donnant la sensation que j'allais littéralement exploser. Là, je prenais vraiment sur moi pour ne pas lui écraser sa tarte aux pommes en pleine figure. Comment pouvait-elle se permettre de me dire ça ? Elle n'en savait rien, et au contraire, je pense que j'avais tout à faire avec Felix, étant quand même la mère de sa fille. M'efforçant de ne pas éclater, je me contentai de prendre un ton glacial. « Désolée de vous décevoir mais ce n'est pas au programme. Je suis la mère de son enfant, je pense que vous allez devoir me supporter encore longtemps. » Nous séparer ? ça ne sera sûrement jamais au programme même, enfin je l'espérais vraiment.  En étant la mère de sa petite-fille, elle pouvait au moins faire l'effort d'être aimable avec moi... mais non, elle en était incapable apparemment. A force, je doutais sérieusement que l'entente puisse un jour s'installer entre nous, parce qu'en démarrant sur des bases comme celles-là, ça avait l'air foutu d'avance.

Spoiler:

« Je n'étais pas au courant qu'il était mineur, il m'a menti ! Il y a dix ans que ça s'est passé, vous allez encore me rappeler cette histoire pendant combien de temps ? Jusqu'à ce que Felix et moi on se sépare ? C'est ce que vous attendez, vous en rêvez je le sais ! » Il fallait qu'elle se calme... Je connaissais ma mère, je savais que ce que Neela était en train de faire actuellement la provoquait plus qu'autre chose... Et cela allait mal finir. Je grimaçai légèrement en l'entendant dire que je lui avais menti. C'était la vérité après tout, mais entendre Neela dire ça me rappelait que j'avais fais une erreur de plus cette nuit là. Quoi que si je ne lui avais pas menti, nous n'aurions sûrement jamais partagé cette nuit magique. Ma grimace se transforma en sourire lorsqu'elle parla de ma relation avec Carlie. Oh oui, maintenant que je la connaissais, je voulais passer le plus de temps possible avec elle, et chaque minute était un pur bonheur ! Je vis soudainement mon père qui me regardait changer d'expression toutes les deux minutes et lui fis un simple signe lui signifiant de ne pas y faire attention. J'étais juste en train de revivre mon passé d'il y a dix ans par le biais de cette mini dispute entre Neela et ma mère.

Pourtant, mon sourire s'en alla comme il était venu à la réponse de ma mère. « Eh bien … eh bien oui j'aimerais mieux vous voir séparés. Vous n'êtes pas faite pour mon fils, et après cette histoire je pense que vous n'avez plus rien à faire avec lui. » J'ouvris légèrement la bouche d'un air choqué. Alors là... Même dans ma tête, alors que ce n'était pas moi qui était confronté à cette phrase, je ne savais plus quoi dire. Elle avait réussi à me clouer le bec à distance, et à mon père aussi apparemment, puisqu'il avait la même tête que moi. Je ne savais même plus quoi penser. Elle n'avait quand même pas osé dire ça... J'ai dû rêver... Elle n'a pas pu aller si loin, et en plus le dire ouvertement à Neela. Resté debout depuis que mon père m'avait arrêté dans mon élan pour entrer dans la cuisine, il ne chercha pas à me retenir cette fois. Elle avait été trop loin, beaucoup trop loin. Je n'écoutai même plus leur conversation, j'entendais juste quelques voix assez énervées. J'ouvris la porte de la cuisine et tombais juste sur la fin de la réponse de Neela. « ... vous allez devoir me supporter encore longtemps. » Ça c'était certain ! Bizarrement, à mon arrivée, leur discussion s'était arrêtée. Je regardai juste ma mère, avec un regard lourd de sens, sans rien dire. Elle avait très bien compris que j'avais tout entendu, et que ce qu'elle avait dit ne m'avait pas plu du tout. Finalement, je me décidai à parler.

« Remarque numéro une. Toi qui nous a dit il y a quoi... trois minutes ? Qu'on avait des responsabilités de parents, tu trouves qu'avoir des parents séparés, ce serait l'idéal pour Carlie ? Remarque numéro deux. Elle te l'a dit, je lui ai menti sur mon âge ; elle ne voulait plus me voir parce que j'étais parti comme un voleur en lui laissant un enfant en prime, enfant qu'elle a dû élever seule par la même occasion. Remarque numéro trois et conclusion : Neela est une bonne mère, elle ne m'a pas imposé Carlie, et je n'ai pas l'intention de la quitter parce que tu n'arrives pas à mettre tes préjugés de côté. Si tu dois engueuler quelqu'un, c'est moi. C'est moi qui ai joué à l'abruti il y a dix ans, et on n'en serait pas là si j'étais resté. Mais tu m'as déjà engueulé. Donc il n'y a plus besoin de le faire. »

J'avais parlé tellement vite que j'en étais essoufflé. Je détestai parler comme ça à ma mère... J'avais l'impression de lui manquer de respect. Mais là, je ne pouvais pas faire autrement, c'était elle qui avait manqué de respect à Neela en allant même jusqu'à vouloir la virer. Je regardai rapidement Neela, attendant une réaction d'une des deux, même si j'espérai qu'elle viendrait avant tout de ma mère.

Spoiler:

J'avais entendu la porte de la cuisine s'ouvrir, mais ne m'étais pas interrompue pour autant, allant jusqu'au bout de ce que j'avais à dire. De toute façon, je savais déjà que Felix et son père avaient du nous entendre du salon, n'ayant perçu aucun bruit venant d'eux depuis que j'avais entamé cette conversation. A la fin de ma phrase, sa mère et moi nous tournions vers Felix qui paraissait quand même bien remonté. Je ne l'avais jamais vu regarder sa mère de cette façon, mais il était clair que là, elle avait dépassé les bornes. Qu'elle ne me porte pas dans son cœur, d'accord, mais elle n'avait pas le droit de s'opposer au bonheur de son fils. Il bouillonnait de l'intérieur, et le connaissant, je savais qu'il allait lui déballer le fond de sa pensée. « Remarque numéro une. Toi qui nous a dit il y a quoi... trois minutes ? Qu'on avait des responsabilités de parents, tu trouves qu'avoir des parents séparés, ce serait l'idéal pour Carlie ? Remarque numéro deux. Elle te l'a dit, je lui ai menti sur mon âge ; elle ne voulait plus me voir parce que j'étais parti comme un voleur en lui laissant un enfant en prime, enfant qu'elle a dû élever seule par la même occasion. Remarque numéro trois et conclusion : Neela est une bonne mère, elle ne m'a pas imposé Carlie, et je n'ai pas l'intention de la quitter parce que tu n'arrives pas à mettre tes préjugés de côté. Si tu dois engueuler quelqu'un, c'est moi. C'est moi qui ai joué à l'abruti il y a dix ans, et on n'en serait pas là si j'étais resté. Mais tu m'as déjà engueulé. Donc il n'y a plus besoin de le faire. » J'avais presque envie d'applaudir ce magnifique discours, et d'un autre côté, un petit sourire amusé s'était dessiné sur mon visage en entendant la façon dont il avait amené ses arguments. On aurait dit un avocat en pleine plaidoirie. Mise-à-part ça, j'étais restée tout du long les yeux baissés en l'écoutant attentivement, parce que j'avais pensé que fixer sa mère, qui plus est avec le sourire, aurait été de la pure provocation. Je relevais finalement le regard pour observer sa réaction qui ne se fit pas attendre. « Mais … mais de toute façon, tout le monde est contre moi ici ! Je suis l'affreuse belle-mère ! » Mon sourire s'éclipsa bien vite. S'apitoyer sur son sort, jouer à la victime, c'était ça sa réponse ? Je haussais les sourcils, étonnée de cette réaction, puis lançai un regard à Felix. Je crois qu'elle n'avait pas tout bien compris de ce que venait de lui dire son fils, mais pour le coup, si elle continuait de se comporter comme ça, elle allait finir par devenir cette affreuse belle-mère dont elle parlait. Pour ma part, je ne la considérais pas du tout comme telle, malgré toutes les crasses qu'elle pouvait me faire. Elle était avant tout une mère qui n'avait eu qu'un seul enfant et qui désirait par-dessus tout le garder pour elle. Je pense que cette femme avait tout simplement du mal à accepter que son fils vole aujourd'hui de ses propres ailes, qu'il soit capable de prendre ses responsabilités, d'aimer une autre femme qu'elle et d'avoir une vie de famille à lui. Alors elle cherchait la petite bête chez moi pour le convaincre à tout prix de s'éloigner de moi, maladroitement, mais elle avait l'air de ne pas pouvoir se l'en empêcher. Ce qu'elle semblait oublier, c'était que son fils l'aimait, qu'elle resterait toujours pour lui la première femme de sa vie, mais que là, son comportement devait le décevoir. En tout cas, la voir réagir comme ça me faisait mal au cœur, parce que c'était en partie ma faute. C'était moi qui avait lancé cette conversation, c'était à cause de moi qu'elle s'était mise dans cet état. Le problème c'était que j'avais du mal à garder les choses pour moi, à continuer de faire comme si tout allait bien avec elle alors que je savais que ce n'était pas le cas, qu'elle avait quelque chose contre moi, et depuis le début. « Personne n'est contre vous, c'est plutôt moi qui devrait avoir cette impression, vu votre façon de me parler, de toujours vouloir tout gâcher. Vous croyez que mes parents n'avaient pas plus de raisons que vous avec moi d'en vouloir à Felix ? Il est parti en me laissant un enfant à élever toute seule, et il revient dix ans après ... Mettez-vous à leur place trente secondes. Pourtant, ils l'acceptent bien plus que vous ne m'acceptez moi. » J'étais restée assez calme et douce pour une fois, parce que Felix était là et que je ne voulais pas non plus engendrer tout un scandale. C'est vrai, ils avaient eu plus de raisons qu'elle d'en vouloir à Felix. Moi, j'étais fautive dans le sens où je n'avais pas su détecter son mensonge par rapport à son âge, où j'étais trop éméchée pour avoir l'idée de me protéger et où je ne l'avais pas rappelé pendant ces dix années. Les erreurs de Felix avaient été plus importantes quand même. Il m'avait menti sur son âge, m'avait fait un enfant en étant parfaitement conscient, et était parti en me laissant me débrouiller seule avec tout ça. Je souhaitais simplement lui faire comprendre qu'il était grand temps pour elle de mettre de l'eau dans son vin. Évoquer une nouvelle fois l'erreur de Felix me faisait mal, et je savais que cela remuait aussi le couteau dans sa plaie. Pourtant, j'en avais besoin pour prouver à sa mère que mes parents, eux, faisaient abstraction de ce qui s'était passé il y a dix ans – du moins ma mère, elle, y était complètement parvenue -, ils acceptaient Felix comme s'il avait toujours été dans la famille, ce qui était un peu le cas en plus. « Qu'est-ce que j'avais dit ? C'est exactement ça, je suis l'affreuse belle-mère ! » Dépassée par la façon dont elle avait de faire semblant de ne pas comprendre ce que je lui disais, je poussai un soupir et pris la tarte aux pommes qui était sur la table pour l'amener enfin dans le salon, et rejoindre beau-papa Moorgate.

« Mais … mais de toute façon, tout le monde est contre moi ici ! Je suis l'affreuse belle-mère ! »  Je ne répondis rien pendant un moment. Ça y est... L'affreuse belle-mère ! Ma mère avait parfois tendance à en faire trop. Elle n'était pas l'affreuse belle-mère, déjà car si elle était bien belle-mère, elle n'était pas affreuse ; et ensuite car c'était simplement son caractère borné qui refaisait surface. Je devais le tenir d'elle. Et là, elle refusait de comprendre que j'aimais Neela, plus que tout, et que si jamais il arrivait que nous nous séparions, je n'allais sûrement pas partager son bonheur. Elle devrait bien vite revenir à la réalité et me ramasser à la petite cuillère. « Personne n'est contre vous, c'est plutôt moi qui devrait avoir cette impression, vu votre façon de me parler, de toujours vouloir tout gâcher. Vous croyez que mes parents n'avaient pas plus de raisons que vous avec moi d'en vouloir à Felix ? Il est parti en me laissant un enfant à élever toute seule, et il revient dix ans après ... Mettez-vous à leur place trente secondes. Pourtant, ils l'acceptent bien plus que vous ne m'acceptez moi. » Je regardai la réaction de ma mère. Neela avait réussi à se calmer, et je trouvais ses arguments plutôt convaincants. Après tout, ses parents auraient pu immédiatement me hurler dessus et me mettre à la porte en me voyant, en m'insultant de tous les noms. Mais, bien que cela avait été compliqué avec son père, nous avions finalement bien terminé l'après-midi avec une petite promenade.

 « Qu'est-ce que j'avais dit ? C'est exactement ça, je suis l'affreuse belle-mère ! » C'est pas vrai... J'entendis Neela soupirer, puis prendre la tarte aux pommes et retourner avec mon père dans la salle à manger. Après un petit moment de silence, j'affichai un petit sourire en regardant ma mère. Elle, me regarda avec un air interrogatif. Oui c'est vrai que le sourire n'était pas vraiment approprié à la situation, mais j'étais en train de me dire que rien ne pourrait nous séparer Neela et moi. Je m'approchai de ma mère pour la prendre dans mes bras. Sa plus grande inquiétude, et la raison pour laquelle elle n'arrivait pas à accepter Neela, était à coup sûr qu'elle avait peur de me voir m'éloigner d'elle. Alors qu'elle n'avait aucune raison de s'inquiéter. Si je tenais énormément à Neela, et maintenant à Carlie, ce n'est pas pour autant qu'il n'y aurait plus de place pour mes parents.

« Maman arrête, et fais-moi confiance. Fais lui confiance aussi par la même occasion. »

Je lui souris puis repartis avec elle dans la salle à manger. Elle s'était un peu calmée durant le dessert. Cependant, elle l'avait fait aussi la fois dernière, et leur relation était revenue au point de départ aujourd'hui. Vers vingt-deux heures, Neela et moi étions repartis vers la voiture, puis vers la maison de ma princesse, dans laquelle j'avais bien l'intention de profiter de ma semaine de “congé maladie dû à mon traumatisme crânien”. Une semaine complète avec Neela et Carlie, c'était presque un rêve éveillé.

FIN